Les clefs d'une passion. Fondation Louis Vuitton

Edvard Munch, Le Cri, 1893 ?  1910 ? Tempera et huile sur carton non apprêté, 83,5 × 66 cm Oslo, musée Munch Photo © Munch Museum
Edvard Munch, Le Cri, 1893 ? 1910 ? Tempera et huile sur carton non apprêté, 83,5 × 66 cm
Oslo, musée Munch
Photo © Munch Museum

Ouverte au public en octobre dernier, la Fondation Louis Vuitton installée dans l’extraordinaire « vaisseau » que Frank Gehry a amarrée entre le Jardin d’Acclimatation et le Bois de Boulogne, inaugure sa troisième exposition, visible jusqu’au 6 juillet 2015.

Exceptionnelle, Les clefs d’une passion présente une soixantaine d’œuvres, signées des plus grands artistes de la première moitié du XX° siècle, dont certaines rarement prêtées, et plus rarement encore réunies. Les plus grands musées du monde, ainsi que certains collectionneurs ont en effet accepté de prêter leur concours au grand mécène Bernard Arnault. A titre d’exemple, on peut voir le fameux Cri de Munch, qui n’avait pas quitté Olso depuis près de dix ans, après avoir été volé à Vienne et retrouvé deux ans plus tard.

L’exposition a pour ambition de mettre en avant les artistes qui ont révolutionné la peinture dans le premier XX° siècle. Peu d’œuvres, on l’a vu, pour un programme si vaste qu’il compte forcément de grands absents. Pas de litanie de « -ismes » non plus, nombreux à cette période, mais un choix thématique dont la cohérence est dans l’ensemble assurée et qui parfois correspond avec un mouvement de l’histoire de l’art du siècle dernier.

Tel est le cas du premier, expressionnisme subjectif, où le fameux Cri est précédé de trois Giacometti (deux œuvres graphiques, dont le Portrait de Jean Genet et L’Homme qui marche I, eux visibles en France), du Pressentiment complexe de Malévitch, de deux études de Francis Bacon (dont une impressionnante Etude pour un portrait, venu du Chicago), d’un Otto Dix et d’une convaincante série d’autoportraits de la Finlandaise Helene Schjerfbeck, dont les contours du visage perdent de leur netteté au fil des tableaux, nous faisant assister à une accélération du vieillissement et à l’inexorable marche du sujet vers la mort. Ontologique solitude, sentiment de disparition, enfermement, tout dans cette salle exprime de façon poignante l’angoisse fondamentale de l’Homme.

Henri Matisse (1869–1954), La Danse, 1909–1910, Huile sur toile, 260 × 391 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage © Succession H. Matisse Photo : © The State Hermitage Museum, Saint Petersburg, 2015/ Vladimir Terebenin, 2014
Henri Matisse (1869–1954), La Danse, 1909–1910, Huile sur toile, 260 × 391 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage © Succession H. Matisse Photo : © The State Hermitage Museum, Saint Petersburg, 2015/ Vladimir Terebenin, 2014

Les trois salles suivantes, dédiées à la ligne contemplative, sont un réconfort. S’y déploient d’abord les paysages, tous autour de l’eau, de Ferdinand Hodler, de Gallen-Kallela, d’Emil Nolde, de Monet. Leur succèdent les lignes abstraites de Malévitch et de Mondrian et l’intensité d’un rouge Rothko. Après les mers, les lacs et les nymphéas de la salle précédente, le contraste est fort ; mais, après tout, le début du XX° siècle est fait de tout cela. Retour au figuratif ensuite, avec un superbe (mais c’est presque un pléonasme) Eté de Bonnard. Il est entouré d’un remarquable ensemble de Picasso, une sculpture et trois tableaux, très sensuels, tous inspirés du modèle Marie-Thérèse Walter, dont le peintre espagnol a magnifié les courbes féminines dans les années 30. La première vient d’une collection particulière et les tableaux de New-York, Londres et Paris : jolie réunion au sommet.

La section suivante, dite popiste, fait entrer dans une autre dimension, celle de la culture populaire, avec des œuvres de Picabia et de Robert Delaunay, inspirées des illustrés de charme pour l’un et de la publicité pour l’autre. Dans la même section, mais d’un tout autre intérêt pictural, trois grandes toiles de Fernand Léger, sur ses thèmes classiques, dont Les constructeurs à l’aloès, qui a fait le chemin depuis Moscou.

La quatrième et dernière étape est dédiée à la musique, à travers des tableaux de Kandinsky, Kupka, Severini et, last but not least, Matisse : l’immense Danse, du Musée de l’Ermitage, maintes fois vu en reproduction, comme le Cri de Munch, mais dont l’original fait ici aussi l’effet d’une découverte, et La tristesse du Roi du Centre Pompidou, un très grand et beau collage sur la musique et la danse. Histoire de finir dans la joie, après avoir commencé dans l’angoisse. C’est sans doute mieux dans ce sens.

