Grande Galerie. Le Journal du Louvre

Grande Galerie, Le journal du LouvreSa belle maquette s’affiche dans les kiosques depuis la rentrée : Grande Galerie est le nouveau magazine "maison" du Louvre destiné au grand public.

Si son but est naturellement (et légitimement) de faire la promotion du Musée, on apprécie qu’il le fasse sans prétention ni style journalistique accrocheur, en étant sobrement tourné vers les oeuvres et les collections.

Il offre d’abord un panorama des actualités du Musée pour la saison en cours. On se prépare ainsi à l’ouverture des expositions Chefs d’oeuvre islamiques de l’Aga Khan Museum et Le chant du monde. L’art de l’Iran safavide, 1501-1736, annoncées pour le 5 octobre prochain, ainsi que celle consacrée au style Biedermeier à partir du 18 octobre.

Mais Grande Galerie se veut aussi recueil à conserver, en présentant dans sa rubrique L’encyclopédie des collections, une section de ses collections permanentes.
Le premier numéro propose un parcours dans les salles dédiées à la peinture vénitienne du XVIème siècle.
Il s’agit peut-être de la rubrique la plus précieuse de la revue car elle vient justement rappeler qu’à côté de l’événementiel des expositions organisées ici et là tout au long de l’année, sont également à notre portée, et en abondance, des oeuvres magnifiques, à découvrir ou revisiter sans cesse, tranquillement et loin des foules qu’agglomèrent inévitablement les expos temporaires, dans l’anxiété de louper l’unique et l’indispensable.

Sur le strict plan rédactionnel, les articles sont bien calibrés, le contenu docte, le ton didactique : il s’agit d’édifier sagement le lecteur, à la façon d’un cours d’histoire de l’art et en évitant les mots compliqués.

Séduit par sa maquette classe et sobre, sa consistance justement dosée, ses bonnes idées (telle la proposition de balade parisienne dont les étapes sont les peintures d’Eugène Delacroix dans les églises et les palais), le rappel de l’agenda des nombreuses activités du musée, on ne peut que souhaiter longue vie à une revue qui, en donnant envie "d’y aller" devrait atteindre son objectif de rapprocher oeuvres et large public.

Grande Galerie. Le Journal du Louvre
Trimestriel
En kiosque et sur abonnement
Prix : 6,90 €
Présentation sur le site du Musée du Louvre

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On choisit pas ses vacances. Comédie Caumartin

On choisit pas ses vacancesVous n’êtes pas parti en vacances au camping de Pen-ar-Coët en Bretagne cet été ? Il est encore temps de le faire, mais à présent sans bouger de Paris, bien calé au chaud de la Comédie Caumartin.

Il y a les habitués, ceux qui adorent y revenir chaque année, et il y a celles qui subissent les joies de la vie communautaire au plein air en rêvant d’un séjour en hôtel-thalasso.
Il y a celui qui arrive un peu tard et se retrouve coincé dans sa canadienne contre les sanitaires, et l’inspectrice qui vient vérifier quelques 324 points qualité pour une improbable troisième étoile…

Ce pourrait être caricatural et grossier, c’est tout simplement extrêmement drôle.

Dès la première scène, on y est.
Les dialogues et les situations s’enchaînent avec délices et surprises et les cinq comédiens tous très bons composent de façon bluffante dix-sept personnages parfaitement incarnés.

Cette galerie de portraits tous très attachants, y compris l’inspecteur des impôts (le bonhomme "installé" près des cabinets, c’est lui !), la fluidité de la pièce et le talent comique indéniable de la troupe font de On choisit pas ses vacances une comédie totalement réussie.

On choisit pas ses vacances
Une comédie de Jean-Christophe Barc et Dominique Bastien
Avec Aurélie Boquien, Juliette Galoisy, Nathalie Portal, Jean-Christophe Barc et Dominique Bastien
Comédie Caumartin
26, rue Caumartin – Paris 9ème
Du mardi au samedi à 21 h 30, matinée le dimanche à 15 h
Location au 01 47 42 43 41
Billets de 15 € à 30 €

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Le Rideau de Sucre. Camila Guzmán Urzúa

Le rideau de sucre de Camila GuzmanLe Paradis. Tel est le pays où Camila Guzmán Urzúa dit avoir grandi : Cuba, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, alors que le régime castriste triomphait.

