C’est l’excitant chemin de la découverte qu’empruntent la plupart des visiteurs de l’exposition organisée au Musée d’Orsay jusqu’au 3 février, tant la peinture du suisse Ferdinand Hodler (1853-1918) est restée dans l’ombre depuis près d’un siècle.
Un de ses tableaux, pourtant, lui a valu en 1890-1891 le scandale à Genève et la consécration à Paris : La Nuit, monumentale toile horizontale et sans couleur, dont la composition symétrique place un homme nu assailli par une silhouette couverte d’un voile noir, évocation de la mort, au milieu de six personnages, deux couples, un homme et une femme, également allongés mais eux endormis dans une cruelle indifférence.
Quelques années plus tard, en 1904, Hodler est l’invité d’honneur du Salon de la Sécession à Vienne : l’exposition laisse la conviction qu’il avait effectivement toute sa place dans l’avant-garde européenne du tournant du XXème siècle.
Le parcours met l’accent sur la personnalité mystique du peintre, lisible dans ses grands tableaux symbolistes, géométriquement composés et mettant en scène de grands corps nus qui se déploient dans une nature irréelle et magnifiée. Postures d’offrandes sur ces "îles" vert émeraude au milieu des cieux : on approche de près la dimension cosmique.
Mais l’ode à la nature est infiniment plus fine dans ses paysages, de toute beauté.
Dès les deux premiers, l’on voit bien que ce paysagiste-là n’était pas comme les autres. Voici le Bois des Frères (1885) : qu’est-ce donc que ce bois ? Ces branches fines et sinueuses, mortes mais pleines d’élan, décoratives et poétiques, dans un paysage d’hiver dont la lumière n’est pas celle de l’hiver ? Celui d’à côté, L’Avalanche (1887) fascine tout autant, avec sa neige épaisse, non pas simplement éclairée, mais saturée d’une lumière qui happe littéralement le regard.
Ils ne sont que la mise en bouche, si l’on peut dire, de la longue série de paysages qui se succèdent sans lasser jamais, tant ils expriment le regard amoureux que le peintre portait à la nature.
L’épure des compositions, faites de nuages, d’eau et de montagnes n’exclut pas l’onirisme, tel celui de l’écrin de brume qui entoure le Niesen vu de Heutrich comme une parure qui s’écarte doucement pour dévoiler la majestueuse montagne.
La stylisation, japonisante et poétique, frôle parfois l’abstraction.
Les bleus extraordinaires, de l’indigo au bleuet, harmonisés à des verts mousse tendres évoquent un sentiment de sérénité que la rigueur des lignes simples renforce.
Mais Ferdinand Hodler était également un saisissant portraitiste. Difficile de détourner les yeux de ses autoportraits où il nous interpelle de son regard pénétrant, mystérieux et interrogateur.
Malgré la mise en valeur de la peau, livide, orange vif, voire parfois presque fluorescente, c’est sur les mains, très présentes et longues à l’excès comme chez Schiele, et sur les yeux que Hodler s’attarde pour traduire avec force l’expression de ses personnages. Cette intensité atteindra son apogée avec la série de tableaux dit Le cycle de Valentine, témoignage vibrant de l’agonie de sa compagne malade.
Ferdinand Hodler. Musée d’Orsay
Musée d’Orsay
Jusqu’au 3 février 2008
TLJ sf le lun. de 9 h 30 à 18 h, le jeu. jusqu’à 21 h 45
Entrée 8 € (TR : 5,50 €)
Catalogue Ferdinand Hodler 1853-1918, collectif, sous la direction de Serge Lemoine et Sylvie Patry (Musée d’Orsay / Réunion des musées nationaux), 45 €
Image : Ferdinand Hodler Autoportrait© Musée d’Art et d’Histoire / photo Bettina Jacquot-Descombes