 

Les clefs d’une passion

Fondation Louis Vuitton

8, avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne, Paris 16e
De 10 h à 20 h, du lundi au dimanche, nocturne le vendredi jusqu’à 23 h

Jusqu’au 6 juillet 2015

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L’écriture dessinée (Rodin, Duchamp, Dotremont chez Balzac)

Crédit photo : Maison de Balzac / Roger Viollet
Crédit photo : Maison de Balzac / Roger Viollet

Jean-Yves revient vers nous cette semaine, pour attirer notre attention sur une exposition qui semble avoir quelque peu échappé aux grands canaux médiatiques… Merci Jean-Yves d’être allé une fois de plus « regarder dans les coins » où les raretés aiment souvent se cacher !

La Maison de Balzac propose une rencontre entre l’auteur de « La comédie humaine » et différents artistes, au rang desquels figurent notamment ceux affiliés au mouvement CoBrA.

CoBrA (acronyme de Copenhague, Bruxelles, Amsterdam), c’est ce mouvement artistique révolutionnaire qui réunit brièvement, dans les années 1950, des écrivains et des peintres du Nord de l’Europe, en recherche des formes primitives de l’art.

L’exposition fait donc la part belle à l’un des fondateurs de CoBrA, Christian Dotremont, à la fois poète et écrivain. Elle expose ses logogrammes, sortes de calligraphies à l’encre de Chine que l’artiste oppose aux caractères d’imprimerie qu’il n’apprécie pas. En parallèle, nous pouvons voir les essais typographiques de Balzac lorsqu’il s’était rendu propriétaire d’une imprimerie.

Dans la même veine CoBrA, on admirera une suite d’eaux fortes d’Alechinsky, un beau portrait de Balzac par Asger Jorn, une lithographie de Pol Bury. Toutes ces œuvres affichent une parenté avec Balzac, tout comme un portrait de l’écrivain par Picasso et un plâtre de Rodin. Plus éloignées, quelques œuvres d’un artiste du XIXème siècle aujourd’hui oublié, Théophile Bra : ses écritures ne sont pas sans rappeler les encres peintes, un siècle plus tard, par Henri Michaux. Plus lointaines encore, les références à Hergé.

Placée à l’enseigne de l’écriture dessinée et installée sous la figure tutélaire du « maître des lieux », cette exposition n’est pas sans intérêt. Les calligraphies ne manqueront pas d’attirer l’œil de ceux qui sont sensibles à cet art. Certains apprécieront également l’humour qui entoure une partie des pièces affichées. Au-delà, on pourrait être déçu par une certaine hétérogénéité des œuvres exposées. Mais la visite de la maison, dans un des beaux quartiers de Paris, peut aussi valoir, à elle seule, le détour.

Jean-Yves

L’écriture dessinée (Rodin, Duchamp, Dotremont chez Balzac)

Jusqu’au 21 juin 2015

Maison de Balzac

47 rue Raynouard – Paris 16è

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Les racines du ciel. Romain Gary

les_racines_du_cielCette semaine, 5ème épisode de notre feuilleton des Goncourt signé Andreossi, avec le prix 1956. Lisez, et vous n’aurez qu’une envie : le découvrir à votre tour… ou vous y replonger ! 

Le mot « écologie » était d’utilisation rare en 1956. Pourtant Romain Gary bâtit un roman sur ce thème, à travers le combat que mène son héros pour la sauvegarde des éléphants d’Afrique. C’est déjà pour lui l’occasion de poser bien des questions qui, grâce à un roman aux personnages d’une grande densité, sont toujours très actuelles : quelle est la place de l’écologie dans le politique en général, quel sens prend la défense des bêtes dans la définition même de l’humain ?

Le Français Morel, sorti des camps nazis, apparaît comme un obsessionnel irrémédiable : pour lui une seule cause vaut la peine d’être défendue, celle des éléphants, qui sont la proie, à la fois des Africains pour leur alimentation, et des Européens pour l’ivoire et la chasse « sportive ». Morel plonge avec entêtement dans une nature africaine qu’il ne peut plus quitter, observant les interdépendances essentielles : « On n’était pas très haut ; les collines avaient des pentes douces ; parfois leurs pentes se mettaient à bouger, à vivre : les éléphants ».

Mais les années cinquante sont en Afrique le temps de la montée des indépendances. Waïtari, chef occidentalisé, ancien député, représente ceux qui veulent développer leur pays par l’économique, sans souci pour les cultures traditionnelles et la nature : « Et vous les verrez valser, les us et coutumes, sorciers, tam-tams et négresses à plateaux… Moi, je leur ferai bâtir les routes, les mines, les usines et les barrages. Moi je peux. Parce que je suis moi-même un Africain, que je sais ce qu’il faut, et que j’en connais le prix ». Un père jésuite reconnaît une part de responsabilité de l’occident dans les valeurs exportés dans le continent noir : « racisme, nationalisme absurde, rêve de domination, de puissance, d’expansion, passions politiques, tout y est (…) ce que je voudrais éviter à une race que j’aime, ce sont les nouvelles Allemagne africaines et les nouveaux Napoléon noirs, les nouveaux Mussolini de l’Islam, les nouveaux Hitler d’un racisme à rebours ».