Née au Chili en 1971, ses parents fuient la dictature de Pinochet alors que Camila n’a que deux ans.
Jusqu’à son départ de l’île à l’âge de 19 ans, Cuba est son pays, le seul dont elle se souvient.

En 2002, après avoir vécu en Espagne, en Angleterre, au Chili et à Paris, où elle réside désormais depuis sept ans, Camila Guzmán revient à Cuba tourner son premier film.

Dans ce documentaire autobiographique, réalisé dans des conditions artisanales, la fille du cinéaste chilien Patricio Guzmán raconte son enfance à Cuba, son paradis donc, difficile à imaginer pour nous aujourd’hui.

Elle montre pourtant l’évidence du bonheur de sa génération : du travail et un toit pour tous, le confort matériel, l’absence de la valeur argent, la solidarité.
L’école pourvoit à tout, des stylos aux livres en passant par les loisirs au vert ou encore ces goûters faits de biscuits, de chocolat, de bonbons, de glaces et de boissons à volonté.
L’alphabétisation à fond de train pour mieux réaliser un idéal : bâtir la société de demain.
Camila et ses contemporains étaient des Pionniers qui avaient pour père Che Guevara. Tout leur semblait possible. Il faisait chaud, ils n’avaient pas faim ; ils n’avaient qu’à rêver.

En grandissant, des choses ont commencé à les "gêner" (le manque de tolérance, les fiches, la délation).
Camila Guzmán est partie voir ailleurs.
Entre-temps, le mur de Berlin était tombé. L’île n’a plus été approvisionnée par l’URSS. Les Cubains ont connu la faim, les soucis quotidiens, le besoin d’argent.
Beaucoup ont émigré. Certains sont restés. Aujourd’hui, ils se souviennent et racontent sous l’oeil d’une caméra amie.

"Je me demande si tout cela a réellement existé" s’interroge Camila Guzmán en évoquant ce bonheur passé.
Porté par son regard d’enfant, c’est la magie d’une utopie vécue que son film restitue. Il en est magnifique et troublant.

Le Rideau de sucre (El telón de azúcar)
Un film documentaire de Camila Guzmán Urzúa
France, durée 1 h 20
Distribution Epicentre Films

Le Rideau de Sucre a reçu notamment le Prix SIGNIS (Rencontres Cinéma d’Amérique Latine Toulouse 2007), le Prix LOUIS MARCORELLES (Cinéma du Réel Paris 2007) et le Prix FIPRESCI BAFICI (Buenos Aires 2007).

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Julio Gonzales au Centre Pompidou

Julio GonzalesHarmonie, beauté, cohérence : malgré la diversité des inspirations nettement visibles ici ou là dans les oeuvres du catalan Julio Gonzales (1876-1942), l’exposition qui se tient jusqu’au 8 octobre au Centre Georges Pompidou imprime le sentiment d’une homogénéité certaine.

On sent la solitude de l’artiste qui a souvent regardé autour de lui, fréquenté et travaillé avec ses contemporains – notamment avec Picasso dont il fut le praticien pour la réalisation de ses constructions en fer entre 1928 et 1932 –, mais s’est toujours gardé de s’engouffrer complètement dans le souffle solide des courants de son temps, en particulier le surréalisme et le cubisme.
Ces mouvements ne seront qu’approchés, inspirés, frôlés.

L’exposition met merveilleusement en évidence le parcours de l’artiste inventeur de la sculpture en fer, dont l’influence sur l’évolution de l’art au XXème siècle fut indéniable.

Ce parcours, c’est une origine – la ferronnerie d’art familiale –, des débuts – dessins magnifiques à la Degas dans les années 1910 à 1914 –, du talent – remarquable de bout en bout sur tous les supports qu’il a exploités –, des recherches – qui ont la grâce de demeurer « invisibles » –, un regard éveillé et curieux – cf. les influences –, parcours qui s’achève par un retour aux débuts (forcé, il est vrai par le manque de matières premières pendant l’occupation) avec le dessin, mais complètement transformé, moderne, au trait puissant et expressif.

