Beaux hommages à La Rochelle

Muriel ou le temps d'un retourLe 35ème Festival International du Film de La Rochelle s’est achevé hier 9 juillet. Comme chaque année depuis 1973, il y eut abondance de découvertes, hommages, rétrospectives … en dehors de tout jury et compétition.

Avec 200 films dont 150 longs métrages de fiction, le programme était chargé.
Il fut l’occasion de rendre hommage aux finlandais Anastasia Lapsui et Markku Lehmuskallio, à l’autrichien Ulrich Seidl, au japonnais Isao Takahata ainsi qu’au français Jean-Paul Rappeneau dont la filmographie fut projetée en intégralité ; mais aussi de découvrir, à travers seize films, les cinéastes iraniennes d’aujourd’hui.

Les traditionnelles rétrospectives de réalisateurs et acteurs disparus étaient placées sous le signe de la diversité : entre celles consacrées à John Ford et au « cinéma muet et érotisme », une troisième mettait à l’honneur Delphine Seyrig.

L’inoubliable fée de Peau d’Anne ("Mon enfant, …"), comédienne de théâtre et de cinéma, mais aussi réalisatrice de documentaires, militante féministe, fut découverte au cinéma grâce à Alain Resnais qui l’engagea dès 1960 pour tourner L’Année dernière à Marienbad (Lion d’or de la Mostra de Venise en 1961).

Elle travailla ensuite avec les plus grands, Jacques Demy, François Truffaut (Baisers volés), Marguerite Duras (La Musica, India Song…), Luis Buñuel …
Au théâtre, elle interpréta Harold Pinter (La Collection, L’Amant) et Peter Handke (La Chevauchée sur le lac de Constance).

Après L’année dernière à Marienbad, Alain Resnais ne tarda pas à faire appel à elle une nouvelle fois pour jouer dans Muriel ou le temps d’un retour, qui obtint le prix de la critique à la 24ème Mostra de Venise en 1963.
Son regard troublant, sa voix singulière ne sont pas pour rien dans l’ambiance étrange et dérangeante de Muriel ….
Film magistral sur le poids du passé, sur la construction d’un présent dont l’histoire a pour cadre Boulogne-sur-Mer, ville touchée par les bombardements et reconstruite à la hâte.
S’y croisent les souvenirs de la Seconde guerre mondiale, de la guerre d’Algérie (qui venait alors de s’achever et constituait un sujet totalement tabou) et des amours de jeunesse.
Comment reconstruire, vivre dans un aujourd’hui « neuf » alors que les erreurs du passé, les choix que l’on a fait ou les événements qu’on a subis ne veulent pas disparaître ?
Les personnages d’Hélène (Delphine Seyrig) et de son beau-fils, Bernard (remarquablement interprété par le tout jeune Jean-Baptiste Thierrée) sont poignants. En contre-point, Françoise incarne une légèreté et un ancrage dans le présent que seule l’absence de souvenirs pesants semble autoriser.
Entre eux, le personnage d’Alphonse, l’ancien amant d’Hélène peu scrupuleux, opportuniste et insincère croit pouvoir faire « comme si ». Mais il participe lui aussi de l’Histoire et ne peut lui échapper…

Muriel ou le temps d’un retour est un hommage à saluer à double titre, pour l’actrice littéralement extraordinaire, disparue en 1990, que fut Delphine Seyrig et pour le cinéaste exceptionnel qu’Alain Resnais demeure depuis près de cinquante ans.

Festival International du Film de La Rochelle

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Les bagages de l'été avec La Quinzaine littéraire

la mer de John BanvilleC’est une malle qu’il faudrait pour emporter les livres de l’été, tous ceux que, faute de temps, on a réservés pour les vacances !
D’ailleurs, chaque année, c’est la même chose : on en emporte toujours trop.
Mais qu’importe : laissons-nous le bonheur de choisir le moment venu.

