Le printemps de la Renaissance au musée du Louvre

Le printemps de la Renaissance au Musée du LouvreParmi toutes les expositions vues à Paris depuis la rentrée, plus belles les unes que les autres, celle du Louvre tient une place à part.
Tant par la qualité des œuvres présentées que par la clarté du propos qui se manifeste aussi bien à travers la mise en espace que les textes d’accompagnement, cette exposition joue dans une autre division. Nous sommes ici en effet dans le très haut de gamme, où tout converge pour donner au public les plus grands plaisirs, esthétiques comme intellectuels. Jusqu’à l’éclairage, qui permet de profiter des œuvres à plein – surtout quand il n’y a pas foule, comme en l’un de ces derniers mercredis en soirée. Si on se rappelle qu’il est plus facile d’éclairer des sculptures que des peintures – et pire encore, des dessins – beaucoup plus fragiles et sensibles à la lumière, encore faut-il savoir le faire. Et encore faut-il choisir les bons espacements entre les œuvres, les meilleures perspectives entre elles et présenter les sculptures de manière à ce que l’on puisse si besoin en faire le tour (c’est hélas loin d’être toujours le cas).

En collaboration avec le Musée National du Bargello et la Fondation du Palazzo Strozzi, le Musée du Louvre s’est saisi d’un moment fondamental de l’histoire de l’art – l’éclosion de la Renaissance à Florence au début du Quattrocento – et l’a traité de façon magistrale. Les deux commissaires Marc Bormand, conservateur en chef au département des sculptures du Louvre et Beatrice Paolozzi Strozzi, directrice du Musée du Bargello ont mis en place un parcours cohérent et varié à la fois, ont choisi les artistes les plus significatifs de leur temps et des œuvres parmi les plus belles de ces nouveaux maîtres. Enfin, ils ont rédigé des textes limpides et riches qui permettent de comprendre quelles ont été les innovations de la Renaissance et dans quel contexte elles ont pu naître et se développer. Le tout en 140 pièces, des sculptures essentiellement mais également des peintures, des dessins, des objets d’art décoratif et des maquettes.

Deux têtes de cheval, Antique et RenaissanceLa Renaissance, c’est un bouleversement artistique qui voit l’individu mis au centre des préoccupations dans le courant des idées humanistes, de la redécouverte des Antiquités grecque et romaine, aussi bien dans le domaine politique que formel (les deux n’étant pas dénués de liens), mais aussi dans le contexte de recherches et de découvertes plus techniques comme celle de la perspective linéaire.
Tous ces éléments s’émulsionnent à Florence qui bénéficie à l’aube du XV° siècle d’une conjoncture sociale, économique et culturelle florissante. La tradition fixe d’ailleurs le début de la Renaissance à Florence en 1401, date du concours pour le décor des secondes portes du baptistère San Giovanni placé devant le Duomo Santa Maria del Fiore, sur le thème du sacrifice d’Isaac.
Sont ici présentés les deux reliefs qui ont inauguré le nouveau style : celui de Brunelleschi et celui de Ghiberti, lauréat du concours. Tous deux ont puisé dans le répertoire antique : le Tireur d’épines pour le premier et Le torse de Centaure pour le deuxième.

De Brunelleschi, l’on découvre dans la même salle la maquette de la fameuse coupole du Duomo de Florence puis, plus loin, une délicieuse Vierge à l’Enfant en terre cuite décorée. Ces œuvres du même artiste sont significatives de l’évolution qui s’est faite au premier Quattrocento : au début du siècle, les commandes sont publiques (la cité est alors une République fondée sur l’idéal républicain romain), portant sur des sculptures monumentales à destination religieuse et civique. Les deux chefs d’œuvres que sont les immenses statues de Saint Louis de Toulouse en bonze doré (Donatello) et Saint Matthieu (Ghiberti) également en bronze, destinées à orner l’extérieur de l’église Orsanmichele en témoignent.
Puis la bourgeoisie marchande se met à passer de plus en plus de commandes, portant sur des œuvres plus petites et à usage privé. Les Vierges à l’Enfant se multiplient, en marbre mais aussi en terre cuite émaillée, technique mise au point par Luca della Robbia et dont on voit également de splendides exemplaires.

Les autres thèmes sont aussi bien étayés et illustrés, en particulier l’influence de la sculpture sur la peinture (superbes fresques déposées à l’appui) ; la réinvention des Spiritelli (petits anges ou petits génies) par un Donatello représentatif de ce mouvement de synthèse entre les sources antiques et la chrétienté réalisé par les artistes de la Renaissance ; la redécouverte de la statue équestre (ici aussi, parallèle est fait entre l’Antique et le Quattrocento, avec notamment une tête de cheval hellénistique placée en contre-point d’une monumentale tête de cheval de Donatello) ; celle des bustes à la Romaine (les Médicis qui forgeaient déjà leur future cour – et suprématie – en étaient friands)…
Citons pour finir une autres innovation tout aussi passionnante : la découverte de la perspective à travers la sculpture, que l’on peut admirer notamment sur les bas-reliefs de Donatello, Saint Georges et le dragon et Le banquet d’Hérode : pour figurer l’éloignement il réduit progressivement la profondeur de son incision. On appelle cette technique le stiacciato (le très bas-relief) et son résultat, d’une finesse extraordinaire, sur un marbre dont l’éclairage fait ressortir la délicatesse de la gravure et les veinures soyeuses, est tout simplement merveilleux.