L’évolution de ses créations sculpturales est remarquable. Aux nus féminins en bronze, tour à tour sensuels et mélancoliques succèdent les premiers reliefs en fer, visages découpés à même la feuille de métal.
Il adjoint vite barres et plaques pour élaborer des oeuvres dans lesquelles les espaces vides créés autour de la matière sont partie intégrante de la sculpture. Julio Gonzales parle alors de « dessin dans l’espace ». Ce sont des oeuvres autour desquelles on aime tourner, pour découvrir autant d’aperçus différents que d’angles de vue, tels cette Petite danseuse, cette Chevelure, ou Le Rêve Le Baiser (1934) aux proportions parfaites, tout en légèreté, force et dynamisme. Ou encore, l’une des plus belles sculptures de l’exposition, L’Ange, L’Insecte, La Danseuse (1935), silhouette hybride humaine et zoomorphe, tout droit sortie du fantastique.

Après la célèbre Montesserat, sculpture réaliste de femme criant (exposée près du Guernica de Picasso dans le pavillon espagnol de l’Exposition internationale de Paris de 1937), symbole des souffrances du peuple espagnol pendant la guerre civile, les dernières sculptures, à la fin des années 1930, une fois encore à la frontière du réalisme et de l’abstraction, mi-cactus mi-figures humaines, expriment de façon très manifeste la violence de l’époque en Europe. Ce sont les seules oeuvres porteuses d’agressivité.
Les autres évoquent des émotions plus « rentrées », mais aussi vie et mouvement.
Et, toujours, ressort une singularité, une profonde puissance créative, un élan vital hors du commun.

Julio Gonzales
Centre Pompidou
Jusqu’au 8 octobre 2007
Tlj sauf le mardi de 11 h à 21 h
Entrée « musée et expos »10 € (TR 8 €)
Catalogue 340 p., 49,90 €

Image : Jeune fille fière (1934-1936), Bronze, ADAGP- Coll. Centre Pompidou,Paris, Dist. RMN (photo : Philippe Migeat)

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Arcimboldo au Musée du Luxembourg

Arcimboldo, PrintempsCes têtes anthropomorphiques faites de fruits, de fleurs, d’animaux, maintes fois reproduites font partie de notre paysage, de notre culture picturale commune. On croit les avoir toujours vues.

Et pourtant, de sa mort, à la fin du XVIème siècle jusqu’au XXème siècle, où il fut redécouvert, notamment grâce aux surréalistes, Arcimboldo (1526-1593) est demeuré dans l’oubli complet.

Et il a fallu attendre plus de temps encore pour qu’une importante exposition monographique lui soit consacrée. Voici chose enfin faite au Musée du Luxembourg à Paris jusqu’au 13 janvier 2008.

L’on s’aperçoit alors que de Giuseppe Arcimboldo on ne connaissait rien du tout. Que plus que jamais les pâles reproductions ne donnent pas à connaître l’oeuvre peinte.
Mais aussi, et cela a quelque chose de merveilleux, qu’une part de mystère demeure inviolée. Celle du sens, bien sûr.

Quelle mouche a piqué ce portraitiste, concepteur de fêtes, de décors et de costumes à la cour des Hasbourg, pour se mettre à peindre ces figures indescriptibles, natures mortes à visage humain, s’amusant même à créer des portraits réversibles (un miroir placé dessous permet d’apprécier le génie des deux perspectives) ?
L‘Automne, tutti fruti, a pour pomme d’Adam une poire et L‘Eau, tout poissons, coquillages et crustacés, porte un collier et une boucle d’oreille en perles fines. Et que dire des représentations des métiers, ultra-caricaturistes, tel le bibliothécaire, dont le corps énorme constitué de livres immenses semble emmêlé dans le rideau de la bibliothèque ?

