Anish Kapoor – Leviathan, Monumenta 2011

Leviathan, Anish Kapoor

Leviathan est la 4ème proposition du cycle Monumenta présenté sous la nef du Grand-Palais depuis 2009.
L’artiste invité à créer une œuvre spécifique pour ce lieu exceptionnel est toujours un grand nom de l’art contemporain, mais sans être pour autant bien connu du grand public. Tel est le cas du britannique d’origine indienne Anish Kapoor, qui succède jusqu’au 23 juin prochain à Anselm Kiefer, Richard Serra et Christian Boltanski.
Autant de souvenirs d’expériences sensorielles et émotionnelles inoubliables, qui désormais créent une attente et une exigence presque aussi élevées que la verrière de la célèbre nef.
La déception n’est pourtant pas pour cette fois.

Avec Leviathan, le spectacle se découpe en deux actes, tout aussi impressionnants l’un que l’autre.
Premier acte au débouché d’un seuil de porte à tambour où, après avoir été brièvement plongé dans l’obscurité complète, l’on se retrouve soudain entièrement immergé dans l’œuvre elle-même, immense volume sombre et parfaitement clos, rouge monochrome dont les nuances ne résulteront que des jeux de la lumière naturelle inondant la nef. Le souffle coupé, le nez en l’air, les yeux écarquillés, il faut de longues minutes pour digérer le choc visuel, avant de se demander de quoi il s’agit : forme ? Matière ? Et d’où viennent ces ombres et ces éclaircies qui se dessinent par moments sous la voûte ?
Petit à petit, l’on comprend mieux ; on reconnaît le découpage de la structure métallique de la verrière dans le jeu d’ombres chinoises, on réalise que cette œuvre gigantesque qui nous accueille en elle est faite d’un même matériau et que les lignes qui la strient ne sont que des motifs soulignant les formes concaves et convexes de la paroi.

Anish Kapoor, Leviathan

Puis, lorsqu’on en a assez de se trouver enfermé dans cette sorte de ventre alors que dehors est la lumière… il est temps de sortir.

C’est ainsi que se découvre, toujours dans la nef, l’extérieur du Leviathan. Il s’agit d’une sorte de PVC gonflé, de couleur rouge sombre, très brillante, formant en plusieurs sphères reliées entre elles une espèce d’organe géant près de toucher le plafond de verre.
Promenade autour, multiplication des points de vue, admiration.
Au caractère proprement inédit de l’expérience, se mêle l’impression de simplicité que dégage cette oeuvre, très corporelle, très humaine, rassurante dans ses courbes, sa texture et sa teinte et, en même temps, occupant tant de place qu’elle en est effrayante…

Monumenta 2011
Anish Kapoor – Leviathan
Nef du Grand Palais – Avenue Winston Churchill 75008 Paris
TLJ sf mar., de 10h à 19h lun. et le mer. et de 10h à minuit du jeu. au dim.
Fermeture des caisses 45 min avant la fermeture de l’exposition
Métro : lignes 1, 9, 13 / Franklin Roosevelt ou Champs-Elysées-Clemenceau
Bus : lignes 28, 32, 42, 72, 73, 80, 83, 93
Entrée : 5 euros (TR : 2,50 euros)
Le billet d’entrée donne également accès à la programmation culturelle du même jour
A voir jusqu’au 23 juin 2011

Monumenta 2011, Anish Kapoor, Leviathan

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Mille francs de récompense au Théâtre de l'Odéon

Mille francs de récompense mis en scène par Laurent Pelly

Alors que les feux sont braqués sur les écrans cannois, il se passe en ce moment sur les planches parisiennes un grand moment de théâtre, un de ces spectacles intelligents et populaires que l’on attend longtemps et ne vit que trop rarement.

Le texte a près de 150 d’âge et n’est presque jamais joué. Son auteur est pourtant illustre, mais allez savoir pourquoi cette pièce écrite par Victor Hugo en 1865 n’a été éditée qu’en 1934 et montée pour la première fois… en 1961.
Et elle a en tout cas gardé toute sa fraîcheur.

