Où se cachent les œuvres d’art contemporain quand elles ne sont pas dans les appartements privés, les galeries et quelques musées ?
En France on en compte 26000, réalisées par 4200 artistes français et étrangers, qui appartiennent aux FRAC, les Fonds Régionaux d’Art Contemporain (1).
En réalité ces œuvres ne sont pas si cachées que cela puisque une sur trois environ est présentée au public grâce à une politique de mobilité qui permet de les apprécier dans les divers lieux où on peut les installer temporairement, des musées aux établissement scolaires, des hôpitaux aux associations de quartier.
Car les FRAC n’ont pas de lieu d’exposition à eux. Sauf pour leur trentième anniversaire cette année, lorsque le musée des Abattoirs propose ces « Pléiades » en donnant carte blanche à 23 FRAC afin qu’ils rendent compte chacun à leur manière de leur travail dans l’histoire de l’art contemporain. Ainsi sur un même lieu nous sont présentées 23 expositions, car les artistes sont devenus commissaires lorsqu’on leur a confié la mission
d’organiser cette présentation pour leur région.
Nous avons donc 23 visions d’artistes sur la production d’art contemporain depuis trente ans, à la fois regards sur leur travail et sur celui de leurs pairs. On ne s’étonnera pas d’être confronté à une diversité extrême dans les approches et dans les œuvres, et pour éviter l’errance peu fructueuse d’un objet à l’autre, en espérant une révélation soudaine au détour d’une installation, on préférera s’immiscer dans chacun des univers à l’aide du
livret distribué à l’entrée du musée. L’art contemporain se donne peu immédiatement et on doit profiter des vertus de la polysémie des œuvres : les « discours d’accompagnement » sont utiles, non parce qu’il faudrait croire à l’interprétation des commissaires, des critiques ou même des artistes eux-mêmes (qui sont loin d’être les meilleurs commentateurs de leurs productions), mais pour laisser traîner son imaginaire et sa pensée au sein de ces discours multiples.
De l’œuvre n°1, Holey Glory,(navire sur roues) présentée par le FRAC Languedoc-Roussillon aux vidéos de Dora Garcia (webcam installée dans une salle d’exposition), qui nous vient du FRAC Lorraine, les occasions ne manquent pas de s’interroger sur la place de l’art dans nos vies. Nous ne nous arrêterons que sur un aspect qui saute aux yeux : le contemporain est largement le passé qui va advenir.
Evidemment une commémoration d’anniversaire provoque la réflexion dans ce sens : le collectif Claire Fontaine (FRAC Haute Normandie) a choisi l’inventaire des œuvres acquises en 1983, comme dans une exposition classique, mais avec un clin d’œil aux numéros d’ordre d’entrée des œuvres dans la collection. Par chance on trouve cette année-là, par exemple, Olivier Debré et Tal Coat.
La thématique du papier peint, reprise dans les expositions des FRAC des Pays de la Loire, de Basse Normandie, de la Réunion, nous incite à nous arrêter sur ces éléments de la vie quotidienne qui datent une époque, qui ont en quelque sorte arrêté le temps. Plusieurs artistes travaillent la question de l’archéologie (Fouilles d’Erik Dietman et Accumulator 2 de Félix Schramm proposés par le FRAC Alsace), autre manière d’introduire la réflexion sur
l’aujourd’hui qui deviendra passé ; mais lorsque Marc Bauer, du FRAC Auvergne, organise son exposition autour du crâne peint par Denis Laget, nous revoilà sur les « vanités » si classiques en peinture, objets symboliques du temps qui passe.
Le caractère éphémère des choses et des vies, c’est le rappel constant que les artistes ravivent. L’art a d’abord été contemporain, à toutes les époques bien sûr, mais a beaucoup signifié, alors, qu’il ne croyait pas beaucoup à son présent.
Les Pléiades
30 ans des Fonds Régionaux d’Art Contemporain
Musée Les Abattoirs
Toulouse
Jusqu’au 5 janvier 2014
(1) On peut retrouver les collections des FRAC accessibles pour la première
fois sur un portail unique : http://lescollectionsdesfrac.fr
Images :
Denis Laget, sans titre et Erik Dietman, Fouilles