The Frick Collection à New-York

Johannes Vermeer, Officier et jeune fille souriante, vers 1657
Johannes Vermeer, Officier et jeune fille souriante, vers 1657

Si vous vous rendez à New-York, vous visiterez certainement le MET, le MOMA et/ou le Guggenheim… Mais profitez-en aussi pour découvrir la Frick Collection, qui recèle une foule de merveilles, peintures, sculptures et arts décoratifs, notamment du XVIII° siècle.

L’autre intérêt de ce musée situé à quelques mètres de Central Park est que ces chefs-d’œuvre sont restés dans le décor voulu par leur collectionneur, Henry Clay Frick (1849-1919), magnat du charbon et de l’acier, qui fit construire en 1913 ce palais néoclassique où il vécut les cinq dernières années de sa vie. On admire les décors intérieurs, d’une extrême élégance comme l’est l’hôtel particulier lui même conçu par Thomas Hastings (architecte de la New-York public Library), tout en s’extasiant devant l’enchaînement d’œuvres de tout premier plan.

Dès le vestibule, on tombe en arrêt devant un Officier et jeune fille souriante de Vermeer, l’un des trois tableaux du maître de Delf que compte la collection (sur une trentaine conservés dans le monde au total). Présence des personnages, beauté de la lumière, douceur et mystère… un petit bijou.

Jean-Honoré Fragonard, L'amant couronné, 1771-1772
Jean-Honoré Fragonard, L’amant couronné, 1771-1772

Une des premières salles expose des toiles de Boucher sur le thème des arts et des sciences. Elles proviennent du château de Crécy-Couvé de Mme de Pompadour, aujourd’hui détruit. Boiseries et mobilier sont aussi du XVIII° français, de même que les porcelaines de Sèvres. Une Diane chasseresse de Houdon surveille le tout. La salle à manger, elle, reprend le décor d’une maison de campagne anglaise du XVIII° siècle et présente des portraits de Gainsborough. Le couloir nous fait retrouver Boucher, avec quatre toiles peintes pour Mme de Pompadour et illustrant les quatre saisons, de délicieuses scènes amoureuses. Celles-ci nous préparent à s’immerger dans le salon Fragonard, où s’étalent les Quatre âges de l’amour que le peintre de Grasse a exécutées pour Mme du Barry (qui du reste les refusa, les trouvant démodées).

Giovanni Bellini, L'extase de Saint François, vers 1480
Giovanni Bellini, L’extase de Saint François, vers 1480

La salle de séjour, en boiseries de chêne, laisse la légèreté sur son seuil, mais non l’émotion : alors qu’un grave Saint Jérôme du Greco se dresse au dessus de la cheminée, lui fait face le chef d’œuvre de Bellini L’extase de Saint François. On reste dans cette pièce un moment. D’autant que Saint François est flanqué de deux portraits du Titien, un charmant jeune homme à gauche et, à droite, le vieil Aretin. Le contraste entre les deux est saisissant : d’un côté la douceur et la sensibilité, de l’autre la puissance et la richesse…

Jean-Auguste-Dominique Ingres, La comtesse d'Haussonville, 1845
Jean-Auguste-Dominique Ingres, La comtesse d’Haussonville, 1845

Dans le couloir suivant se mêlent Degas, Manet, Monet mais surtout un petit tableau de Watteau, La porte de Valenciennes, intéressant par le traitement du sujet de la guerre qu’en fait le peintre, ainsi qu’une superbe Comtesse d’Haussonville d’Ingres. La galerie ouest, de style Renaissance italienne avec marbre et plafond à caissons, a été voulue par le collectionneur comme une galerie d’exposition : Vermeer, Turner, Velasquez, Rembrandt, Véronèse, Corot, Claude Lorrain (magnifique Sermon sur la montagne) régalent ainsi le visiteur. Il n’oubliera pas d’aller dans la petite galerie du fond où l’attendent de ravissants émaux de Limoges datant de la fin du XV° au début du XVII° siècles ainsi que des tableaux de la Renaissance italienne dont les panneaux du polyptyque de Saint Augustin de Piero della Francesca… Aperçu non exhaustif bien sûr !

1 East 70th Street, New York
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Dolce Vita ? Du Liberty au design italien. Musée d'Orsay

"Coupe des mains" en verre "laguna" et verre ivoire, de Tomaso Buzzi © ENRICO FIORESE - GALERIE ANAGAMA - GRAND PALAIS
« Coupe des mains » en verre « laguna » et verre ivoire, de Tomaso Buzzi © ENRICO FIORESE – GALERIE ANAGAMA – GRAND PALAIS

Au tournant du XX° siècle, à l’instar des beaux-arts, les arts décoratifs ont connu leurs révolutions. A Bruxelles et en France, ce fut l’Art Nouveau, en Angleterre, l’Arts & Crafts, à Vienne, la Sécession, en Italie, le Liberty.

La première salle de la riche exposition que le musée d’Orsay consacre aux arts décoratifs italiens du premier XX° siècle nous fait plonger directement au cœur de ce fameux mouvement Liberty.

Son programme : comme l’Art Nouveau, lignes sinueuses, motifs végétaux et formes zoomorphes. C’est d’ailleurs une vraie ménagerie : meubles couverts de parchemin que Carlo Bugatti a présentés lors de la première Exposition internationale des Arts décoratifs modernes en 1902 à Turin, dont une étonnante chaise en forme d’escargot, pièces d’orfèvrerie du même Bugatti dont un seau à glace orné de batraciens, sculpture Les Serpents du ferronnier Alessandro Mazzucotti. Côté végétal, un adorable ensemble bureau/coiffeuse-chaise en noyer de Quarti, en noyer incrusté de fils de laiton et de nacre. L’humeur est joyeuse ; les tableaux de l’époque le confirment, où les peintres divisionnistes Previati, Da Volpedo ou encore Segantini, de leur palette claire, imaginent des scènes d’inspiration symboliste où femmes et enfants s’unissent et dansent dans une nature lumineuse, aérienne et amie.

