Le crime est notre affaire. Pascal Thomas

Le crime est notre affaire, Pascal ThomasAprès Mon petit doigt m’a dit, puis L’heure zéro, absolument délicieux, Le crime est notre affaire est le troisième film de Pascal Thomas tiré d’un roman d’Agatha Christie.
Nous voici cette fois installés dans les Alpes cossues, où Prudence et Bélisaire se sont rangés des services secrets. Une retraite bien trop paisible pour Prudence, qui sent dans ces jours tranquilles une "odeur de vieux" étouffante.
Noël approche, une vieille tante un peu farfelue vient faire une petite visite avant d’aller chasser le papillon en Guyane. Tourneboulée, elle affirme avoir été témoin d’un assassinat dans le train. Mais aucun cadavre n’ayant été retrouvé, la maréchaussée classe l’affaire sans suite. Il n’en fallait pas plus pour ranimer la flamme de détective encore tapie en Prudence : elle part donc mener l’enquête, d’une façon peu conventionnelle et beaucoup plus séduisante que celle de Bélisaire… mais les deux font malgré tout la paire, d’autant qu’ils sont amoureux comme au premier jour.
Autant le dire franchement, il s’agit certes d’une énigme policière, mais Pascal Thomas la traite avec une totale désinvolture ; une manière qui n’exclut nullement le charme. Par sa fantaisie, son ton plein de liberté, son parfum de mystère et les contours tout en couleurs de ses personnages principaux, Le crime est notre affaire offre un moment de pure détente. L’histoire y a peu d’importance, mais l’on en sort avec la sensation d’avoir passé un bon moment, avec d’excellents comédiens, des dialogues bien balancés et des décors enchanteurs. Bref, ce qu’on appelle un agréable film de divertissement.

Le crime est notre affaire
Pascal Thomas
Avec Catherine Frot, André Dussollier, Claude Rich, Chiara Mastroianni, Melvil Poupaud, Hippolyte Girardot, Annie Cordy…
Durée 1 h 49

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Homo Faber. Max Frisch

Max Frisch, Homo faberCe que l’on peut trouver très étonnant dans ce livre, c’est d’abord la quatrième de couverture : pas vraiment l’élégance du code barre, mais la fin du texte de présentation qui veut nous faire acheter le roman : « un roman plein d’entrain et de péripéties, qui montre l’impuissance de l’homme dans la civilisation moderne ».
Par quelle lecture décalée peut-on qualifier « plein d’entrain » ce récit où le narrateur arrive à nous communiquer l’angoissante pression de la fatalité, digne des grands mythes classiques ? Comment parler de péripéties alors que la logique de la narration nous conduit sans ambages droit vers l’amour et la mort ?
On peut discuter de l’impuissance de l’homme dans la civilisation moderne, à condition de reconnaître le travail d’écriture qui, mine de rien, transforme un homme si tranquillement masculin (dans le sens où les femmes sont pour lui l’altérité même) en être désarçonné qui finit par saisir véritablement les valeurs défendues par les femmes qu’il a aimées.
L’autre étonnement est la façon dont est abordé un thème aussi délicat que l’inceste (sans que le mot ne soit jamais écrit d’ailleurs) : certes, notre Mr Faber et notre Sabeth ne savent pas qu’ils sont biologiquement liés, et on peut lire le roman, d’un côté, comme une belle histoire d’amour. Mais Faber, qui est le narrateur, sait depuis le début de sa narration, depuis qu’il a retrouvé la mère de Sabeth, à quoi s’en tenir. Reconstruire ce qui s’est passé est la thérapie face à l’épouvante qui aurait pu le submerger, en même temps que le lecteur découvre que l’homme de la technique, du raisonnement suffisant, le grand admirateur de machines, à la poitrine blindée face au sentiments féminins, au merveilleux de la vie offerte par les femmes, craque enfin.
Il est vrai que ni la quatrième de couverture ni ce qui vient d’être dit, pour tordre le propos dans l’autre sens, ne rendent compte du grand plaisir de lecture pris grâce à ce texte au montage à la fois linéaire et plein d’incises, dont le style plutôt froid contraste si bien avec le fond du propos.

