Yves Saint Laurent 1971, la collection du scandale

affiche_exposition_yves_saint_laurent_1971C’est une collection si séduisante – si immédiatement séduisante – que l’on a d’abord du mal à comprendre pourquoi elle scandalisa les clientes et la presse lors de sa présentation  le 29 janvier 1971 dans les salons des ateliers Saint Laurent de la rue Spontini dans le 16ème arrondissement.

Dur à comprendre aujourd’hui effectivement : cette collection printemps-été 71, sur laquelle l’exposition de la Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent est exclusivement concentrée, a connu dans sa déclinaison en prêt-à-porter un grand succès public. Autrement dit, ce que le petit monde de la haute couture (riche clientèle, journalistes français et étrangers) avait conspué, les femmes de la rue se le sont approprié : une mode qui avait de l’audace, du chien et du glamour. Depuis, l’esprit de ces modèles n’a cessé d’être réinterprété… Alors forcément, quand on arrive après « l’histoire », quand l’œil a eu des décennies pour s’habituer à ce qui faisait révolution quelques 40 ans auparavant, on voit davantage l’évidence que le côté scandaleux de l’affaire !

Robes courtes, coupes osées, couleurs criardes, motifs provocants, cette collection avait bien des raisons de heurter le bon goût bourgeois. Pour l’essentiel, la première est qu’elle semblait s’inspirer davantage des femmes de petite vertu que des femmes du monde. La deuxième tient dans ce qu’elle rappelait furieusement l’allure des femmes sous l’Occupation (ourlet au genou, coupes ajustées, talons compensés, maquillage voyant), souvenir sombre encore trop vivace à l’époque. Et naturellement ces deux raisons se réunissaient aux yeux de certains, qui voyaient dans la femme « Saint Laurent » de l’été 1971 l’image de celle qui par ses charmes collabora avec l’occupant allemand.

Yves Saint Laurent entouré de ses mannequins dans son jardin rue de Babylone, Paris 6ème. 1971.
Yves Saint Laurent entouré de ses mannequins dans son jardin rue de Babylone, Paris 6ème. 1971.

Ici exactement se révèle la révolution du couturier : celle d’avoir inventé le vintage. Tandis que Courrèges et Cardin jouaient les futuristes, Saint Laurent revisitait le passé. Sa collection 1971 (il n’en nommait lui-même aucune) fut d’ailleurs baptisée « Collection 40 ». Depuis lors, comme on sait, la plupart des créateurs n’ont plus fait que cela : rejouer sans fin les gammes des décennies précédentes…

Resserrée, l’exposition à voir à la Fondation jusqu’au 19 juillet prochain n’en est pas moins riche : 28 modèles sur les 84 que comptait la collection y sont présentés, accompagnés de l’ensemble des 84 planches de collection reproduites à grande échelle sur les murs (outre le croquis, y figurent toutes sortes d’indications, notamment les échantillons de tissus dans lesquels la pièce sera réalisée), de croquis originaux, de photos de presse et de défilé, ainsi que d’extraits de films bien sûr.

Cette approche multiple est passionnante. On peut ainsi commencer par découvrir le croquis d’un modèle, puis la photo du vêtement fini porté par un mannequin, puis la pièce elle-même en vrai (avec sa planche de collection en grand sur le mur juste derrière), et enfin le voir en mouvement dans un film de défilé ou de présentation. C’est là qu’on réalise qu’un vêtement a beau être splendide en tant que tel, rien ne vaut le voir porté, « vivre » avec une femme pour l’apprécier pleinement.

Si l’on a du mal à s’imaginer avec le large manteau de renard vert (qu’il est court en plus !) sur les épaules, ni avec certaines robes trop audacieuses, bien des modèles sont éminemment désirables, tels d’impeccables tailleurs-pantalons larges aux coupes à tomber (et oui, c’est Saint Laurent, quand même !), ou de charmantes robes longueur genoux toutes fluides, faites pour bouger et pour vivre, chaussures à talon compensé joliment attachées à la cheville pour arpenter le pavé d’un pas assuré, plein d’allant et décomplexé. Merci Saint Laurent, qui avec sa collection re-baptisée aussi « Occupation » aura finalement, à sa manière, œuvré pour la libération de la femme…

Yves Saint Laurent 1971, la collection du scandale

Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent

3, rue Léonce-Reynaud – Paris 16ème

TLJ sauf le lundi, de 11 h à 18 h

Jusqu’au 19 juillet 2015

 

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