Gustave Courbet au Grand Palais

Courbet, Les baigneusesIl était temps de passer à autre chose. Foin de la froideur académique, foin du romantisme exalté – quoique Le désespéré en manifeste les derniers soubresauts – Gustave Courbet (1819-1877) voulait peindre autrement.
Il le fit, heurtant la suffisance bourgeoise en bousculant les clichés de son temps.
Des grands formats, réservés à la peinture religieuse ou historique, il fait des scènes profanes, qui, tels Un Enterrement à Ornans et L’Atelier du peintre scandalisent.
Des nus, il rejette la représentation irréelle des chairs transparentes et la morphologie idéale empruntée à la Grèce classique.
Des paysages, il supprime l’espace, l’air, le recul.
Voici donc Le Réalisme de G. Courbet, du nom qu’il donna lui-même à l’exposition de ses oeuvres qu’il organisa dans un pavillon en marge de l’Exposition Universelle de 1855.
La nature, la nature, rien que la nature.
Elle est brute, dense, presque agressive.
Il n’y a qu’à voir ses paysages. Qu’il choisisse les falaises d’Etretat, les grottes de la Loue, ou encore un arbre – Le chêne de Flagey -, Courbet peint toujours du massif, du solide, et en très gros plan. Même dans ses marines, l’on ne sent que la puissance des vagues, la lourdeur des nuages gris, l’abondance de l’écume d’une eau épaisse et foncée.
Car Courbet, par une représentation matérielle très présente semble souvent se situer dans l’affirmation d’une force .
Une manière qui sert "la vérité" ; et là est bien son idée. Cela est manifeste dans les scènes campagnardes comme Les Paysans de Flagey revenant de la foire, où l’on sent toute l’empathie et la proximité du peintre pour sa région d’origine – la Franche-Comté – et ses habitants : serrant dans sa grande toile moult personnages qu’accompagnent chevaux, vaches et cochon, travaillant le paysage de façon très secondaire, Courbet sert véritablement son sujet en lui ôtant tout caractère pittoresque. L’éclairage du tableau, évoquant la fin du jour, cette heure "entre deux lumières", n’est pas non plus pour rien dans ce saisissant réalisme.
Mais c’est dans ses portraits et ses nus que Courbet est certainement le plus remarquable.
Paradoxalement pourrait-on dire, ses portraits évoquent souvent la douceur. Les personnages semblent montrés dans leur humanité, à la fois simple et complexe. Il a peint l’abandon de L’Homme blessé, allongé contre un arbre ; la mise en situation est convaincante. Il a peint Un chasseur sans le caricaturer ni l’idéaliser (il était lui-même un grand chasseur) : son expression et son profil doux, la sensualité de sa barbe sont pour le moins inattendus.
Il a croqué les femmes avec des nuances infinies, telle l’une de ses quatre soeurs cadettes, Juliette, avec une petit air mystérieux, mi-boudeuse, mi-fiérote, enfantine et pensive.
Et que dire de la salle réservée aux nus féminins, clou de l’exposition qui, bien au-delà du côté devenu anecdotique de L’Origine du monde montre le talent de Courbet : des chairs vivantes et dodues, des poses audacieuses… il ne s’agit pas visiblement pour l’artiste de montrer seulement une sensualité alanguie, mais aussi toute la part de jeu que la pose et l’expression de ces femmes dénudées révèlent.

Gustave Courbet
Galeries nationales du Grand Palais
Paris 8ème, M° Champs-Elysée-Clémenceau
Jusqu’au 28 janvier 2008
Tlj sf le mardi de 10 h à 22 h (jeudi jusqu’à 20 h)
Entrée 10 € (TR 8 €)
Catalogue de l’exposition édité par la Réunion des musées nationaux, 479 p. 49 €

Image : Les Baigneuses, 1853, Huile sur toile 227 x 193, Musée Fabre, Montpellier Agglomération © Photo Frédéric Jaulmes

Facebooktwitter