C’est à Laurent Pelly que l’on doit la grâce de (re)découvrir cette œuvre, avec un travail de mise en scène des plus réussis.

Dans cette vaste pièce trépidante, qui tient en quatre actes comme autant d’épisodes d’un feuilleton illustré, l’on croise un député qui parle davantage de finance que de politique, un nouveau riche dégoulinant de vanité qui retourne sa veste à chaque changement de régime, méprisant avec les faibles et obséquieux avec les puissants, un homme né dans le ruisseau qui a tâté trois ans de cachot pour douze sous de forfait et dort depuis à la belle étoile, une fausse veuve-vraie fille, une demoiselle aussi pauvre qu’amoureuse, un huissier vendu au plus offrant, un grand-père malade, musicien, aimant et faussement italien, sans compter un richissime banquier prétendument espagnol et un juge de bois vert…
Avec tout ça, une vraie intrigue, qui tourne autour de mille francs de récompense pour quatre mille à retrouver, mais pour mieux accompagner les véritables questions de la pièce, qui sont celles de la dissimulation, de l’identité et de la fidélité.

La pièce est merveilleusement écrite, pleine d’humour notamment grâce au personnage du vagabond Glapieu qui se fait aussi observateur et commentateur de l’histoire. Victor Hugo, défenseur de la liberté, de l’honneur, du pauvre, de la veuve, du vieux, de la fille et de l’orphelin, y dresse un formidable tableau social du Paris sous la Restauration… dans lequel, hélas, le spectateur de 2011 trouvera bien des thèmes d’actualité.

Ce qu’en fait Laurent Pelly est formidable, à la fois respectueux de l’époque à travers des costumes et des décors impeccables, évitant la surcharge du XIXème dans le premier acte – idée géniale de figurer l’appartement et ses annexes en décor filaire -, faisant tomber la neige nocturne du 2ème sur un somptueux décor, et capable de faire ressortir la modernité de la pièce grâce à un rythme et une direction d’acteurs des plus justes. Tous les comédiens excellent, qui dans l’humour, qui dans l’émotion la plus touchante, tout en mettant en évidence ce que la pièce a de plus classique : cette variété de mensonges petits et grands, bien et mal fondés, ce jeu permanent et cette hypocrisie qui donnent à la vérité toute sa valeur…

Mille francs de récompense
De Victor Hugo
Mise en scène Laurent Pelly
Théâtre de l’Odéon
Jusqu’au 5 juin 2011
Dramaturgie : Agathe Mélinand
Scénographie : Chantal Thomas
Costumes : Laurent Pelly
Lumières : Joël Adam
Son : Aline Loustalot
Avec Vincent Bramoullé, Christine Brücher, Emmanuel Daumas, Rémi Gibier, Benjamin Hubert, Jérôme Huguet, Pascal Lambert, Eddy Letexier, Laurent Meininger, Jean-Benoît Terral, Émilie Vaudou, avec la participation de François Bombaglia
Durée : 3h15 avec un entracte
Places : 10 euros à 32 euros

Créé le 14 janvier 2010 au TNT – Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées, production TNT – Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées

photo © Polo Garat-Odessa

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L’Éclat de la Renaissance italienne à la Galerie des Gobelins

Exposition à la Galerie des Gobelins, éclats de la Renaissance italienne

A côté de la peinture, de la sculpture et de l’architecture, les splendeurs de la Renaissance italienne sont aussi à admirer sur de majestueuses tapisseries, à relier naturellement à la grande peinture du XVI° siècle renaissant.

La Galerie des Gobelins, dont on aime suivre régulièrement les expositions, inédites par leur objet et démesurées par la taille des œuvres déployées, nous amène une fois de plus à découvrir ces décors réalisés au fil des siècles pour décorer les demeures des papes et des souverains.

Jusqu’au 24 juillet, sont exposées une vingtaine de pièces issues des manufactures françaises et flamandes aux XVI° et XVII° siècles d’après des cartons ou des peintures de grands artistes de la Renaissance italienne : Raphaël, Giovanni da Udine, Jules Romain , mais aussi Giorgio Vasari et Michelangelo Cinganelli. A l’exception de trois acquises pour le Musée des Gobelins à la fin du XIX° siècle, toutes proviennent de la collection de Louis XIV et servirent d’ameublements jusqu’à la Révolution française.

