Les moissons du ciel. Terrence Malick

Les moissons du ciel, Terrence Malick

Alors qu’on attend avec impatience son prochain film, un temps espéré au dernier Festival de Cannes, et dont on connaît déjà le titre – The tree of life – et les acteurs – Sean Penn et Brad Pitt -, une des belles surprises de ce début d’été est la reprise en salles du deuxième film de Terrence Malick, Les moissons du ciel.
Parfait pour débuter la fête du cinéma qui cette année durera une semaine : ceux qui ont déjà vu ce chef d’œuvre récompensé du Prix de la mise en scène à Cannes en 1979 n’ont pas besoin qu’on leur fasse l’article ; les autres n’ont qu’à courir le découvrir – ventre à terre.

L’histoire se passe au début du siècle dernier au Texas, où les sans-rien-sauf-leurs-bras vont travailler dans les champs du lever au coucher du soleil pour trois dollars par jour. Bill, accompagné de sa petite sœur Linda et de sa petite amie Abby a quitté Chicago où il a battu à mort son contremaître. Ils passent la saison des moissons dans une immense ferme céréalière, ne perdant ni leur joie de vivre ni leur fantaisie enfantine malgré le dur labeur. Mais quand Chuck, le propriétaire fermier s’éprend de Abby, Bill, qui ne supporte plus de la voir se tuer à la tâche, voit le moyen de mettre un terme à cette vie sans espoir, d’autant que les jours de Chuck sont paraît-il comptés.
La suite ne se déroulera pas comme prévu, au fil d’une tension dramatique de plus en plus aigüe.

Terrence Malick filme et monte comme personne. En fond, il y a le rythme lent des travaux des champs, le quotidien sans surprise des journaliers soumis à des gestes répétitifs, le déroulement des saisons, l’immensité des espaces, la splendeur de la nature. Au centre, se trouve un tempérament impétueux, encore adolescent mais déjà adulte, Bill, joué par un Richard Gere magnétique, yeux et cheveux bruns inoubliables, dont on ne sait jamais, entre rires, gestes tendres et explosion, quel sera le prochain élan. A ses côté, une jeune femme calme et riante au charme mystérieux, Abby, dont on ne peut que deviner les pensées et les sentiments. Chuck le propriétaire, beau et blond solitaire, aurait pu être méchant, mais ç’eût été trop simple. Tous les personnages en réalité sont attachants ; tous sont complexes ; et magnifiquement interprétés, même les rôles secondaires comme la petite Linda ou le vieil ami de Chuck.

A chaque plan, Terrence Malick montre autant qu’il réserve. Les dialogues sont rares ; le réalisateur semble laisser les regards et la nature écrire l’histoire. De ciel d’orage en épis de blé tourbillonnants, de feux de fin d’été en eaux fraîches au crépuscule, le réalisateur du Nouveau monde offre avec cette histoire d’amour et de souffrances un poème cinématographique sur fond de toile de maître.
Alors pourquoi être pressé : si tel doit à nouveau être le résultat, laissons-le peaufiner encore tranquillement son cinquième film… en quarante ans de carrière.

Les moissons du ciel
Un drame de Terrence Malick
Avec Richard Gere, Brooke Adams, Sam Shepard
Durée 1 h 35
Année de production 1979 – Reprise le 16 juin 2010

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Du Greco à Dalí. Musée Jacquemart-André

El Greco, miniature Tête du ChristL’exposition est courte (une soixantaine d’œuvres), voit large (cf. son titre), mais ne déçoit pas si l’on est prévenu de sa véritable substance.
Issus de la collection de l’homme d’affaires mexicain Juan Antonio Pérez Simón, ces tableaux ne sont pas de ceux que l’ont peut habituellement admirer dans les musées. Tel est l’intérêt de la visite, auquel s’ajoute celui d’offrir une idée de la production espagnole sur une période de pas moins de quatre siècles. Et si manquent deux très grands du XVII°, Vélasquez et Zurbarán, dans l’ensemble, du Siècle d’Or au XX° siècle, on fait ici un fort joli paseo ibérique.

Mêlant approches thématique et chronologique, le parcours débute par les fêtes espagnoles, avec deux tableaux de la Plaza Major, construite au début du XVII°, haut-lieu de festivités royales de Madrid devenue capitale sous le règne des Habsbourg en 1561. L’on découvre avec ravissement dans cette salle l’artiste catalan Anglada-Camarasa (1872-1959) avec une Feria de Valence (1907) éclatante de couleurs, où se lisent les inspirations parisiennes et viennoises, symbolisme, veine décorative de Klimt et Art nouveau. Y est également exposé un très beau Dalí bourré de références (dont celle au fameux Enterrement du Comte d’Orgaz du Greco à Tolède), qui était un projet de décor pour un ballet.