Un titre qui fleure bon les vacances circule déjà de-ci de-là en tête des listes : La mer de John Banville (Voir Le Monde des Livres du 22 juin dernier notamment). (1)
Ce roman est aussi repris dans le petit mémo concocté par La Quinzaine littéraire dans son dernier numéro : pour ceux qui ont raté les épisodes précédents, La Quinzaine propose un choix de romans français et étrangers, recueils de poésies, livres d’histoire, essais, correspondances… parmi ceux sélectionnés par la rédaction depuis le début de l’année.
Y figurent notamment : le théâtre de Beckett ; Henri Calet ; Emmanuel Carrère (Un roman russe) ; Julian Barnes ; Martin Amis ; Orhan Pamuk ; les poètes Paul Celan et Claude Esteban ; l’autobiographie d’André Schiffrin Allers-retours ; la correspondance de Truman Capote Un plaisir trop bref, celle d’Albert Camus et René Char…

Une autre correspondance pourrait bien également nous accompagner cet été : celle que Walter Benjamin entretint avec Gretel Adorno entre 1930 et 1940. (2)
Alors qu’à partir de 1933, Benjamin vit en exil à Ibiza puis à Paris "dans une misère stoïquement supportée", Gretel Adorno, femme d’affaires, mène une existence relativement solitaire à Berlin. L’entourage de l’un et l’autre est source de difficultés permantentes. Entre eux ? Une histoire d’amitié amoureuse intense, qui semble "résister à tout : à l’éloignement, aux frustations, aux drames d’une époque terrible, aux crises et à des multiples tensions" relève Jean Lacoste pour La Quinzaine. On en rêve déjà…

les essais de montaigneMarie-Luce Demonet de son côté – elle n’est pas la seule – se félicite de la qualité de la nouvelle édition des Essais de Montaigne en Pléiade, 74 ans après la première, et promet que le lecteur "se laissera aller au fil d’un texte unifié, discrètement éclairé par les élucidations indispensables en bas de page". (3)
Le programme est bien tentant … malgré tout, on hésite : Montaigne est-il vraiment compatible avec le transat ?

La Quinzaine littéraire, n° 949, du 1er au 15 juillet 2007
32 p., 3,80 €. En kiosque et sur abonnement
Site du journal : La Quinzaine littéraire

A lire également dans ce numéro, un très bel article de Gilbert Lascault sur l’exposition Les messagers d’Annette Messager au Centre Pompidou (jusqu’au 17 septembre 2007) et sur le livre catalogue dirigé par Sophie Duplaix (co-édition C. Pompidou/Xavier Barral, 608 p. 90 €).

La Quinzaine littéraire

(1) La mer, John Banville, traduit de l’anglais (Irlande) par Michèle Albaret-Maatsch, chez Robert Laffont, 247 p., 20 €
(2) Gretel Adorno, Walter Benjamin, correspondance (1930-1940), traduit de l’allemand par Christophe David, chez Gallimard/Le Promeneur, 411 p., 26,50 €
(3) Montaigne. Les essais, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1980 p., 79 €

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Persepolis

persepolis le filmPourquoi s’identifie-t-on aussi facilement à la petite Marjane, l’héroïne de Persepolis ?

Huit ans et demi, née en Iran, elle connaît le régime autoritaire du Shah, la révolution islamique, le guerre avec l’Irak, l’exil en Aurtriche puis le retour près des siens, ceux qui ont souffert pendant les longues années de guerre alors qu’elle n’est pas parvenue à être heureuse dans l’Europe en paix…

La bande dessinée fut un vrai succès. On a dévoré les quatre tomes avec parfois la gorge serrée.
Le film est encore plus émouvant. Un concentré très réussi de la BD mais avec bien des choses en plus, qui feraient presque oublier qu’il s’agit d’un film d’animation.
Des voix – dont il nous semble qu’aucune autre que celles de Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve et Daniellle Darrieux n’auraient pu être meilleure -, de la musique et une mine d’idées qui portent la dramaturgie de l’histoire, renforcent son mélange de bonheur et de souffrances, ses demi-teintes (l’utilisation des gris est majestueuse), le regard poétique de la jeune Marjane, et bien sûr son humour.
Cet humour et cette spontanéité qui rendent son personnage si attachant. Mais aussi l’humour, et encore la droiture, la distance, la détermination et la sagesse de sa grand-mère, que définitivement on adore.
Et encore le combat politique et la résistance de ses parents et de leurs proches, que la situation du pays use mais ne brise pas.
Les morts enfin que les années de guerre ont fait payer à la population, à chaque famille, et qui déchirent les âmes.

