Dans ces bras-là. Camille Laurens

La narratrice du prix Fémina de l’an 2000 s’interroge sur ce genre qu’elle n’a pas, comme la bien vieille chanson le fredonne : « Qu’on est bien dans les bras d’une personne du sexe opposé Qu’on est bien dans ces bras-là Qu’on est bien dans les bras d’une personne du genre qu’on a pas Qu’on est bien dans ces bras-là ». Le moyen qu’elle a trouvé pour tenter de répondre à sa question c’est de passer « ses » hommes en revue, et dire quels sont ses rapports à eux.

En plus de cent très courts chapitres elle nous présente, de « l’éditeur » au « destinataire », ses hommes réels ou fantasmés, mais trois d’entre eux sont privilégiés : le père, le mari (plus de 10 chapitres chacun), et surtout le psychanalyste, lequel en trente chapitres lui permet un face-à-face productif. Ainsi son projet s’étoffe : « Je ne serais pas la femme du livre. Ce serait un roman, ce serait un personnage, qui ne se dessinerait justement qu’à la lumière des hommes rencontrés ; ses contours se préciseraient peu à peu de la même façon que sur une diapositive, dont l’image n’apparaît que levée vers le jour ».

Que sont ces hommes pour elle ? D’abord des corps, elle est séduite au premier regard et insiste beaucoup sur les descriptions physiques. Et puis : « J’aime les hommes qui luttent avec leur corps contre la dissolution du monde, qui retardent les progrès du néant, j’aime quand les hommes portent l’effort physique à son point de rupture ». Elle ne s’embarrasse pas des stéréotypes de genre dont il lui arrive de dresser la liste sans trop y croire, mais avoue qu’au sortir de l’enfance « son idéal d’homme, sa définition de l’homme idéal : c’est quelqu’un qui a souffert, mais qu’on peut rendre heureux ». Avec un tel programme, nous comprenons qu’au bout du compte elle reste largement sur sa faim : « Elle cherche, pour les comprendre, à voir ce qui les différencie des femmes. Mais le secret échappe ».

Heureusement, il reste l’écriture, son intérêt majeur manifesté très tôt : « Le premier amour se trouve ainsi pris pour toujours dans la nasse des mots, le tissu serré des phrases. Acte interdit, chose dite. Elle a quinze ans. Enfin elle ne se borne plus à vivre sa vie, elle la recrée, elle la formule, elle l’invente. Pour la première fois, elle aime et elle écrit. Entre ses mains il y a un homme et un livre : c’est la première fois ». Ce qui nous vaut un style maîtrisé, aux jeux de mots heureux (« Moi, ce que je veux, c’est qu’on m’épouse. Que la forme de l’autre, son corps, son sexe, toute sa personne, se moule au plus près sur moi »). Quant à convaincre sur le bénéfice de son investigation…

Andreossi

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