Charlotte. Théâtre du Rond-Point

Inspiré notamment du livre de David Foenkinos, ce très beau spectacle met en scène la courte vie de Charlotte Salomon, artiste peintre née à Berlin en 1917 et morte à Auschwitz en 1943.

Raconter la vie de cette trajectoire singulière, c’est raconter tout autant celle de la famille dans laquelle elle a grandi et les temps et lieux qui furent les leurs. L’histoire de Charlotte telle qu’elle nous est montrée (et de façon si convaincante qu’on la prend entière telle que) est celle d’une petite fille devenue jeune fille comme elle a pu, et ébauche de jeune femme à l’avenant, plante un peu sauvage poussée en terre de douleurs et de silence.

Une famille où les femmes se suicident les unes après les autres, où les survivants tremblent, où les hommes ne font jamais que ce qu’ils peuvent. Mais où l’élan vital, enfin, parvient à se faufiler par le biais de l’art – introduit par le chant et la joie de sa belle-mère – poussant les murs à l’intérieur d’une Charlotte sinon prête à exploser. Lourdeur familiale mais aussi terreur de l’histoire qui se joue dans les années 30 à Berlin. Une petite fille qu’on chérit comme la survivante d’une lignée de femmes perdue, mais qu’on oublie d’écouter. Alors quoi, pour exister, sinon le dessin ?

La metteuse en scène, Muriel Coulin, a si bien empoigné le mode narratif que la pièce se regarde et s’écoute avec la même intensité que celle qui nous lie aux récits les mieux écrits. Mélodie Richard, comédienne extraordinaire, raconte et joue Charlotte Salomon, alternant avec brio et naturel la gravité et les débordements qui font tout ensemble la jeune fille. Les autres comédiens interprètent les grands-parents maternels, le père, la mère puis la belle-mère et « l’amoureux » – les femmes se démarquent nettement, rôles et jeux à la fois. Le décor est sobre mais, grâce au dispositif d’ensemble, et notamment les éclairages, puissamment évocateur. La vidéo, utilisée à propos, nous met sous les yeux l’art de Charlotte et des images d’archives de ces temps terrifiants. La musique, en partie jouée par Mélodie-Charlotte, ponctue et accompagne avec grâce.

Durant 1h40, on est charmé, captivé, touché. Pas de tire-larmes, d’outrance de jeu ni d’effet de manche de metteur en scène. Simplement une très triste histoire racontée avec douceur, intelligence et beauté : un hommage à Charlotte Salomon plein de délicatesse.

Charlotte, une libre adaptation de Vie ? ou Théâtre ? de Charlotte Salomon
et de Charlotte de David Foenkinos
Conception et mise en scène de Muriel Coulin
Avec Mélodie Richard, Nathalie Richard, Joël Delsaut, Yves Heck, Jean-Christophe Laurier et Marie-Anne Mestre

Au Théâtre du Rond-Point  jusqu’au 3 février 2019

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Le soir, des lions… François Morel

Le soir des lions... François Morel au Rond-PointQue ce soit en suivant ses chroniques sur France Inter, les spectacles qu’il donne en chansons ou les souvenirs du temps des Deschiens sur Canal +, l’on se fait de François Morel, à tort ou à raison, l’idée d’un homme sincère et cohérent, dont le personnage artistique est l’écume bouillonnante d’une intimité pleine d’émotions pudiquement habillées.

Feinte ou réelle, sa relation au passé, à l’amitié, à l’amour et à la mort vient s’inscrire dans une tradition dont la source est proche de Trenet, Brassens et les frères Jacques. Ses airs et ses mots ont la vertu, en 2010, d’enchanter les cœurs en ranimant les temps révolus, tout en apaisant, tel un baume ancestral, d’incurables plaies devenues avec lui presque aimables.

Son souffle nostalgique, son lyrisme maquillé de pitrerie, il les présente fort joliment jusqu’au 27 juillet dans l’intimité de la salle Jean Tardieu du théâtre du Rond-Point.
Décor mi-guinguette (palissade et lampions) mi-brocante (mannequin articulé et bassines en zinc), complets pour les messieurs et robes à fleurs des années 1950 pour les dames, François Morel entouré de très sympathiques musiciens-choristes enchaîne chansons de son cru et micro sketches en alternant franche moquerie, poésie, calembours et mélancolie.

Sur des musiques d’Antoine Sahler et de Reinhardt Wagner et une mise en scène d’une Juliette jamais à court de fantaisie, l’ensemble fonctionne du feu de Dieu, porté par une complicité bien en place entre l’artiste, faux hâbleur et vrai ravi, et le public tout à sa joie. Il en redemande, nous compris.

Le soir, des lions…
Textes et interprétation des chansons François Morel
Mise en scène Juliette
Musique Antoine Sahler, Reinhardt Wagner
Musiciens Lisa Cat-Berro, Muriel Gastebois et Antoine Sahler
Jusqu’au 27 juin2010
Théâtre du Rond-Point
Salle Jean Tardieu
A 21 h – Dimanche à 15 h 30
Durée 1 h 30

Photo © Brigitte Enguerand

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