Homo Faber
Max Frisch
Folio Gallimard (1982) 256 p., 5,30 €

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Scènes de la vie d'acteur. Denis Podalydès

Denis Podalydès, scènes de la vie d'acteurEtre dans la peau d’un acteur, tout le temps, ou à n’importe quel moment. Etre dans la peau de Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française, qui a réuni dans ces Scènes les notes prises au fil de son métier d’acteur : descriptions très précises de tournages, de répétitions, d’attentes, de représentations devant le public, partagées avec le lecteur comme s’il y était.
Mais le comédien dessine aussi des portraits, livre des réflexions et des questionnements, des états d’âmes et leurs variations. C’est que Denis Podalydès a ceci de passionnant qu’il apparaît dans ce journal de bord comme un être à peu près dénué de certitudes. Il est homme qui cherche. Il aurait aimé ceci, il aimerait cela. Il sait l’espoir et la désillusion. Il connaît aussi le succès ; mais se méfie de la duperie. Il y a chez lui un mélange d’orgueil bien trempé et d’authentique humilité. Il y a chez lui, outre celui du théâtre, l’amour de la littérature, le goût du travail obstiné, la soif de connaître, le désir de toujours s’émerveiller. De l’autre côté, il y a nous, spectateurs, tout aussi émerveillés mais par lui, le comédien, le metteur en scène (d’un Cyrano inoubliable notamment) et enfin, ici, par l’auteur. Car le bougre – qui n’en manque pourtant pas – a aussi le talent de bien savoir tourner sa plume, qu’il a fine, précise et sensible. Celle d’un acteur qui ne se contente pas de beaucoup jouer et de susciter l’admiration, mais ne cesse, tout autant, sinon plus, de lire, observer, réfléchir.

Scènes de la vie d’acteur
Denis Podalydès
Seuil, 295 p., 19 €

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Salogi's. Barlen Pyamootoo

Barlen Pyamootoo est né en 1960 sur l’Ile Maurice. Il a vécu en France à partir de 1976 et y a enseigné la littérature. Il vit depuis près de dix ans entre Paris et Trou-d’eau-douce. Il a publié deux romans (Bénarès et Le Tour de Bablyone, Éditions de l’Olivier) et a adapté et réalisé lui-même Bénarès pour le cinéma en 2006.

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Fauves hongrois, 1904-1914

Fauves hongrois au musee MatisseAu musée Matisse, le contraste, à la veille de la Toussaint, entre le ciel gris et bas, le froid piquant du Nord et l’explosion de couleurs de ces Fauves hongrois a quelque chose de revigorant. D’autant que les œuvres présentées au Cateau-Cambresis (après une première halte au Musée d’art moderne de Céret cet été) sont totalement inédites en France.

Le public hongrois lui-même ne les a découvertes qu’en 2006 : l’aventure picturale commencée dans les années 1900 quand des peintres sont venus de Hongrie se mêler à la vie créative bouillonnante à Paris, puis poursuivie dans les colonies artistiques hongroises, a été interrompue dès la Grande guerre. Et l’histoire du XXème siècle, avec ses deux Guerres mondiales et ses révolutions, a eu raison de ces œuvres et ces artistes. Il a fallut attendre le début des années 2000 pour qu’à Budapest des étudiants se mettent en projet, avec la Galerie Nationale Hongroise, de les retrouver pour les faire connaître. Après deux années de recherches acharnées, dans le pays et un peu partout en Europe ainsi qu’aux Etats-Unis (les tableaux étaient cachés dans les réserves des musées de province ou chez les particuliers), de vingt-cinq au départ, la "collection" des Fauves hongrois réunissait deux-cent-cinquante peintures. Elles firent l’objet d’une grande exposition à Budapest, dont sont issus les cent-cinquante tableaux présentés en France (la troisième et dernière étape sera Dijon du 13 mars au 15 juin 2009).