Morel veut être totalement en dehors des questions politiques. Les éléphants à défendre font partie pour lui de la part de l’humain à sauvegarder, l’humanité étant incluse dans cette nature dont font partie les « autres espèces animales ». Une notion est mise en avant à plusieurs reprises par Gary, celle de « marge », qu’il fait présenter ainsi à son héros : « Ce que je défends, c’est une marge –je veux que les nations, les partis, les systèmes politiques, se serrent un peu, pour laisser de la place à autre chose, à une aspiration qui ne doit être jamais menacée… Nous faisons ici un boulot précis –la protection de la nature, à commencer par ses plus grands enfants… Faut pas chercher plus loin ».

Minna, seul personnage féminin du livre, qui avait été violée par les soldats Russes libérant Berlin, s’engage aux côtés de Morel : ce n’est pas que les éléphants méritent plus de considération que les hommes, c’est qu’en les défendant on relève le niveau de valeur de l’humanité. Les Racines du ciel, un Goncourt 1956 de grande cuvée.

Andreossi

Les racines du ciel

Romain Gary

Gallimard Folio, 1980

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Septièmes ImageSingulières à Sète

imagessingulieres_curtisNous avons déjà parlé ici de ce festival de photographie documentaire aussi attachant que passionnant, qui se déroule chaque année dans la belle ville de Sète. C’était il y a quatre ans. Désormais, ces rendez-vous photographiques en sont à leur 7ème édition : elle permet de vérifier que la mobilisation ne faiblit décidément pas.

On retrouve les attraits désormais bien connus d’ImageSinguières : la gratuité de toutes les manifestations, regroupant une quinzaine d’expositions, projections et rencontres (seul le programme est, pour la première fois, devenu payant – 1 euro !) ; la diversité (et bien souvent l’originalité) des lieux d’exposition (du Centre régional d’art contemporain au Boulodrome, en passant par la gare SNCF) ; la richesse et la qualité des sélections bien sûr ; le travail d’un photographe invité enfin.

imagesingulieres_bieke_depoorterCette année, l’artiste invitée à résidence est la Belge Bieke Depoorter, pensionnaire de l’agence Magnum âgée de moins de trente ans. On découvre ses vues de Sète dans la toujours aussi chouette chapelle du Quartier Haut. En fait, en première approche, Sète ne se voit pas du tout ! Et pour cause, Bieke Depoorter ne s’intéresse qu’aux intérieurs nuit… Il n’empêche : c’est superbe. Les personnes photographiées dans leur univers ne posent pas – ou alors avec un naturel fou – et il s’en dégage une sensibilité extraordinaire. Gens simples au sens social, mais dont l’intérieur est déjà un monde : un piano faiblement éclairé sur lequel une très vieille femme se courbe pour jouer, une femme sans son bain comme dans un refuge, un vieil homme en chemise de nuit écossaise et chaussettes, très soigné, dans son salon chargé d’étoffes et de tableaux… Soudain, l’endroit où ils vivent semble les définir autant que leurs visages (que l’on ne voit pas toujours, du reste) : ce sont deux intériorités qui se rejoignent et, à travers elles, c’est bien une certaine image de Sète que l’on croit percevoir.

imagesingulieres_brezillonSi aux Chais des Moulins est présentée une exposition collective de photographes chiliens du Festival de Valparaiso, avec lequel ImageSingulières initie un partenariat, la Maison de l’Image documentaire fait place à l’Amérique du Nord : à l’étage, des portraits de Stéphane Lavoué (1) réalisés dans le Vermont succèdent à deux très émouvants ensembles de photographies d’Indiens. D’un côté, celles d’Edward Curtis, vieilles d’un siècle, somptueuses (quel dommage de les avoir accrochées dans l’escalier !), d’un autre celles, contemporaines, de Jérôme Brézillon, prises dans la réserve de Pine Ridge (Dakota) : en couleurs, dépourvues de l’esthétique des premières, elles ne permettent aucune prise de distance au spectateur et en sont d’autant plus déchirantes.

