Georges Rouault. Chefs-d'oeuvre de la collection Idemitsu

Georges Rouault, chefs-d'oeuvre de la collection Idemitsu à la Pinacothèque de ParisPeintre catholique adepte des couleurs sombres, ne se rattachant clairement à aucun grand courant pictural du XXème siècle, Georges Rouault (1871-1958) n’est pas a priori un peintre des plus attrayants.

Il mérite pourtant d’être connu au delà de ces poncifs tant sa peinture est belle, parfois gaie et, bien souvent, évoque une gamme d’émotions profondes.
Telle est la découverte que nous réserve l’exposition présentée à la Pinacothèque de Paris jusqu’au 18 janvier 2009.

D’une manière très vivante, les 70 tableaux issus de la prestigieuse collection japonaise Idemitsu (riche de plus de 400 œuvres) sont organisés autour des grandes amitiés de Georges Rouault, qui sont autant de pistes biographiques et artistiques.
Gustave Moreau, son maître, dont il fut après sa mort le premier directeur du musée qui lui a été consacré ; Matisse, qu’il connut dans l’atelier de Moreau et dont il demeura toute sa vie l’ami ; Léon Bloy, le romancier et critique avec qui les divergences artistiques n’empêchèrent pas une solide amitié ; Ambroise Vollard, son marchand d’art et éditeur qui selon sa méthode lui acheta dès 1913 la totalité de son atelier ; le couple de philosophes Jacques et Raïssa Maritain auprès de qui le natif de Belleville vécut à Versailles ; enfin l’écrivain André Suarès : de cette dernière amitié est né Passion, l’un des plus célèbres ouvrages illustrés de Rouault.

Délaissant le côté religieux de son œuvre, l’exposition souligne au fil des salles le rapprochement qui peut être fait avec la peinture japonaise, conforté sur ce point par le succès que Georges Rouault connut très tôt au Japon. Il est vrai que l’écriture picturale de l’artiste, avec ses cernes noirs (qui peuvent également rappeler, dans une toute autre direction, les vitraux moyenâgeux) et certaines de ses compositions évoquent les estampes traditionnelles Ukiyo-e.

Il n’en demeure pas moins que la peinture de Rouault est à admirer avant tout pour ce qu’elle est : esthétiquement passionnante, multiple et séduisante.
Se laisser choquer, d’abord, par l’outrance, les grands aplats de couleur pure et la violence de ces Hécate guerrière, Juge et autre Lutteur. Admirer ensuite la stylisation qui confine parfois à l’esquisse, comme avec cette Petite écuyère, impression trompeuse tant est fin le travail des couleurs et des ombres. S’émerveiller devant la grâce de Bacchanales parfaitement composées dans une alliance de teintes chair et turquoise, sur des volumes qui ne sont pas sans rappeler Cézanne et Picasso. Ou encore devant la sensualité provocante de ces Baigneuses, en pensant peut-être à l’état de nature cher à Gauguin.
Voyez aussi cette Femme au tambourin : qui a dit couleurs sombres ? Voici du bleu, du jaune, du vert lumineux. Quel profil, quelle classe dans ce portrait, quelle superbe ambiance décorative. Un peu plus loin, Madame X évoquera une non moins grande majesté.

Et puis il y a l’émotion face à ce Clown de face, aux teintes pastel relevées de noir, qui semble tout tourné vers son monde intérieur. A quoi pense-t-il ? Cette étrange expression méditative n’est-elle pas celle d’un homme qui doute ? La Tête de femme, yeux démesurés sur un visage penché vers l’avant suscitera les mêmes questions.

On finira par les vues de Georges Rouault. Elles nous montrent un paysagiste au sens de la composition sûr, imprimant sérénité, vie et équilibre. Que ces toiles aux empâtements épais paraissent éloignées des tout petits paysages du début, ceux peints au temps où Moreau conseillait à ses élèves de "peindre la nature" ! Pour autant, sur un autre support, dans d’autres formats, avec une autre technique et un style pictural fondamentalement différent, il s’en dégage la même tranquillité d’un artiste qui malgré ses dénonciations des travers de la société des hommes, a foi en ce monde, tel ce "modèle de l’intégrité absolue, de la patience acharnée et du travail dévorant, de l’inflexible fidélité à la vision intérieure que sont les premières exigences de l’art", trouvé par Jacques Maritain en son ami Rouault.

Georges Rouault. Chefs-d’oeuvre de la collection Idemitsu
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
TLJ de 10 h 30 à 18 h, les 25 déc. et 1er janv. de 14 h à 18 h
Nocturnes les premiers mercredi du mois jusqu’à 21 h
Entrée 9 € (TR 7 €)

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