
Philippe Lançon, rescapé du massacre de l’équipe de Charlie Hebdo en 2015 publie ce livre, qui lui vaut le prix Fémina, trois ans après. Grièvement blessé (il a, entre autres, la mâchoire inférieure emportée par une balle) il nous conte comment l’écriture a été le moyen de retrouver une place dans un monde qui l’avait lâché.
D’abord par nécessité de la communication avec les autres : ne pouvant plus parler, avant qu’une longue série d’opérations lui reconstitue une mâchoire, il échange à l’aide d’une tablette sur laquelle il écrit. Dès les premières semaines d’hôpital il peut exercer son métier de journaliste en envoyant des articles à Charlie et à Libération. Il s’aperçoit que cette activité est essentielle à sa reconstruction : « Quand j’écrivais au lit, avec trois doigts, puis cinq, puis sept, avec la mâchoire trouée puis reconstituée, avec ou sans possibilité de parler, je n’étais pas le patient que je décrivais ; j’étais un homme qui révélait ce patient en l’observant, et qui contait son histoire avec une bienveillance et un plaisir qu’il espérait partager. Je devenais une fiction ».
Car l’enjeu est de recoller à un monde qu’il ne partage plus. Allongé tout contre les cadavres de ses amis, il voit un visage s’approcher : « Je me souviens simplement qu’elle fut la première personne vivante, intacte, que j’aie vue apparaître, la première qui m’ait fait sentir à quel point ceux qui approchaient de moi, désormais, venaient d’une autre planète –la planète où la vie continue ».
Nous pouvons faire avec lui l’inventaire de tout ce qui lui a permis de revenir, dont il parle avec une extrême délicatesse, avec une grande justesse et beaucoup d’honnêteté. D’abord sa propre capacité à accepter, dès la première phrase écrite : « écrire, c’était protester, mais c’était aussi, déjà, accepter. La première phrase a donc eu cette vertu immédiate : me faire comprendre à quel point ma vie allait changer, et qu’il fallait sans hésitation admettre tout ce que le changement imposerait ».
Il a pu aussi compter beaucoup sur la famille, sur son ex-épouse et son frère en particulier ; ses amis et amies, dont la variété même des personnalités a constitué un réconfort. Une place particulière est faite aux soignantes et soignants, dont de beaux portraits restent dans la mémoire du lecteur : Chloé la chirurgienne miracle, la Marquise des Langes, Annette aux yeux clairs, Serge l’anesthésiste et bien d’autres, comme la première infirmière dont il se souvient : « J’étais enveloppé dans sa jeunesse comme dans un tapis, certes rugueux, certes troué, mais volant et filant dans l’instabilité vers une contrée où je n’aurais pu aller seul, une contrée où la vie était brutalement la plus forte ».
L’ont suivi, tout au long de son parcours de reconquête, la littérature (Proust, Kafka) et la musique (Bach). Il ne s’interroge pas beaucoup sur les assassins, mais à la suite d’une discussion avec un ami sur la question du Mal, il conclut : « Ni la sociologie, ni la technologie, ni la biologie ni même la philosophie n’expliquaient ce que d’excellents romanciers, eux, avaient su décrire. Il n’y avait peut-être aucune explication au goût de la mort donnée ou reçue ».
La littérature nous pousse à vivre.
Andreossi
Au tournant du siècle la comtesse Greffulhe (1860-1952) régnait sur la vie mondaine et artistique parisienne. Elle fut immortalisée par Marcel Proust à travers le personnage de la duchesse de Guermantes dans La Recherche. D’où le titre de l’exposition à voir jusqu’au 20 mars : La mode retrouvée.
Exposées pour la première fois, ses robes témoignent de cet éclat. Si la comtesse poursuivait la plus grande élégance, celle-ci ne lui suffisait pas : il lui fallait en outre l’originalité. Son oncle Robert de Montesquiou raconte : « Elle se faisait montrer, chez les couturiers en renom tout ce qui était en vogue ; puis quand elle devenait certaine que fut épuisé le nombre des élucubrations fraîchement vantées, elle levait la séance, en jetant aux faiseurs, persuadés de son édification et convaincus de leur maîtrise, cette déconcertante conclusion : “Faites-moi tout ce que vous voudrez… qui ne soit pas ça !” ».
La grande galerie présente une série de robes du soir à se pâmer. Nina Ricci, Jenny, Jeanne Lanvin… beaucoup de noir et d’ivoire ; légèreté, souplesse, drapé, tombé : tout est infiniment recherché, travaillé. Des accessoires sont à voir dans la petite galerie est : admirez la finesse des broderies ornant les gants, les pochettes à lingerie et les bas. Côté ouest, des photographies de la comtesse (notamment de Otto et Paul Nadar) permettent de se rendre compte de son allure et de son sens de la mise en scène.


A la fois mémoires d’une longue histoire d’amour commencée en 1906 et consignée en 1971, autobiographie sélective et carnets de voyage d’un hôte fidèle, Venises est sans doute le "classique" pour commencer avec Venise, si l’on ne l’a pas déjà fait avec Marcel Proust.
Place est aujourd’hui réservée à la demande de Sola sur « l’imagination » dans l’œuvre de Proust (commentaire du billet
En novembre 1913, Marcel Proust publie à compte d’auteur le premier volume de la Recherche, Du côté de chez Swann.