Le printemps de la Renaissance
La sculpture et les arts à Florence, 1400-1460
Musée du Louvre
Paris – 1er
TLJ sauf le mardi, de 9 h à 18 h, nocturnes les mercredi et vendredi jusqu’à 21h45
Entrée 13 €
Jusqu’au 6 janvier 2014

Images :
Donatello, Spiritelli de la Cantoria de la cathédrale de Florence, Paris, Institut de France, Musée Jacquemart-André© 2013 Musée du Louvre / Philippe Fuzeau

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La Renaissance et le Rêve au Musée du Luxembourg

La Renaissance et le Rêve au musée du LuxembourgA travers cette passionnante exposition à voir jusqu’au 26 janvier prochain, le Musée du Luxembourg à Paris se propose de répondre à la question : comment les artistes de la Renaissance ont-ils représenté le rêve ?

En près de 80 œuvres dûment éclairées, essentiellement des peintures et des gravures, y compris un splendide émail peint, le parcours permet de se faire une belle idée du sujet.

Tout commence par le sommeil, comme d’évidence, car l’on ne parle pas ici de rêve éveillé mais bien de songe nocturne : c’est Michel-Ange, avec une sculpture pour le tombeau des Médicis dans la basilique San Lorenzo à Florence qui en a dessiné le canon, sur lequel les peintres du XVI° siècle se sont alignés. Le sommeil est figuré par une femme nue au corps plantureux, lovée sur elle-même, aux yeux clos et à l’expression énigmatique. Les interprétations de Ghirlandaio et de Battista Dossi sont d’une extraordinaire richesse avec animaux, masques, autant de symboles à tenter de décrypter mais dont l’ambiguïté voire l’érotisme du message ne peut passer inaperçu.

A une époque où la religion est extrêmement présente malgré la redécouverte des philosophes de l’Antiquité, beaucoup d’œuvres représentent ce que l’on appelle les « rêves vrais », autrement dit des visions révélées par le divin, souvent en prenant leur source dans l’Ancien Testament. Ainsi l’on découvre plusieurs versions de l’échelle de Jacob, métaphore de l’élévation de l’âme vers Dieu, ou encore du rêve de Pharaon qui voit sept vaches maigres dévorer sept vaches grasses, annonçant la famine qui suivra la prospérité, mais également la vision de Sainte-Hélène, dont la superbe, claire et mélancolique signée Véronèse, venue de la National Gallery de Londres.

Véronèse, le rêve de Sainte-HélèneDans un registre toujours religieux mais plus politique, impossible de passer à côté du Rêve de Philippe II du Greco, prêté par le Monastère royal de l’Escorial à Madrid et montré pour la première fois en France. Les couleurs d’une modernité incroyable, presque acidulées, l’habile et audacieuse composition et la puissance iconographique jusque dans les détails feraient presque tomber à genoux, à l’exemple de son commanditaire figuré au premier plan.

Pour finir, à défaut de pouvoir citer toutes les œuvres dignes d’intérêt, voici une série de peintures qui remportent un grand succès : les visions cauchemardesques de Jérôme Bosch. Venu d’Ottawa, La Tentation de Saint-Antoine, truffé de monstres aussi mystérieux que repoussants place le Saint au centre du tableau comme abandonné dans un monde gagné par les pires vices et condamné aux ténèbres. Quant à l’ensemble de quatre panneaux Visions de l’Au-delà du même Bosch, on y lit une volonté toute « pédagogique » : d’un côté l’Enfer peuplé d’effrayantes créatures, où une terrible chute mène sans ménagement, d’un autre un Paradis fait de douceur et de lumière et entre les deux l’ascension vers le divin, symbolisé par une blanche lumière.

C’est bien la Renaissance, certes, mais elle reste marquée par les temps tragiques du Moyen-Age et ses obscurantismes et annonce des affrontements religieux non moins violents. De tout cela, le travail de Bosch et de ses suiveurs témoigne et, on dirait, avec une certaine délectation. Délectation visiblement encore pleinement partagée par les visiteurs quelques cinq siècles plus tard…

La Renaissance et le Rêve
Bosch, Véronèse, Le Greco…
Musée du Luxembourg
Paris 6ème
TLJ de 10 h à 19 h 30, les lun. et ven. jsq 22 h
Jusqu’au 26 janvier 2014

Images :
Paris Bordone, Vénus endormie et Cupidon, Venise, collection G. Franchetti © 2013. Cameraphoto/Scala, Florence – Photo Scala, Florence – courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali
Véronèse, La Vision (le rêve) de sainte Hélène, vers 1570-1575, huile sur toile, Londres, The National Gallery © The National Gallery, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / National Gallery Photographic Department

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