Dieu est né en exil. Vintila Horia

Drôle d’aventure pour le Goncourt 1960 : attribué, il n’a pas été décerné. C’est qu’on a découvert que son auteur, Vintila Horia, après un passé de militant fasciste, avait été condamné dans son pays d’origine, la Roumanie. Réfugié après 1945 en France puis en Espagne il connaît bien la condition d’exilé qui est le thème de son roman écrit dans un impeccable français.

L’auteur, à partir des écrits du poète Ovide, imagine la tenue d’un journal de ce Romain banni par l’empereur Auguste en l’an 9. Exilé à Tomes, dans l’actuelle Roumanie, Ovide commence à ne penser qu’au retour à Rome. Mais au bout des huit ans de relégation, son état d’esprit a beaucoup évolué, car il a appris à connaître les « barbares » du lieu, les Gètes, et est prêt à abandonner le polythéisme romain pour la nouvelle religion émergente, le christianisme.

Nous suivons année après année cette évolution, qui passe par l’abandon de la vie urbaine qu’il a connue et l’évocation de sa jeunesse, dans une atmosphère de douce mélancolie : « Le soir était calme, il faisait encore chaud, les feuilles des oliviers se renversaient doucement dans la brise en faisant voir leur ventre argenté, comme de petits poissons dans une eau limpide ».

Ovide devient de plus en plus critique vis-à-vis de l’impérialisme romain : « Les Romains faisaient avancer partout les limites de l’empire, à force de couper des têtes et d’implanter des lois, sans se douter que la terre n’avait pas de fin et que leur entreprise demandait autant d’hommes que tous les autres hommes de l’espace à conquérir ». Il observe comment certains peuples gardent une bonne part de leur culture : « Notre civilisation a sans doute ses avantages et les Gètes savent en profiter. Ils tolèrent la présence des Grecs qui ont su les apprivoiser, en faisant de leurs villes des centres commerciaux florissants où les Gètes viennent changer leurs produits ».

C’est par rapport à la religion que le changement dans les valeurs d’Ovide est le plus manifeste. Grâce à des rencontres qui l’ont marqué, comme avec sa servante Dokia, ou avec le médecin Grec Théodore, il est séduit par le monothéisme. Théodore raconte : « Comment pouvais-je croire encore à Zeus, l’adultère, le criminel, le jouisseur, l’inverti, quand, devant mes yeux, à Alexandrie, j’apprenais que Dieu était un seul, quoique sa substance était triple ? Connaissez-vous cette doctrine ? Elle est d’une grande beauté ».

Peut-être Vintila Horia a-t-il pris des libertés avec l’Histoire, mais son roman n’en reste pas moins très agréable à lire.

Andreossi

Dieu est né en exil. Vintila Horia

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De Goupil à Margot, Louis Pergaud

Les histoires de bêtes de Louis Pergaud (prix Goncourt 1910) ne sont pas des fables. Il nous conte la vie des animaux dans leur cadre naturel, confrontés à leurs semblables ou aux humains, dans un monde où règne la sauvagerie, à peu près la même qui a fait perdre la vie à Pergaud à Verdun, en 1915.

Si les animaux restent des animaux dans les caractères mêmes de leur espèce, ils sont spécifiés par un nom propre, comme les humains, et la description de leurs coutumes, de leur habitat, est précise, dans un style qui séduit le lecteur dès les premières lignes du livre : « C’était un soir de printemps, un soir tiède de mars que rien ne distinguait des autres, un soir de pleine lune et de grand vent qui maintenait dans leur prison de gomme, sous la menace d’une gelée possible, les bourgeons hésitants ».

La violence vient parfois des congénères, ainsi pour le lièvre Roussard, émasculé par les jeunes lapins, ou bien par les autres espèces, comme Rana qui se fait avaler par la couleuvre, mais qui en ressort grâce à la buse géante capturant à son tour le serpent. Etonnant est le récit du viol de la taupe Nyctalette : « En un bond il est sur elle ; il la tient ; il lui serre entre ses petites dents la peau du cou moite de sueur, et tandis qu’elle jette aux sombres échos des souterrains des appels désespérés, un sexe barbelé, comme une épée de feu, lui perfore les flancs pour le viol, le viol éternel et sombre que toutes les Nyctalettes subissent quand les sèves montantes ont enfiévré dans leur veines le sang ardent des mâles féroces aux sexes cruels, par qui se perpétue l’œuvre auguste des maternités douloureuses ».