Persepolis est l’histoire d’une petite fille qui devient jeune fille puis jeune femme dans un monde qui ne ressemble pas au nôtre mais dont les réactions, les émotions et les sentiments sont finalement ceux de tout adulte qui essaie de se construire.

L’histoire de Marjane est en cela universelle ; c’est la raison pour laquelle on y croit et qu’on pleure et rit à a chaque instant avec elle.

Persepolis
De Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud
Avec les voix de Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve et Daniellle Darrieux
Durée 1 h 15

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Les Chansons d'amour (Christophe Honoré)

Les chansons d'amourUne jeunesse décomplexée et gentiment insolente interprétée par de beaux et brillants comédiens joue un trio amoureux dans le Paris d’aujourd’hui côté Bastille.

Un jeune cinéaste filme à toute vitesse une comédie musicale d’inspiration Nouvelle Vague et multiplie les références à Jacques Demy …
Comme Dans Paris, le précédent film de Christophe Honoré, Les Chansons d’amour semble bien placé pour emporter la palme du film le plus branché de l’année.

Le film n’est pourtant pas que cela. Il devient même vite tout à fait plaisant et il est aussi très personnel : de ses inspirations, le cinéaste ne fait pas une simple imitation. Les références, explicites, font partie d’un tout marqué par une « patte » singulière, un univers inquiet et douloureux, mais léger et alerte, que Christophe Honoré capte et recrée à sa manière.
Lorsque le deuil surgit, Les chansons d’amour prend de l’épaisseur, les personnages sont de plus en plus attachants et gagnent en grâce encore davantage.

Même si les mélodies pop s’oublient vite – on est loin de Michel Legrand – les chansons, qui font partie intégrante des dialogues (il s’agit bien là d’un film chanté) sont agréables.
Et puis Christophe Honoré n’est pas seulement l’admirateur de ses aînés. Il appartient aussi à une génération de cinéastes, peut-être celle des « littéraires » : lorsqu’on voit le lycéen amoureux d’Ismaël sortir avec ses amis en plaisantant, on ne peut s’empêcher de penser aux Amitiés maléfique d’Emmanuel Bourdieu.
Le clin d’oeil aux éditions de l’Olivier, qu’on a déjà vu dans Je vais bien ne t’en fais pas (tiré du livre d’Olivier Adam, co-scénariste du film), est craquant lorsque le trio amoureux se couche, chacun tenant entre ses mains un livre de l’éditeur … Dans la scène finale, lorsque le personnage joué par Chiara Mastroianni lève les yeux vers une nuée d’oiseaux de détachant des branches dénudées des arbres du parc sur fond de ciel crépusculaire, la référence prend un ton doucement mélancolique.

La réussite de ce film semble tenir à peu de choses.
C’est que Christophe Honoré a indubitablement du talent.
Y compris celui de bien choisir ses comédiens. Tous extrêmement doués et merveilleusement impliqués, ils ont eux aussi une belle part dans le charme de ces jolies chansons d’amour.

Les Chansons d’amour
Un film de Christophe Honoré (scénario et réalisation)
Avec Louis Garrel, Ludivine Sagnier, Chiara Mastroianni, Clotilde Hesme …
Durée : 1h 40min
Production Alma Productions (France), 2007
Distribution Bac Films
Les Chansons d’amour faisait partie des films sélectionnés en Compétition Officielle au 60ème festival de Cannes

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Julien Gracq, le dernier des classiques. Le magazine littéraire

julien_gracqDans son numéro du mois de juin, le magazine littéraire consacre un très bon dossier à Julien Gracq, réunissant pour l’occasion un ensemble d’entretiens et d’articles fins et éclairés sur le célèbre romancier-essayiste.