La peinture religieuse fut un des temps forts du Siècle d’or : après le Concile de Trente les autorités voulaient affirmer avec force images la vigueur de la religion catholique, couvrant les églises de peintures du Christ, de la Vierge et des Saints afin d’inculquer aux fidèles souvent illettrés les idées et les pratiques nées de la Contre-Réforme. Murillo (1617-1682), le plus doux, et Ribera (1591-1652), le plus poignant en produisirent un grand nombre. On admire ici une Immaculée Conception du premier et un frappant Saint Jérôme du deuxième. Le cher Greco est également présent grâce à une miniature de dix centimètres de haut Tête de Christ aux yeux plein de larmes sur un visage livide, d’une très belle humanité.

Goya, collection Perez SimonDans la salle consacrée à l’art du portrait, un grand portrait féminin de Goya se laisse longuement contempler. L’artiste semble avoir joué sur le contraste entre la monumentalité du buste drapé d’étoffes et de fourrure de l’Infante et un visage très naturel dont les yeux sont d’une extraordinaire expressivité.
Plus loin, les esquisses et les peintures de Sorolla répandent leur incomparable lumière, avec des scènes de loisirs sur la plage et de pêche au cadrage presque photographique (sur ce peintre, voir le billet du 6 mars 2007, rendant compte d’une exposition magnifique présentée au Petit Palais).
Ajoutez à cela deux natures mortes cubistes de haute tenue de Juan Gris et de Picasso, des nus de ce dernier, quelques Miró et même un Tàpies, et vous reconnaîtrez que les choix sot plutôt convaincants.

« Du Greco à Dalí : les grands maîtres espagnols. La collection Pérez Simón »
Musée Jacquemart-André
158, boulevard Haussmann – 75008 Paris
Téléphone : 01 45 62 11 59
M° Saint-Augustin, Miromesnil ou Saint-Philippe du Roule
Jusqu’au 1er août 2010
Ouvert 365 jours par an, de 10 h à 18 h, lundi jusqu’à 21 h 30
Entrée 11 euros (TR 8,5 euros)

Images : Domenikos Theotokopoulos, dit Le Greco (1541-1614), Tête du Christ, Vers 1600, huile sur papier collé sur panneau de bois, 10,2 x 8,6 Collection Pérez Simón, Mexico © Fundación JAPS © Studio Sébert photographes
et Francisco de Goya y Lucientes (1746-1828), Doña Maria Teresa de Vallabriga y Rozas, 1783, huile sur panneau de bois, 66,7 x 50,5, Collection Pérez Simón, Mexico © Fundación JAPS © Studio Sébert photographes

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La Dame du lac à l'Opéra Garnier

La dame du lac de Rossini à GarnierCréé à Naples en 1819, La Donna del lago n’avait jamais été monté à Paris.
C’est chose faite depuis lundi à l’Opéra Garnier, où l’on peut le découvrir jusqu’au 10 juillet prochain.

La Dame du lac fait partie, avec Armida notamment, des opéras dits sombres de Rossini : on est loin des airs enjoués du Barbier de Séville.

Pour autant, les amateurs du style bel-cantiste le plus pur seront comblés.
Tiré du poème de Walter Scott, le livret semble sans intérêt, avec des histoires d’amour compliquées dont la Donna se semble savoir se tirer, sur fond d’épisodes guerriers dans l’Ecosse du XVI° siècle. Peut-être le livret vaut-il mieux que cela, mais ce n’est pas la mise en scène de Lluís Pasqual qui permet d’en saisir les subtilités.
Durant le premier acte, le temps passe lentement, on découvre les voix et les décors en se laissant bercer. Au second en revanche, la dramaturgie se tend davantage, tout le monde se réveille autour de très belles envolées. D’autant que Nicolas Joël, le directeur de l’Opéra national de Paris, a convoqué un casting de choc ; on dirait que c’est exactement celui qu’il fallait pour servir cet opéra.
Dans le rôle-titre, la star américaine Joyce DiDonato (1) magnifie de sa voix de mezzo chaude et mélodieuse tous les duos et trios et envoûte le public dans le grand air final. La voix du ténor péruvien Juan Diego Florez, nuancée et veloutée enchante dans ce rôle romantique. La mezzo italienne Daniela Barcellona est quant à elle à la fois assez singulière et d’une grande efficacité dans le rôle masculin de Malcolm.
A l’image de la mise en scène, les décors et les costumes ne marqueront pas les annales. Quelle idée par exemple d’habiller le chœur de façon anachronique et qui plus est mémère ? Mais lui aussi régale le public d’une belle voix profonde. Alors, qu’importe l’étoffe, car l’émotion, elle, est bien au rendez-vous.