Mais l’homme n’est pas le moindre des ennemis cruels. Le renard Goupil en fait l’expérience qui se voit affublé d’un grelot comme un chien, et se voit ainsi évité de toute la société animale. Aussi la pie Margot, capturée, mise en cage, dont on coupe les ailes, que l’on s’amuse à faire boire du vin, puis de l’alcool jusqu’à ce qu’elle en meure. L’homme apparaît plus bête que méchant dans un rapport à la nature fait de toute puissance, aveugle à ses méfaits : « Au loin, grandissant par degré, énorme, monstrueux, l’humain approche, vingt fois plus haut que Margot, masse horrible, fantastique, dont les pas ébranlent le sol qui s’écrase en mottelettes, et font sur son passage destructeur un large sillon sombre entre les berges rutilantes des diamants évanescents de rosée, scintillant aux doigts fluets des herbes rases du gazon dégarni ».

Andreossi

De Goupil à Margot, Louis Pergaud

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Anselm Kiefer, l’alchimie du livre

anselm_kiefer_nigredoAlors que le Centre Pompidou propose jusqu’au 18 avril une large exposition consacrée à Anselm Kiefer, la Bibliothèque nationale de France organise la première rétrospective relative aux livres du célèbre artiste allemand, installé en France depuis 1993.

Il faut faire vite pour aller la voir, car elle se termine le 7 février. Or, elle est fondamentale pour mieux comprendre l’œuvre de cet immense artiste contemporain, qui avait fait l’objet de la première édition de Monumenta en 2007.

Le livre constitue en effet pour le peintre et plasticien né en 1945 à la fois la source d’inspiration et le travail premier. Même s’il les expose peu, et est bien davantage connu pour ses tableaux et ses sculptures, les livres constituent « la base » de ses productions. C’est par des livres qu’il a commencé à créer, à la fin des années 1960, et il n’a depuis jamais cessé d’en réaliser. Oeuvre autonome ou intégrée à certaines de ses installations et peintures, le livre est omniprésent. Il l’est aussi dans toute sa création en tant que source d’inspiration. Artiste de la littérature et de la mémoire, il puise dans les mythes antiques, l’Ancien Testament, les philosophes, les historiens, les poètes.

anselm_kiefer_nigredo_detailL’exposition de la BNF met magnifiquement en évidence la force du livre chez Anselm Kiefer. L’artiste lui-même en a conçu la scénographie. Elle est très convaincante : on pénètre dans le vaste espace comme dans une basilique. En entrant, tout de suite à droite, un immense tableau (La clairière) et, tout au fond, en vis-à-vis, un autre tout aussi monumental (Le livre) lui répond, placé comme un tableau d’autel. Un livre de plomb ouvert y est accroché, surplombant un paysage maritime, le tout à couper le souffle. Sur le premier tableau, en revanche, les livres qui y sont suspendus sont brûlés… mais l’œuvre, pour enfermante quelle soit avec son paysage de forêt, laisse surgir l’espoir par la lueur d’une clairière scintillante.

Entre ces deux extrémités, dans les « chapelles » sur les côtés, sont d’abord installés deux cabinets de lecture, où l’on découvre les premiers livres d’Anselm Kieffer, qui étaient encore de papier, avec des collages photographiques ; puis des ouvrages récents, où l’on voit des livres de plomb intégrant toutes sortes de matériaux (terre, paille, plantes séchées, bois calcinés, cheveux…).

anselm_kiefer_cabinet_de_lectureY sont ensuite exposées d’époustouflantes sculptures, telles Nigredo (où livres de plomb et chaises de jardin pliées sont superposées et surplombées d’une balance), La vie secrète des plantes (représentation céleste), Sappho, Praxilla et Erinna (femmes en robes d’époque dont les têtes sont des livres), La brisure des vases (bibliothèque de plomb et de verre), Le Rhin (livre monumental ouvert), …

