L'image révélée au Musée d'Orsay

L'image révélée, photographies britanniques au musée d'OrsayAu moment où, en France, Louis Daguerre mettait au point un procédé photographique sur plaque de cuivre argentée, de l’autre côté de la Manche, William Henry Fox Talbot inventait dans la plus grande discrétion la photographie sur papier. Mais la révélation en janvier 1839 de la découverte de Daguerre, accueillie dans l’enthousiasme suscita l’émulation et poussa ce gentleman de Talbot, botaniste, mathématicien et féru d’art à sortir de sa réserve.

Telle est la passionnante histoire que le Musée d’Orsay, en association avec la National Gallery of Art de Washington et le Metropolitan Museum of Art de New-York met en lumière jusqu’au 7 septembre 2008.
Cette exposition de cent vingt photographies britanniques des années 1840-1860 est surtout l’occasion de découvrir des oeuvres magnifiques, pour l’essentiel montrées pour la première fois au public français.

Immédiatement, l’oeil est séduit par le rendu du procédé de Talbot (utilisant un négatif papier à partir duquel un positif en papier également est tiré par contact) : il est à l’opposé de celui des daguerréotypes, métalliques et précis.
La technique anglaise donne un résultat velouté, soyeux, vaporeux, tout en contraste entre éclats de lumière et masses sombres. Grâce est de constater que le nom donné par Talbot à son invention, le calotype, littéralement la belle image n’était pas usurpé.

Les thèmes explorés par le scientifique et ses disciples se prêtent fort bien à cette manière empreinte d’onirisme : végétaux, visions de ruines, simple meule de foin… D’emblée, la photographie naissante semble s’être inscrite dans le mouvement artistique de l’époque, celui de l’idéal de l’harmonie de l’homme avec la nature, du culte des vestiges du Moyen-Age, de toutes ces revisites du passé très XIXème siècle qui ont nourri le romantisme britannique pictural et littéraire.
En même temps, les calotypes anglais et écossais annoncent une vision moderne du paysage, à moins qu’ils ne soient l’écho de l’évolution de la peinture à cette époque. L’impression est saisissante devant la Crique d’Anstey de Benjamin Turner, ou dans un tout autre sujet, le très beau paysage de neige de Queen Street à Bristol.

Expo à Orsay, les calotypes britanniquesLa photographie est aussi le moyen rêvé pour immortaliser les sites visités par les membres des classes aisées britanniques lors de leur fameux Grand Tour en Europe.
Voyez cet Anglais du chic le plus accompli appuyé contre les ruines à Pompéi, voyez l’émouvante simplicité de ces pots de terre à Nice, voyez l’époustouflant diptyque restituant une vue de Naples, ample et toute blanche ou encore, à côté d’autres clichés plus conventionnels, ces paysages pyrénéens qui tranchent par leur irréalité et leur poésie.
Ce beau voyage dans le temps et les grands espaces se termine par des images du nouvel Empire britannique, en Inde et en Malaisie, avec par exemple la merveilleuse composition montrant une statue de Bouddha, ou les superbes entrées de lumière dans le clair-obscur qui abrite le Trône de cristal du Diwan-i-Khas à Delhi : art, voyage et culture, voilà bien ce que les premières photographies britanniques ont révélé.

L’image révélée : premières photographies sur papier en Grande-Bretagne
(1840-1860)
Jusqu’au 7 septembre 2008
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée 8 € (TR : 5,5 €)

Images : John Stewart (1800-1887), Col et pic d’Arrens photographiés depuis le mont Soubé, 1852 (épreuve sur papier salé d’après un négatif papier) National Media Museum, Bradford, UK© The RPS Collection at the National Media Museum, Bradford
Charles Moravia (1821?–1859), Le Trône de Cristal du Diwan-i-Khas, Delhi, 1858 (épreuve albuminée d’après un négatif papier) Collection privée

Facebooktwitter