Mais la Sécession viennoise infuse aussi bien sûr la production italienne. En témoignent les somptueux tableaux de Bonazza, longtemps actif à Vienne (La Légende d’Orphée), ou encore du verrier-touche-à-tout Vittorio Zecchin (Le mille e una notte, réalisé pour l’hôtel Terminus à Venise).

Le principe de rapprochement de l’art décoratif et de l’art pictural est maintenu tout au long des cinq sections qui articulent la présentation chronologique. Autour de quelques 160 œuvres, le visiteur parcourt l’Italie – encore toute neuve nation unifiée – des années 1900 aux années 1930.

Frederico Tesio (1869-1954), Bureau et Fauteuil, 1898 Chêne marqueté d’ébène © Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand palais / Patrice Schmidt
Frederico Tesio (1869-1954), Bureau et Fauteuil, 1898 Chêne marqueté d’ébène © Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand palais / Patrice Schmidt

Les mouvements s’entrechoquent : dès les années 1910, le mouvement Futuriste voit le jour. Ode au dynamisme et à la modernité, il se manifeste d’abord en peinture, avec Gino Severini notamment : sa Danseuse articulée, peinture avec éléments mobiles actionnés par des chaînes, en est l’illustration littérale. Son Rythme plastique du 14 juillet, qui déborde jusque sur le cadre est un convaincant exemple de traduction du mouvement en peinture pure. Le Futurisme gagnera ensuite le domaine des arts décoratifs (voir le décoiffant service à café de Giacomo Balla).

A partir des années 1920, dans les suites de la Première Guerre mondiale, si un peu partout en Europe l’art opère un « retour à l’ordre », ce mouvement n’en est pas moins créatif. On le voit en Italie, en peinture avec les œuvres « métaphysiques » de De Chirico, où les références à la culture classique se mêlent à la trivialité dans un esprit de surprise et de poésie, celles de Morandi (très belle Nature morte), Casorati, qui réalise des meubles d’une austérité telle qu’elle en fait le précurseur des « fonctionnalistes » de la décennie suivante. On découvre une jolie illustration de cette veine en arts appliqués, avec une Coupe des mains en verre « laguna » rose rehaussé à la feuille d’or : drôle d’objet, fin, aérien, presque littéraire avec ses mains sorties de nulle part.

Umberto Bellotto et Atelier de Guiseppe Barovier Vase « Plume de paon », vers 1914, Verre de Murano et fer forgé, 55 cm (haut.), Paris, Musée d’Orsay © Musée d’Orsay Dist. RMN-grand Palais / Patrice Schmidt
Umberto Bellotto et Atelier de Guiseppe Barovier Vase « Plume de paon », vers 1914, Verre de Murano et fer forgé, 55 cm (haut.), Paris, Musée d’Orsay © Musée d’Orsay Dist. RMN-grand Palais / Patrice Schmidt

Le Classicisme moderne, s’il a eu pour funeste destin d’être dans le goût des Fascistes, a donné lieu à de splendides créations. Notamment celles de Gio Ponti, qui revisite les plats et vases grecs avec décalage et humour, sans rien concéder à l’esthétique. Nous sommes encore dans les année 1920, mais on comprend pourquoi, quelques 25 ans plus tard, Ponti a trouvé en Fornasetti un fructueux complice. A la visite de cette exposition, c’est tout le terreau dans lequel Fornasetti est venu développer son grain de folie que l’on hume avec délices.

La dernière section est naturellement dédiée au Rationalisme dans la veine de Le Corbusier. Métal, formes « utiles », possibilité d’industrialiser la fabrication, on connaît tout cela. Mais ici, la fantaisie et le chic transalpins font sensation : on adore ce fauteuil dit Télésiège qui, accroché à une mezzanine, faisait office de balancelle d’intérieur (à une place !). A ses pieds, il y avait, paraît-il, quelques dalles de faux gazon… Un air de dolce vita en somme, que le contexte si sombre des années 1910 à 1930 en Italie ne laisse pas d’interroger, tant les créations de l’époque sont osées, enjouées, débordantes d’imagination et d’humour.

Dolce Vita ? Du Liberty au design italien (1900-1940)

Musée d’Orsay

1 Rue de la Légion d’Honneur – Paris 7°

Tous les jours sf le lundi de 9h30 à 18h, jeudi de 9h30 à 21h45

Jusqu’au 13 septembre 2015

 

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Piero Fornasetti : la Folie pratique. Musée des Arts décoratifs

arts_deco_fornasettiDes meubles, des assiettes, des porte-parapluies, des plateaux, des foulards, des paravents, des papiers peints… vous verrez tout cela, et mille encore, dans le nef du musée des Arts décoratifs à Paris où, jusqu’au 14 juin 2015 est présentée la première rétrospective consacrée à Piero Fornasetti en France.

Né en 1913, mort en 1988, le Milanais Piero Fornasetti fut un immense designer et décorateur du XX° siècle, inclassable et reconnaissable entre tous. La plus célèbre de ses créations est une série d’assiettes sur lesquelles s’étale en noir et blanc et en gros plan un visage rond et féminin : celui de la soprano Lina Cavalieri, qu’il a décliné en quelques 350 versions.

