Florence, la célébration du Printemps

Botticelli, Le Printemps, OfficesAller à Florence hors saison, c’est entrer à la Galerie des Offices comme en son palais, arpenter les salles de la Galerie Palatine dans un silence d’église, n’avoir qu’à choisir sa table pour s’installer à la terrasse d’un café.

Car en février, le froid hiver toscan réserve de belles journées ensoleillées qui donnent tout à coup l’idée du printemps.

Le poète disait, paraît-il, dans la voix de Paul Valéry : "On doit toujours s’excuser de parler de peinture". On s’en s’abstient pourtant le plus souvent, tant la peinture touche qui a envie de voir, tant elle fait surgir des sentiments d’ordinaire enfouis sous la précipitation des "activités" : chacun prend la liberté de parler de peinture parce que la contemplation d’un tableau, rencontre d’un individu avec une œuvre, est toujours singulière.

Mais pourquoi un tableau nous touche-t-il davantage qu’un autre ? Sa beauté ? Certes, mais parfois, plus encore, sa richesse. On a souvent envie de s’attarder devant les peintures qui ne se révèlent pas au premier regard. On aime qu’un tableau nous séduise par sa beauté mais aussi, et tout autant, qu’il nous intrigue. Siri Hustvedt a brillamment mis en évidence ce phénomène dans son essai, déjà évoqué, Le mystère du rectangle.

C’est peut-être ce qui explique qu’à Florence, dans la salle des Offices où sont réunis les Botticelli, la contemplation du Printemps s’avère plus passionnante encore que celle de la splendide Naissance de Venus.
Est-ce la multiplicité des personnages et des allégories possibles, est-ce l’incertitude quant à leurs rôles respectifs qui nous attirent dans ce tableau ? Est-ce le décor végétal naturel qui semble comme suspendu dans les airs sur son tapis de fleurs ? Est-ce cette expression rêveuse et un peu équivoque sur le visage et dans les yeux de Flore couverte de fleurs ?
Sur tout cela à la fois, il y va de ce que l’on voit et de ce de que l’on imagine, du désigné et de l’invisible, et de toutes ces intrigues qui se superposent à une composition d’une beauté remarquable, aux couleurs et aux détails si délicats.

Mais ici, on pense aussi à la magie du lien entre le geste d’un artiste, vieux de plus de cinq siècles, et notre regard de visiteur d’un jour ; ce geste qui rejoint et réunit la communauté d’hommes de tous horizons et de toutes époques qui, chacun à sa manière, en peignant, en parlant, en écrivant, ou juste en regardant et en respirant aiment célébrer encore et toujours l’éternel retour du Printemps.

Galleria degli Uffizi

Primavera, Sandro Botticelli, vers 1482, peinture (tempera) sur panneau de bois, 203 × 314 cm, Galerie des Offices

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L'Autre

L'Autre, avec Dominique BlancL’Autre est d’abord l’occasion de retrouver à l’écran la magnifique Dominique Blanc, justement récompensée pour ce rôle au festival de Venise.

Elle y incarne Anne-Marie, une assistante sociale divorcée de quarante-sept ans, qui entend enfin "vivre sa vie". Cette raison, précisément, l’amène à rompre – presque joyeusement – avec Alex, son jeune et bel ami du moment qui, lui, souhaite s’engager dans une relation maritale.
Peu de temps après, celui-ci annonce à Anne-Marie qu’il a retrouvé "quelqu’un". Cette fois, le désir de vie commune est partagé.

Peut-être Anne-Marie entre-t-elle dans le cercle infernal de la jalousie au moment où, pressé par ses questions, Alex lui apprend que sa nouvelle compagne a le même âge qu’elle. A cet instant, la si légère et assurée Anne-Marie se trouble ; un voile se déchire et un souffle irrésistible l’attire vers cette Autre dont Alex refuse de dire le nom. Le chemin que prend alors Anne-Marie va la mener à une descente aux enfers, où la connaissance de cette femme devient une obsession. Que fait-elle, où habite-t-elle, comment vit-elle,… qui est-elle ?? Le monde d’Anne-Marie se referme sur cette quête. Dans son appartement hautement sécurisé, la femme moderne, indépendante, qui "contrôle tout", se met à perdre complètement les pédales.
Mais, au bout de sa folie, réalise-t-elle que cette rivale traquée sans relâche n’est peut-être autre qu’elle-même ? Comme si, à travers sa soif de tout savoir de cette congénère il y avait l’attrait – autant que la répugnance – pour soi-même ?

