Mort à Crédit. Céline, par Eric Sanson

Eric Sanson, Mort à Crédit, CélineNous nous retrouvons au "cabaret" du théâtre Essaïon, à dire vrai une cave, avec ses murs nus et son odeur de pierre, une poignée de fauteuils rouges et une scène comme un mouchoir de poche à même le sol, sur laquelle trône un immense fauteuil sans âge.

Le noir se fait, l’on devine qu’un homme s’y installe puis, très vite, sa voix monte, tranquille, calme, habitée. Pendant de longues minutes nous restons dans la pénombre, immédiatement saisis par cette voix magnifique que l’on découvre, et ces mots que l’on reconnaîtrait entre mille : ceux de Louis-Ferdinand Céline.

Eric Sanson interprète seul en scène un extrait de Mort à Crédit, où le narrateur se souvient de son premier travail, dans ses toutes jeunes années, chez Courtial des Pereires, directeur d’un périodique pour "artisans-inventeurs", le Génitron.

Décrivant ce personnage fascinant, sa façon de travailler, ses clients illuminés, son atelier qui tenait de la boutique, du laboratoire et de la bibliothèque, sans compter la cave où il allait prétendument méditer et inventer, mais en réalité dormir, le narrateur passe au fil de son séjour chez Courtial de l’admiration la plus étourdie au mépris le plus radical.
La langue sans mesure de Céline pour restituer l’une et l’autre avec force, précision et mouvement n’a d’égale que la puissance d’interprétation d’Eric Sanson. Les mots de Céline, il les savoure, mais jamais ne s’écoute les dire ; il incarne le récit avec rythme et fluidité et captive un public qui se délecte.

En sortant, l’on se souvient avoir cru, un temps, que seul Fabrice Luchini pouvait dire Céline. Or, la nuance est de taille : Luchini lit magnifiquement Céline mais ses spectacles restent toujours du Luchini lisant Céline. Eric Sanson, lui, offre au spectateur la merveilleuse et vivifiante illusion d’avoir vu un roman de Céline se dérouler sous ses yeux, le Bordelais faisant partie de ces rares interprètes capables de mêler ensemble en les respectant absolument les bonheurs du théâtre et de la littérature.

Mort à Crédit
de Louis-Ferdinand Céline
Avec Eric Sanson
Mise en scène : Renaud Cojo
Lumière : Jean-Pascal Pracht
Théâtre Essaïon
6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard), Paris 4ème
Les jeudis, vendredis et samedis à 20h
Places à 20 € (TR 15 €)
Durée : 1 h
Jusqu’au 30 Décembre 2011

Crédit photo © Philippe Poirier

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