Exposition Internationale Zaragoza 2008

Puisque cette rentrée ne "roule" décidément pas toute seule, faisons comme Luchini nous y invite dans la pub pour la SCNF : repartons immédiatement !
Pour ce week-end, petite évasion direction l’Espagne grâce à ce joli billet envoyé par Andreossi.
Bon voyage à tous !
Mag

Expo ZaragozaZaragoza s’expose sur les rives de l’Ebro et il faut choisir, si on ne dispose que d’une journée de visite, ou la ville, ou l’exposition internationale. Et dans ce dernier cas, une toute petite partie de l’exposition.

La tour de l’eau (« eau de vie ») attire immanquablement : sa hauteur (73 mètres), sa forme de goutte d’eau, sa transparence en font un passage obligé.

A l’intérieur, on commence à monter, sans trop savoir pourquoi, la rampe de plusieurs kilomètres qui grimpe tout autour de l’éclaboussure d’eau : une sculpture géante, toute argentée, dont la forme, et les reflets de couleurs évoluent en même temps que la progression. C’est le plaisir de cette montée qui reste mystérieux, ainsi que la leçon philosophique du but matériel (oh combien) que l’on atteint enfin au sommet. En haut, en effet, on ne trouvera qu’un bar et des toilettes.

On redescend, heureux d’avoir monté longuement, pour maintenant butiner du côté des pavillons nationaux. La variété que l’on y trouve ne tient pas seulement à la géographie et aux cultures, mais à l’ambition affichée par les divers pays pour attirer les touristes.

Expo Zaragoza 2008C’est ainsi que le public ressort enthousiaste de la séance cinéma proposée par la Pologne, et traverse avec détachement le désert Lybien. Les quelques 110 pays représentés, les pavillons des diverses régions d’Espagne demanderaient plusieurs jours de visite. Chacun traite à sa manière la thématique de l’eau, proposant parfois de véritables « installations » proches de l’art, parfois un exposé très didactique sur une question particulière au pays, parfois assurant le service minimum sur le thème.

On peut s’attarder avec intérêt sur les pavillons thématiques qui sensibilisent aux problèmes de l’eau et du développement durable : eau partagée, paysages de l’eau, eau extrême, initiatives citoyennes, soif ou cités d’eau sont autant d’occasions de s’offrir des moments de réflexion à l’aide de données imagées, animées, frappantes.
Le ludique et la participation au débat d’idées se mélangent sans cesse, du spectacle « le réveil du serpent », défilé très coloré qui anime les places chaque jour, à la visite de « oïkos » où on pourra méditer sur la maison basée sur la transformation et l’accumulation de l’énergie à coût zéro. Une telle exposition est populaire : on y entre, on y erre, on se laisse aller, on laisse chez soi l’ambition de comprendre tout de la question de l’eau.

Expo Zaragoza 2008
Jusqu’au 14 septembre 2008

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Exposition Internationale Zaragoza 2008

Puisque cette rentrée ne "roule" décidément pas toute seule, faisons comme Luchini nous y invite dans la pub pour la SCNF : repartons immédiatement !
Pour ce week-end, petite évasion direction l’Espagne grâce à ce joli billet envoyé par Andreossi.
Bon voyage à tous !
Mag

Expo ZaragozaZaragoza s’expose sur les rives de l’Ebro et il faut choisir, si on ne dispose que d’une journée de visite, ou la ville, ou l’exposition internationale. Et dans ce dernier cas, une toute petite partie de l’exposition.

La tour de l’eau (« eau de vie ») attire immanquablement : sa hauteur (73 mètres), sa forme de goutte d’eau, sa transparence en font un passage obligé.

A l’intérieur, on commence à monter, sans trop savoir pourquoi, la rampe de plusieurs kilomètres qui grimpe tout autour de l’éclaboussure d’eau : une sculpture géante, toute argentée, dont la forme, et les reflets de couleurs évoluent en même temps que la progression. C’est le plaisir de cette montée qui reste mystérieux, ainsi que la leçon philosophique du but matériel (oh combien) que l’on atteint enfin au sommet. En haut, en effet, on ne trouvera qu’un bar et des toilettes.

On redescend, heureux d’avoir monté longuement, pour maintenant butiner du côté des pavillons nationaux. La variété que l’on y trouve ne tient pas seulement à la géographie et aux cultures, mais à l’ambition affichée par les divers pays pour attirer les touristes.
Expo Zaragoza 2008C’est ainsi que le public ressort enthousiaste de la séance cinéma proposée par la Pologne, et traverse avec détachement le désert Lybien. Les quelques 110 pays représentés, les pavillons des diverses régions d’Espagne demanderaient plusieurs jours de visite. Chacun traite à sa manière la thématique de l’eau, proposant parfois de véritables « installations » proches de l’art, parfois un exposé très didactique sur une question particulière au pays, parfois assurant le service minimum sur le thème.

