
Il manque un nom sur la couverture du roman primé par « La Vie heureuse » (futur Fémina) 1921. C’est celui de Marie-Louise Escholier, car les époux ont en réalité écrit à deux mains la plupart des romans publiés sous le seul nom de Raymond Escholier, dont ce Cantegril. Paradoxe d’un jury féminin, mais il paraît que Marie-Louise n’a accepté d’apparaître publiquement que quelques années plus tard.
Auteur de très nombreux écrits sur l’art (il a été conservateur du musée Victor Hugo et directeur du Petit Palais à Paris) Raymond partageait sa vie entre la capitale et la petite ville de Mirepoix en Ariège, où vivait Marie-Louise. C’est dans cette région que se situent les histoires cocasses de Philou Cantegril, aubergiste qui a appris, enfant, du père Bireben (saint homme dont « les vignes du Seigneur illustraient de leur pourpre insigne sa grosse face glabre de montagnard trapu ») ce qu’était vraiment la vie : la bonne chère, la joie, le rire. A titre personnel il a ajouté quelques aventures galantes.
Treize historiettes nous renvoient dans cet univers que l’on pourrait qualifier de gaulois si le florentin Boccace n’avait montré le chemin dès le 14ème siècle. Les Escholier y joignent la truculence du Midi, et son parler disparu depuis, car on n’entend plus dans le sud-ouest ces expressions occitanes : « Milo Dious », « maquarel », « hil de puto », et autres « biettazé » dont on taira l’étymologie. Un style très alerte aux métaphores qui sentent bon la campagne : « son rire jaillit et pétille comme la mousse d’une bouteille de blanquette, et ses dents apparaissent toutes à la fois, plus blanches que des amandes fraîchement pelées ».
On rira des aventures vécues dans le dernier voyage en diligence avant que le train n’impose son trajet qui ignorera le plaisir de s’arrêter à la moindre occasion pour boire un verre de vin en bonne compagnie, ainsi que des bonnes blagues de Philou Cantegril à ses amis. On sourira lorsque celui-ci, pourtant mécréant, emmène sa vieille mère à la procession de la Fête Dieu. Devant ses voisins étonnés il explique : « J’ai conduit ma sainte mère de reposoir en reposoir, et je disais : Mon Dieu, la voilà. Elle est bien bonne, bien vieille. Son fils vous l’amène, ne l’oubliez plus. Pour les années, il y a bien le compte. Tant de jeunes sont passés devant ». Témoignage d’une société où l’ordre des choses était une valeur à respecter !
Andreossi






Construit comme le Grand Palais qui lui fait face et le pont Alexandre III à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900, le Petit Palais abrite depuis 1902 le musée des Beaux Arts de la Ville de Paris. L’art moderne ayant été transféré en 1937 au Palais de Tokyo, il est depuis consacré aux œuvres anciennes, dont beaucoup acquises par donations. Ainsi, y cohabitent des pièces de l’Antiquité, du Moyen-Age, de la Renaissance… jusqu’au XIXème siècle, fort bien représenté.
De cette somptueuse Vallée de larmes, l’on passe à la peinture de paysage, lame de fond du XIXème à côté de la peinture d’histoire : ici se côtoient des peintres aussi différents que Sisley, Jongkind, Pissarro ou encore Monet. Leur point commun : l’abandon du paysage composé, au profit d’un paysage naturalise, parfois très influencé par la peinture hollandaise du XVIIème, comme le montrent les petits formats de G. Michel et de Jongkind.
Artiste des Lumières, peintre à la cour d’Espagne, Francisco de Goya (1746-1828) donne dans la gravure libre cours à son imagination.
La peinture, c’est le jeu des couleurs, des contrastes, des éclats lumineux ? Pas toujours. Le monochrome, le camaïeu, la grisaille, ont leur propre beauté. La preuve est donnée dans cette exposition à la thématique rarement rassemblée.
Mais c’est au XIXe siècle que l’on assume totalement l’intérêt de la grisaille ou de la monochromie comme méthode à effet esthétique à part entière. Et l’on découvre ici de belles œuvres de Puvis de Chavannes, des deux Gustave, Doré et Moreau, de Benjamin Constant. Un des tableaux les plus étonnant est celui de Jean-Baptiste Carpeaux : cette Scène d’accouchement toute en suggestion de violence, souffrance et délivrance est très impressionnante.