Si ce motif est typique du style de Fornasetti – l’imprimé, le noir et blanc -, il est loin de le résumer. La grande salle exclusivement dédiée aux plateaux dans l’exposition est à cet égard emblématique de la variété de ses motifs : architecture, fleurs, feuillages, couverts, oiseaux, poissons, serpents, instruments de musique, personnages de carnaval ou de troubadours issus de gravures anciennes… Tout y passe, le créateur – qui était tout à la fois dessinateur, imprimeur, sculpteur – semblait trouver l’inspiration aussi bien dans les sujets nobles (reliefs de l’Antiquité romaine, dessins d’architectures de Palladio, figures mythologiques…) que dans les plus triviaux (voir le foulard quadrillé de canes, qui fait ressembler l’ensemble à une tuyauterie géométrique…).

Il collectionnait avec soin les motifs trouvés dans les livres, catalogues etc. , les retravaillait et enfin tentait tout ce qu’il est possible de faire en matière d’imprimés et de supports (papier, céramique, verre, cuivre, textile). Habile autant avec le noir et blanc que les couleurs, qu’il choisissait fort belles (vert presque émeraude, rouge amarante, turquoise, beige or…), il savait faire claquer un point de rouge sur du noir et blanc, l’or sur le blanc, les bouquets multicolores sur fond noir.

como-palladianaThèmes, couleurs, motifs eux-mêmes, à plein de moments on pense à la Renaissance italienne. Pour autant, Fornasetti appartient aussi à son siècle. Il n’y a qu’à voir les meubles qu’il a décorés, dessinés par Gio Ponti, avec qui il commença à collaborer dès le début des années 1950. Inspirés du modernisme, ils présentent des formes épurées et légères, une certaine simplicité. Mais évidemment, l’omniprésence du motif ne place pas ces magnifiques cabinets et commodes dans la droite ligne moderniste du XX° qui a plutôt cherché à éliminé le décor au profit de la fonction.

Loin de cette austérité-là, les pièces de décor, les assiettes, les foulards de Fornasetti nous emmènent au contraire dans un univers où règnent le trompe-l’oeil, la fantaisie et l’imagination. La mise en scène de l’exposition à Paris (présentée à Milan en 2013) met merveilleusement en relief cette richesse créative, cette audace, ce goût du jeu, de l’érudition et du beau. Même le petit film, qui n’explique rien mais montre tout sur un rythme trépidant, est une réussite. Quant à la dernière salle, elle montre que Barnaba Fornasetti veille à perpétuer l’œuvre de son auguste père. Il a mille fois raisons, tant ce patrimoine-là semble inépuisable.

 

Piero Fornasetti : la Folie pratique

Musée des Arts décoratifs

107, rue de Rivoli – Paris 1er

Tél. : +33 (0)1 44 55 57 50
Métro : Palais-Royal, Pyramides ou Tuileries
Bus : 21, 27, 39, 48, 68, 69, 72, 81, 95

Du mardi au dimanche de 11 h à 18 h, le jeudi nocturne jusqu’à 21 h

Jusqu’au 14 juin 2015

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Au temps de Klimt, la Sécession à Vienne. Pinacothèque de Paris

Gustav Klimt Judith 1901 Huile sur toile 84 x 42 cm  © Belvédère, Vienne
Gustav Klimt
Judith
1901
Huile sur toile
84 x 42 cm
© Belvédère, Vienne

Près de dix ans après l’exposition événement Klimt, Schiele, Moser, Kokoschka au Grand Palais, la Pinacothèque de Paris nous donne l’occasion de replonger dans l’aventure fascinante de la Sécession viennoise.

Si l’artiste majeur que fut Gustav Klimt (1862-1918) dans ce mouvement qu’il a co-fondé en 1897 est mis en avant à travers une vingtaine d’œuvres picturales, c’est toute l’histoire et les différentes facettes de la Sécession qui sont retracées ici.

Pas moins de 180 œuvres ont été réunies, pour l’essentiel venues du musée du Belvédère de Vienne (dont le conservateur Alfred Weidinger assure le commissariat), mais également de collections privées.

Les débuts de Klimt, fils d’orfèvre et élève de l’école des Beaux-Arts, qui reçoit très vite des commandes publiques, s’inscrivent dans le courant de la peinture d’histoire conformément au goût de l’époque. Mais le projet qu’il conçoit pour le grand hall de l’Université de Vienne, Philosophie, Justice et Jurisprudence, rencontre l’hostilité des commanditaires, heurtés par le naturalisme des scènes et des nus représentés. Le peintre se détourne alors définitivement de l’académisme et fonde la Sécession. Celle-ci se dote d’un lieu d’exposition, le Palais de la Sécession, sur le fronton duquel on peut lire sa devise : « A chaque époque son art, à chaque art, sa liberté ». Mais ce qui est haï à Vienne ne l’est pas forcément à Paris : lors de l’Exposition universelle de 1900, le projet de décor de Klimt pour l’Université de Vienne est récompensé de la médaille d’or…

De lui, on retient avant tout ses frappantes représentations de figures féminines, souvent ambiguës, entre femmes fatales et femmes fragiles, dont le pouvoir de séduction est vu comme un danger. Pile dans cette veine, la très sensuelle Judith, présentée à la Pinacothèque. Autre œuvre majeure du peintre viennois, la Frise Beethoven, reproduite ici à son échelle monumentale originale.

Pour autant, on ne saurait réduire la Sécession viennoise à Gustav Klimt. Les liens avec les artistes de l’Empire d’Autriche émigrés à Paris à la fin du XIX° sont ainsi soulignés, notamment à travers le Tchèque Alphons Mucha.

L’importance du développement des arts décoratifs, à partir de la création, en 1903, des Ateliers viennois par Josef Hoffmann et Koloman Moser est brillamment illustrée. Meubles (fauteuils et tables en particulier), bijoux (superbes broches dessinées par Hoffmann) et céramiques (très jolie série de statuettes blanches de Mickael Powolny) ponctuent le parcours, rappelant la volonté des artistes de la Sécession de mettre les arts décoratifs et les beaux arts sur un pied d’égalité.