On peut s’attarder avec intérêt sur les pavillons thématiques qui sensibilisent aux problèmes de l’eau et du développement durable : eau partagée, paysages de l’eau, eau extrême, initiatives citoyennes, soif ou cités d’eau sont autant d’occasions de s’offrir des moments de réflexion à l’aide de données imagées, animées, frappantes.
Le ludique et la participation au débat d’idées se mélangent sans cesse, du spectacle « le réveil du serpent », défilé très coloré qui anime les places chaque jour, à la visite de « oïkos » où on pourra méditer sur la maison basée sur la transformation et l’accumulation de l’énergie à coût zéro. Une telle exposition est populaire : on y entre, on y erre, on se laisse aller, on laisse chez soi l’ambition de comprendre tout de la question de l’eau.

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Jusqu’au 14 septembre 2008

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Peter Doig au Musée d'Art Moderne à Paris

Peter Doig au MAM de la Ville de ParisIl ne reste plus que ce week-end pour y aller. Il faut absolument le faire, et pas seulement pour égayer cette rentrée pluvieuse : tout simplement parce que la peinture de Peter Doig est fascinante et merveilleusement belle.

D’ailleurs, c’est une visite que l’on a envie de refaire dès le lendemain.
Si les grandes toiles du peintre écossais séduisent d’emblée – toutes, sans exception -, en même temps, elles ne se donnent pas entièrement, loin s’en faut, au premier regard, aussi long et attentif soit-il.

Un phénomène est significatif : une fois le circuit terminé, lorsqu’on revient en arrière, on a l’étrange impression de voir certains tableaux pour la première fois, comme si la représentation ne s’était pas vraiment imprimée dans notre iris.

Il y a d’évidence quelque chose qui échappe dans les toiles figuratives de celui qui compte désormais parmi les peintres les plus chers du marché de l’art : au delà de la splendeur des couleurs, de l’intemporalité des paysages, des compositions exceptionnelles, au delà de la sérénité et du sentiment d’empathie avec la nature qui s’en dégagent, subsiste presque toujours une ambiguïté, un mystère. Non, cette peinture-là ne se livre pas entièrement. Et c’est le spectateur qui se met alors à "travailler" irrésistiblement, en se racontant des histoires à partir du tableau.

Regardez par exemple Figures in red boat, représentant un sympathique groupe de jeunes gens en train de canoter. Le reflet de la barque rouge dans l’eau s’étale bizarrement, bien au delà de la proportion visuelle attendue ; ainsi dilué, il se met à évoquer une mare de sang. Et à côté du moteur, l’un des personnages semble être assis à l’extérieur du bateau… enfin, rien n’est moins sûr ; tandis que les palmiers, en partie absorbés par la toile, sont sur le point de disparaître.

Quant à Girl in white with trees, l’un des nombreux très gros coups de coeur de l’exposition, féérique et émouvante fillette perchée dans les arbres sous un ciel nocturne, ce tableau laisse pourtant apparaître, dans le bas, la silhouette d’un homme : juste un bras, une ceinture. A peine esquissé, comme dans un rêve.

Les thématiques de Peter Doig sont récurrentes : ciel étoilé, neige, lac, nuit ou lumière, les deux à la fois, et parfois entre les deux, arbres déclinés à l’infini – arbres qui voilent ; arbres "écrins" ; arbres qui se fondent à l’homme et vice-versa ; arbres "refuges" – et, souvent, un être isolé peuple comme il peut ce paysage.

Vers la fin de l’exposition, voici Pelican Island, l’un des tableaux aux dimensions beaucoup plus réduites que la plupart des toiles de Peter Doig : montagnes brunes venant "mourir" dans l’eau rouge profond dont la ligne d’horizon est finement soulignée de rose, barque bleue, ciel mauve, végétaux émeraude et iris et, au beau milieu de ce ciel du soir, un seul oiseau blanc. Impossible de quitter ce paysage des yeux. D’où vient cet effet d’hypnose ? Il s’agit certainement, pour reprendre le titre d’un livre de Siri Hustvedt évoqué ici, de l’un de ces mystères du rectangle ; on aussi envie de parler, parce que tout à coup l’expression prend son sens, de perfection faite paysage.