La Dame du Lac (La Donna del Lago)
Opéra en deux actes de Gioacchino Rossini
Livret d’A. L. Tottola, d’après le poème narratif de sir Walter Scott The lady of the lake
Direction musicale Roberto Abbado
Mise en scène Lluís Pasqual
Avec Juan Diego Florez Giacomo V (Uberto di Snowdon)
Simon Orfila Duglas d’Angus
Francesco Meli Rodrigo di Dhu
Joyce DiDonato Elena
Daniela Barcellona Malcolm Groeme
Diana Axentii Albina
Jason Bridges Serano
Palais Garnier – Place de l’opéra, Paris 1er
Durée 3 h 15 avec un entracte
Places à 7€, 10€, 21€, 40€, 70€, 116€, 172€

(1) La distribution sera différente pour les représentations de juillet.
Consulter le site de l’Opéra de Paris

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Le soir, des lions… François Morel

Le soir des lions... François Morel au Rond-PointQue ce soit en suivant ses chroniques sur France Inter, les spectacles qu’il donne en chansons ou les souvenirs du temps des Deschiens sur Canal +, l’on se fait de François Morel, à tort ou à raison, l’idée d’un homme sincère et cohérent, dont le personnage artistique est l’écume bouillonnante d’une intimité pleine d’émotions pudiquement habillées.

Feinte ou réelle, sa relation au passé, à l’amitié, à l’amour et à la mort vient s’inscrire dans une tradition dont la source est proche de Trenet, Brassens et les frères Jacques. Ses airs et ses mots ont la vertu, en 2010, d’enchanter les cœurs en ranimant les temps révolus, tout en apaisant, tel un baume ancestral, d’incurables plaies devenues avec lui presque aimables.

Son souffle nostalgique, son lyrisme maquillé de pitrerie, il les présente fort joliment jusqu’au 27 juillet dans l’intimité de la salle Jean Tardieu du théâtre du Rond-Point.
Décor mi-guinguette (palissade et lampions) mi-brocante (mannequin articulé et bassines en zinc), complets pour les messieurs et robes à fleurs des années 1950 pour les dames, François Morel entouré de très sympathiques musiciens-choristes enchaîne chansons de son cru et micro sketches en alternant franche moquerie, poésie, calembours et mélancolie.

Sur des musiques d’Antoine Sahler et de Reinhardt Wagner et une mise en scène d’une Juliette jamais à court de fantaisie, l’ensemble fonctionne du feu de Dieu, porté par une complicité bien en place entre l’artiste, faux hâbleur et vrai ravi, et le public tout à sa joie. Il en redemande, nous compris.

Le soir, des lions…
Textes et interprétation des chansons François Morel
Mise en scène Juliette
Musique Antoine Sahler, Reinhardt Wagner
Musiciens Lisa Cat-Berro, Muriel Gastebois et Antoine Sahler
Jusqu’au 27 juin2010
Théâtre du Rond-Point
Salle Jean Tardieu
A 21 h – Dimanche à 15 h 30
Durée 1 h 30

Photo © Brigitte Enguerand

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Film Socialisme. Jean-Luc Godard

Film socialisme, Jean-Luc GodardNul besoin d’un récit au sens traditionnel, nul besoin de tout comprendre pour aimer.
Pendant 1 h 40, Jean-Luc Godard montre des images et donne à entendre des mots, des bruits, de la musique, voire des dialogues entiers. D’abord sur un paquebot de croisière, où l’enchaînement des images (magnifiques) est tel qu’il évoque un clip : c’est la première partie, intitulée Des choses comme ça. Puis il s’attarde auprès de la famille Martin, dans le garage qu’elle tient et dans sa maison : c’est Notre Europe, où il donne largement la parole aux enfants. Enfin, reprise d’un rythme plus rapide dans Nos humanités, avec des pans d’histoires et d’Histoire (la nuance semble l’objet même de l’interrogation de Godard) autour de l’Egypte, la Palestine, Odessa, Hellas, Naples et Barcelone. Autant d’étapes de la croisière en Méditerranée du début, la boucle se boucle. Et aussi cette mention, parmi les textes du film, selon laquelle il y eut un groupe de Résistants près de Toulouse, dont le nom était Martin.