Né le 27 juillet 1910, c’est au bord de la Loire, dans sa ville natale de Saint-Florent-Le-Vieil, que, poursuivant un choix de vie qui a toujours été sien, Julien Gracq va discrètement sur ses 97 ans.

Il n’a publié que seize livres, entre 1939 et 1992, dont une petite poignée de romans, chez un éditeur « artisanal », José Corti ; il a refusé toute édition de poche, mais a été intronisé de son vivant dans la Pléïade ; il a refusé sèchement le prix Goncourt en 1951 et s’est toujours tenu en retrait quasi-total vis-à-vis des médias … Julien Gracq fait presque figure de personnage mythique aujourd’hui.

Le portrait qui se dessine au fil du dossier du magazine littéraire (lequel s’ouvre sur un précieux entretien avec l’écrivain) est effectivement celui d’un "classique" au style impeccable, mais aussi celui d’une personnalité ferme et vivifiante.

Géographe, l’auteur du Rivage des Syrtes préfère cheminer sur les hauts plateaux désertés et défendre une vision de la littérature que l’on qualifierait aujourd’hui d’"exigeante", alors que Julien Gracq s’applique simplement à la défendre contre ce qui n’est pas elle mais tend à la noyer : certains aspects du monde moderne, telle la cristallisation de la lumière autour de personnages-écrivains, tandis que l’éventuelle qualité des textes devient secondaire.

Julien Gracq n’avait pas accordé d’interview depuis six ans. Celui qui « n’a pas cessé d’écrire en cessant de publier » a encore des choses à dire. L’écouter et le lire aujourd’hui est souverain. Voici par exemple ce que la question de sa « postérité » lui inspire :

Nul ne sait ce que sera, ou pourra être, la littérature, ou ce qui en tiendra lieu – disons en 2050 – dans sa forme, ni même dans la langue qu’elle parlera. En revanche, il est probable que son mode d’insertion dans la vie courante aura changé du tout au tout, la quantité énorme des informations instantanément disponibles refoulant impitoyablement, ne serait-ce que de sa masse opaque, le « fonds classique » qui faisait, pour un écolier du XVIIème siècle de la littérature un âge d’or dégusté en conserve, plutôt que la séduction immédiate d’un produit du « rayon frais ». (…) J’ai vu se succéder, depuis le temps que j’étais au lycée, une demi-douzaine d’écoles ou de mouvements littéraires, chacun abandonnant derrière elle davantage de disparitions précoces que de positions imprenables.
Je disais seulement, il me semble, que le public d‘En lisant en écrivant aurait sans doute disparu pour la plus grande part dès 2020, la moitié au moins des noms cités n’évoquant plus rien pour le lecteur. Conséquence d’une culture à dominante de plus en plus horizontale (toute la littérature actuelle du monde) et de moins en moins verticale (le prestige des Anciens).

Gilles Lapouge dresse une délicate cartographie de l’écrivain des espaces et du temps, qui est également celui de l’attente et du désir, comme le souligne Pierre Michon.

Evoquant le fascinant Le Rivage des Syrtes, Enrique Vila-Matas montre comment ce roman ne se contente pas de se nourrir des apports de la vie mais pousse aussi à partir d’autres livres, illustrant ainsi la thèse de Julien Gracq, selon qui « Le mimétisme spontané compte beaucoup : par d’écrivains sans insertion dans une chaîne d’écrivains ininterrompue ».

Pierre Bergounioux, au terme d’une introduction rassemblant une vision déchirée de l’histoire de la France du XXème siècle, rappelle que Un balcon en forêt fut écrit – quinze ans après – par un de ceux, nombreux, qui connurent l’expérience militaire désastreuse de 1939, laquelle, au bout de quelques mois, fit d’eux des prisonniers :