 

ImageSingulières

A Sète dans l’Hérault (34)

Jusqu’au 31 mai 2015

(1) L’exposition de Stéphane Lavoué sera visible LEICA STORE, 105-109 rue du Faubourg Saint Honoré – Paris 8° du 18 juin au 30 septembre 2015

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Dolce Vita ? Du Liberty au design italien. Musée d'Orsay

"Coupe des mains" en verre "laguna" et verre ivoire, de Tomaso Buzzi © ENRICO FIORESE - GALERIE ANAGAMA - GRAND PALAIS
« Coupe des mains » en verre « laguna » et verre ivoire, de Tomaso Buzzi © ENRICO FIORESE – GALERIE ANAGAMA – GRAND PALAIS

Au tournant du XX° siècle, à l’instar des beaux-arts, les arts décoratifs ont connu leurs révolutions. A Bruxelles et en France, ce fut l’Art Nouveau, en Angleterre, l’Arts & Crafts, à Vienne, la Sécession, en Italie, le Liberty.

La première salle de la riche exposition que le musée d’Orsay consacre aux arts décoratifs italiens du premier XX° siècle nous fait plonger directement au cœur de ce fameux mouvement Liberty.

Son programme : comme l’Art Nouveau, lignes sinueuses, motifs végétaux et formes zoomorphes. C’est d’ailleurs une vraie ménagerie : meubles couverts de parchemin que Carlo Bugatti a présentés lors de la première Exposition internationale des Arts décoratifs modernes en 1902 à Turin, dont une étonnante chaise en forme d’escargot, pièces d’orfèvrerie du même Bugatti dont un seau à glace orné de batraciens, sculpture Les Serpents du ferronnier Alessandro Mazzucotti. Côté végétal, un adorable ensemble bureau/coiffeuse-chaise en noyer de Quarti, en noyer incrusté de fils de laiton et de nacre. L’humeur est joyeuse ; les tableaux de l’époque le confirment, où les peintres divisionnistes Previati, Da Volpedo ou encore Segantini, de leur palette claire, imaginent des scènes d’inspiration symboliste où femmes et enfants s’unissent et dansent dans une nature lumineuse, aérienne et amie.

Mais la Sécession viennoise infuse aussi bien sûr la production italienne. En témoignent les somptueux tableaux de Bonazza, longtemps actif à Vienne (La Légende d’Orphée), ou encore du verrier-touche-à-tout Vittorio Zecchin (Le mille e una notte, réalisé pour l’hôtel Terminus à Venise).

Le principe de rapprochement de l’art décoratif et de l’art pictural est maintenu tout au long des cinq sections qui articulent la présentation chronologique. Autour de quelques 160 œuvres, le visiteur parcourt l’Italie – encore toute neuve nation unifiée – des années 1900 aux années 1930.

Frederico Tesio (1869-1954), Bureau et Fauteuil, 1898 Chêne marqueté d’ébène © Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand palais / Patrice Schmidt
Frederico Tesio (1869-1954), Bureau et Fauteuil, 1898 Chêne marqueté d’ébène © Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand palais / Patrice Schmidt

Les mouvements s’entrechoquent : dès les années 1910, le mouvement Futuriste voit le jour. Ode au dynamisme et à la modernité, il se manifeste d’abord en peinture, avec Gino Severini notamment : sa Danseuse articulée, peinture avec éléments mobiles actionnés par des chaînes, en est l’illustration littérale. Son Rythme plastique du 14 juillet, qui déborde jusque sur le cadre est un convaincant exemple de traduction du mouvement en peinture pure. Le Futurisme gagnera ensuite le domaine des arts décoratifs (voir le décoiffant service à café de Giacomo Balla).

A partir des années 1920, dans les suites de la Première Guerre mondiale, si un peu partout en Europe l’art opère un « retour à l’ordre », ce mouvement n’en est pas moins créatif. On le voit en Italie, en peinture avec les œuvres « métaphysiques » de De Chirico, où les références à la culture classique se mêlent à la trivialité dans un esprit de surprise et de poésie, celles de Morandi (très belle Nature morte), Casorati, qui réalise des meubles d’une austérité telle qu’elle en fait le précurseur des « fonctionnalistes » de la décennie suivante. On découvre une jolie illustration de cette veine en arts appliqués, avec une Coupe des mains en verre « laguna » rose rehaussé à la feuille d’or : drôle d’objet, fin, aérien, presque littéraire avec ses mains sorties de nulle part.

Umberto Bellotto et Atelier de Guiseppe Barovier Vase « Plume de paon », vers 1914, Verre de Murano et fer forgé, 55 cm (haut.), Paris, Musée d’Orsay © Musée d’Orsay Dist. RMN-grand Palais / Patrice Schmidt
Umberto Bellotto et Atelier de Guiseppe Barovier Vase « Plume de paon », vers 1914, Verre de Murano et fer forgé, 55 cm (haut.), Paris, Musée d’Orsay © Musée d’Orsay Dist. RMN-grand Palais / Patrice Schmidt

Le Classicisme moderne, s’il a eu pour funeste destin d’être dans le goût des Fascistes, a donné lieu à de splendides créations. Notamment celles de Gio Ponti, qui revisite les plats et vases grecs avec décalage et humour, sans rien concéder à l’esthétique. Nous sommes encore dans les année 1920, mais on comprend pourquoi, quelques 25 ans plus tard, Ponti a trouvé en Fornasetti un fructueux complice. A la visite de cette exposition, c’est tout le terreau dans lequel Fornasetti est venu développer son grain de folie que l’on hume avec délices.