On a surtout envie d’y lire l’humour et l’audace d’un artiste bien établi dans son temps qui s’est trouvé pris d’envie de bizarre et de fantaisie…

Mais on peut aussi y voir des allégories (les quatre saisons pour les quatre âges de la vie), éventuellement se laisser convaincre par l’analyse structuraliste de Roland Barthes…

Le tout est d’aller voir par soi-même, de se laisser charmer par la beauté des tableaux, de s’abîmer longuement dans les détails minutieusement peints, et de se laisser surprendre dans le clair-obscur…
L’ambiance y est d’ailleurs tout à fait propice, l’exposition mêlant aux oeuvres de l’artiste des vitrines garnies d’objets décoratifs issus de cabinets de curiosités de l’époque. Ici, un serpent et un crapaud en bronze, là un tourteau et un escargot de mer, sans compter une curieuse aiguière avec coquillage et écrevisse de Bernard Palissy.
Vous en voulez encore ? Noix de coco sculptée et oeuf d’autruche montés sur argent en gobelets. Et le chouchou : la lampe à huile en forme de coquillage reposant sur une serre d’aigle.

Tout cela pour dire qu’Arcimboldo était bien de son temps : celui où l’on aimait à connaître la nature, où l’on découvrait de nouveaux mondes et donc de nouvelles espèces, où l’on voulait embrasser et confronter la diversité de ce qui existe, réunir en un même lieu les différents règnes…

Et si Arcimboldo, tout passionné qu’il était de ces cabinets, avait voulu dépasser cela, créer le merveilleux, le monstre, en transgressant les frontières entre ces différents ordres (on en revient à Barthes) ?

Artiste de génie connu et méconnu, univers fantastique et symbolique : les amateurs de curieux et de mystérieux vont adorer Arcimboldo.

Arcimboldo (1526-1593)
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard – Paris 6ème
Du 15 septembre 2007 au 13 janvier 2008
Horaires d’ouverture : lun., ven., sam., de 10 h 30 à 22 h
mar., mer., jeu., de 10 h 30 à 19 h et dim. de 9 h à 19 h
Entrée 11 € (TR de 5 € à 9 €)
Catalogue 328 p., 38 € ; DVD 60 mn, 23 €, livre-CD 17 €

L’exposition s’installera ensuite à Vienne au Kunsthistorisches Museum, du 11 février au 1er juin 2008.

Image : Giuseppe Arcimboldo, Le Printemps (1573), huile sur toile, 76 x 64 cm, Paris, Musée du Louvre, ©RMN – Gérard Blot / Photo de presse

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Beau retour au Mexique pour ''El violin'' de Francisco Vargas

El Violin de Francisco VargasLe billet inaugural de maglm était consacré à El violin, film beau et émouvant du Mexicain Francisco Vargas sur la lutte contre la dictature menée par quelques paysans, dont le personnage principal était Don Plutarco, un vieillard estropié d’une main et dont la musique était la seule arme.

L’accomplissement de ce projet relevait presque du miracle.
El violin n’était au départ qu’un court métrage de fin d’études au Centre de Formation Cinématographique du Mexique, où Francisco Vargas, après avoir étudié l’art dramatique et la communication a fait son apprentissage de réalisateur.

Bien qu’il ait eu d’emblée l’idée d’en faire un long métrage, ce n’est que grâce à la présentation du film au festival de de Guadalajara, où il a été récompensé, puis à Toulouse, dans le cadre de "Cinéma en Construction", et enfin à sa sélection à Cannes, que Francisco Vargas a pu terminer la version longue du Violin.

Le film fut donc projeté en 2006 à Cannes dans la sélection Un Certain Regard (il concourait également pour la Caméra d’Or) où il reçut le prix d’interprétation masculine pour la prestation de Don Angel Tavira dans le personnage de Don Plutarco.

Lors de sa sortie en France, le 3 janvier 2007, Francisco Vargas regrettait que son film ne soit pas distribué dans son pays. Il déplorait notamment que l’industrie du cinéma ne mise que sur des films commerciaux, "à l’américaine", alors que le public avait envie d’autre chose, avait même besoin de revenir à la culture mexicaine traditionnelle.