Une très belle section est dédiée aux paysages, que ce soit en peinture, dans un style qui emprunte tour à tour ou tout à la fois au romantisme, au symbolisme et à l’impressionnisme (Mediz-Pelikan et Moser notamment), ou en photographie, avec les œuvres pictorialistes de Khün.

Heinrich Khün que l’on retrouve avec plaisir dans la salle suivante où sont exposés les portraits. Sous l’influence de la pensée psychanalytique élaborée par Freud, les artistes viennois ambitionnent de représenter la nature intime des êtres. Le résultat en est très émouvant, sans doute grâce à la façon très évocatrice qu’ont Klimt en peinture ou Khün en photographie de saisir la profondeur d’un regard ou le naturel de la posture d’un corps.

Héritage de la Sécession viennoise, l’expressionnisme clôt cette riche exposition à travers quelques œuvres de Moser, Kokoschka ou encore de Schiele. On mesure alors le chemin parcouru par les artistes à Vienne en une vingtaine d’années à peine…

 

 

Au temps de Kilmt, la Sécession à Vienne

Pinacothèque de Paris

8, rue Vignon – Paris 9°

M° lignes 8, 12 et 14

Jusqu’au 21 juin 2015

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Sept ans de réflexion. Musée d'Orsay

sept_ans_reflexion_orsayOn tient sans doute ici « l’Exposition de l’hiver » 2014-2015 à Paris. Voyez cela : 180 chefs d’œuvres parmi les quelques 4000 pièces entrées dans les collections du musée d’Orsay depuis 7 ans, c’est-à-dire depuis le début de la présidence de Guy Cogeval. Cinq raisons – au moins – de s’y précipiter.

1. Ce ne sont que des œuvres de haut vol. Parmi toutes celles acquises ou reçues par le musée depuis 2008, sont ici présentées quelques unes des plus belles et/ou des plus rares. Juste dans la première salle, consacrée aux peintres Nabis et garnie de mobiliers de la même période, on tombe en amour devant un superbe paysage de Bonnard (La Symphonie pastorale), placé au-dessus d’une splendide commode de Clément Mère, toute simple, toute légère, dont les lignes géométriques annoncent les développements à venir en matière d’art décoratif. Un deuxième Bonnard, adorable Ballet voisine avec une bergère de Ruhlmann qui déjà en 1914 préfigurait les lignes de l’Art Déco. Vallotton, avec un hilarant Toast (tout le monde dort autour de la table), Denis, Majorelle, Ranson sont aussi de la partie.

On retrouvera Maurice Denis plus loin avec, en pied, le Portrait d’Yonne Lerolle en trois aspects, une fierté du musée et on comprend pourquoi : tonalités pastel, sensualité des traits, jardin d’Eden, tout n’est que douceur dans ce grand tableau de la toute fin du XIX°.

2. La sélection est très variée et traduit l’interdisciplinarité propre au projet du Musée d’Orsay depuis le début, tout en couvrant l’ensemble de sa période dédiée (1848-1914) : peintures, arts graphiques (dessins, pastels…), sculptures, photographies, dessins d’architecture, arts décoratifs. Une période fort riche dans tous ces domaines, et plus encore quand on se tourne, comme le fait le Musée, vers les créations de toute l’Europe.

3. C’est ainsi que l’on découvre des pans entiers jusqu’ici assez peu connus et présentés. Deux salles sont à cet égard particulièrement remarquables. D’abord celle consacrée aux œuvres des pays de l’Est et du Nord de l’Europe (Allemagne, Autriche, Finlande, Norvège et Suède), où l’on admire aussi bien une grande toile de Lentz, peintre co-fondateur de la Sécession, offerte par la Société des Amis du musée d’Orsay, qu’une magnifique chaise de Moser (Sécession viennoise quand tu nous tiens) ou encore d’originales pièces d’orfèvrerie venues de l’Allemagne du début du XXème. Une autre salle est dédiée à l’art et au design (avant qu’on appelle cela comme ça) italiens : les découvertes y sont encore plus belles. On est épaté par la modernité des meubles, signés Tesio ou Quarti, par la créativité des pièces de table en argent de Bugatti, par l’audace d’une étonnante Scène de fête au Moulin-Rouge de l’Italien Boldini ou d’un symboliste Le Mille et una notte de Zecchin.

4. En visitant l’exposition, on comprend mieux la politique d’enrichissement du Musée. C’est-à-dire, comment elle se fait : par acquisition (grâce à un budget propre prélevé sur 16 % des droits d’entrée du musée), par dons et legs (ils sont parfois impressionnants), par dation en paiement enfin (quand un particulier paie des droits de succession en nature, en remettant une œuvre). Mais on apprend aussi comment les choix sont opérés : faire entrer une pièce dans le musée, c’est engager les générations futures. Alors il faut réfléchir sur ce que l’œuvre apportera par rapport à ce que le musée possède déjà (couvrir un pan absent ou famélique, compléter un ensemble déjà en place pour parfaire sa cohérence, etc).