Pour l’essentiel, ces œuvres sont marquées du sceau de Raphaël (1483-1520), extrêmement admiré dès le XVI° siècle. Il en est ainsi de la tenture des Actes des Apôtres, aux mouvements et aux expressions très accentués, réalisée à la demande du pape Leon X et dont des tissages ont été exécutés tout au long des XVI° et XVII° siècles. Les 4 pièces exposées ornaient à Paris les murs de l’abbaye de Sainte-Geneviève-du-Mont, à l’emplacement de l’actuel lycée Henri IV. La Messe de Bolsène, d’après les fresques des Chambres du Vatican commandées par Jules II, est d’un style assez différent : Raphaël y a majestueusement structuré l’espace grâce à moult éléments d’architecture mais aussi à un recours à la couleur très appuyé.

L’on découvre de nombreuses œuvres réalisées d’après les cartons du plus célèbre élève de Raphaël, Giulo Romano (1499-1546), dit Jules Romain en France. Selon Giorgio Vasari, « Parmi les innombrables élèves de Raphaël d’Urbin qui, pour la plupart, devinrent des artistes de talent, aucun ne l’imita mieux dans son style, son invention, son dessin et son coloris que Jules Romain (…) Raphaël l’aimait comme un fils et le fit collaborer à ses principales œuvres. » C’est lui qui réalisa, avec Fian Francesco Penni La bataille de Constantin, dont l’exécution avait été confiée à Raphaël avant sa mort. La scène représente un moment clé de l’histoire du christianisme, lorsque Constantin, au pont de Milvius, par sa victoire définitive sur Maxence, devint le maître de Rome et fit ainsi cesser les persécutions contre les Chrétiens.

Jules Romain, La bataille de ConstantinToujours d’après des cartons de Jules Romain, sont notamment présentées plusieurs pièces de l’impressionnante Histoire de Scipion : elle retrace l’histoire des campagnes victorieuses que ce jeune patricien romain mena au III° s. avant J.-C. contre Hannibal à Carthage lors de la deuxième guerre punique. Parmi ces pièces, l’on se plaît à détailler Le repas chez Syphax, dans un palais au décor majestueux, dont les nombreuses richesses sont mises en valeur par trois flambeaux éclairant la scène nocturne : nappes, tentures, décors de marbre, vases ornés, vêtements… Jules Romain n’a pas craint l’excès, déployant un univers luxueux scintillant d’ors et de couleurs.

Agréable « récréation » vers une iconographie davantage décorative qu’historique, la série de Giovanni da Udine (1487-1564), autre élève de Raphaël, montre la fantaisie du décor grotesque, imité de la Maison de Néron à Rome. Issues de l’ensemble Le triomphe des Dieux, Le triomphe de Minerve et plus encore Le triomphe de Vénus font toute leur place à la liberté d’invention, à la légèreté de ton, à la respiration. Motifs végétaux et floraux, mélange des règnes humain et animal, ambiance festive, aucune des épreuves traversées ne semble affecter la félicité des dieux triomphants.

L’Éclat de la Renaissance italienne
Galerie des Gobelins
42 avenue des Gobelins 75013 Paris – tél. : 01 44 08 53 49
M° Gobelins / bus 27, 47, 83, 91
Tous les jours, de 11 h à 18h, sauf le lundi
Plein tarif : 6 € (Tarif réduit : 4 €)
Accès gratuit le dernier dimanche de chaque mois
Jusqu’au 24 juillet 2011

Images : partie de Tenture du Triomphe des dieux d’après Giovanni da Udine, Le triomphe de Vénus, Bruxelles, atelier de F. Geubels, tissage du 3e quart du XVIe siècle, 4,95 x 7,22 m, Paris, Mobilier national © P. Sébert
et partie de la Bataille de Constantin, Paris, Manufacture des Gobelins, tissage autour de 1740, dim. 4,85 x 4,55 m, Mobilier national © L. Perquis

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