Au milieu, dans « la nef », de nombreux livres, notamment des années 1990 et 2000. Les femmes, la littérature, l’Histoire y occupent une place de choix : Les femmes de la Révolution de Jules Michelet, Les reines de France, Les filles de Lilith, Les femmes des Ruines, ainsi que des dessins en hommage aux dessins érotiques d’Auguste Rodin ; mais aussi les poètes, en particulier Paul Celan (Le champ du Cèdre, évocation des camps de concentration).

anselm_kiefer_le_livreMais Anselm Kiefer n’est pas uniquement l’artiste qui a interrogé la mémoire allemande et la possibilité de créer après l’Holocauste. Il est celui qui embrasse l’Histoire de manière plus universelle, convoquant les éléments (la terre, les végétaux, la mer, les étoiles), les croyances, les savoirs et la littérature. Il sèche, brûle, rouille, brise et montre les ruines, rappelant les destructions passées et les menaces actuelles. Mais dans le même temps, il sauve des traces, transforme, réactive l’espoir et montre la profondeur de la mémoire, l’immensité du monde et la persistance folle de l’écrit.

L’alchimie du livre, Anselm Kiefer

Bibliothèque nationale de France

Site François mitterrand

Mardi – samedi de 10h à 19h
Dimanche de 13h à 19h (fermeture des caisses à 18h)

Entrée 9 €, tarif réduit : 7 €

Jusqu’au 7 février 2016

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Le nouveau Musée Rodin à Paris

Le nouveau parcours dans l'hôtel Biron restauré
Le nouveau parcours dans l’hôtel Biron restauré

Après plus de trois ans de travaux, qui l’ont consolidé et embelli de fond en comble sous la direction de Richard Duplat, architecte en chef des Monuments historiques, l’hôtel Biron, qui abrite le Musée Rodin à Paris (1) depuis 1919 a rouvert ses portes le 12 novembre dernier. C’est une grande réussite, dans le sens où tout a été pensé pour mettre en valeur les œuvres, mais aussi pour permettre au visiteur de mieux comprendre le travail de l’artiste.

L’hôtel particulier du XVIII° siècle, où Auguste Rodin (1840-1917) prit ses quartiers à partir de 1908 et jusqu’à sa mort, a été magnifiquement restauré. Il en avait grand besoin ; ses planchers ployaient sous le poids des bronzes et des marbres, mais aussi des quelques 700 000 visiteurs (dont 80 % de touristes étrangers) qui s’y précipitent chaque année.

Edvard Munch (1863 -1944), Le Penseur de Rodin dans le parc du docteur Linde à Lübeck, vers 1907, Huile sur toile, H. 22 cm ; L. 78 cm
Edvard Munch (1863 -1944), Le Penseur de Rodin dans le parc du docteur Linde à Lübeck, vers 1907, Huile sur toile, H. 22 cm ; L. 78 cm

Les parquets « Versailles » qui le pouvaient ont été remis en état, les autres remplacés. Les plafonds et moulures ont subi le même sort. Mais le plus spectaculaire – si l’on peut dire, car on réalité on l’oublie très vite, tant elle sied à l’ensemble – est la réfection des murs. Le blanc a cédé la place à des taupes, gris et verts assourdis qui permettent de faire ressortir tant le blanc des marbres et des plâtres que les reflets des bronzes. Le mobilier aussi se fait discret : des socles en chêne, des vitrines sans arrêtes visibles et même, le plus souvent, pas de vitrine du tout. On circule autour des sculptures à loisir, à la lumière naturelle grâce aux grandes fenêtres qui donnent sur le parc. Un éclairage artificiel high tech à l’intensité et à la température variables sur mesure, grâce à des spots réglables individuellement et à distance selon l’heure et la saison, donne à chaque œuvre des conditions de visibilité optimales. Enfin, la sécurité et l’accessibilité (accès à l’étage par ascenseur pour les personnes à mobilité réduite) ont été mises aux normes d’aujourd’hui. Le tout pour une enveloppe de 16 millions d’euros, dont la moitié provient de l’Etat et le reste financé sur fonds propres, notamment grâce aux ventes de tirages de bronzes, dans la limite du nombre de fontes prévues par le sculpteur.