5. Enfin, grâce à ce parcours on se remémore avec bonheur toutes les expositions vues à Orsay au cours de ces sept dernières années, où certains des chefs d’œuvres présents ici avaient été montrés, ou certaines thématiques développées. Ainsi la salle dédiée aux dessins d’architectes montre des compléments au passionnant accrochage Paris probable et improbable. Dessins d’architecture du musée d’Orsay, où l’on avait pu découvrir des dessins de projets non réalisés. La grande toile de James Tissot mettant en scène l’élégant Cercle de la Rue Royale, acquise en 2011, avait été montrée avec L’impressionnisme et la mode il y a deux ans. Nous avions vu l’académique Bouguereau à L’Ange du bizarre (Dante et Virgile) puis à Masculin-Masculin (Egalité devant la mort), deux tableaux reçus par dation en 2010. Impossible d’oublier la sculpture de Gustave Doré A Saute-mouton, qui nous avait amusé à la remarquable exposition Gustave Doré, L’imaginaire au pouvoir. Et la photographie Vierge à l’enfant, de l’Anglaise Julia Margaret Cameron, bien qu’il s’agisse d’une acquisition visiblement plus récente, elle nous rappelle les délices de Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde et de Une ballade d’amour et de mort : photographie préraphaélite en Grande Bretagne, 1848-1875. Quant à l’un des « clous » de l’exposition, s’il ne faut qu’en citer qu’un, restons avec les Préraphaélites et L’adoration des mages, une somptueuse tapisserie signée Burne-Jones, qui domine avec joie la salle anglaise de ce superbe parcours.

7 ans de réflexion. Dernières acquisitions

Musée d’Orsay – Paris 7°

Jusqu’au 22 février 2015

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La Biennale des Antiquaires 2014

biennale_2014La Biennale des Antiquaires a démarré cette semaine dans la nef du Grand Palais à Paris, réunissant, sur 4 500 m² de stands, 84 exposants, dont 22 étrangers – seulement pourrait-on remarquer, eu égard à la vocation internationale de la manifestation.

Rappelons-le d’emblée, la Biennale est une affaire de gros sous. A plus de 10 000 euros le m² de stand, seules les plus grosses galeries peuvent se permettre d’y participer. Alors quoi d’étonnant à ce que les joailliers y occupent une place de plus en plus importante : ils ne sont pas moins de 14 cette année. Même chose évidemment côté clientèle, seule la part la plus riche de la planète en est.

Pour autant, la Biennale reste un superbe lieu d’exposition d’œuvres et d’objets d’exception qui attire aussi des visiteurs désireux de découvrir et de se régaler les yeux. D’ailleurs, ce samedi après-midi – merveilleux moment pour aller s’y promener, alors que la verrière, inondée de soleil, déployait un fond bleu d’azur – le public, sans être dense, était relativement mélangé.

Dès l’entrée, on est conquis par l’ambiance soft et classieuse des lieux. Le décor réalisé par Jacques Granges réinterprète les jardins de Le Nôtre à Versailles, avec moquette à motifs de parterres végétaux, buis sculptés et bassin à jet, lequel est parfumé par le célèbre nez Francis Kurkdjian. Le tout est clair et léger, presque aérien, se fondant à souhait avec la transparence et le vert de la verrière.

Ce qui rend la manifestation si séduisante, c’est la possibilité d’admirer, en une seule demi-journée, aussi bien de la peinture que des sculptures archéologiques, des objets d’art décoratif que des bijoux… Le tout aussi varié (malgré les phénomènes de modes) que haut-de-gamme (ou au moins adapté au goût de la clientèle du jour, ce qui toutefois n’est pas toujours exactement synonyme).

Si les grands joailliers semblent parfois se livrer une bataille de carats, c’est plutôt la beauté de la forme et l’harmonie d’un bijou qui retiennent l’œil. Grandes réussites chez certains de ceux qui ont puissé leur inspiration aux sources des années folles et de l’Art Déco : attrayant bracelet-manchettes en camaïeux de nacres ivoires et beiges chez Bulgari ; chez Chanel, bracelet Charleston noir, or blanc et brillants très convaincant, et superbes lignes géométriques de la parure Morning in Vendôme en or blanc, brillants et onyx sertis de diamants jaunes. Ligne beaucoup plus couture et intemporelle pour Christian Dior, qui joue avec le motif du ruban : illusion de souplesse sur un collier en or blanc, diamants et émeraudes ; rigidité d’un bracelet Corolle, mais dont les nuances de verts et de roses rappellent les reflets changeant d’un taffetas.

L’Art Déco est également très présent chez les Antiquaires, avec pas moins de cinq galeries exclusivement consacrées à ce mouvement. Étonnants chevets à lampes dépliables et ensemble bureau-bibliothèque d’André Sornay chez Alain Marcelpoil. Rare commode en placage d’amarante et de lapis-lazuli de Marcel Coard chez Marcilhac. La galerie Vallois expose à titre non commercial des pièces ayant appartenu au grand couturier et collectionneur Jacques Doucet, dont la toujours surprenante Table aux chars d’Eileen Gray, qui remonte tout de même à 1915.

Pour n’évoquer que quelques uns des stands à ne pas louper, citons aussi l’impressionnant fonds du libraire Claude Vrain (éditions très anciennes voire originales, beaucoup de XXème siècle illustré, mais aussi Montaigne et Cervantès) et, côté tableaux, les galeries parisiennes Bérès (présentation assez éclectique, de Boudin à Hantai en passant par Vasarely), Sarti (très beaux Italiens anciens), Florence de Voldère (école du Nord du XVI° au XVIII°), De Jonckeere (Flamands anciens), ou encore venues de Rome (Lompronti et ses merveilleuses vues italiennes) ou de Madrid (Ana Chiclana qui présente notamment un beau Ribera).

Le tout, et mille autres choses encore à admirer jusqu’au 21 septembre seulement.