Mais le film a été montré un peu partout ailleurs et a reçu pas moins de 36 prix.

Au printemps 2007, il sort enfin au Mexique.
Les grands médias nationaux le soutiennent. L’hebdomadaire Proceso, enthousiaste, affirme :
« Un ejemplo de cine deseable, del mejor cine que se ha hecho en México, es El violín. El violín la película que acabe de una vez por todas con el miedo de saber quiénes y cómo somos. »

Il s’ensuit alors un immense succès, un véritable « phénomène de société » comme le soulignait un article du journal Le Monde (1er juin 2007) :

« Avec seulement 20 copies dans la capitale, plus de 160 000 personnes ont déjà vu ce long métrage en noir et blanc sans acteur connu, et qui évoque un épisode souvent occulté de l’histoire du Mexique : la répression brutale des guérillas paysannes dans les années 1960-1970. Les trois grands circuits de salles multiplexes avaient jugé inopportun de l’accueillir en 2006, à cause des tensions de la campagne présidentielle, puis de la longue crise post-électorale.
Les Mexicains, pensait-on, étaient saturés de politique. Au contraire : les gens applaudissent à la fin des projections, des écoles y envoient leurs élèves par bus entiers, les universités organisent des débats devant des amphis archicombles. Ce film indépendant, qui a coûté à peine 1 million de dollars, a obtenu, début mai, les meilleurs résultats d’exploitation après Spiderman 3, bombardé dans 950 salles. (…)
Selon Vargas, la réponse du public "est significative de l’état du pays, mais aussi du désir de voir du bon cinéma mexicain, et pas seulement des superproductions américaines".
L’impact du film est d’autant plus fort que l’opinion publique s’interroge sur des "dérapages" de l’armée, engagée depuis cinq mois dans des opérations contre les narcotrafiquants. (…)
Vargas et Canana Films ( société fondée par les acteurs Gael Garcia Bernal et Diego Luna ) veulent ensuite conduire le film jusqu’à des villages isolés, grâce à une "charette cinématographique": sa carrière mexicaine ne fait sans doute que commencer. »

C’est tout le bien qu’on lui souhaite…

Les hispanophones pourront lire une interview de Don Angel Tavira dans Proceso.

Et merci au lecteur qui m’a précisé la date de l’article du Monde.

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Une vie divine. Philippe Sollers

Une vie divine de Philippe Sollers Contre la résignation, le nivellement par le bas, le triste et misérable bougli-bougla culturel et sexuel, le modèlement social, l’anxiété générale, voici le singulier, l’esprit, l’esthétique, la joie.

La corde à suivre : celle de Nietzsche.
Aux incompréhensions dont le philosophe a été victime de son temps ; à ce que, selon Philippe Sollers, il est devenu historiquement, les multiples récupérations et déformations, approches toutes fausses de sa pensée, l’auteur oppose la sienne, l’éternel retour vu comme le bonheur présent d’une "éternité vécue".
En parallèle, la démonstration par l’exemple positif : le narrateur sollersien vivant ses amours (et lesquelles !), écrivant à Paris, davantage encore à Venise (on a connu pire), dissimulant son être, jouissant de sa vie divine (on le croit).

Philippe Sollers fournit toute la matière nécessaire à l’agacement : contentement de soi, administration de leçons (ce qu’il ne cesse précisément de pourfendre), et surtout, joie trop souvent associée à un confort matériel confinant au luxe (il ne dort pas sous les ponts à Venise).

Mais on renonce vite à l’agacement lorsqu’on lit des passages de cette veine :

« Il y a bien des épisodes cocasses ou tragiques dans une existence, joies, attentes, sables mouvants, chutes, maladies, déceptions, ennuis – mais il y a aussi les souvenirs honteux, ceux qui vous font monter le sang au visage. Consternantes niaiseries, égoïsme, mensonges idiots, mauvaises actions, lâchetés, bêtises. C’est là que la Commandeuse Morale vous rejoint, se redresse, se gonfle, veut vous juger, réécrire l’histoire à votre place, vous rapetisser et vous écraser. Eh bien non, vous n’allez pas être écrasé, mais rire. « Repens-toi, scélérat ! » – « Non ! » – « Si ! » – « Non ! » – « Si, si ! » – « Non, vieille infatuée, non ! »

Beauté, liberté, quant-à-soi, soleil, présence au monde ici et maintenant, aménagements discrets pour échapper au vulgaire… bain souverain, divine proposition.