Auguste Rodin (1840 -1917), La Danaïde, 1889, marbre, H. 36 cm ; L. 71 cm ; P. 53 cm
Auguste Rodin (1840 -1917), La Danaïde, 1889, marbre, H. 36 cm ; L. 71 cm ; P. 53 cm

Les 1 200 m² d’espaces d’exposition déploient désormais un parcours continu articulé en 18 salles présentant près de 600 œuvres. (2) La progression est à la fois chronologique et thématique. La visite commence donc avec la formation de l’artiste pour s’achever, de façon plus inattendue, avec des peintures modernes, en particulier Le Penseur de Rodin de Munch, l’un des deux seuls tableaux du peintre norvégien conservés à Paris (l’autre est au Musée d’Orsay). Il faut dire que pour mieux présenter le processus créatif du sculpteur, Catherine Chevillot, la directrice du Musée, a fait le choix de montrer également des œuvres de la collection personnelle de Rodin. Elles traduisent ses sources de réflexion et d’inspiration, ses goûts, ses amitiés. Du reste, il les exposait dans ce même hôtel Biron, à côté de ses propres créations. Ainsi on admire, entourant les sculptures du maître, aussi bien des tableaux de choix (de Van Gogh, Monet, Carrière…) et des fragments d’Antiques romains que des antiquités orientales ou même une Vierge à l’Enfant du Moyen-Age. Une galerie expose aussi, par roulement, des dessins de l’artiste (une passion du sculpteur dont on a déjà parlé ici, mais aussi ) et des photographies. Enfin, comme auparavant, la grande Camille Claudel bénéficie d’une salle dédiée, avec en son centre L’Age mûr, mais aussi Les Causeuses, La Vague..

S’agissant des sculptures de l’auguste Rodin, les plus remarquables sont bien sûr réunies, de L’Age d’Arain à L’Homme qui marche, en passant par son Saint Jean-Baptiste, La Danaïde, La Porte de l’Enfer (dont Le Baiser en marbre au centre de la pièce), les études pour Les Bourgeois de Calais, Balzac, le Monument à Victor Hugo… Impossible de citer tous ces chefs d’œuvres, désormais plus beaux et passionnants que jamais, grâce à un travail de mise en valeur tout en intelligence et délicatesse.

Musée Rodin

77 rue de Varenne, 75007 Paris – Tél. 01 44 18 61 10

TLJ sauf le lundi, de 10h à 17h45, nocturne le mercredi jsq 20h45

Le musée Rodin est fermé les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre.
Fermeture anticipée les 24 et 31 décembre à 16h45

Entrée 10 €

 

(1) L’autre Musée Rodin est située à Meudon (Hauts-de-Seine), également atelier et lieu d’exposition du vivant du sculpteur.

(2) Pour mémoire, le fonds du musée compte plus de 30 000 pièces, dont 6 775 sculptures, presque autant d’Antiques collectionnés par l’artiste, 9 000 dessins et estampes, 11 000 photographies…

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Piero Fornasetti : la Folie pratique. Musée des Arts décoratifs

arts_deco_fornasettiDes meubles, des assiettes, des porte-parapluies, des plateaux, des foulards, des paravents, des papiers peints… vous verrez tout cela, et mille encore, dans le nef du musée des Arts décoratifs à Paris où, jusqu’au 14 juin 2015 est présentée la première rétrospective consacrée à Piero Fornasetti en France.

Né en 1913, mort en 1988, le Milanais Piero Fornasetti fut un immense designer et décorateur du XX° siècle, inclassable et reconnaissable entre tous. La plus célèbre de ses créations est une série d’assiettes sur lesquelles s’étale en noir et blanc et en gros plan un visage rond et féminin : celui de la soprano Lina Cavalieri, qu’il a décliné en quelques 350 versions.

Si ce motif est typique du style de Fornasetti – l’imprimé, le noir et blanc -, il est loin de le résumer. La grande salle exclusivement dédiée aux plateaux dans l’exposition est à cet égard emblématique de la variété de ses motifs : architecture, fleurs, feuillages, couverts, oiseaux, poissons, serpents, instruments de musique, personnages de carnaval ou de troubadours issus de gravures anciennes… Tout y passe, le créateur – qui était tout à la fois dessinateur, imprimeur, sculpteur – semblait trouver l’inspiration aussi bien dans les sujets nobles (reliefs de l’Antiquité romaine, dessins d’architectures de Palladio, figures mythologiques…) que dans les plus triviaux (voir le foulard quadrillé de canes, qui fait ressembler l’ensemble à une tuyauterie géométrique…).