La dernière section est naturellement dédiée au Rationalisme dans la veine de Le Corbusier. Métal, formes « utiles », possibilité d’industrialiser la fabrication, on connaît tout cela. Mais ici, la fantaisie et le chic transalpins font sensation : on adore ce fauteuil dit Télésiège qui, accroché à une mezzanine, faisait office de balancelle d’intérieur (à une place !). A ses pieds, il y avait, paraît-il, quelques dalles de faux gazon… Un air de dolce vita en somme, que le contexte si sombre des années 1910 à 1930 en Italie ne laisse pas d’interroger, tant les créations de l’époque sont osées, enjouées, débordantes d’imagination et d’humour.

Dolce Vita ? Du Liberty au design italien (1900-1940)

Musée d’Orsay

1 Rue de la Légion d’Honneur – Paris 7°

Tous les jours sf le lundi de 9h30 à 18h, jeudi de 9h30 à 21h45

Jusqu’au 13 septembre 2015

 

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Le premier accroc coûte deux cents francs. Elsa Triolet

lepremieraccrocCette semaine, Andreossi nous livre le quatrième épisode du feuilleton des Goncourt, avec le prix 1944.

Il a fallu attendre quarante prix Goncourt avant que le jury ne l’attribue à une femme. Ce fut en 1945, pour le prix de l’année précédente, et c’est Elsa Triolet qui fut couronnée pour un recueil de quatre nouvelles parues sous le titre de l’une d’entre elles : « Le premier accroc coûte deux cents francs ».

Si le climat historique est très homogène (tous les récits se passent sous l’occupation allemande et mettent en scène des faits de résistance à l’occupant), ces histoires n’ont pas la même ampleur. La dernière est courte et s’apparente davantage à un texte journalistique : après les opérations alliées de 1944 (le titre du livre est le message qui annonce le premier débarquement), résistants et armée allemande s’opposent dans un village. « Cahiers enterrés sous un pêcher » narre une tranche de vie d’une résistante : mais ce sont ses souvenirs de Russie (sans doute tirés de la jeunesse d’Elsa Triolet) qui sont les plus touchants. « Les amants d’Avignon » a l’intérêt de poser la question de « vraies-fausses » relations entre des agents qui vivent dans la clandestinité.

Le texte le plus ambitieux, « La vie privée »nous présente le portrait d’un artiste qui voudrait échapper à l’Histoire, en ne pensant qu’à lui et à son travail : dans un premier temps il échoue, jusqu’au moment où il est touché par la grâce (l’esprit « Résistance ») et réalise enfin le tableau où il évoquera la vie sous l’Occupation : « La toile représentait un « café-hôtel », devant le « café-hôtel » un soldat allemand tricotait une chaussette orange, une putain gardait le pont, le tout sur un fond de pêchers parsemés de petites balles hautes en couleurs, gaies comme des confetti ».

Soixante-dix ans après, ces récits nous apparaissent comme le début de la légende de la Résistance. Deux France sont opposées, mais sont décalées dans le temps : « L’atroce France de 1940, le pays de la Belle au Bois dormant, où chacun est resté pétrifié là où le malheur le surprit, les trains immobiles, les autos dans les garages, les gens se gardant bien de faire le moindre geste, si ce n’est de fumer les cigarettes du vainqueur. La France de 1944, exaspérée, debout, brûlant sa terre pour qu’elle chauffe les pieds des fuyards, des ex-vainqueurs en camions (…) camouflés de stupides branchages qui servent à les faire repérer ». Les occupants ne sont pas des nazis, ce sont des Allemands ou des Boches, l’horizon est communiste (à Moscou, en 1936 « les gens vivaient avec emportement, chaque jour arrivait dans une robe nouvelle, le travail semblait passionnant comme un match de football »), et la France entière a basculé : « encore aujourd’hui il doit y avoir plus de gens dans la plaine qui risquent leur vie journellement dans le combat contre l’occupant, qu’il n’y en a dans le maquis ».

Si la littérature ne peut se passer de son époque, il est des œuvres qui s’en détachent au point de nous toucher parfois à travers les siècles. Ce n’est pas le cas ici : à la Libération, il s’agissait de glorifier une France certes délivrée, mais qui devait aussi faire oublier ses faiblesses. Ce choix du Goncourt était bien dû aux circonstances.

Andreossi

Le premier accroc coûte deux cents francs

Elsa Triolet

Denoël folio, 2010

 

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Piero Fornasetti : la Folie pratique. Musée des Arts décoratifs

arts_deco_fornasettiDes meubles, des assiettes, des porte-parapluies, des plateaux, des foulards, des paravents, des papiers peints… vous verrez tout cela, et mille encore, dans le nef du musée des Arts décoratifs à Paris où, jusqu’au 14 juin 2015 est présentée la première rétrospective consacrée à Piero Fornasetti en France.