Une vie divine. Philippe Sollers
Folio Gallimard (2006, 2007 pour l’édition de poche)
503 p., 7,70 €
Site des Editions Gallimard

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L'aube le soir ou la nuit. Yasmina Reza

L'aube le soir ou la nuit Yasmina RezaCombien de temps a-t-il fallu à Yasmina Reza pour être séduite par Nicolas Sarkozy ? On ne le sait pas exactement.

En tout cas, à la page 40, elle semble déjà "cuite" : De temps en temps, il se tait et me détaille. Il a des yeux doux et rieurs
Cette phrase pourrait être extraite de n’importe quel roman d’amour, elle décrirait le moment où le lecteur est invité à comprendre que le narrateur commence à se sentir exister dans les yeux de l’autre.
Cette impression d’"histoire d’amour" (platonique), visiblement irrésistible conséquence de l’intimité qui se crée au fil de la campagne du candidat, dont l’auteur partage chaque instant, ne fera que se confirmer, l’auteur avouant, vers la fin du livre Pourtant, c’est souvent hors micro, hors caméra, livrant, sans y penser, la pleine mesure de sa liberté que je l’admire sans réserve.

On ne saurait dénier à Yasmina Reza l’authenticité de son intention artistique : connaître par soi-même ce personnage fascinant qu’est le probable futur président de la République, l’homme le plus médiatisé de France, celui qui fait couler le plus d’encre ("Je suis quand même une source inépuisable pour vos articles de merde !", aurait-il déclaré à des journalistes du Monde et du Figaro).

Donc, aller visiter les coulisses, faire de l’homme le sujet d’un roman, d’un récit, d’une pièce de théâtre, peu importe, le projet était excitant.
Et ne pouvait qu’être destiné à un colossal succès commercial compte tenu de la notoriété de l’auteur et de son sujet.

Mais le résultat révèle, hélas, bien peu de choses. Yasmina Reza fait de Nicolas Sarkozy un portrait attachant puisqu’elle souligne ce que le personnage a de profondément humain : l’enfance, la peur de la solitude, la peur du temps, de la mort… aspects dont on a pas attendu ce livre pour avoir un aperçu.

Seulement, en insistant sur l’humanité de l’animal politique extraordinairement puissant, ne commet-elle pas une hagiographie inespérée ?

Reste que Yasmina Reza avait une intention seconde (ou première) en entreprenant L’aube le soir ou la nuit : déceler chez Nicolas Sarkozy ce dans quoi elle pourrait se reconnaître : se regarder dans le miroir qu’il a accepté de lui tendre.
Le livre distille alors au fil des pages une sorte de quête de soi via le futur président, quête qui, dans ce cadre de référence, prend une ampleur incommensurable…

Malgré le talent et la finesse de Yasmina Reza, le résultat est sans surprise. Plus on avance dans l’ouvrage, plus on se demande "à quoi il sert."
Si on apprend quelques détails propres à satisfaire notre curiosité de grand public, d’un point de vue littéraire, ce journal de "l’accompagnatrice" est d’une vanité proche de l’absolu.

La fin en queue de poisson, où l’écrivain est censée avoir avec celui qui est désormais le nouveau président de la République sa première conversation réelle, mais dont elle affirme qu’elle ne peut rien tirer pour l’écriture a tendance à le confirmer furieusement.

L’aube le soir ou la nuit. Yasmina Reza
Flammarion (août 2007)
186 p., 18 €

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Le Musée de la Vie romantique accueille Jean-Jacques Henner

La liseuse de Jean-Jacques HennerDans la seconde moitié du XIXème siècle, alors que l’avant-garde impressionniste s’enflamme, la peinture officielle continue de remplir les Salons.