Il collectionnait avec soin les motifs trouvés dans les livres, catalogues etc. , les retravaillait et enfin tentait tout ce qu’il est possible de faire en matière d’imprimés et de supports (papier, céramique, verre, cuivre, textile). Habile autant avec le noir et blanc que les couleurs, qu’il choisissait fort belles (vert presque émeraude, rouge amarante, turquoise, beige or…), il savait faire claquer un point de rouge sur du noir et blanc, l’or sur le blanc, les bouquets multicolores sur fond noir.

como-palladianaThèmes, couleurs, motifs eux-mêmes, à plein de moments on pense à la Renaissance italienne. Pour autant, Fornasetti appartient aussi à son siècle. Il n’y a qu’à voir les meubles qu’il a décorés, dessinés par Gio Ponti, avec qui il commença à collaborer dès le début des années 1950. Inspirés du modernisme, ils présentent des formes épurées et légères, une certaine simplicité. Mais évidemment, l’omniprésence du motif ne place pas ces magnifiques cabinets et commodes dans la droite ligne moderniste du XX° qui a plutôt cherché à éliminé le décor au profit de la fonction.

Loin de cette austérité-là, les pièces de décor, les assiettes, les foulards de Fornasetti nous emmènent au contraire dans un univers où règnent le trompe-l’oeil, la fantaisie et l’imagination. La mise en scène de l’exposition à Paris (présentée à Milan en 2013) met merveilleusement en relief cette richesse créative, cette audace, ce goût du jeu, de l’érudition et du beau. Même le petit film, qui n’explique rien mais montre tout sur un rythme trépidant, est une réussite. Quant à la dernière salle, elle montre que Barnaba Fornasetti veille à perpétuer l’œuvre de son auguste père. Il a mille fois raisons, tant ce patrimoine-là semble inépuisable.

 

Piero Fornasetti : la Folie pratique

Musée des Arts décoratifs

107, rue de Rivoli – Paris 1er

Tél. : +33 (0)1 44 55 57 50
Métro : Palais-Royal, Pyramides ou Tuileries
Bus : 21, 27, 39, 48, 68, 69, 72, 81, 95

Du mardi au dimanche de 11 h à 18 h, le jeudi nocturne jusqu’à 21 h

Jusqu’au 14 juin 2015

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Rodin, le laboratoire de la création. Musée Rodin

E. Druet, le Baiser vers 1898 épreuve gélatino argentique. ph373
E. Druet, le Baiser vers 1898 épreuve gélatino argentique. ph373

En attendant la fin de la rénovation de l’Hôtel Biron et la nouvelle muséographie prévue pour l’automne 2015, le Musée Rodin à Paris propose jusqu’au mois de septembre une passionnante exposition très justement intitulée « Le laboratoire de la création ».

Il s’agit de plonger dans l’atelier d’Auguste Rodin (1840-1917) pour approcher son œuvre d’un œil différent : découvrir les sculptures en train de se faire. Pour construire ce parcours, le musée a sorti de ses réserves quelques 150 plâtres et terres cuites et, plus inattendu, y a ajouté de nombreuses photos montrant l’artiste et surtout ses créations au cœur de son atelier ou telles qu’elles furent exposées à l’époque. Ces photographies rendent le propos particulièrement vivant, quand les œuvres plastiques soulignent toute la dynamique du processus de sculpture.

De L’Age d’Airain qui l’a fait connaître en 1877 à la Muse Whistler, en passant par les grandes commandes publiques que furent La Porte de l’Enfer (avec Ugolin, Le Penseur…) et les monuments aux Bourgeois de Calais, à Victor Hugo et à Balzac, le public peut ainsi redécouvrir l’ensemble de la carrière d’Auguste Rodin. Il peut aussi en profiter pour aller revoir, après la visite de l’exposition, les bronzes et les marbres exposés dans le jardin, plein de charme en toutes saisons, histoire de compléter ce joli tour d’horizon.