Dominique Blanc, dont le talent excède la mesure du prêt-à-jouer, endosse ce rôle de haute-couture avec une maestria époustouflante. Elle révèle petit à petit la jalousie et l’angoisse qui peuvent surgir sans crier gare derrière la tranquillité d’un individu apparemment tout à fait à l’aise dans ses baskets.
La mise en scène porte cette traversée de façon magistrale, filmant la banlieue parisienne d’une façon nouvelle, loin de tout cliché, s’attardant sur les architectures modernes, bureaux et appartements hauts perchés, centre commercial devenu refuge des moments d’intimité, y compris pour écouter un morceau de piano, RER, arrêts de bus, voies périphériques empruntées sans cesse. Les cinéastes en font un monde à part entière, l’univers – comme un autre, mais qui en constitue un de bien précis – dans lequel leurs personnages travaillent, vivent, aiment. Aucun jugement, mais des glissements de caméra dans la nuit et les lumières qui, sur une très belle photo, invitent tour à tour à la poésie ou à l’inquiétude. Quant à la dimension fantastique, souvent frôlée pour mieux évoquer le trouble d’Anne-Marie, elle contribue à conférer une ambiance singulière à ce film ambitieux, brillant et tenu de bout en bout.

L’Autre
Un film de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic
Avec Dominique Blanc, Cyril Gueï
Durée 1 h 37

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Fugitives. Alice Munro

Fugitives, Alice Munro, Editions de l'OlivierIl existe mille manières de partir. Mais toujours, au départ, il y a cet appel vers l’inconnu ; ou la rencontre de l’inconnu, qui donne envie de tout planter là, et transforme le chemin en fugue.

Tel est le fil qui relie ces huit nouvelles, dans lesquelles Alice Munro fait de chacune de ses héroïnes des fugitives.
L’inconnue de Carla, éleveuse de chevaux n’est autre que sa voisine, Sylvia. Celle-ci deviendra vite l’amie qui l’aidera à fuir un mari inattentif. Mais la véritable inconnue de Carla est peut-être Carla elle-même : elle ne saura ce qu’elle veut vraiment qu’une fois l’autobus parti.

L’inconnu de Juliet, jeune professeur de grec ancien est un homme rencontré dans un train, le premier à s’intéresser à elle, même lorsqu’elle se met à parler de mythologie. Mais inconnu il ne restera pas ; et ici aussi la révélation est au bout de la fugue.

Plus tard, ce sera au tour de Pénélope, la fille de Juliet, devenue jeune femme, de prendre la poudre d’escampette. L’inconnu qui l’appelle a pour nom "quête spirituelle". Il paraît que c’est la seule chose qui lui a manqué et qu’elle en était "affamée"

De ces histoires et de toutes les autres, Alice Munro fait des récits captivants. En quelques paragraphes elle intrigue le lecteur pour mieux l’immerger dans ces vies singulières, composées avec une efficacité redoutable, donnant ainsi à chacune de ses nouvelles la force et l’ampleur du roman.
Si ses personnages n’ont rien d’héroïques au départ, en se laissant séduire par l’inconnu elles se laissent entraîner sur la route inconfortable et excitante du mystère et de la découverte, pour trouver plus tard des réponses aux questions enfin révélées. Aucune ne reviendra strictement à son point initial. Car chez Alice Munro, la fuite est aussi l’art de faire changer les perspectives…

Fugitives
Alice Munro
Editions de l’Olivier (2008)
Traduit de l’anglais (Canada) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso
342 p., 22 €

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Blanche et Marie. Per Olov Enquist

Blanche et Marie, Actes SudDans le cœur du roman, on trouve ces deux phrases : « Pas non plus comme l’amour de Blanche pour Charcot, qui est en réalité le sujet que le Livre des Questions déclare traiter. Ce "en réalité" ! ».

Ce point d’exclamation contient la magie de la littérature.

Depuis des dizaines de pages, l’auteur nous promenait dans le Paris des années 1880 à 1910, autour de deux femmes d’importance : Blanche Wittman, bien connue comme la « reine des hystériques », malade favorite du Professeur Charcot, lequel fît une belle carrière de neurologue (entre autre), en exhibant ses patients et surtout patientes devant le public.
Marie Curie, scientifique mythique, qui découvrit le radium et autres éléments au péril de sa vie, dont l’œuvre considérable lui valut deux prix Nobel, et qui fut la première femme à obtenir une chaire à la Sorbonne.