Né en 1913, mort en 1988, le Milanais Piero Fornasetti fut un immense designer et décorateur du XX° siècle, inclassable et reconnaissable entre tous. La plus célèbre de ses créations est une série d’assiettes sur lesquelles s’étale en noir et blanc et en gros plan un visage rond et féminin : celui de la soprano Lina Cavalieri, qu’il a décliné en quelques 350 versions.

Si ce motif est typique du style de Fornasetti – l’imprimé, le noir et blanc -, il est loin de le résumer. La grande salle exclusivement dédiée aux plateaux dans l’exposition est à cet égard emblématique de la variété de ses motifs : architecture, fleurs, feuillages, couverts, oiseaux, poissons, serpents, instruments de musique, personnages de carnaval ou de troubadours issus de gravures anciennes… Tout y passe, le créateur – qui était tout à la fois dessinateur, imprimeur, sculpteur – semblait trouver l’inspiration aussi bien dans les sujets nobles (reliefs de l’Antiquité romaine, dessins d’architectures de Palladio, figures mythologiques…) que dans les plus triviaux (voir le foulard quadrillé de canes, qui fait ressembler l’ensemble à une tuyauterie géométrique…).

Il collectionnait avec soin les motifs trouvés dans les livres, catalogues etc. , les retravaillait et enfin tentait tout ce qu’il est possible de faire en matière d’imprimés et de supports (papier, céramique, verre, cuivre, textile). Habile autant avec le noir et blanc que les couleurs, qu’il choisissait fort belles (vert presque émeraude, rouge amarante, turquoise, beige or…), il savait faire claquer un point de rouge sur du noir et blanc, l’or sur le blanc, les bouquets multicolores sur fond noir.

como-palladianaThèmes, couleurs, motifs eux-mêmes, à plein de moments on pense à la Renaissance italienne. Pour autant, Fornasetti appartient aussi à son siècle. Il n’y a qu’à voir les meubles qu’il a décorés, dessinés par Gio Ponti, avec qui il commença à collaborer dès le début des années 1950. Inspirés du modernisme, ils présentent des formes épurées et légères, une certaine simplicité. Mais évidemment, l’omniprésence du motif ne place pas ces magnifiques cabinets et commodes dans la droite ligne moderniste du XX° qui a plutôt cherché à éliminé le décor au profit de la fonction.

Loin de cette austérité-là, les pièces de décor, les assiettes, les foulards de Fornasetti nous emmènent au contraire dans un univers où règnent le trompe-l’oeil, la fantaisie et l’imagination. La mise en scène de l’exposition à Paris (présentée à Milan en 2013) met merveilleusement en relief cette richesse créative, cette audace, ce goût du jeu, de l’érudition et du beau. Même le petit film, qui n’explique rien mais montre tout sur un rythme trépidant, est une réussite. Quant à la dernière salle, elle montre que Barnaba Fornasetti veille à perpétuer l’œuvre de son auguste père. Il a mille fois raisons, tant ce patrimoine-là semble inépuisable.

 

Piero Fornasetti : la Folie pratique

Musée des Arts décoratifs

107, rue de Rivoli – Paris 1er

Tél. : +33 (0)1 44 55 57 50
Métro : Palais-Royal, Pyramides ou Tuileries
Bus : 21, 27, 39, 48, 68, 69, 72, 81, 95

Du mardi au dimanche de 11 h à 18 h, le jeudi nocturne jusqu’à 21 h

Jusqu’au 14 juin 2015

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Zao Wou-ki. Estampes et peintures récentes

Exposition Zao Wou Ki

Cette semaine, Jean-Yves est allé voir l’exposition consacrée au grand peintre Zao Wou-Ki au Centre culturel de Chine. Il en est revenu convaincu… et convaincant !

Il y a près de deux ans, le 9 avril 2013, s’éteignait Zao Wou-Ki à l’âge de 93 ans. Pour commémorer cette disparition, le Centre culturel de Chine à Paris expose 40 œuvres originales de l’artiste (dont 29 estampes et 6 peintures à l’huile récentes provenant de collections particulières).

On n’a pas oublié que le peintre, né à Pékin en 1920 dans une famille aisée et lettrée, a rejoint Paris en 1948 où il a très tôt côtoyé les plus célèbres représentants de l’abstraction lyrique : Soulages, Hartung, Vieira da Silva, Mathieu, Sam Francis… Dès 1949, il découvre la technique de l’estampe et il pratique alors indifféremment la lithographie et l’eau-forte qui constitueront une grande part de sa production ultérieure.