Si l’on s’est largement détourné, au XXème siècle, de ces peintres académiques, figures du conservatisme le plus repoussant, on redécouvre Jean-Jacques Henner aujourd’hui avec l’intime plaisir de se plonger dans les derniers soubresauts du romantisme.

Cet Alsacien, fils de cultivateurs, qui a suivi la voie classique (formation en province puis à l’Ecole des Beaux-Arts et dans les ateliers parisiens, fréquentation assidue du Louvre, Grand Prix de Rome et Villa Médicis) n’a certes contribué à aucune révolution.

L’oeuvre de ce peintre aux influences multiples (Renaissance italienne, Holbein, Ingres, Corot, Prud’hon…) ne se rattache à aucun courant pictural du XIXème siècle.
Régulièrement exposé et récompensé dans les Salons et les Expositions Universelles, ainsi qu’au musée du Luxembourg après l’achat de certaines de ses oeuvres par l’Etat, il fut également un portraitiste recherché dans la société bourgeoise du XIXème siècle.

Ses portraits ne passionneront guère les foules aujourd’hui.
L’Alsace. Elle attend (1871), qui fut l’emblème du deuil national après la perte de l’Alsace-Lorraine en 1870 et Alsacienne ou Eugénie Henner en Alsacienne tenant un panier de pommes (1869-1870) ne sont pourtant pas totalement assommants : ils sont même saisissants de pose et d’attente, de vie qui se résigne et se fige dans la fleur de l’âge…

Ce n’est pas pour elles qu’on se déplacera mais pour la belle nymphe rousse, déclinée en de multiples tableaux de tous formats, tantôt sa peau laiteuse prenant le nacré de la porcelaine, nu sophistiqué quelque peu ingresque, tantôt son corps de déesse se modelant par le jeu de l’ombre et de la lumière dans un léger flou propice au rêve et à l’abandon.
On retrouve cette veine, la plus touchante chez Henner, dans Le rêve ou Nymphe endormie (1892) et Paysage de Troppmann-Kinck (1879) où le coup de pinceau libre et fluide, ce que le peintre appelait les petits tons, les contrastes exagérés de l’eau et du ciel clairs avec la végétation brune, presque noire, expriment une nature très poétique, voire mélancolique.

De la peinture de Jean-Jacques Henner, qui compte également un grand nombre de tableaux religieux (dont les impressionnants Jésus au tombeau et Saint Sébastien), on retient donc surtout la magnifique sensualité de ses nus. La seule Femme qui lit dite La Liseuse (1883), avec toujours sa chevelure rousse et libre, son corps alangui doucement modelé, redressé au dessus d’un livre grand ouvert, dans une ambiance chaude et vaporeuse fera aimer cet "académique"-là.

Face à l’impressionnisme
Jean-Jacques Henner, le dernier des romantiques
Musée de la Vie romantique
Hôtel Scheffer-Renan, 16 rue Chaptal – Paris 9ème
Jusqu’au 13 janvier 2008
TLJ sf lundis et jours fériés de 10 h à 18h
M° St-Georges, Blanche, Pigalle, Bus 74, 67, 68
Entrée 7 € (TR 5,50 et 3,50 €)
Entrée libre pour les collections permanentes

Avant de partir, on peut prendre un verre, un déjeuner léger ou un goûter dans le jardin du salon de thé (ouvert de mai à octobre de 11 h 30 à 17 h30), au milieu d’un fouillis végétal parsemé, en septembre, de rosiers remontants, de dahlias et de roses trémières.

Image : Femme qui lit dite La Liseuse (1883)

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Dunkerque l'Européenne : De Gerhard Richter à Markus Sixay, Particules d'histoire

Gunter Forg, Installatie 2Gunter Forg, Installatie 1Après l’Espagne en 2003, avec un programme parrainé par Jorge Semprun, puis l’Angleterre en 2005, pour sa troisième édition, la biennale de culture contemporaine Dunkerque l’Européenne se tourne vers l’Allemagne contemporaine.