Grand Palais, entrée Grande Nef – Paris 8°
Du 11 Septembre au 21 Septembre 2014
TLJ de 11 h à 20 h (jusqu’à 23 h les jeudi 11, mardi 16 et jeudi 18 septembre)
Fermeture à 19 h le dimanche 21 septembre
Entrée : 30 € (25 € pour les groupes et pour les Amis du Louvre et des Arts Décoratifs, sur présentation de leur carte ; gratuit pour les étudiants en art et les jeunes de moins de 12 ans)
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Les secrets de la laque française aux Arts décoratifs

Détail d’un panneau de berline, Paris, attr. à Guillaume ou Étienne-Simon Martin, vers 1745 © Münster, Museum für Lackkunst
Détail d’un panneau de berline, Paris, attr. à Guillaume ou Étienne-Simon Martin, vers 1745 © Münster, Museum für Lackkunst

Plein feux sur le XVIIIème siècle français au Musée des Arts décoratifs à Paris, où est organisée, en collaboration avec le Lackkunst Museum de Münster en Allemagne, une exposition dédiée à cette technique particulière de laque. Le « vernis Martin » doit son nom aux frères qui, sans forcément en inventer la recette, furent ceux qui l’utilisèrent avec le plus d’éclat.

Le parcours retrace cette magnifique épopée, où l’artisanat a atteint un niveau tel que bien de ses productions peuvent être qualifiées de chefs d’œuvres, à une époque où la France jouissait dans ce domaine d’une remarquable renommée internationale.

Jusqu’au XVIIème siècle, les laques, dont le raffinement séduisait une riche clientèle, étaient importés du Japon et de Chine. Mais le renchérissement des importations a conduit les artisans européens à chercher à imiter la technique. En France, les frères Martin furent les plus célèbres de ces artisans.

L’exposition rend compte de l’évolution que connurent le procédé et ses applications. D’abord clairement dans l’imitation des modèles chinois et japonais, la production française s’en affranchit petit à petit. L’étape la plus spectaculaire est l’intervention de couleurs autres que le rouge et le noir orientaux, avec des fonds beaucoup plus lumineux : voici de très beau bleus, jaunes, verts pâles, blancs… Puis les motifs vont eux aussi s’émanciper, délaissant tranquillement les paysages typiquement asiatiques pour adopter ceux des peintres français de l’époque, Greuze, Boucher, Oudry ou Vernet. Paysages maritimes, scènes de genre, portraits, motifs antiquisants… ornent meubles, étuis, bonbonnières et autres tabatières.

A travers près de 300 objets, le parcours témoigne de la grande diversité des supports utilisés. Bois bien sûr, mais aussi métal, argent, céramique et même tôle… des matériaux les plus précieux aux plus économiques, les artisans français ont tout essayé pour répondre à la demande d’une clientèle de plus en plus nombreuse.

C’est ainsi que l’on admire d’exceptionnelles commodes, d’adorables tables chiffonnières, des harpes époustouflantes, un incroyable clavecin, des nécessaires de toilette, des instruments scientifiques, des écritoires, des rafraîchissoirs, des brûle-parfums… sans oublier des voitures à cheval à couper le souffle, en particulier l’immense berline en laque rouge et noire et bois doré, exemplaire parmi 24 d’une commande passée à Paris par la cour du Portugal en 1727…. A mi-parcours, un petit film montre les secrets des ateliers de restauration des laques français. Du microscope au pinceau, un travail d’ultra-précision pour respecter ce patrimoine d’un luxe et d’un raffinement inouïs, mais d’une immense fragilité.

 

Les secrets de la laque française.  Le vernis Martin

Musée des Arts décoratifs

107, rue de Rivoli – Paris 1er

Métro : Palais-Royal, Pyramides ou Tuileries

Du mardi au dimanche de 11h à 18h, le jeudi jusqu’à 21 h

Entrée 11 euros, tarif réduit 8,50 euros

Jusqu’au 8 juin 2014

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Trésor des Médicis. Musée Maillol

Famille de banquiers florentins richissimes à partir de la fin du Quattrocento, la dynastie des Médicis a donné des princes, des papes, et même deux reines à la Couronne de France, Catherine épouse du futur roi Henri II puis Marie épouse d’Henri IV en 1600.

Leur fortune, ils l’ont en partie consacrée aux arts, mais aussi à la science et à la connaissance du monde.
Du XVème au XVIIIème siècles, ils ont accumulé des collections fabuleuses, d’antiques et de « curiosités » notamment ; mais ils ont aussi beaucoup fait travailler les artistes de leur temps.

Le musée Maillol retrace cette éblouissante épopée dans le règne du beau et du savoir à travers 160 œuvres, tableaux, dessins, sculptures, meubles, objets d’arts décoratifs, livres et même instruments de musique et… astronomiques.

De Cosme l’Ancien qui fut le premier grand collectionneur après son retour d’exil à Florence en 1434, à Anne-Marie Luisa, la dernière des Médicis qui, à sa mort en 1743 légua le trésor familial à l’État Toscan à condition que jamais rien ne quitte Florence et que les collections des Médicis soient mises entièrement à la disposition du public, l’on suit au fil des siècles les engouements de ces fous d’art qui, s’ils ne l’ont pas inventé, furent les premiers à développer le mécénat à une telle échelle.

L’exposition est de toute beauté, rendue plus agréable encore par la scénographie de Bruno Moinard. Dans une ambiance empreinte de richesse et de raffinement, la visite commence dans un très beau corail cuivré pour finir dans les tons de vieil or et de gris anthracite, tandis que les œuvres sont mises en valeur grâce à une installation aérée.

Remontant le temps, l’on s’arrête, tour à tour, devant d’admirables statues et camées romains, devant la Sépulture des saints Côme et Damien et de leurs trois frères de Fra Angelico, L’Adoration des Mages de Botticelli, un David de Michel-Ange, ou encore la crosse du pape Léon X…

Hommage incontournable aux illustres florentines qui ont lié leur destin à celui du royaume de France, une salle est consacrée aux fastueux portraits de deux Reines. L’on voit ainsi Marie de Médicis ornée d’une robe robe comptant quelques 300 grosses perles fines et plaques de diamants… Dans un coin, cette huile en grisaille de Rubens, qui a peint les grands épisodes de sa vie pour son palais du Luxembourg.

