Ce film ne ressemble à aucun autre. Autobiographie. Mémoires.
Pour tracer les grandes lignes de sa vie, Agnès Varda s’est emparé de ce qui constitue sa plume depuis plus de cinquante ans : la caméra. Pour y placer son sujet devant : elle. Osé.
Le fil est chronologique. Il commence donc par les plages de son enfance, celles de la mer du Nord, dont les noms l’enchantent encore aujourd’hui. Dans une scène d’ouverture magnifique – installation de miroirs anciens sur le sable, alors que le vent agite son écharpe colorée – Agnès Varda plante quelques photos et donne le ton : calme, enjoué, clair. Drôle de projet, confit-elle. "Pas de nostalgie". Ce qui n’empêche pas la passion pour les photographies, même celles de familles inconnues trouvées dans les brocantes.
En 1940, la guerre pousse sa famille de Belgique jusqu’à Sète. Là, pendant quatre ans, les cinq enfants et leur mère vivront à bord d’une péniche, à la Pointe-Courte.
Avec des comédiens d’aujourd’hui et en couleurs, Agnès recrée les scènes, retrouve les blouses et les chants de ses souvenirs, réincarne son passé.
Juste avant la Libération, les Varda "montent" à Paris ("comme si la France était verticale !" souligne joliment la cinéaste) ; pour Agnès, c’est l’école du Louvre, lecture sur les quais et débuts dans la photographie pour le théâtre.
Et puis le cinéma vient vite, alors qu’elle n’a encore vu que neuf ou dix films dans sa vie. Mais elle s’est "lancée" ; dit-elle si simplement. La Pointe-Courte, Cléo de 5 à 7, etc. Sa fille Rosalie ; ses amis artistes ; et puis Jacques Demy, et encore leur fils Mathieu…
Comment raconter cette vie si riche, faite de rencontres, de créations, de voyages ?
En mettant ensemble des bouts de tout cela, sans chercher à leur donner une cohérence. En accolant, comme les pièces d’un puzzle, les photos, les scènes reconstituées, les extraits de films, d’installations et d’expositions, pour donner à voir les lieux qui ont compté, les gens qu’elle a aimés, les oeuvres qu’elle a réalisées.
Le lien se fait comme par magie avec la voix d’Agnès, omniprésente, et son image d’aujourd’hui, celle d’une octogénaire pleine de sagesse et de malice. Ce tout disparate tient parfaitement debout, armuré par un savant montage, mais peut-être plus encore par la simplicité, le naturel et la fantaisie d’Agnès Varda, qui en ne cessant de parler d’elle nous renvoie à des questions qui pourraient être qu’est-ce qu’une vie ?, qu’est-ce qui lui donne une cohérence ?, "qu’est-ce qui "fait" une personne ? qu’est-ce qui lui donne son unité ? Sur les magnifiques plages d’Agnès se trouvent beaucoup de réponses.
Les plages d’Agnès
Un film documentaire d’Agnès Varda
Durée 1 h 50
la "légèreté" du film est tout à fait étonnante et fait sans doute sa force: le ton d’Agnès, et ses images, qui côtoient le grave sans jamais s’y laisser engluer. Elle-même, en marchant à reculons, et dans le sable, reste si aérienne…