En France. Marius-Ary Leblond

Ce sont deux cousins Réunionnais qui se cachent derrière ce pseudonyme de Marius-Ary Leblond qui obtint le Goncourt en 1909. Le titre est quelque peu trompeur, tant le récit ne concerne de la France que sa capitale, ville où un jeune créole vient effectuer ses études en ce début du XXème siècle. Paris est le lieu de toutes les découvertes, d’une forme de la civilisation « moderne » à une éducation sentimentale qui ouvre de larges horizons.

La banalité du thème est compensée par une grande finesse d’observations sur cette société qui va disparaître avec la guerre de 14-18, et par un style très agréable à lire. L’intégration du jeune Claude à la vie parisienne passe d’abord par les déambulations dans les rues de la capitale, et il est significatif de comparer ses deux visions d’un monument à quelques mois d’intervalle : « Notre-Dame, c’est cela Notre-Dame ? noir sali de blanc comme par des déjections d’immenses vautours, enfoncé dans l’asphalte et ressemblant ainsi à une grosse tortue, sans marches, silencieuse comme une ruine ». Plus tard : « Notre-Dame à droite, somptueusement soutenue dans un massif velouté de branchages vermeils, portée comme une châsse, s’élevait dans son luxe de dentelles de pierre aux tons d’argent et de diamant bleu, joyau séculaire resplendissant au printemps ».

C’est la diversité des types sociaux, inconnue sur son île natale, qui le surprend le plus. Par exemple des travailleurs Blancs : « Des ouvriers se pressaient, traînant la savate mais la figure fière, moustaches relevées, le coin d’œil galant ; (…) Claude, attendri, regardait, le cœur fraternel et neuf, ces gens qui étaient des travailleurs et qui étaient en même temps Blancs : habitué à voir réservés aux Noirs les ouvrages manuels, la dignité s’en relevait à ses yeux ».

Les portraits de ses collègues étudiants et des jeunes filles qu’il rencontre sont peints avec intelligence. Du côté des premiers : « A cette heure tous ses camarades continuaient de mener assez vivement leurs études, gais, confiants, même vantards, car en général ils se sentaient tous de la valeur rien que d’être à Paris ».

Du côté des jeunes filles, l’accent est mis sur les inégalités de conditions, entre des hommes aisés et des jeunes femmes cherchant à améliorer leur situation par l’éventail des liens aux hommes qui va de la prostitution au mariage. C’est le temps des mondaines, demi-mondaines, cocottes…, avec le risque de l’abandon pour cause de maternité : « Cependant c’était bien, authentiquement, à Paris la grande ville populaire, un abandon lâche de mère et d’enfant par un jeune homme de la bourgeoisie aimable et intelligent… ».

Un Goncourt oublié, qui fourmille d’observations pertinentes.

Andreossi

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