Fauves hongrois au musée Matisse, expositionDans ces paysages, natures mortes, portraits et autoportraits se lisent de grandes influences de la peinture française de l’époque : Cézanne, Gauguin, Derain, Van Gogh… et bien sûr Matisse.
Se contenter de ce déchiffrage serait pourtant restrictif. Les Hongrois venus en France ont découvert la peinture moderne et le fauvisme et ont ensuite importe ce "choc culturel" dans leur pays, y initiant une révolution picturale. Mais d’une part ils ne se sont aucunement constitué en mouvement (l’appellation "fauvisme hongrois" est rétrospective) et d’autre part ils ont mêlé l’inspiration occidentale à une manière spécifiquement hongroise, une gestuelle et une utilisation des couleurs originales qui ont donné lieu à des oeuvres singulières, en particulier dans les paysages.
Avec une audace inouïe, les Rippl-Ronai, Czobel autres Bornemisza associent des couleurs vives, voire violentes (vert et rouge, rose et orange, orange et violet) qui ne s’entrechoquent pas, ne se "mangent" pas les unes les autres mais au contraire se valorisent. Ces villages, maisons, églises, vues frontales où la perspective est très peu présente n’ont pour autant rien d’un carnaval. Cernés de larges traits bruns, compartimentés, ces aplats de couleur pure sont soutenus et structurés par un solide sens de la composition et un grand équilibre architectural. La souplesse et la puissance du geste, associées au plein de peinture et à la simplification des formes impriment aux paysages verdoyants et aux maisons colorées une présence exceptionnelle qui ne peut que séduire immédiatement le spectateur.

Fauves hongrois, 1904-1914
Jusqu’au 22 février 2009
Musée Matisse Le Catau-Cambrésis
Palais Fénelon – 59360 Le Cateau-Cambresis
tél. : 00 33 (0)3 27 84 64 64
Tlj sauf le mardi, de 10 h à 18 h
Entrée 4,50 € (TR 3 €), gratuit les 1ers dimanches du mois
Audio guide gratuit (français, anglais, néerlandais)
Visites guidées sans réservation le samedi à 15 h et le dimanche à 10 h 30
Accès : à 90 km de Lille et 170 de Paris ; les week-ends et jours fériés un train Corail Intercités fait la liaison Paris/Le Cateau-Cambresis

Images : Sándor Ziffer, Vieux pont à Nagybánya, 1908, Huile sur toile, 50,5 x 65 cm, Collection Lorenz Czell et Sándor Ziffer, Paysage d’hiver à la barrière, début des années 1910, Huile sur toile, 91,5 x 109,3 cm, Budapest, Magyar Nemzeti Galéria

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Artistes dans la grande guerre. Musée Paul Dupuy, Toulouse

Musée Paul Dupuy à Toulouse, Artistes dans la grande guerreLes musées n’ont pas seulement pour fonction de faire découvrir des œuvres qui méritent l’arrêt du visiteur.
Dans celui-ci, qui est aussi musée d’art graphique, on dresse le portrait d’une génération d’artistes dont les travaux auraient peut-être pu garnir le fonds du musée, si la guerre de 14-18 n’avait décimé les élèves de l’Ecole des Beaux Arts de Toulouse, comme elle a décimé toutes les professions (en Haute Garonne, 20% des jeunes hommes de 18 à 25 ans ont été tués).

Deux salles sont consacrées aux agrandissements de photographies de ces « poilus » dont le plus souvent l’épaisseur des moustaches ne permet pas de distinguer la nature de leur expression : fierté du « devoir », un mot qui revient au revers des photos, impassibilité de la résignation, ou ironie grinçante face à l’absurdité de la situation ? L’un d’entre eux, dans les quelques mots qui accompagnent sa photographie se défini comme « zigouilleur » à tel régiment d’infanterie.