La part absconse de Film Socialisme faite, son propos ne saurait totalement échapper. Et ce discours-là n’est pas seulement dénonciation d’un monde gouverné par l’argent ("Les hommes ont inventé l’argent pour ne pas avoir à se regarder dans les yeux" fait-il dire à l’économiste Bernard Maris), d’une Histoire chargée de crimes commis par les régimes totalitaires et de mensonges. Jean-Luc Godard tient aussi un propos tourné vers l’avenir, passant le micro aux plus jeunes pour demander quelques comptes à leurs aînés et les secouer de questions, notamment "Quo vadis Europa ?". En eux, il concentre la musique, la lecture (Florine lit Les illusions perdues de Balzac appuyée contre la pompe à essence, un lama à ses côtés), la peinture (son petit frère peint un paysage de Renoir). La liaison avec le passé est très présente tout au long du film. La multitude d’images, l’époustouflant montage, tous les choix de Godard font lien avec l’Histoire. Celle des origines de notre civilisation autour du bassin méditerranéen, l’Egypte, Jérusalem, la Grèce antique, mais aussi la Renaissance, mais aussi le XXème siècle. Vision du monde bien sûr ; l’entassement de personnages de toutes nationalités sur le paquebot de croisière est un médium fort efficace pour l’embrasser, montrer sa globalisation qui ne fait ni unité ni égalité.

Tout cela, Godard l’ancre formidablement dans l’époque d’aujourd’hui. Sa mise en scène est à cet égard une signature de son approche contemporaine. Toutes sortes d’images s’entremêlent : des siennes en haute et basse définition aux images prises avec appareil photo ou récupérées sur Internet, des images d’une grande pureté aux images les plus floues, de l’enchaînement trépidant aux longs plans séquences, des extraits de télévision aux films d’archives… Godard dresse un état des lieux, un état de l’art de l’image et il semble que lui seul pouvait le faire. Comme lui seul ramasse en un seul film le poids des médias, des écrans individuels et du numérique ; l’héritage culturel, la philosophie et les sciences ; la France pays où l’on ne peut plus dire être mais seulement avoir ; l’Europe qui se cherche ; l’Afrique oubliée ; l’argent ; le vent, le soleil et les arts, Joan Baez et Alain Bashung. Rien de moins qu’une vision du monde, brillante, captivante.

Film Socialisme
Réalisé par Jean-Luc Godard
Avec Catherine Tanvier, Christian Sinniger, Agatha Couture
Durée 1 h 42

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La Galerie Blumann

Frederique Callu, Nikon ni soumiseC’est dans l’ambiance feutrée de la place des Vosges à Paris que Chantal Blumann a ouvert en juillet 2009 sa galerie dédiée à l’art contemporain. Elle y expose aussi bien de la peinture, de la photographie, de la sculpture que des comics, avec la volonté "de rendre l’art accessible au plus grand nombre, de faire émerger de nouveaux talents et de proposer des photos numérotées à prix juste". On sent chez cette marchande d’art, en parlant avec elle et en parcourant sa galerie une envie de démocratisation et de désacralisation de l’art qui mettent tout de suite à l’aise.
Parmi les artistes permanents, Yvon Cochery et ses Aztek en résine, Ottmar Hörl et ses Carlin qui présentent l’avantage de ne pas salir ni aboyer, mais aussi plusieurs photographes femmes telles que Frédérique Callu, Vanessa Vercel, Diane Von Schoen et Hélène Desmazières.
On aime particulièrement les photos de voyage de Frédérique Callu, prises sur pellicule blanc et noir argentique puis sobrement colorisées de quelques touches de pigment jaune, ou sa série classieuse et urbaine sur la séduction et la féminité.
Dans une tout autre veine, mais aussi maîtrisée, les photos de Diane Von Schoen nous plongent ans l’univers équestre, en délicat noir et blanc ou en couleur éclatante. Sa série montrant un cavalier vêtu de noir sur un magnifique cheval blanc, vus de profil ou de dos sont grandioses d’intimité, de respect et de solitude.

Galerie Blumann
4, Place des Vosges 75004 Paris
Tel: 01 42 76 04 09

Image : Frédérique Callu – Nikon, ni soumise, 80 x 80 cm

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Les Pardaillan. Michel Zevaco

Michel Zevaco, Les Paillardan, BouquinUne digne héritière des Borgia voudrait régner sur le monde en cette fin du XVIe siècle. Elle se nomme Fausta et manigance, assassine, capture, torture sans aucun complexe. Le moyen d’arriver à ses fins : prendre le pouvoir dans l’institution où les femmes sont le plus exclues, la papauté. Fausta sera Papesse ou ne sera rien.