L’exposition retrace le parcours artistique de Zao Wou-Ki. Les premiers tableaux, peints entre 1950 et 1953 dans l’influence de Paul Klee, représentent des motifs figuratifs (animaux, bateaux). Le « Soleil rouge » qui ouvre la série est superbe.

Mais, à partir de 1953-1954, le peintre se détourne de la figuration pour rejoindre l’abstraction à laquelle il restera ensuite fidèle. Une grande partie des accrochages concerne cette période qui court jusqu’aux années 1990, et qui est peut-être la plus connue de l’artiste. Zao Wou-Ki peint alors des eaux-fortes et des aquatintes aux couleurs sombres (noirs, bruns, bleus soutenus), auxquelles il est difficile de rester insensible, tant ces planches sont empreintes de délicatesse et de profondeur. Cette époque marque également le début de la collaboration du peintre avec les poètes, dont Henri Michaux, qui le conseille et auquel le lie une amitié profonde.

L’exposition se termine par deux salles consacrées aux œuvres les plus récentes. L’une affiche les peintures à l’huile produites entre 2000 et 2006, et l’autre les estampes pigmentaires (entre 2007 et 2011). Dans ces dernières œuvres, réalisées dans « l’ultime bonheur de peindre », la production de Zao Wou-Ki semble se délier. L’artiste entame une nouvelle manière de travailler hors de son atelier (Ibiza, Saint-Tropez, Québec). Ses tableaux s’éclaircissent. Ils font la part belle aux couleurs (avec de très beaux bleus dans les huiles) et à la nature, notamment dans les impressions pigmentaires qui, dans les tons verts et rouges, ne sont pas sans rappeler le monde végétal (voir « Les orchidées »). La dernière (« Seychelles ») est un modèle de sérénité.

De cette rétrospective discrète, on retiendra qu’elle concentre en peu d’espace un très intéressant résumé de la production de Zao Wou-Ki, en rappelant ce que la création du peintre doit à ses deux cultures : l’occidentale, pour sa formation d’artiste, et la chinoise, pour la technique et pour la tradition de la peinture du paysage.

Jean-Yves

Zao Wou-ki – Estampes et peintures récentes

Centre culturel de Chine

1, boulevard de la Tour-Maubourg – Paris 7°

Du lundi au samedi, de 10 h à 12 h 30 et de 14 h à 18 h

Jusqu’au 4 mai 2015

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Au temps de Klimt, la Sécession à Vienne. Pinacothèque de Paris

Gustav Klimt Judith 1901 Huile sur toile 84 x 42 cm  © Belvédère, Vienne
Gustav Klimt
Judith
1901
Huile sur toile
84 x 42 cm
© Belvédère, Vienne

Près de dix ans après l’exposition événement Klimt, Schiele, Moser, Kokoschka au Grand Palais, la Pinacothèque de Paris nous donne l’occasion de replonger dans l’aventure fascinante de la Sécession viennoise.

Si l’artiste majeur que fut Gustav Klimt (1862-1918) dans ce mouvement qu’il a co-fondé en 1897 est mis en avant à travers une vingtaine d’œuvres picturales, c’est toute l’histoire et les différentes facettes de la Sécession qui sont retracées ici.

Pas moins de 180 œuvres ont été réunies, pour l’essentiel venues du musée du Belvédère de Vienne (dont le conservateur Alfred Weidinger assure le commissariat), mais également de collections privées.

Les débuts de Klimt, fils d’orfèvre et élève de l’école des Beaux-Arts, qui reçoit très vite des commandes publiques, s’inscrivent dans le courant de la peinture d’histoire conformément au goût de l’époque. Mais le projet qu’il conçoit pour le grand hall de l’Université de Vienne, Philosophie, Justice et Jurisprudence, rencontre l’hostilité des commanditaires, heurtés par le naturalisme des scènes et des nus représentés. Le peintre se détourne alors définitivement de l’académisme et fonde la Sécession. Celle-ci se dote d’un lieu d’exposition, le Palais de la Sécession, sur le fronton duquel on peut lire sa devise : « A chaque époque son art, à chaque art, sa liberté ». Mais ce qui est haï à Vienne ne l’est pas forcément à Paris : lors de l’Exposition universelle de 1900, le projet de décor de Klimt pour l’Université de Vienne est récompensé de la médaille d’or…

De lui, on retient avant tout ses frappantes représentations de figures féminines, souvent ambiguës, entre femmes fatales et femmes fragiles, dont le pouvoir de séduction est vu comme un danger. Pile dans cette veine, la très sensuelle Judith, présentée à la Pinacothèque. Autre œuvre majeure du peintre viennois, la Frise Beethoven, reproduite ici à son échelle monumentale originale.

Pour autant, on ne saurait réduire la Sécession viennoise à Gustav Klimt. Les liens avec les artistes de l’Empire d’Autriche émigrés à Paris à la fin du XIX° sont ainsi soulignés, notamment à travers le Tchèque Alphons Mucha.