Nous suivons nos héroïnes comme si nous étions dans l’Histoire : les amours de Charcot et Blanche, de Marie et Paul Langevin, autre physicien célèbre. Nous connaissons la peinture d’André Brouillet qui met en scène Blanche avec le Professeur, le scandale dont a été victime Marie pour sa relation avec un homme marié.

L’auteur, Suédois contemporain, met dans les premières pages tout en place pour nous convaincre qu’il s’appuie sur la réalité de carnets écrits par Blanche (« Livre des questions »). Le cœur de l’intrigue repose sur l’amitié émouvante entre Blanche, devenue assistante de la scientifique, et Marie : deux femmes dont la carrière se débat dans cette époque si mâle et si puritaine.

Mais de quelle réalité s’agit-il ? Il va être difficile aux historiens de rétablir leur vérité à eux : aucune preuve que Blanche ait seulement rencontré Marie, encore moins qu’elle ait été son assistante, personne ne semble avoir eu connaissance des « carnets » de Blanche hormis Per Olov Enquist… Un rapide voyage dans l’univers critique nous permet de constater à quel point les commentateurs ont adhéré à ces histoires comme Histoire, au point parfois de regretter le style (roman documentaire ! exposé journalistique en histoire des sciences !).

Heureusement, tout du récit est littérature, et donc tout est aussi « faux » que « vrai ».
Choisissons notre « réalité » : une très bonne évocation de la place des femmes dans cette société, des portraits splendides où ces hommes si puissants peuvent être bernés par des femmes qui savent les manipuler voire les tuer. Une société au nationalisme exacerbé qui voit en la « Polonaise » un danger pour tous les maris fidèles français. La grande proximité entre amour et pouvoir. Le lien entre femmes qui permet de résister aux épreuves.

Un beau roman qui doit nous faire soigneusement rester dans le registre de l’ambiguïté : des personnages ayant existé, certes, mais qui ont acquis la liberté de l’existence littéraire.

Blanche et Marie
Per Olov Enquist
Actes Sud 2006
Egalement en Livre de Poche

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Ô Carmen. Théâtre du Rond-Point

O Carmen, Olivier Martin-Salvat au théâtre du Rond-PointUne belle corpulence, un pantalon de bleu de travail, des pataugas beige, bretelles et tee-shirt assortis : ainsi se présente Olivier Martin-Salvan, seul en scène (avec pour complice le pianiste Aurélien Richard, lui plutôt filiforme mais pareillement accoutré) pour jouer une heure et quart durant toutes les étapes qui vont précéder une représentation de Carmen.

L’histoire commence dès les auditions, à l’issue desquelles le jeune Louis se voit embauché pour être la doublure de Don José. Elle se poursuit avec le metteur en scène, le chef costumier, la maquilleuse, le chef d’orchestre, et même la caissière de cet opéra de province… Jusqu’aux grands rôles du célèbre opéra de Georges Bizet, personne ne manque, Olivier Martin-Salvan les interprète tous. Il passe d’un personnage à un autre avec une aisance prodigieuse, mime, bondit, chante et parodie, perd des litres d’eau et ne baisse jamais le rythme.

Ses talents d’imitateur mêlés à son inventivité, son bonheur de jouer et sa présence créent un climat de complicité avec le public, qui savoure son humour, rit souvent et sourit de bout en bout. Au passage, les grands airs de Carmen lui seront donnés par le comédien lui-même, qui en quelques instants semble réinventer la magie de l’opéra, du spectacle bien fait, et de ses illusions.

Ô Carmen
Théâtre du Rond Point
2 bis, av. Franklin D. Roosevelt – Paris 8ème
Jusqu’au 28 février 2009
A 18 h 30, durée 1 h 15
De Olivier Martin-Salvan, Anne Reulet-Simon, Nicolas Vial
Avec Olivier Martin-Salvan
Pianiste et chef de chant Aurélien Richard
Mise en scène Nicolas Vial
Dramaturgie Anne Reulet-Simon
Composition originale Aurélien Richard
Places de 10 € à 28 €

Photo Olivier Martin-Salvan © Brigitte Enguerand

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Les pierres sauvages. Fernand Pouillon

Fernand Pouillon, Les pierres sauvagesL’abbaye du Thoronet en Provence est un modèle d’abbaye cistercienne : sa visite impressionne par la beauté de l’architecture, faite de simplicité et d’harmonie des proportions.