Jardins d’artistes, théâtre, danse, musique, expositions, cinéma, rencontres et débats ponctuent cette manifestation qui se déroule du mois de mai à novembre 2007, sous la signature de Jérôme Clément, président d’Arte-France, vice-président d’Arte.

Au LAAC (Lieu d’Art et d’Action Contemporaine) de Dunkerque la création plastique allemande est mise en valeur à travers l’exposition De Gerhard Richter à Markus Sixay… Particules d’histoire.

Ni exposition explicitement thématique, ni panorama complet, elle propose un regard sur la diversité et la vitalité de la scène allemande de 1970 à nos jours en peinture, sculpture, photo, installation.
Cette approche permet au visiteur, au fil de huit espaces judicieusement aménagés, de retrouver des artistes connus, d’en découvrir d’autres, d’établir des correspondances… et d’être souvent surpris.

C’est le cas lorsqu’il voit à ses pieds un carré blanc immaculé d’une étonnante brillance, intitulée Pierre de lait (1978) : une plaque de marbre légèrement concave recouverte de véritable lait ! Influencé par la spiritualité orientale, Wolfgang Laib a conçu son oeuvre comme un rituel d’offrande. Chaque matin, le réceptacle minéral est rempli de deux litres et demi de lait…
Esthétique minimaliste, pureté, cette création, au-delà de son côté anecdotique, détonne et inspire à une contemplation toute méditative.

Audace, surprise toujours, dans l’espace consacré à Gerhard Richter, l’artiste de ces vingt dernières années le plus connu en Allemagne. Ses "tableaux photographiques", reproductions picturales aux contours flous de photographies, ses monochromes gris sont bluffants. A côté, un grand et très beau tableau abstrait, Athen (1985) avec son explosion de couleurs vives dégage une formidable énergie. La puissance créative de l’oeuvre de cet artiste difficile à "dater" et à classer l’impose au premier plan de l’exposition.

Plus loin, on retrouvera un artiste multidisciplinaire dont on a déjà parlé côté peinture (qui est montré jusqu’au 9 septembre à l’hôtel des Arts de Toulon), Günter Förg. Ici sont installées face à face deux grandes photographies qui se répondent (Intallatie, 1986), portraits d’une toute jeune fille à deux âges différents, qui se reflètent l’une dans l’autre : enfance, temps qui passe, souvenirs… un ensemble éloquent et très touchant.
Si on ne peut citer tous les artistes exposés ni la diversité de leurs inspirations, on ne peut faire l’impasse sur la photographie objective allemande, en particulier avec les oeuvres du couple Bernd et Hilla Becher, qui, dès 1959 ont commencé à photographier des bâtiments industriels tels les hauts-fourneaux, les fours à charbons, les châteaux d’eau… Pris de face, ils sont présentés en séries de sujets identiques et créent une typologie d’éléments de l’industrie minière en Allemagne, mais aussi dans le reste de l’Europe et aux Etats-Unis.

Dans cette veine, appelée Ecole de Düsseldorf (du nom de l’académie où Bernd Becher enseigna), d’autres artistes leur ont emboîté le pas, tel Thomas Struth qui photographie les villes avec une objectivité poussée à l’extrême, montrant des immeubles sans leurs habitants mais dont l’architecture révèle les groupes sociaux qui les occupent. Ses photos froides et frontales l’inscrivent dans la mouvance de ceux qu’on pourrait appeler les "photographes-antropologues"…

De Gerhard Richter à Markus Sixay, Particules d’histoire
Dunkerque l’Européenne 3
LAAC de Dunkerque
Jusqu’au 28 octobre 2007
Jardin des sculptures – 59140 Dunkerque
parking rue des Chantiers de France
tél. : 03 28 29 56 00
mél. : art.contemporain@ville-dunkerque.fr
TLJ sauf le lundi
Mar., mer. et ven. : de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h 30
Jeu. de 10 h à 12 h et de 14 h à 20 h 30
Sam. et dim. de 10 h à 12 h 30 et de 14 h à 18 h 30

Image : Günther Förg, Installatie, 1986 © SMAK Gand

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