Villa Amalia. Benoît Jacquot

Villa Amalia, Benoît JacquotAdapté du très beau roman de Pascal Quignard, Villa Amalia est l’histoire d’une jeune femme qui, après avoir aperçu derrière les grilles et les feuillages d’un jardin l’homme de sa vie embrasser une autre femme, décide "d’éteindre sa vie".
Mourir ? Non, tout au contraire, il s’agit plutôt d’une renaissance. Un effacement, une disparition, pour partir et faire autre chose. Ou, plus simplement, pour "être".
Dans une scène de la première partie du film, celle où Ann organise minutieusement, presque scientifiquement son "extinction", elle demande à son compagnon de quitter le domicile conjugal sur le champ. Celui-ci lui dit que ce n’est pas possible, qu’il ne peut pas partir comme ça du jour au lendemain. Ann lui répond : "Si, tu dois t’en aller ; l’appartement est à moi. Et d’ailleurs, ma vie aussi m’appartient".
Il y a chez Ann le désir impérieux, irrésistible de se dessaisir de tout ce qu’elle a construit, de le raser, pour ne poursuivre qu’avec elle-même. Juste avec son corps, pourrait-on dire. De ses vêtements, elle se dépouille progressivement au fil du voyage qui la mènera vers la Villa Amalia, une petite bâtisse perchée sur une île du sud de l’Italie. Ses cheveux, elle les écourte sans hésitation. Quant à l’intérieur de sa tête, nul ne sait ce qui s’y passe. L’une des réussites de Benoît Jacquot est d’ailleurs d’avoir respecté l’absence de psychologie du roman de Quignard. Comme l’auteur de Tous les matins du monde, il se contente de suivre et montrer son personnage au plus près.
Isabelle Huppert semble ici au delà de toutes les déclinaisons du jeu d’acteur. Elle interprète ce rôle avec une telle simplicité, un tel naturel, qu’elle est Ann, cette femme qui longtemps fut pianiste reconnue, parisienne chic et femme d’un autre, pour devenir étrangère dans un coin perdu et sauvage, un corps qui nage jusqu’à l’épuisement sur une mer nouvelle, une âme qui s’attache à une jeune italienne rencontrée là.
Dans le rôle de l’ami de passage qui l’aide matériellement à passer, justement, dans cet autre monde, celui où elle n’est plus connue de personne, et d’elle ignoré, Jean-Hugues Anglade est magnifique de sensibilité, de discrétion et de sincérité.
Tout en sobriété, en profondeur et en finesse, comme l’est cette Villa Amalia qui, à l’écran comme sur la page, à travers l’histoire d’Ann, semble être celle d’un rêve ancien et enfoui, et peut-être l’un des mieux partagés.

Villa Amalia
Un film de Benoît Jacquot
Avec Isabelle Huppert, Jean-Hugues Anglade, Xavier Beauvois
Durée 1 h 31

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