Aux expériences cumulées dans la grande temporalité, il emprunte son rustique et profond savoir de la terre et de la guerre, de la forêt, du braconnage, le sens et le goût de la conversation, une galanterie consommée avec les dames, celles, surtout, qui sont jolies, le sentiment des paysages, infiniment divers et contrastés dans les limites exiguës, pourtant, du pays, l’attention restée de la société agraire traditionnelle, à la saveur presque ineffable des heures, aux changements saisonniers, l’attente angoissée, aux frontières, de l’antique adversaire – le Germain, le Boche, le Fritz – , le courage naturel, spontané, spirituel, serait-on tenté dire, qu’on trouvait encore dans le tempérament national, ennemi de l’esprit de sérieux, de la grandiloquence, et farouche, pourtant (l’historien Marc Bloch est un autre exemple de cet héroïsme ingénu, qu’il paya de sa vie), le goût artisanal de la belle ouvrage, hérité de l’industrie manufacturière des produits de luxe, dont profite le canon antichar, dans la soute de la maison forte.
Tout ça, ils sont un million et demi d’hommes qui en ont fait l’expérience au même moment parce qu’ils avaient le même âge, donc les mêmes penchants, les mêmes travers et les mêmes vertus. Un seul lui a conféré ce degré proprement inouïe d’exactitude, cette extraordinaire puissance de suggestion ou de révélation, parce que l’art est difficile, extrêmement, et qu’une nation ne peut guère tirer de son sein plus d’une poignée d’hommes qui en soient capables. Julien Gracq est de ceux-là.

le magazine littéraire
juin 2007, n° 465
98 p., 5,80 €
à consulter : le site du magazine littéraire
le site des éditions José Corti

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100 photos du Festival de Cannes. Reporters sans frontières

reporters sans frontières, CannesLe 3 mai dernier, à l’occasion de la 17ème Journée internationale de la liberté de la presse, Reporters sans frontières a publié un nouvel album photos, consacré aux soixante ans du Festival de Cannes.

Belle idée pour l’ouverture du 60ème Festival qui se déroulera du 16 au 27 mai.
On a immédiatement envie de l’offrir ou de se l’offrir, car les photos sont magnifiques. Elles ont été choisies parmi les archives des plus grandes agences et des meilleurs photographes qui ont couvert le festival : collection Traverso, Mirkine, Daniel Angeli, Emmanuele Scorcelletti (Gamma), les archives de Studio Magazine …

A les regarder, il semble qu’en soixante ans sont passées à Cannes les plus belles femmes du monde, les plus « stars » bien sûr : Monica Bellucci, Fanny Ardant, Sharon Stone … pour qui le mot semble avoir été inventé, star parmi les stars !

Y compris celles qui ont commencé dans le métier toutes jeunes et qui étaient déjà sur la Croisette.
Coup de coeur pour la petite Brigitte Fossey courant sur la plage, en 1953. La même année, la très jeune Brigitte Bardot se fait coiffer (ou décoiffer ?) par Kirk Douglas …

Des surprises, tels les portraits de Claudia Cardinale ou de Gérard Depardieu, photographiés comme jamais, en des instants volés (?), bouleversants de naturel.

Des photos historiques aussi, comme celle où sont assis côté à côte, en 1968, Claude Lelouch, Jean-Luc Godard et François Truffaut.

Beaucoup d’émotion enfin à retrouver des disparus d’hier, Philippe Noiret notamment, ou d’avant-hier, tels Françoise Dorléac – quel charme ! – , Patrick Dewaere, alors si lumineux, si radieux …

A lire dans la revue : la préface de Vincent Cassel, l’entretien avec Gilles Jacob, président du Festival, un petit historique du Festival, le rappel des Grands Prix et Palmes d’Or depuis 1946.

Mais aussi le triste bilan des « prédateurs de la liberté de la presse ».

Les bénéfices de la vente de l’album sont intégralement reversés à RSF pour mener des actions concrètes en faveur de la liberté de la presse : assistance aux journalistes et à leurs familles souvent démunies ainsi qu’aux médias en difficulté, investigations sur le terrain afin de déterminer les responsabilités dans les cas d’assassinat, financement de frais d’avocats lors de procès de presse, accueil de journalistes contraints de fuir leur pays, etc.

