Degas à l’Opéra. Musée d’Orsay

Danseuses bleues, vers 1893-1896, huile sur toile, Paris, Musée d’Orsay, don du Docteur et de Mme Albert Charpentier, 1951

S’il est un sujet qui a fait la renommée et le succès d’Edgar Degas (1834-1917), c’est bien celui des « petites danseuses », vues et reproduites tant de fois que l’artiste en vient presque à se confondre avec son thème. A côté des courses, des paysages, les scènes d’opéra sont celles sur lesquelles le peintre est revenu sans fin, les explorant sous tous les angles – scène, coulisses, salles de répétition, foyer, etc – et avec tous les moyens de son art. Peinture, pastel, monotype, fusain, sculpture se retrouvent ainsi dans la magnifique exposition du musée d’Orsay.

Si on y ajoute les maquettes (dont une époustouflante du palais Garnier présenté en coupe longitudinale) et divers documents, ce sont plus de 300 œuvres qui nous permettent d’appréhender la manière dont Degas a traité de son thème de prédilection : avec passion, curiosité et originalité.

Le Violoniste (étude pour La Répétition), vers 1879, fusain et rehauts de craie blanche sur papier vergé bleu-gris, Williamstown (Massachussets), The Sterling and Francise Clark Art Institute

Il y mêle la représentation des corps (qu’il a étudiée à ses débuts de façon académique par la fréquentation des grands maîtres, italiens en particulier), celle de l’espace (toujours clos et plein de recoins), du mouvement bien évidemment, mais aussi du temps – voir ses tableaux longs représentant l’ensemble d’une salle de répétition, où l’on voit les différents moments des exercices.

Le tout est proprement enthousiasmant, sans doute parce que sa manière a l’air de prendre toutes les libertés. Avec la composition, très visibles dans les scènes de répétition, où ça part dans tous les sens. Dans ses cadrages saugrenus, Degas nous relève les coins, n’est pas gêné par un piler au milieu, compacte des petits groupes de danseuses ici ou là, recompose peut-être à partir de ce qu’il a vu (il travaillait en atelier), mais toujours nous fait croire qu’on y est. Liberté avec les corps ensuite, qui vibrent comme des arcs, s’inquiètent entre deux exercices, se relâchent quand il ils le peuvent et sans faux-semblant. Du faux sur-le-vif encore plus vrai que le vrai.

La Leçon de danse, vers 1876, pastel sur papier contrecollé sur carton, Collection particulière

Mais ce qui finit par sauter aux yeux face à ce rassemblement de toiles et de papiers (les pastels sont parmi les plus belles œuvres du parcours), et que l’admiration d’œuvres isolées ne permettrait probablement pas, est, autant que le reste, la liberté que Degas a prises vis-à-vis des couleurs. Les verts en particulier, difficiles à qualifier, ne ressemblent à rien de ce qu’on aurait pu voir aux lumières jaunes d’une salle de spectacle au XIX°. Ils se posent pourtant là avec un charme irrésistible, de même que certains bleus que seul le pastel donne, ajoutant du mystère à ces scènes qui, plus on les contemple, plus elles semblent sorties d’un songe, voire des fantasmes d’un artiste dont le rêve était non pas de recevoir les prix dont il fut distingué mais tout simplement de disposer d’une « entrée libre à l’opéra ».

Degas à l’Opéra, Musée d’Orsay

1, rue de la Légion d’Honneur – 75007 Paris

Jusqu’au 19 janvier 2020

L’exposition est organisée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie et la National Gallery of Art (Washington) à l’occasion du 350ème anniversaire de l’Opéra de Paris, avec le concours exceptionnel de la Bibliothèque Nationale de France.

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