L’importance du développement des arts décoratifs, à partir de la création, en 1903, des Ateliers viennois par Josef Hoffmann et Koloman Moser est brillamment illustrée. Meubles (fauteuils et tables en particulier), bijoux (superbes broches dessinées par Hoffmann) et céramiques (très jolie série de statuettes blanches de Mickael Powolny) ponctuent le parcours, rappelant la volonté des artistes de la Sécession de mettre les arts décoratifs et les beaux arts sur un pied d’égalité.

Une très belle section est dédiée aux paysages, que ce soit en peinture, dans un style qui emprunte tour à tour ou tout à la fois au romantisme, au symbolisme et à l’impressionnisme (Mediz-Pelikan et Moser notamment), ou en photographie, avec les œuvres pictorialistes de Khün.

Heinrich Khün que l’on retrouve avec plaisir dans la salle suivante où sont exposés les portraits. Sous l’influence de la pensée psychanalytique élaborée par Freud, les artistes viennois ambitionnent de représenter la nature intime des êtres. Le résultat en est très émouvant, sans doute grâce à la façon très évocatrice qu’ont Klimt en peinture ou Khün en photographie de saisir la profondeur d’un regard ou le naturel de la posture d’un corps.

Héritage de la Sécession viennoise, l’expressionnisme clôt cette riche exposition à travers quelques œuvres de Moser, Kokoschka ou encore de Schiele. On mesure alors le chemin parcouru par les artistes à Vienne en une vingtaine d’années à peine…

 

 

Au temps de Kilmt, la Sécession à Vienne

Pinacothèque de Paris

8, rue Vignon – Paris 9°

M° lignes 8, 12 et 14

Jusqu’au 21 juin 2015

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Sang et lumières. Joseph Peyré

sang-et-lumieres_peyreTroisième épisode du feuilleton des Goncourt signé Andreossi. C’est dans les arènes de l’Espagne des années 1930 qu’il nous emmène cette fois… La langue a l’air fort belle !

Joseph Peyré est envoyé à Madrid par son journal en 1934. Il a déjà écrit quelques romans, loués par son ami Joseph Kessel, dans lesquels il mettait volontiers en scène des comportements héroïques. Il revient d’Espagne avec ce récit qui obtient le prix Goncourt l’année suivante, récit que l’on ne saurait réduire à l’apologie de l’art tauromachique. Il n’est nullement question pour Peyré de contester la mort du taureau dans les arènes, mais en centrant le roman sur la fragilité du torero, il met l’accent sur un environnement taurin balançant entre la fascination des lumières et le goût du sang.

Les différents acteurs ont précisément leur place dans l’intrigue. En premier lieu une société de misère productrice de violence. La situation politique de l’Espagne est soulignée en arrière-plan : le pays connaît un climat de pré-guerre civile, avec attentats, bombes, pillages. Pauvreté et humiliation sont le terreau sur lesquels naissent ceux qui vont tenter d’accéder au paradis de la popularité et de la richesse : « l’ancien souffleur de verre métamorphosé par l’or des arènes goûtait ainsi à nos yeux sa revanche, celle des gitanes, errants et ouvriers faméliques de la Frontera, qui vivaient toute leur vie dans le désespoir des hivers, sur les milliers d’hectares incultes traversés par les chevauchées de señoritos et des amazones en chasse, et qui se rangeaient le long des ruelles et des chemins pour ne pas être cravachés ».

Les portraits de l’entourage du torero sont sévères : membres de la « cuadrilla » buveurs, violents ou simplement pitoyables, journalistes qui attendent les pots de vins généreux pour orienter la teneur de leurs articles, gestionnaires de la fortune des toreros véreux, amantes prêtes à abandonner sans scrupule la vedette qui ne fait plus recette. C’est sans doute la foule des arènes qui subit les attaques les plus virulentes de Joseph Peyré : « Mais la clameur du public qui montait, roulait à la cadence des passes du dompteur, et refluait comme une mer, je l’écoutais les yeux fermés, comme un présage redoutable, pour tout ce qu’elle soulevait d’eaux troubles, de violence, pour tout ce qu’elle dressait de haine contre nous ».

Pas de critique radicale de la corrida dans le roman. Toutefois le regard porté sur le taureau ne manque pas de compassion : « La souffrance, le froid, ramassaient la bête, qui avait pris cet air enfantin d’étonnement, ce regard qu’on ne peut pas supporter ». Si le torero apparaît finalement comme une victime, ce n’est pas le taureau qui est en cause, mais plutôt les passions exacerbées d’un public en mal d’émotions fortes, et, quelquefois, du beau geste : « Cette foule attend le rare moment de plaisir : le spasme d’émotion dont on parle toujours, le spasme de quelques secondes qui laisse du plaisir pour une vie ». Un roman qui a su traduire sans complaisance la violence de l’univers des arènes.

Andreossi

Sang et lumières

Joseph Peyré

Grasset 1935.

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