On se demande alors si tel blessé dont la main disparaît sous les bandages pourra continuer à exercer son talent, et pour tel autre, amputé d’un bras, si celui qui lui reste était le bon pour travailler les couleurs.
Devant les photographies des morts, on méditera sur des expressions qui paraissent étranges (« tué à l’ennemi ») ou sur des circonstances insolites (« tué dans le déraillement d’un train de permissionnaires »).
Ces jeunes gens ont laissé leurs fusains réalisés à l’école avant de partir au front. Après, comme pour toute l’activité hors la guerre, les femmes sont plus nombreuses à suivre l’Ecole des Beaux Arts. On connaît même le portrait de la concierge de l’établissement.

Dans la dernière salle, la guerre est mise en images par des dessins de Dunoyer de Segonzac et des estampes de Jacques Bertrand, qui ont illustré le livre de Dorgelès « Le tombeau des poètes ». Les dessins semblent réalisés rapidement, presque à la sauvette : un visage presque d’enfant sous le casque, un fusil, un soldat debout affalé sur la tranchée, un blessé le front et les yeux bandés. Les estampes décrivent des scènes, des paysages. Les arbres sont calcinés, la terre a été bouleversée, ses formes n’ont plus rien de naturel, images d’une planète inconnue.

Une exposition de mémoire, comme on dit des lieux de mémoire, qui suggère que parmi tous ces morts presque anonymes certains auraient connu la gloire. Mais presque tous, sans doute, se seraient contentés de vivre, même anonymement.

Artistes dans la Grande Guerre
Musée Paul Dupuy
13 rue de la Pleau – Toulouse (31)
M° ligne A Esquirol / ligne B Carmes
Jusqu’au 5 janvier 2009
TLJ sf les mardis et jours fériés de 10 h à 17 h
Entrée 3 €, gratuit le 1er dimanche du mois

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Picasso / Manet : Le déjeuner sur l'herbe, Musée d'Orsay

Picasso, Manet, le déjeuner sur l'herbeCette exposition, l’un des volets du triptyque "Picasso et les maîtres" présenté en même temps au Louvre, au Grand Palais et au Musée d’Orsay, constitue une formidable démonstration de la créativité de Picasso, de sa faculté, non pas de copier ou d’imiter, mais de repenser une œuvre, en cherchant, en s’amusant, avec liberté et obstinément.

Combien de versions du Déjeuner sur l’herbe a-t-il réalisées ? Pas moins de vingt-six, entre février 1960 et août 1961, dont la moitié est ici visible. De l’œuvre d’Edouard Manet, il a tiré l’essentiel, comme le côté un peu artificiel, ou du moins "prétexte" du cadre de plein air : en la démantelant, puis en l’effaçant de plus en plus, Picasso fait apparaître cette clairière comme un simple écrin qui permet de concentrer toute l’attention sur les personnages.
Avec ceux-ci, Picasso va aborder de multiples possibilités, tout en conservant sa prééminence au personnage central, le nu féminin, qui, à l’époque, placé à côté des deux hommes vêtus, fit scandale.

Picasso, Manet, le déjeuner sur l'herbe, exposition au Musée d'Orsay Objet de son obsession chez le peintre qui n’a cessé toute sa vie de figurer des femmes, il s’en empare pour mieux enfler, parfois jusqu’à la démesure, réduire ou déplacer ses rondeurs féminines. Ce qui ne l’empêche pas de faire subir à ses voisins toutes sortes de variations quant à leur emplacement, leurs accessoires ou leurs vêtements (dans les cas où il conserve ces derniers)…

Déformés, déstructurés, on pourrait se dire que ces Déjeuners n’ont plus rien à voir avec l’œuvre de 1863. Pourtant, la rupture n’est pas tout à fait consommée. La vision d’ensemble que permet la scénographie de l’exposition, fraîche, aérée et bien pensée, avec le tableau de Manet au centre, donne une frappante impression de continuité. Peut-être tient-elle aux couleurs qui, malgré les différences de tonalités, plus ou moins foncées voire très claires, se retrouvent toujours (vert sombre, blanc, noir, gris, une touche de bleu) ; peut-être tient-elle surtout à la charge érotique du tableau, que Picasso, à travers ces jeux de recompositions, a longuement, passionnément réinterprétée.