Ses murs sont montés sans joints au mortier, grâce à une taille d’une grande rigueur. La pierre est sauvage : « Dès le premier jour, j’ai eu pour elle un respect que je n’ai même pas songé à discuter. Je n’aurais jamais pu t’en parler, comme je l’ai fait, sans amour. Maintenant, elle fait partie de notre œuvre, de moi-même, elle est l’abbaye. Je la caresse dans mes songes, le soleil se couche sur elle, la retrouve le matin dans son réveil de pierre, lui donne ses couleurs, la pluie la fait briller en l’assombrissant. (.. .) Si j’apporte à l’abbaye les proportions, l’harmonie, elle toute seule lui gardera son âme indépendante ; convertie à l’ordre elle restera aussi belle qu’une bête sauvage au poil hérissé ».

Fernand Pouillon, architecte majeur du XXème siècle a imaginé le journal de bord du maître d’œuvre de la construction du Thoronet, Guillaume, moine cistercien, depuis le jour de mars 1161 lorsque avec quelques frères ils choisissent le terrain en pente douce encombré d’arbustes, jusqu’au moment où le chantier a véritablement commencé, quand le plan de l’église, du cloître, du lavabo, des dépendances est tracé sur le sol et les premières rangées de pierres sont montées.

Le temps de préparation est très long : il faut trouver les carrières, choisir les arbres à abattre, découvrir le gisement d’argile qui fera les tuiles, fabriquer les outils, obtenir de l’abbaye mère les avances nécessaires, en particulier de la nourriture tant que les jardins ne donnent pas leur récolte. Mais il faut aussi mener toute une troupe de travailleurs, composée de statuts différents (moines, frères convers, compagnons) et de personnalités fortes (Paul le tailleur de pierre, Joseph le potier, Antime le forgeron).
L’organisation de la vie quotidienne est dictée par la Règle de Saint Benoît mais bien souvent chez Guillaume le religieux est dépassé par l’architecte.

Fernand Pouillon a mis dans cet ouvrage toute sa science de bâtisseur amoureux de l’art cistercien, et son talent d’écrivain (récompensé en 1965, par le prix des Deux-Magots) nous fait vivre le caprice de la pierre, la susceptibilité des hommes, et les désagréments du mauvais temps : « un jour mouillé et froid, où le ciel ne vaut pas la peine qu’on se dérange davantage, où les chaussures, qui ont sucé les pieds à petits bruits, sont molles comme des tripes et ont besoin de sécher longtemps pour durcir ».

Les pierres sauvages
Fernand Pouillon
Ed du Seuil, coll Points (7 €)

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Fauves hongrois, 1904-1914 – La leçon de Matisse

Fauves hongrois à DijonAprès le musée d’art moderne de Céret, puis le musée Matisse du Cateau-Cambresis, c’est au tour du musée des beaux-arts de Dijon d’accueillir la très belle exposition Fauves hongrois.

Pour cette ultime étape, la sélection de près d’une centaine de tableaux d’artistes hongrois est complétée de plus de cinquante œuvres des maîtres français du Fauvisme : Matisse en premier lieu, bien sûr, mais aussi Derain, Vlaminck, Marquet, Dufy ou encore Van Dongen.
De quoi prendre des couleurs pleins les yeux, tout en jouant les confrontations entre ces "groupes" de grands Fauves…

Fauves hongrois, 1904-1914 – La leçon de Matisse
Du 14 mars au 15 juin 2009
Musée des beaux-arts de Dijon
Palais des ducs et des états de bourgogne 21033 Dijon
TLJ sauf les mardis, 1er et 8 mai
De 10h à 17h jusqu’au 30 avril puis de 9h30 à 18h à partir du 2 mai
Entrée 7 € (TR 4 €, voire gratuité)

Catalogue, 264 p. 39 € (co-édition Biro, musée d’Art moderne de Céret, musée Matisse le Cateau-Cambrésis et musée des beaux-arts de Dijon).
Pour l’exposition dijonnaise, il est enrichi d’un album présentant le volet de l’exposition consacré au fauvisme français.

