Terres Lorraines. Emile Moselly

Le Goncourt 1907 n’est pas tout à fait le vrai Goncourt de l’année. C’est Jean des Brebis ou le Livre de la Misère qui avait été élu, mais les jurés se sont aperçus que celui-ci, paru en 1904, n’obéissait pas à un impératif des frères Goncourt : donner leur prix à un ouvrage sorti dans l’année. Ils se sont alors reportés sur Terres Lorraines, du même Moselly, en attribuant le prix aux deux ouvrages.

L’histoire de Terres Lorraines est fort mince, et le roman plutôt ennuyeux. On ne se passionne guère pour cette jeune Marthe qui aime un garçon, pêcheur de rivière comme son père, plutôt « coureur », avec lequel le mariage est promis, mais qui quitte le pays en s’embarquant sur une péniche qui transporte aussi la belle Thérèse. Pour terminer cette histoire pleine d’eau, Marthe se jette dans la rivière.

Cette terre lorraine, malgré le soleil qui parfois inonde, illumine ou ruisselle, nous apparaît surtout comme terre de mélancolie : « D’ailleurs, elle est partout, cette note de tristesse, dans ces pays du Nord : elle est dans les sources glacées, dans la gaité un peu grave des paysans, dans la beauté des femmes, trop pensive, et c’est le charme profond de ce pays, mélange de sévérité et de poésie, qui fait que le regret en rôde éternellement dans les cœurs, mélancolique et pénétrant comme une sensation d’exil ».

Les descriptions de paysages sont trop nombreuses pour être toujours originales, et l’auteur sacrifie à un régionalisme d’époque qui doit révéler aux urbains, par exemple, le pittoresque du mariage campagnard. Ces sociétés sont arrêtées dans le temps comme pour mieux les maîtriser : « Ils pêchaient comme leurs pères, pris par cette étreinte de la routine qui emporte les générations rustiques dans les mêmes chemins battus, coupés d’ornières profondes. Ils accomplissaient leur lourde tâche sans réfléchir, avec une lenteur de machines bien remontées, se hâtant vers un but qu’elles n’entrevoient pas ».

La Lorraine d’alors était en grande partie allemande, mais le roman est très discret sur la question. Un passage toutefois nous alerte sur une situation politique sans doute difficile à propos d’une visite à une caserne : « C’étaient des récits de sentinelles surprises, qu’on retrouvait le lendemain écroulées dans leurs guérites, avec un couteau fiché entre les omoplates, et d’espions qui rôdaient, insaisissables, vêtus comme des travailleurs des champs et des marchands de cochons, et si bien déguisés que tout le monde s’y laissait prendre ». Nous n’en saurons pas plus.

Andreossi

Terres Lorraines. Emile Moselly

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