Picasso / Manet : Le déjeuner sur l’herbe
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur, Paris 7ème
TLJ sf le lundi de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Images : Picasso Pablo (dit), Ruiz Blasco Pablo (1881-1973), Le Déjeuner sur l’herbe d’après Manet, 27 février 1960, Huile sur toile, 114 x 146 cm, Collection Nahmad © Succession Picasso 2008 et Edouard Manet, Le déjeuner sur l’herbe, 1863, Huile sur toile, 2,080 x 2,645 m, Paris, musée d’Orsay © Patrice Schmidt, Paris, musée d’Orsay

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Vicky Cristina Barcelona. Woody Allen

Woody Allen, Vicky, Cristina, BarcelonaElles sont américaines, jeunes, belles, et contentes de venir passer leur été à Barcelone. Cela ne fait pas deux minutes qu’elles ont débarqué qu’on est déjà tout content aussi de faire partie du voyage.
Le film démarre en trombe, avec une voix off qui débite, en anglais, mais au rythme de la langue de Cervantes, c’est-à-dire à toute allure, le portrait de nos deux touristes : Vicky, la brune (Rebecca Hall), sage et cultivée, solidement fiancée, qui sait ce qu’elle veut dans la vie en général et ce qu’elle vient faire là en particulier : approfondir sa thèse sur l’identité catalane. Cristina, la blonde (Scarlett Johansson), glamour et rêveuse, qui sait ce qu’elle ne veut pas et vient ici chercher tout le reste. Rappliquera vite le beau, le brun, le charmant, le dragueur, aussi léger qu’obstiné, l’artiste peintre : Juan Antonio, joué par un Javier Bardem très en forme. María Elena (voici Penélope Cruz, qui atteint des sommets), artiste peintre également, ne tarde pas à les rejoindre : elle est l’ex-femme de Juan Antonio, mais avec qui le "ex" n’est pas tout à fait consommé…
Prenez les quatre pendant quelques semaines, mélangez, et il ne reste plus qu’à déguster le cocktail signé Woody Allen, fait d’amour (beaucoup), d’humour, de cris et de larmes. S’y ajoute une pointe de philosophie, où le film parle sans ambages de la vie, de ce qu’on sait et de ce qu’on croit savoir, de ce qu’on veut et de ce qu’on ne veut pas, de ce qu’on peut et de ce qui advient. C’est un régal, avec tous les clichés de l’Espagne que nous aimons, bien normal puisque c’est précisément pour ceux-là que Vicky et Cristina sont venues, et qu’on était fermement décidé à les suivre…

Vicky Cristina Barcelona
Un film de Woody Allen
Avec Scarlett Johansson, Rebecca Hall, Javier Bardem, Penelope Cruz…
Durée 1 h 37

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De Miró à Warhol. La Collection Berardo à Paris

Ernst, Musée du Luxembourg, expo Miro à WarholL’exposition présente une sélection issue de l’ensemble de 862 oeuvres que le grand entrepreneur portugais José Berardo a mis à la disposition du Centre Culturel de Bélem à Lisbonne depuis juin 2007.

Les soixante-quatorze tableaux, dessins et sculptures visibles au Musée du Luxembourg à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 22 février 2009 permettent de traverser les principaux mouvements picturaux du XXème siècle, Berardo ayant constitué à partir du début des années 1990 une très riche collection d’art moderne, tant européen qu’américain.

Le parcours se découpe sobrement en quatre parties : Dada et le surréalisme (autour de Miró, Magritte, Chirico, Masson, Ernst, Breton, Tanguy, Dali…) ; l’abstraction géométrique en Europe dans l’entre-deux-guerres (Mondrian, Gonzales, Vantongerloo…) ; le Pop Art américain (Warhol, Lichtenstein et autres Tinguely) et le Nouveau réalisme français (Klein, Villeglé notamment) ; les recherches de l’après-guerre, avec Vieria da Silva, Jean-Paul Riopelle, mais aussi Joan Mitchell ou Pierre Soulages.
Cette chronologie est précédée d’une "mise en bouche" donnant le goût et l’esprit de la collection de José Berardo : éclectisme haut de gamme, avec Pollock, Picasso et Nicolas de Staël côte à côte, tandis que le peintre portugais Amadéo de Souza-Cardoso est également mis à l’honneur.