Charles Bodmer, tête de St Jean-Baptiste sur une sellette vers 1886
Charles Bodmer, tête de St Jean-Baptiste sur une sellette vers 1886

Outre la splendeur et la force de vie incroyables que dégagent les sculptures de Rodin, qu’elles soient d’ailleurs achevées ou en cours de modelage, l’importance et la qualité des photographies constituent l’autre point frappant du parcours.

En fait, Rodin s’est servi de la photographie tout au long de sa carrière, au début, pour illustrer les articles de presse qu’on lui demandait, puis tout simplement pour faire connaître et diffuser l’ensemble de son œuvre. Les photographes sont divers, qu’il s’agisse d’Eugène Druet, amateur imposé par l’artiste, de professionnels comme Charles Bodmer, Freuler et Victor Pannelier, Jacques-Ernest Bulloz, ou encore de photographes de l’école pictorialiste comme Edward Steichen, qui a passé une nuit entière à photographier le Balzac de Rodin sorti de l’atelier de Meudon. Le résultat, superbe, fit dire à l’artiste, pour qui cette sculpture fut un échec : « Enfin, le public va comprendre mon œuvre ! ». Les autres photographies méritent aussi le détour. Pour n’en citer que quelques unes : La tête de Saint Jean Baptiste en plâtre par Charles Bodmer (vers 1887), Le Penseur en terre retouché à la mine de plomb par Victor Pannelier (1882), Rodin au milieu de ses œuvres dans le pavillon de l’Alma à Meudon (1902) par Eugène Druet ou encore l’Essai d’installation du monument à Victor Hugo dans les jardins du Palais Royal en 1909 : comme si on y était !

 

Rodin, le laboratoire de la création
Musée Rodin

79 rue de Varenne – Paris 7ème

Du mardi au dimanche de 10 h à 17h45, le mercredi jsq 20h45

Entrée 9 euros (TR 5 et 7 euros)

Jusqu’au 27 septembre 2015

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L'aventure de la porcelaine au musée d'Orbigny-Bernon à La Rochelle

musée d'Orbigny-Bernon, ChineLa maîtrise de la fabrique de la porcelaine fut une histoire longue et compliquée en Europe.

Arrivées par le Moyen-Orient à la fin du Moyen-Age, les porcelaines chinoises suscitèrent immédiatement un grand intérêt en Europe.
On attacha à ce matériau à la fois dur, translucide et éclatant toutes sortes de vertus, dont celle de détecter les poisons…

Les Européens s’efforcèrent dès lors de reproduire cette matière exceptionnelle.
Cependant, ils ignoraient la composition de la pâte, ce qui constitua un obstacle permanent.
Ils réalisèrent d’abord les majoliques, puis la faïence, mais le support demeurait une terre cuite sans rapport avec la texture cristallisée dans la masse de la porcelaine chinoise.

Le XVIème siècle connut de nouvelles tentatives plus abouties avec la porcelaine dite des Médicis à Florence et son adaptation française de Saint-Porchaire.
C’est surtout à la fin du XVIIème siècle et au cours du XVIIIème siècle, avec la mise au point de la porcelaine tendre à fritte, ou porcelaine artificielle que les manufactures françaises (Vincennes-Sèvres, Chantilly, Mennecy…) et anglaise, associant les recherches des céramistes et verriers, imitèrent le mieux la porcelaine dure, sans parvenir néanmoins à obtenir véritablement le résultat recherché.

Les Allemands furent les premiers à identifier en Saxe, en 1709, le kaolin qui permettait de fabriquer la véritable porcelaine.
Auguste le Fort créa donc en 1710 la manufacture de Meissen et essaya de conserver secrète la fameuse formule de l’« arcane », que toute l’Europe lui enviait.
Mais la diffusion était irrésistible et la porcelaine dure finit par faire son apparition à Vienne en 1717, puis, vers le milieu du siècle, à Höchst, Wymphenberg, Berlin…
Le secret passa aussi à Strasbourg, mais les Français découvrirent à leur tour, en 1763, le kaolin à Saint-Irieix près de Limoges et nombre de manufactures françaises fabriquèrent simultanément des pièces en porcelaine dure et d’autres en porcelaine tendre, ces dernières tendant à disparaître à la veille de la Révolution.

La porcelaine dure avait alors conquis l’Europe entière : l’Italie avec Capodimonte, la Russie avec Saint-Pétersbourg, l’Angleterre, les Pays-Bas, la Suisse, l’Espagne, au point d’être répandue partout au XIXème siècle.