En vente chez les marchands de journaux, dans les Fnac,
les librairies, les grandes surfaces …
Au prix de 8,90 €

Site de Reporters sans frontières
Site officiel du Festival de Cannes

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Scandaleusement célèbre

scandaleusement celebreSorti l’an dernier, Truman Capote, réalisé par Bennett Miller retraçait l’aventure de Truman Capote et de De sang-froid, le livre sur l’assassinat d’une famille de fermiers dans le Kansas en 1959, qui a valu à l’écrivain un immense succès.

Scandaleusement célèbre, de Douglas McGrath, a exactement le même sujet.
Aussi réussi que le film de Bennett Miller, il est encore plus réjouissant.

Le personnage de Capote y est dessiné tout en nuances.

Au début du film, Truman Capote est une « petite langue de vipère » que l’on voit évoluer dans le milieu intellectuel et ultra-mondain de Manhattan.
Homosexuel, il est aussi le confident de ses amies, ses « cygnes » comme il les appelle, qui lui livrent leurs peines de coeur. Fou de joie de recueillir et colporter des potins, il est en même temps toujours prêt à réchauffer ses bien-aimées de sa présence, de ses paroles, et d’un verre de Martini …
L’ambiance new-yorkaise des années 1950, les personnages et leurs répliques … Le tout est délicieusement croqué.

Mais voici le même Truman Capote qui part, toutes affaires cessantes, pour enquêter sur le quadruple meurtre de la famille de fermiers : il débarque au fin fond du Kansas, accompagné de son amie Harper Lee, également écrivain, qu’il surnomme Nelle.
Toque, manteau long et cinquante valises : on l’appelle Madame et ne le prend pas au sérieux.
Les scènes sont tordantes, les dialogues aux petits oignons.

On assiste alors au déploiement du charme aux multiples facettes de l’insupportable Truman Capote : humour pince sans-rire, aplomb incroyable, civilité extrême, dans un mélange de mise en scène et de naturel irrésistible.
L’inspecteur chargé de l’enquête et sa famille y succombent. Truman Capote, ayant désormais accès aux informations dont il a besoin peut se mettre au travail sans délai.

Commence ainsi la partie la plus mythique de la vie de Truman Capote, lorsque l’idée du reportage cède à l’évidence d’un roman : l’expérience d’écriture exceptionnelle que constitue De sang-froid, qui le conduira à travailler comme un fou pendant des années, à rechercher le moindre détail – rien de moins que la perfection.

La relation que Truman établit avec l’un des assassins, Perry, dont il a besoin pour nourrir son livre est captivante. A la stratégie de l’apprivoisement succède la nécessité d’un investissement plus profond : pour gagner la confiance de Perry, il est obligé de donner de sa personne. Va se nouer entre les deux hommes un lien très particulier dont l’ambiguïté n’est jamais totalement éclaircie.

Scandaleusement célèbre dresse de Truman Capote un portrait chargé de mystères et de contradictions, infiniment humain.
Il est magnifiquement interprété par Toby Jones, mais aussi par Sandra Bullock dans le rôle de Harper Lee, l’auteur de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.

Scandaleusement célèbre (titre original : Infamous)
Film américain de Douglas McGrath
Avec Toby Jones, Sandra Bullock, Sigourney Weaver, Daniel Craig …
Durée : 1h 58min.

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J'attends quelqu'un. Jérôme Bonnell

j'attends quelqu'unJ’attends quelqu’un se passe dans une petite ville de province ; dans un petit bar-restaurant, Le café de la paix ; dans une voiture ; dans une petite chambre d’hôtel ; au seuil des maisons, parfois à l’intérieur, lorsque l’intimité s’installe, et le danger qui va avec …

Des personnages s’y croisent, s’y rencontrent, peuvent s’y aimer.

Hormis Stéphane, le plus jeune mais pas le moins mélancolique, tous sont ordinaires, installés dans "quelque chose" ; et ce quelque chose, c’est leur vie.

Petit à petit, Jérôme Bonnell nous fait découvrir ces vies-là, ces personnages banals et pourtant infiniment singuliers, les liens qui les unissent et ce qui les sépare.
Ce sont précisément ces liens-là, tels qu’ils sont tracés, mais aussi dans ce qu’ils ont de mouvants, qui vont révéler les failles et les manques.

