Mon village à l’heure allemande, Jean-Louis Bory

Sans doute l’euphorie de la Libération a prévalu dans l’attribution du Goncourt 1945 : il n’est pas certain que la littérature ait beaucoup gagné dans ce choix. D’une part la série de portraits villageois ne dépasse guère l’esquisse caricaturale, d’autre part les choix stylistiques d’écriture ont du mal à être appréciés par le lecteur d’aujourd’hui.

Le village de Jumainville, du côté de l’Orléanais, vit ses derniers mois de l’occupation allemande. Des hommes de divers corps de métier, des femmes, des jeunes et des vieux réagissent à leur façon à la présence de l’occupant. Des femmes pensent surtout au sexe, des paysans au marché noir, le pâtissier à collaborer, les plus jeunes se partagent entre résistance, résignation et engagement dans la milice. Les Allemands ne sont pas des nazis mais des Boches, et le village semble tout ignorer du sort des Juifs, ne voyant pas plus loin que le bout de son clocher.

Les seuls persécutés sont les intellectuels du village, soit l’instituteur et l’étudiant de passage, tandis que la Résistance, mal identifiée, harcèle le collaborateur. L’atmosphère toute de non-dits, de menaces, de violence familiale, ne paraît point lourde à la lecture car le style contredit le sens. La narration à la troisième personne est entrecoupée des pensées des divers protagonistes, annoncés par leur nom, comme lorsqu’on lit une pièce de théâtre. Si le procédé peut paraître amusant lorsqu’il s’agit du chien de l’instituteur ou du village lui-même, il perd beaucoup en vraisemblance lorsque les modes d’expression ne diffèrent guère de l’un à l’autre personnage.

Toutefois le moins supportable est l’avalanche de métaphores plus ou moins heureuses. Dès le tout début du roman par exemple : « Il gesticulait, les épaules rondes, et lançait ses mains en avant, écarquillées et voletantes comme de larges feuilles de marronnier soulevées par le vent ». Ciel et soleil suscitent particulièrement des images bien peu inspirées : « Le soleil se dégageait à peine de la fourrure de feuillage noir qui moulait l’épaule de la colline » ; « Le ciel, au bout des toits, poussait la nuit en avant à coups de nuages dans le dos, pareils à de gros poings emmaillotés ». Parfois on doit s’y reprendre à deux fois pour comprendre où les métaphores nous mènent : « Au fond de paquets d’eau glauque où les bottes de rayons qui s’appuyaient sur les hautes vitres semblaient immergées comme des étais moussus, s’entassait le Tout-Jumainville croyant, chaud ou tiède ». Traduction : il s’agit du jour de messe à l’église.

Andreossi

Mon village à l’heure allemande, Jean-Louis Bory

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