Image : Vilmos Perlrott Csaba, Nature morte à l’horloge, vers 1910, Huile sur toile, 77 x 67 cm, Kecskemet (Hongrie), Kecskeméti Képtár

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Le Chemin de peinture au MAMAC à Nice

Le chemin de la peinture à NiceUn bâtiment qui prend sa place dans la ville, qui sur trois niveaux présente des volumes amples dans lesquels les œuvres sont à l’aise.

La promenade nous conduit vers les machines de Tinguely, que l’on aimerait en mouvement car il semble qu’elles soient faites pour ça. Mais tel câble d’alimentation n’a pas d’énergie, ou le visiteur n’ose appuyer sur un bouton sans encouragement.
Les sculptures de Nicki de Saint Phalle sont des assemblages d’objets de la vie quotidienne pour lesquels on hésite entre l’amusement et la gêne.
Yves Klein nous a laissé des œuvres bleues, mais pas seulement. On apprendra avec intérêt comment il a su passer d’une utilisation de la femme-objet à peindre à l’objet-femme à peindre (le corps féminin comme outil).
On comprend tout d’un coup comment Christo s’est emballé pour les empaquetages : une de ses premières œuvres est une galerie de voiture, telle qu’on en voyait autrefois sur le toits des autos, qui supporte un gros paquet bien ficelé et soigneusement empaqueté. A l’origine donc, le plus grand réalisme.
Une boutique de Ben, les Ecoles devenues classiques (support/surface, arte povera, abstraction américaine) nous font voyager dans l’histoire de l’art de la deuxième partie du XXème siècle, et nous titillent l’esprit de temps en temps.

Mais ces jours-ci, c’est l’exposition temporaire qui nous a le plus arrêté. Sous le titre « Le Chemin de peinture », cinq peintres contemporains montrent que leur moyen d’expression, par la toile et les couleurs, puisent dans l’Art en général aussi bien que dans les arts particuliers les plus divers. Leur mode est figuratif, mais aussi allusif comme la plupart de leurs bons prédécesseurs. Et comme eux aussi leur réflexion sur le temps est un thème majeur.
Gérard Gasiorowski (1930-1986) fait référence à la très longue histoire de l’art en mettant en présence la Vénus de Laussel (beauté d’il y a 25000 ans) et un orant à tête de faucon Egyptien. Même rapprochement de Denis Castellas (né en 1951) entre peinture et sculpture, à travers des œuvres de Picasso et de Julio Gonzalez.
Valérie Favre (1959) peint des scènes fantastiques, théâtralisées (elle a été actrice), où l’on reconnaît centaures et satyres évoluant dans des décors oniriques.
Alun Williams (1961) suit les traces de Garibaldi à New York, ou Jules Verne à Amiens, par des paysages résumés qui subissent une grande tache rouge.

Exposition le chemin de peinture au Mamac à NiceStéphane Pencréac’h (1970) frappe encore davantage l’inconscient : il prend pour point de départ une photographie, de très grand format, pour représenter des scènes intrigantes, qui content une histoire que nous sommes conviés à recomposer. Si l’on ne sait pas toujours ce que cela dit, « ça parle ». Telle l’Annonciation où l’on voit un intérieur bouleversé par les apparitions de l’extérieur : un aigle d’or vient se poser sur le dossier d’un fauteuil, le paysage urbain tente de passer par les fenêtres, une carcasse rouge d’animal est accrochée devant un homme le couteau au poing.
Tableaux à méditer, qui nous aident à communiquer avec le Mystérieux.

Musée d’Art moderne et d’Art Contemporain Nice
Promenade des Arts
06364 Nice cedex 4
Tous les jours de 10 h à 18 h sauf le dim., le 1er mai, le 25 déc. et le 1er janv.
Entrée libre pour tous depuis le 1er juillet 2008

Images : Valérie Favre, Redescription 2, 2007, Huile sur toile, Triptyque 250 x 195cm Coll. privée
et Stéphane Pencréac’h, L’aigle, 1994, Huile sur toile, 200 x 240 cm, Coll. Privée

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L’Homme apparaît au Quaternaire. Max Frisch

L'homme apparait au quaternaire, Max Frisch

Quel dommage de ne pouvoir offrir à des amis, sans abandonner son exemplaire, un livre que l’on a beaucoup aimé !

Livre « épuisé », L’homme apparaît au quaternaire souhaite que son éditeur ait la bonne idée d’une réédition en poche, et plaide ici sa cause.