Car sans se plaindre une seule seconde, ils semblent pourtant tous espérer quelque chose de plus. Ou autre chose. Ou différemment. Quelqu’un.

Le scénario de J’attends … est impossible à raconter mais tient la route de bout en bout.
Jérôme Bonnell évite tous les écueils dans lesquels ce film choral aurait pu tomber, le côté tribu-tous ensemble, la démagogie générationnelle, le tableau de province éculé, les bons sentiments…

Rien de torturé pourtant, rien d’excessif, simplement de la sensibilité, de la joie, de l’attente et de l’espoir, des sourires, des rires, des yeux qui se baissent et d’autres regards qui se croisent, des larmes qui montent aux yeux et parfois débordent.
La vie, fraîche et mélancolique, telle qu’elle est.


Coup de coeur : 

Pour les comédiens, extraordinaires de justesse : Jean-Pierre Darroussin, Emmanuelle Devos, Eric Caravaca et, encore à part, Florence Loiret-Caille

J’attends quelqu’un. Jérôme Bonnell
Avec Jean-Pierre Darroussin, Emmanuelle Devos, Eric Caravaca, Florence Loiret-Caille, Sylvain Dieuaide …
Durée : 1h 36min.

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Familia Tortuga. Rubén Imaz Castro

 Un vieil homme cherche un animal dans un jardin, ne le trouve pas.
Il rentre, fait le tour de la maison, entrouvre les portes des chambres encore occupées, énumère pour lui-même les tâches à faire et prononce le prénom de chacun des siens.

Puis il se met à préparer le petit-déjeuner.
Petit à petit, chacun des membres de la famille passe ou s’arrête dans la cuisine, qui est désormais celle de Manuel – comme toute la maison d’ailleurs : depuis la mort de la mère un an plus tôt, c’est le vieil oncle Manuel qui prend en charge la bonne marche du foyer.
Apparaissent donc le fils, José, adolescent, puis Luisa, l’aînée, dix-huit ans peut-être ; beaucoup plus tard, le père.

La journée qui ainsi commence et sera le temps du film, n’a rien de particulier, si ce n’est qu’elle est la veille des "un an de maman", comme le dit l’un des personnages : le premier anniversaire de la mort de la mère.
De cette disparition, on ne saura rien. De cette soeur, épouse, mère, on ne parlera pas.

Car chacun sort de la maison pour se plonger dans ses soucis et joies personnels : plutôt que d’aller en cours, Luisa préfère rejoindre son fiancé, petit dealer qui ne sait pas le cœur tendre qu’il tient entre ses bras ; José pousse dans son adolescence ; le père tente de se tirer de sa situation financière délicate ; Manuel s’affaire sans relâche à la maison.
Tous vont et viennent, s’activent, chacun à sa manière et à son rythme ; parlent peu et ne se livrent jamais.
Mais ces personnages expriment une palette de sentiments et d’émotions subtile, une tristesse qui se tait et, pudique, se dissimule derrière une vie bien remplie et parfois gaie.
Une gravité qui cohabite avec une soif de vivre, de se construire – pour les enfants -, de reconstruire – pour le père – de continuer – pour le vieil oncle, pour n’apparaître qu’au détour d’un geste, d’un regard, d’un mot.

Avec la famille "tortue" – métaphore aux multiples facettes, toile de fond du film dont la trame reste toujours très fine -, Ruben Imaz crée d’un trait léger et délicat un univers, une ambiance, des personnages. Ils sont tous formidablement bien interprétés. Luisa Pardo, dans le rôle de la fille, est impressionnante, Dagoberto Gama, dans celui du père, excellent (il jouait le rôle du capitaine amateur de musique dans El Violin), tout comme Manuel Plata López (qui est le propre oncle du réalisateur).
Épargnant au spectateur toute démonstration, Ruben Imaz le fait entrer dans son monde et l’y attache par une force d’évocation des sentiments parfaitement maîtrisée.