Dans le Cabinet des Merveilles de François 1er de Médicis, se côtoient des œuvres d’art premier venus d’Amérique Latine, d’Afrique et de l’Océan indien et des objets décoratifs aussi fins qu’originaux. Voici donc un manteau de plumes rouges de la culture tupinambá, un vase en forme de navire en lapis-lazuli, une verseuse en nacre et vermeil gravé composée de deux coquilles…
Parmi les raretés, l’on découvre, plus loin, les merveilleuses marqueteries de pierre dure sur marbre, avec notamment un cabinet en ébène du XVIIème siècle composé de 17 compartiments ornés, ou encore deux tables sur fond de marbre noir, justement appelées A la grenade et Au collier de perles.

La curiosité et les terrains d’investigation des Médicis étaient sans limites, comme en témoignent les objets d’astronomie liés aux découvertes de Galilée. Les livres n’étaient pas moins prisés, à voir les véritables œuvres d’art que sont le Livre d’Heures de l’une filles de Laurent le Magnifique ou encore les Editions princeps des œuvres d’Homère extraits de la bibliothèque médicéenne.

Trésor des Médicis
Musée Maillol
59-61, rue de Grenelle – 75007 Paris
Métro Rue du Bac, bus : n° 63, 68, 69, 83, 84
TLJ de 10 h 30 à 19 h sf 25 déc. et 1er jan., nocturne le ven. jusqu’à 21 h 30
Entrée 11 € (TR 9 €)
Exposition prolongée jusqu’au 13 février 2011

 

Images : Pierre Paul Rubens Les trois Grâces, 1627-1628 Huile en grisaille sur panneau, 47,5 x 35 cm Florence, Palazzo Pitti, Galleria Palatina Inv. 1890 n. 1165 Photo: Archivio fotografico della soprintendenza di Firenze
et Giusto Utens (Bruxelles ?-Carrare 1609) Vue du palais Pitti et du jardin de Boboli 1598-1599 Huile sur toile, 143 x 285 cm Inscription : en bas, au centre « Belveder (con Pitti) » Museo Storico Topografico Firenze com’era

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L’heure, le feu, la lumière. Galerie des Gobelins

Exposition aux Gobelins, l'Or, la lumière, le feuL’exposition qui ouvrira ses portes au public mardi 21 septembre entre en résonance avec l’actualité du moment – Journées du Patrimoine ce week-end, Biennale des Antiquaire au Grand Palais à Paris. Mais elle est en même temps tout à fait inédite.

On la doit aux recherches approfondies de sa commissaire, Marie-France Dupuy-Baylet, qui a exhumé du Mobilier National plus de quatre-vingt pendules et des bronzes d’ornements issues des collections impériales et royales, datées de 1800 à 1870.

Tout ce qui brille n’est pas d’or et l’on en a ici la preuve éclatante, face aux sculptures en bronze qui ornent les pendules, candélabres, torchères, flambeaux et autres feux, pour beaucoup montrées au public pour la première fois et dont la caractéristique commune est le faste de grand apparat.
Ces objets ont en effet été commandés pour décorer les palais et les appartements impériaux et royaux, ainsi que ceux des ministères.

Le XIXème siècle vit un grand engouement pour les pendules : chacun voulait la sienne, d’où une impressionnante variété de modèles. Il y avait une sorte de "code" dont l’aspect représentation sociale n’était pas le moindre : on n’exposait pas le même modèle selon que l’on était homme ou femme, selon le poste occupé par le commanditaire, ou encore selon qu’elle était destinée à la salle à manger ou à la chambre à coucher.

L'heure, le feu, la lumière, Galerie des GobelinsMalgré tout, de grandes tendances se dessinent, résultant des choix des régimes politiques qui se sont succédé. Dans les premières années de 1800, apparaît le "Renouveau", où sont soulignés tous les symboles du savoir et de l’enrichissement, avec l’idée que du premier dépend le second. Voici donc le thème de l’Etude largement décliné, celui de l’eau, des motifs de blé, des cornes d’abondance, des fêtes de Bacchus et des quatre saisons. Les arts décoratifs – comme l’ensemble des arts – sont ainsi des vecteurs de propagande, où l’on voit les valeurs prônées par le régime symbolisées sur les objets.
Ceux-ci n’échapperont pas à la vogue de l’architecture monumentale, avec des éléments décoratifs spectaculaires, comme des pendules-arcs de triomphe, des lustres à se damner ou encore la pendule-monument à la mémoire de Frédéric II roi de Prusse, curiosité de taille que l’on n’aimerait pas forcément voir chez soi.
"L’Egyptomania" consécutive aux conquêtes napoléoniennes va également se traduire dans les pendules, les ornements d’éclairage et le mobilier – dont un certain nombre de pièces est également exposé -, avec un registre iconographique (sphinx, sphinges et griffons) typique de l’Empire.
Autre aspect passionnant de la visite, dès lors qu’elle a pu les identifier, la commissaire a établi un rapprochement entre la sculpture ornementale de la pendule et l’œuvre d’art, peinture ou sculpture qui l’a inspirée. Tel est le cas notamment d’une pendule d’après le tableau de David Le serment des Horaces, avec en bas-relief une réinterprétation de l’original, afin de mieux encourager le départ au combat… Parfois, c’est l’objet d’art décoratif qui se retrouve sur un tableau, comme cette pendule montrant l’Etude assise sur un globe, suggérant que c’est par l’étude que l’on asseoit son emprise sur le monde, que l’on retrouve sur une peinture du peintre néo-classique François-André Vincent.
Impossible de décrire toutes les splendeurs, mais citons aussi pour finir, la pendule dite sympathique pour souligner l’osmose entre la pendule et la montre que l’on pose dessus : une tige sort de la pendule pour mettre la montre à l’heure à midi et à minuit…