Quelle idée formidable de ce Michel Zevaco dont Sartre lui-même reconnaissait le génie, et dont il lisait avec avidité les feuilletons lorsqu’il était jeune ! Fausta est consciente qu’elle ne peut vaincre que si elle ne cède à aucun de ceux qui détiennent le pouvoir, les hommes. Elle restera donc vierge et renoncera à tout sentiment qui pourrait l’affaiblir devant un homme.

Dans ce quatrième volume des aventures de Pardaillan (« Fausta vaincue »), la lutte, très ambiguë bien sûr entre Pardaillan et Fausta est à son comble. Enfin, il reste tout de même 6 autres volumes pour juger vraiment, parce que c’est le dernier seulement qui s’intitule « La fin de Fausta » ! Il fallait bien plus de 4000 pages pour nous faire vivre 60 ans d’histoire sur un rythme échevelé, aux rebondissements rocambolesques, truffée d’exploits accomplis au fil de l’épée, mais aussi en riant sous cape.

Pardaillan, qui essaie de ne pas prendre vraiment parti dans ce tourbillon de rivalités où se mêlent religions, batailles autour du trône de France, influences italiennes avec Catherine de Médicis, est amené à intervenir dans les grands événements de notre histoire nationale : c’est quand même lui qui a tué le Duc de Guise, qui a soufflé à Henri IV la formule célèbre « Paris vaut bien une messe » !

Certes Zévaco s’amuse avec l’Histoire, mais surtout il nous offre la joie de la lecture, qui s’appuie sur l’imagination pour évoquer les questions de toujours : pouvoir, désir, liberté. Et quel personnage que cette Fausta ! Alors qu’elle a tenté de tuer pour la énième fois Pardaillan : « Je suis vraiment au regret madame, que vos vœux n’aient pas été mieux accueillis par le Ciel. Puis-je, avant de nous quitter, vous être bon en quoi que ce soit ? Fausta devient blême. Son orgueil souffrit plus qu’il n’avait jamais souffert. Elle fut écrasée par cette générosité simple et souriante, qui lui apparut comme un prodigieux dédain ».

Les Pardaillan
Michel Zevaco
Bouquins Robert Lafont

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L'Arracheuse de temps. Fred Pellerin

Fred Pellerin, L'Arracheuse de temps à l'EuropéenDécouvert hier soir sur la scène de L’Européen à Paris : Fred Pellerin, un Quebecois de 33 ans qui exerce le joli et singulier métier de conteur. Conteur pour adultes : chez Monsieur Pellerin, ça veut dire emporter, faire rire et émouvoir. Et Fred est aussi musicien et chanteur.
La disproportion entre le talent de l’artiste et l’exiguïté de la salle saute vite aux oreilles et aux yeux. Autant dire que l’ambiance était chaleureuse, avec sans doute quelques compatriotes attendris aux premiers rangs : cet ancien étudiant en littérature est devenu une star au Québec et on comprend pourquoi.
L’Arracheuse de temps est son quatrième spectacle ; il y conte une histoire fabuleuse tissée de légendes de son village, entendues depuis sa tendre enfance de la bouche de sa grand-mère, de son père et des vieux du coin. Dès la première phrase, on est suspendu à ses lèvres et à son sacré accent québécois, et, captivé, on ne lâche pas la corde pendant près d’une heure et demie. La pièce mélange personnages hauts en couleurs rudement bien croqués et fantastique des contes de fées, avec, pour le frisson, une Camarde qui ne manque pas de souffle… Le tout débordant d’humour (talent comique indéniable et jeux de mots en tout genre), d’inventions (néologismes adorables), de poésie et d’imagination.
Parfois ce très sympathique garçon pousse la chansonnette, empoigne la guitare ou la mandoline, si ce n’est l’harmonica, tandis que ses pieds battent le rythme avec éclat : là aussi, on sent que, justement, il en a "sous le pied". Il ne s’économise pas, et il n’en a pas besoin : du talent, il en a à revendre.

L’Arracheuse de temps
Fred Pellerin
L’Européen
5, rue Biot, Paris 17e
M°Place-de-Clichy. Tél. : 01-43-87-97-13
Du 1er au 6 juin samedi à 20 h 30 et dimanche à 17 heures
Places de 25 € à 30 €.

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