Malaisie, Henri Fauconnier. Goncourt 1930

Ce n’est pas pour l’intrigue qu’on lira le Goncourt 1930, mais pour toutes ses qualités qui témoignent de la passion de Fauconnier pour un pays qu’il a découvert et qu’il veut nous faire connaître au plus intime. Ce n’est que dans les cinquante dernières pages que le lecteur peut se trouver pris par les péripéties d’un événement tragique qui permet au livre d’entrer complètement dans la catégorie « roman ». Et encore l’auteur s’amuse-t-il avec le genre : « Je ne sais pourquoi je raconte ces histoires de fourmis. Si j’écrivais un roman ce serait mieux à sa place au début. Mais je veux fixer ces derniers souvenirs de ma vie de planteur, sans doute parce que ce sont les derniers ».

Henri Fauconnier a été effectivement planteur de caoutchouc en Malaisie, avant la guerre de 14-18, avec la volonté d’y faire fortune : son but était d’avoir l’aisance financière qui lui permette d’écrire. Pari réussi en partie mais dont la réalisation prendra du temps car la première guerre mondiale est passée par là. Et son seul roman publié a eu un succès mérité, même avant l’obtention du Prix.

C’est qu’on y trouve une grande précision des descriptions, aussi bien sur le plan naturel, du côté de la végétation et de la faune que sur le plan humain avec les diverses communautés qui vivent ensemble en Malaisie : Tamouls, Malais, Chinois, colons européens. L’auteur se fait botaniste ou anthropologue avec une grande capacité à intégrer son savoir dans un texte qui garde toutes ses capacités littéraires : « Je me souviens d’une sorte de raie qui était comme une figure plate avec une petite bouche souriante, et que je rendis à la mer parce qu’on voyait qu’elle ne pouvait pas comprendre ».

Si quelques traces du colonialisme d’alors se laissent découvrir, par exemple à propos des femmes, le désir de comprendre les cultures est évident, et la sympathie envers elles est manifeste. Sur un plan philosophique : « Ceux qui voient tout en noir dans le monde, c’est qu’ils regardent les ténèbres dans leur cœur. Il n’y a pas de paradis, pas d’enfer, mais seulement, dans les yeux des êtres, une vision paradisiaque ou infernale des mêmes choses ».

Ou bien encore sur le plan littéraire, ainsi à propos de la lune : « Au départ, toute mince, ç’avait été une rognure d’ongle d’Allah, et les démons de la nuit voudraient la prendre pour s’en servir contre lui dans leurs maléfices -mais l’ongle lumineux d’Allah déchire les ténèbres. Ensuite ce fut le contour d’un sein : une femme voilée se lève la nuit, se penche pour allumer une petite lampe, et dans la maison obscure on ne voit que cet arc qui tremble… Est-ce de moi qu’elle attend la flèche ? Bientôt la lune fut une banane mûrissante, un jeune garçon qui pour la première fois pressent ce qu’est l’amour. Et quand nous arrivâmes à la mer, SmaÏl voyait la face pleine de celle qu’il épouserait. »

Andreossi

Malaisie, Henri Fauconnier

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