L’heure, le feu, la lumière
Bronzes du Garde-Meuble impérial et royal 1800 – 1870
Galerie des Gobelins
42, avenue des Gobelins 75013 Paris
Ouverture tous les jours sauf le lundi de 11h à 18h
Fermé le 25 décembre et le 1er janvier
Entrée 6 euros (tarif réduit 4 euros)
Du 21 septembre 2010 au 27 février 2011

Images : Pendule, Les adieux d’Hector et Andromaque, bronze doré, Acquise en 1805 aux horlogers Lepaute, oncle et neveu, pour le grand salon des appartements du Petit Trianon Paris, Mobilier national © Isabelle Bideau
et Paire de candélabres bronze doré et patiné dans le Salon de l’Empereur en 1805 Début du XIXe siècle Paris, Mobilier national © Isabelle Bideau

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Marie-Antoinette au Grand Palais

Exposition Marie-Antoinette au Grand Palais : portrait de la ReineJamais exposition au Grand Palais n’avait, semble-t-il, été à ce point mise en scène.
Le propos est affiché d’emblée : une pièce en trois actes.
Le fait est que l’ensemble est pour le moins théâtral ; c’est même à une tragédie qu’il nous est donné d’assister.

La vie, la personnalité et le goût de Marie-Antoinette devenue Reine de France en 1774 sont ainsi présentés en trois grandes parties.

Premier acte : la vie très encadrée de l’archiduchesse d’Autriche, de la dauphine de France et de la Reine.
Deuxième : le temps des libertés, des choix de décors, avec en point d’orgue Le Petit Trianon.
Troisième acte : le temps du destin, dénoué place de la Concorde un certain 16 octobre 1793.

Le visiteur verra ainsi quelques trois cents tableaux, sculptures, dessins, manuscrits, meubles et objets décoratifs. Pour l’accompagner, une discrète musique classique qui varie d’un espace à l’autre, tout comme les couleurs : rouge pour l’enfance autrichienne, bleu pour les débuts à la cour, vert pour la période des libertés. Naturellement la partie consacrée à l’enfermement au Temple, à la critique et à la fin de Marie-Antoinette le plonge dans une obscurité quasi-complète.

Scénographie réussie et façon agréable de suivre l’itinéraire de Marie-Antoinette, même si l’on apprend rien de vraiment frappant au fil de l’exposition.
Ceci dit, et pour l’anecdote, à regarder les bustes sculptés par Boizot, et autres Lemoyne, et les innombrables tableaux – y compris celui peint par Elisabeth Vigée-Le Brun, le premier jugé digne d’être envoyé à sa mère par la Reine – on s’aperçoit que celle que les Français avait surnommée lAutrichienne était loin d’incarner la grâce. Menton effacé et double-menton pesant, nez fort et yeux globuleux, ovale peu dessiné : si Marie-Antoinette était, selon Vigée-Le Brun exceptionnelle par l’éclat de son teint, elle ne brillait guère en revanche par la finesse de ses traits.

Exposition Marie-Antoinette au Grand Palais : gobelet pour la Laiterie de RambouilletGrande beauté en revanche autour d’elle sur le plan des arts décoratifs : le goût éclectique et raffiné de la Reine associé au savoir-faire des artisans de l’époque – et à des dépenses inconsidérées ! – est l’occasion d’admirer aujourd’hui des pièces exceptionnelles.
Il faut dire que la petite Marie-Antoinette a grandi au milieu de mobiliers et objets de choix ; les goûts de sa mère l’impératrice Marie-Thérèse se portant sur des meubles en marqueterie de style Boulle, des porcelaines chinoises et japonaises, des laques d’orient, des services rocaille d’une grande finesse… dont on peut découvrir plusieurs exemples remarquables.

Plus loin, on admirera l’adorable coffret à bijoux sur pieds créé par Martin Carlin (placage et marqueterie de bois de rose, filets de buis et d’ébène, porcelaine de Sèvres, bronze doré, velours et soie), offert à Marie-Antoinette pour son mariage : bouquets de fleurs polychrome, frise vert émeraude et or, splendeur de "simplicité" si l’on ose dire.
A cligner des yeux également, le secrétaire à cylindre et la table en auge de Riesener, décorés de nacre découpée en losange et enserrée dans une résille de laiton. Ils ornaient le boudoir de Fontenaibleau, en harmonie avec les murs d’or et d’argent semés de fleurs.
A défaut de pouvoir tous les citer, à signaler aussi, les chefs d’oeuvre de la Manufacture royale de Sèvres, avec notamment ce service "riche en couleurs et riche en or". Polychromie des motifs de roses et de végétaux, fond marine sur lequel se détachent les rubans de perles, associé à une abondance de l’or, simplicité des formes, formats relativement réduits des pièces, cet ensemble est une merveille d’équilibre. Il s’agissait du service dont la Reine se servait pendant son séjour forcé aux Tuileries, alors contrainte à un style de vie plus sobre qu’à Versailles…

Marie-Antoinette
Galeries nationales du Grand Palais
(entrée par le square Jean Perrin)
Jusqu’au 30 juin 2008
Tous les jours de 10 h à 22 h, sauf le jeudi jusqu’à 20 h
Fermé le mardi
Entrée 10 € (TR 8 €)
Audioguide en français, anglais et japonais (5 €)

Images : Portrait de la reine Marie-Antoinette, dit « à la rose », Elizabeth Louise Vigée-Le Brun, Versailles © Photo Rmn
Gobelet du service de la Laiterie de Rambouillet, Manufacture royale de Sèvres, Porcelaine, 11 x 10 x 11,5 cm, Musée national de Céramique © Photo RMN / Martine Beck-Coppola

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