M. Geiser, seul chez lui, entend le tonnerre gronder. Qu’est-ce que le tonnerre ? À l’écouter attentivement quand on n’arrive pas à dormir, on découvre 9 sortes de tonnerre : le tonnerre-détonation, le bégayant, le fracas, le tintamarre, le timbale, etc. Après cette énumération, le livre dit : « il serait fâcheux de perdre la mémoire ». Ne pas oublier cette phrase, elle est le fil conducteur du livre.

M. Geiser sait beaucoup de choses, et il a toujours envie de savoir. Il découpe des articles dans les journaux, il recopie l’histoire géologique : le quaternaire commence il y a 1 million d’années et l’homme apparaît au cours de cette période. Il épingle au mur tout ce savoir, et ne s’intéresse plus à l’actualité. La télé n’évoque que « des mauvaises nouvelles qui vont du terrorisme au chômage » (le livre a été écrit il y a 30 ans !).
Les associations d’idées se succèdent dans la tête de M. Geiser, mais l’une devient une idée fixe : partir seul en montagne, il a son sac à dos prêt. Certes, à 74 ans, ce sera moins facile qu’il y a dix ans, cela avait été une simple promenade.

Le voilà parti, à l’aube. Il revient à minuit, après avoir fait le trajet dans son entier. « Sa mémoire se vérifie : un vaste col, des pâturages, des murs de pierres sèches en carré et une forêt avec des clairières, surtout des feuillus (mais ce sont des hêtres, pas des bouleaux) et quelques maisons disséminées (pas des étables mais des résidences d’été qui sont abandonnées) et sur la prairie découverte le chemin se perd, c’est presque toujours comme ça. (…) La certitude que personne ne peut savoir où M. Geiser se trouve en ce moment, M. Geiser y a pris plaisir ».
Paradoxalement, pour lui qui perd la mémoire, c’est le présent qui pose problème : « La maison que M. Geiser a quittée à l’aube, sa maison, qui se trouve à présent dans une autre vallée, n’appartient presque plus au présent lorsque M. Geiser songe qu’il a habité là pendant quatorze ans ».

Revenu chez lui, les choses se mélangent davantage dans sa tête, il y a encore beaucoup de papiers à coller au mur. Et le téléphone qui n’arrête pas de sonner. Sa fille arrive, alors qu’il a chuté au pied de l’escalier : « Ce que Corinne veut savoir : pourquoi ces volets fermés, pourquoi faire tous ces bouts de papier au mur, pourquoi le chapeau sur la tête. (…) pourquoi parle-t-elle comme à un enfant ? ». M. Geiser est alors prêt à abandonner ses papiers. « La nature n’a pas besoin de noms. Cela, M. Geiser le sait. Les pierres n’ont pas besoin de sa mémoire ».

Max Frisch
Date de parution : 21/09/1982
Gallimard
Collection Du monde entier
152 pages

N.B. de Mag : lire aussi le billet d’Andreossi sur Homo Faber, du même auteur, et celui-ci édité en Folio…

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Table ronde – Le primitivisme : racines de l’art moderne et contemporain ?

Pollock et le chamanisme, table ronde sur le primitivismeMercredi 4 févier, dans le cadre de l’exposition « Pollock et le chamanisme« , la Pinacothèque de Paris propose une table ronde sur le thème « Le primitivisme : racines de l’art moderne et contemporain ? ».

Marc Restillini (directeur de la Pinacothèque de Paris), Françoise Michel-Jones (anthropologue, sociologue, maître de conférences à l’Université de Picardie), Eric de Chassey (professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université de Tours), Christine Valluet (directrice de la galerie Schoffel-Valluet à Paris), Philippe Peltier (conservateur en chef, Musée du quai Branly) et Didier Ottinger (conservateur en chef, Musée national d’art moderne) échangeront leurs points de vue autour de Guy Boyer, directeur de la rédaction de Connaissance des Arts.

Qu’est-ce que le primitivisme ?, Comment l’art et la culture des sociétés tribales sont-ils devenus des objets d’intérêt artistique ? ou encore Le primitivisme dans l’art contemporain seront quelques unes des questions abordées au cours de cette soirée.

Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
Mercredi 4 février 2009
A 19 h, durée 1 h – 1 h 30
Inscription sur réservation :
servicedespublics@pinacotheque.com
Tel : 01 42 68 81 07

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