On ne peut que remarquer le talent du jeune cinéaste mexicain (âgé de 27 ans) et se féliciter du choix du jury du festival des cinémas d’Amérique Latine de Toulouse. Grâce au Grand prix Coup de Cœur, ce premier long métrage, sélectionné l’année dernière par Cinéma en Construction, pourra être distribué en France.

Il est projeté à Paris ce soir mardi 27 mars :
A 17 h 30 au Latina, 20 rue du Temple, 75004 Paris – M° Hotel de Ville
et à 19 h à l’Institut du Mexique, 119 rue Vieille du Temple – 75003 Paris

Familia Tortuga (Famille Tortue)
Rubén Imaz Castro
Mexique, 2006, 2 h 09
Avec José Ángel Bichir, Luisa Pardo, Manuel Plata López, Dagoberto Gama

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Pascale Ferran. Lady Chatterley

lady_chatterleyLady Chatterley est un film sur le désir, la découverte de l’autre, la découverte de soi, la transformation, la renaissance. On en sort sous l’emprise d’un charme – qui n’est peut-être autre que le charme de la vie-même – et, longtemps, durable, son empreinte demeure.

Après avoir été conquis par ce film magnifique, on découvre sa réalisatrice, Pascale Ferran. Elle apparaît comme une dame simple, sincère, dont la timidité s’efface derrière la détermination.

Sa voix, singulière, semble venir d’un autre monde, qui n’est pas celui du cinéma. Pourtant, qui mieux qu’elle au cours de ces dernières années a aussi justement parlé du cinéma ?

Que ce soit à l’émission Le Masque et la Plume sur France-Inter, dont les auditeurs ont désigné Lady Chatterley meilleur film français de l’année, ou lors de la soirée de remise des Césars, dont le jury de professionnels a confirmé le choix du – d’un certain – public, Pascale Ferran, après son film, a elle-même séduit.

Avec le numéro du mois de mars, Les cahiers du cinéma offrent à leurs lecteur un petit « Carnet d’une cinéaste » contenant des notes de Pascale Ferrand, des croquis, photos qui ont servi à la préparation et à la réalisation du film.

Tout y est beau, simple, extraordinairement précis, délicat.

Notamment, on peut lire une longue « note d’intention en forme de lettre au futur coscénariste du film ».
La lettre est une telle merveille qu’on ne peut que conseiller de la lire dans son intégralité.
Elle commence par des considérations – passionnantes – purement cinématographiques pour se clôturer sur de très belles réflexions personnelles de la cinéaste. En voici tout de même des extraits.

4. (…) Il me semble de la plus haute importance d’arriver à restituer cinématographiquement l’extraordinaire impression de première fois qui se dégage du livre :
La première fois que cette histoire a été racontée.
La première fois que cet homme et cette femme se sont rencontrés.
La première fois qu’un homme et une femme se sont aimés.
(Il y a quelque chose d’archaïque dans ce projet, de pré-moderne. Je pense tout le temps à Blissfully Yours et aux films de Boris Barnett. Je ne sais pas grand-chose et pourtant j’ai souvent l’impression que c’est un projet pour lequel il me faudrait encore désapprendre).
5. Etre le plus possible dans le présent des choses, dans l’espoir d’arriver à faire venir au premier plan la présence des choses et des gens. C’est évidemment l’un des motifs souterrains du livre (et du film à venir) : le miracle de l’incarnation. L’émerveillement devant la pure présence de l’autre. Mais on n’a pas le droit d’en parler. C’est comme la poésie pour Cocteau.
8.Il n’empêche, c’est un projet fou. La tâche paraît, par moments, écrasante. Mais la beauté du projet tient tout entier dans son étranger paradoxe : l’ambition la plus folle n’est accessible ici qu’au moyen de la plus grande modestie.

Carnet d’un cinéaste. Pascale Ferran, Lady Chatterley
Supplément au dernier numéro des Cahiers du Cinéma (mars, n° 621)
A lire également : le discours de Pascale Ferran lors de la cérémonie des Césars
sur le site du journal Le Monde

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