Les décors ne devront dès lors plus grand-chose à l’Extrême-Orient et, après le passage obligé du néo-classicisme international, les tendances les plus diverses se donneront libre cours.

Rappelant ainsi l’histoire de la porcelaine en Occident, le musée d’Orbigny-Bernon à La Rochelle présente une série porcelaines chinoises des XVIIIème et XIXème siècles, mais également un grand nombre d’objets décoratifs issus des manufactures européennes aux mêmes époques, permettant de mesurer, effectivement, la variété des inspirations.
Ainsi, dans les vitrines consacrées à la porcelaine de Meissen (Saxe) du XVIIIème siècle, on appréciera les efforts d’imagination des maîtres de l’époque : par exemple, avec la série de figurines intitulées L’Amérique, L’Afrique et L’Asie.
L’Afrique attire immanquablement l’attention, donnant à voir un nègre noir comme l’ébène, assis sur un lion, richement vêtu : peau ornée de plumes multicolores, drapé d’une cape lie-de-vin doublée de vert franc et fermée par un soleil, la tête coiffée d’un trophée de chasse–tête d’éléphant… un modèle qui vaut le détour !

Noter que le musée propose également un éclairage historique de la ville (notamment sur les célèbres sièges de la Rochelle ainsi que la Seconde Guerre mondiale).
D’autres salles sont consacrées aux arts d’Extrême-Orient (où on peut admirer une chambre chinoise du XIXème siècle), enrichis de dépôts du Musée Guimet (sur ce célèbre musée parisien, lire les billets du 27 et du 29 août dernier).

Pour tous les amateurs de porcelaines et autres chinoiseries, ne pas oublier le musée des Arts décoratifs à Paris. Consulter aussi quelques ouvrages consacrés à la matière.

Musée d’Orbigny-Bernon
2, rue Saint-Côme – 17000 La Rochelle
Tél. : 05 46 41 18 83
Fax : 05 46 29 22 60
Mél: musee-art@ville-larochelle.fr
Entrée : 3,50 €

Image : Bouteille, porcelaine "bleu et blanc", Chine, dynastie Ming, période de transition (1630-1640)

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Rodin. Les figures d'Eros. Dessins et aquarelles érotiques 1890-1917

Rodin1Auguste Rodin a commencé à dessiner très jeune, bien avant de devenir le sculpteur admiré que l’on sait.
Parallèlement à son activité de sculpteur, il a continué à dessiner, et son oeuvre graphique est riche d’environ 9000 dessins.

Dans les années 1880, ses dessins son essentiellement liés à ses travaux pour La porte de l’enfer, dessins appelés « noirs » par Bourdelle, très beaux, tourmentés, dont quelques uns sont présentés au début de l’exposition.

Puis, à partir des années 1890, sa fascination pour le corps féminin va l’amener à tenter de saisir, inlassablement, le nu féminin et sa puissance érotique.
L’ensemble de 140 dessins et aquarelles réunis ici montre qu’il y est largement parvenu.

Le trait ondule, place au centre de ses courbes fesses, seins, sexe, cuisses largement ouvertes.
Les poses sont osées, voire acrobatiques ; visiblement, Rodin parvenait à obtenir de ses modèles une confiance, une impudeur complètes.

Les aquarelles sont magnifiques de teintes roses, violettes, brunes ; la couleur déborde largement des contours, l’inspiration est presque japonisante.

Mais les oeuvres les plus réussies sont peut-être celles où Rodin ne se contentait plus que du crayon graphite, l’estompant parfois légèrement – on dit que l’artiste laissait la mine glisser sur le papier, sans quitter le modèle des yeux.

L’expression du visage est à peine esquissée, mais pleine de sensualité ; un jupon se soulève jusqu’à la taille, un kimono s’ouvre, le corps s’abandonne, confiant, désiré, désirant.

Une intimité d’un érotisme extrême que le visiteur recueille en pleine face, dans un silence d’église.

Musée Rodin
79, rue de Varenne – Paris 7ème
Jusqu’au 18 mars 2007
De 9h30 à 16h45, tlj sauf le lundi
Tarif : 6 € (TR : 4 €)
Catalogue : 39 €

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