Si l’exposition, didactique, ne prétend à une quelconque exhaustivité, cette judicieuse sélection permet de confronter et regrouper un grand nombre d’artistes qui furent les acteurs des révolutions artistiques des années 1910 aux années 1960.
Une, deux œuvres maximum de chaque peintre ou sculpteur suffisent à souligner le bouillonnement, la frénésie, voire la compétition dans cette soif de renouveler la peinture, entre figuration bousculée, abstractions, non figurations ou encore peintures gestuelles : il s’agissait, de toutes ces manières, d’en finir avec un système de représentation hérité de la Renaissance.

L’aperçu d’ensemble donne vraiment envie d’aller visiter le musée José Berardo à Lisbonne, bénéficiaire de sa collection pendant dix ans (au bout de ce délai l’Etat aura une option d’achat exclusive). En attendant, l’inlassable collectionneur continue d’amasser oeuvres d’art moderne mais aussi d’arts africain et brésilien, de mobilier Art déco, azulejos, minéraux, faïences, étains, et même des collections botaniques (que l’on peut voir au Montepalace à Madère). Son but à chaque fois ? "Garder la mémoire d’une culture". On dirait que l’entreprise a plutôt bien commencé…

De Miró à Warhol. La Collection Berardo à Paris
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard – Paris 6ème
Du 16 octobre 2008 au 22 février 2009
Horaires d’ouverture : lun., ven., sam., de 10 h 30 à 22 h
mar., mer., jeu., de 10 h 30 à 19 h et dim.et jours fériés de 9 h 30 à 19 h
Entrée 11 € (TR de 6 € à 9 €)

Image : Max Ernst Coquilles-fleurs, 1929, huile sur toile – Musée Collection Berardo, Lisbonne © Adagp, Paris, 2008

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Cowboy angels. Kim Massee

Kim Massee, cowboy angelsDès le début, on pense au Petit Prince, si seul qu’il veut apprivoiser un renard, ou à un petit chien abandonné par son maître, qui court derrière un inconnu pour plutôt se faire apprivoiser lui-même. Ainsi débute Cowboy angels, avec Pablo, un gosse de onze ans délaissé par sa mère, sans géniteur dans les parages et qui demande à Louis, un joueur de poker en déroute, de l’emmener en Espagne retrouver son père. Démarre alors un road-movie entre un homme méfiant et endurci et un enfant plein de bagout, de vivacité et de ressources, mais en manque de protection et d’attention, presque en manque de tout. Ceux qui l’ont aidé à se construire sont les différents amants de sa mère. On les découvrira successivement au cours de ce voyage Paris-Barcelone-Paris via Bayonne, avec, au bord de l’eau, une superbe rencontre… celle-là féminine.

Si Cowboy angels souffre de baisses de rythme à certains moments, il révèle l’indéniable talent de Kim Massee, franco-américaine, directrice d’acteurs et réalisatrice de courts et moyens métrages, qui a produit elle-même son premier long métrage. Tourné entre la France et l’Espagne, mais bourré de références américaines, notamment Bob Dylan et les grands films de western, il nous plonge avec naturel et simplicité dans l’univers singulier, dans le monde très attachant qui se crée entre Louis et Pablo, enrichi au fil des rencontres, tour à tour désopilantes ou affectueuses.

Kim Massee a formidablement choisi ses acteurs, à commencer par son propre fils dans le rôle de Pablo, mais aussi l’irrésistible Thierry Levaret dans celui de Louis, jusqu’aux rôles secondaires, tous impeccables. Ils participent de cette ambiance chaleureuse qui fait de Cowboy un film dans lequel on se sent drôlement bien.

Cowboy angels
Kim Massee
Avec Diego Mestanza, Thierry Levaret, Françoise Klein
Durée 1 h 40

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