Peter Doig
Jusqu’au 7 septembre 2008
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
11, avenue du Président Wilson – Paris 16ème
Du mardi au dimanche de 10 à 18 h et le jeudi jusqu’à 22 h
Entrée : 5 €

Image : Peter Doig, Girl in White with Trees (2001-2002), Oil on Canvas, 300×200 cm, Collection – Bonnefanten Museum Maastricht

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César. Anthologie par Jean Nouvel

Exposition César à la Fondation CartierL’architecte Jean Nouvel, au sein de la Fondation Cartier pour l’art contemporain qu’il a dessinée, rend hommage au sculpteur César (1921-1998), ami admiré de longue date.
Il a ainsi procédé à une minutieuse sélection d’oeuvres de l’artiste, avant de les mettre en scène de façon magistrale. Navigant dans "ses" murs comme un poisson dans l’eau, l’architecte fait la démonstration qu’il sait efficacement mettre en espace l’intérieur de la "coquille" qu’il a conçue.
Une réussite dans laquelle le goût de Jean Nouvel pour le travail de César y est pour beaucoup, tant il semble avoir fait les bons choix, qu’il s’agisse de la quantité ou de la qualité des sculptures, mises en valeur avec clarté.

En particulier, le coup d’oeil est spectaculaire à l’arrivée au sous-sol, réservé aux Compressions, où l’on découvre un beau "garage" savamment organisé dans ses lignes, ses couleurs et ses matières.
Tout de suite à droite, les premières compressions réalisées dans les années 1960, patinées, apparaissent comme les vestiges d’un travail que l’artiste, trente après, développait différemment. Les sculptures de la fin des années 1990 sont en effet davantage pliées que compactées. Alignées en de superbes camaïeux de couleurs allant des gris aux bleus en passant par les verts, l’or et les rouges, leur douceur et leur laqué donnent envie de toucher, de comparer les textures, notamment avec les oeuvres rouillées, comme poudrées de la deuxième salle : maître du matériau, César créait des sculptures visuellement très évocatrices.

Au rez-de-jardin, un côté est consacré aux impressionnantes Expansions, ces sculptures de mousse de polyuréthane qui rendent le "coulé" de la matière molle. Ici encore, jeu des formes, avec des drapés et des nappages, jeu des couleurs et de la lumière, avec le brillant et l’irisé, mais aussi jeu de l’imagination pour le visiteur. On le voit par exemple hésiter à donner sa préférence à l’oeuvre qui évoque la crème chantilly à celle qui lui rappelle la crème dessert…

Enfin, le troisième espace est dédié aux Empreintes humaines : pouces, seins, mains agrandis sont déclinés à des échelles et dans des matériaux différents (résine de polyester, bronze, cristal de Baccarat, acier, marbre rose…). Les mains ouvertes, magnifiques avec leurs empreintes, justement, ces petites lignes qui courent sur la peau, concluent à merveille cette exposition placée sous le signe de la sensualité.

César. Anthologie par Jean Nouvel
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261, bd Raspail – Paris 14ème
Jusqu’au 28 octobre 2008
TLJ sf le lundi, de 11 h à 20 h, nocturne le mardi jusqu’à 22 h
Entrée 6,50 € (TR 4,50 €)

Image : Herb Ritts, César, Cahors, 1993 © Herb Ritts Foundation

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Camille Claudel au Château de Lavardens

Exposition au château de Lavardens, CCPour tous ceux que la rétrospective parisienne consacrée à Camille Claudel (1862-1943) au Musée Rodin, achevée le 20 juillet dernier, ont laissé frustrés, soit qu’ils n’ont pu s’y rendre, soit qu’ils y sont allés mais n’y ont rien pu voir, l’endroit où aller ces temps-ci se situe dans le Gers, au Château de Lavardens.

Jusqu’au 17 septembre, il accueille l’ensemble de la collection de Reine-Marie Paris, petite-nièce de Camille Claudel.
Des premières oeuvres des années 1880 à la triste France d’Auguste Rodin de 1904, l’exposition présente une soixantaine d’oeuvres parmi les plus belles de l’artiste : La vieille Hélène, Le Buste de Rodin, La petite châtelaine, La main, La valse, Les causeuses, L’âge mûr

Une fois encore, la force d’expression de Camille Claudel, son génie pour représenter l’enfance, la vieillesse, la douleur, la solitude et l’amour, mais aussi le mouvement et la sensualité de ses sculptures laissent sans voix. Et une fois encore, son destin tragique après son histoire d’amour avec Rodin, l’abandon qu’elle connut dans l’enfermement ne peuvent que bouleverser.

Admirer ses oeuvres dans les vieilles pierres du château des XIIème et XIIIème siècles, dans la douceur et le calme de ce Gers vallonné, c’est s’offrir un moment de pure grâce, une parenthèse de poésie, d’émotion et de beauté.

Camille Claudel
Jusqu’au 17 septembre 2008
TLJ de 10 h à 20 h
Château de Lavardens
32360 Lavardens
Tel : 05 62 58 10 62

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Les accommodements raisonnables. J.-Paul Dubois

Jean-Paul Dubois, Les accomodements raisonnablesSuivre la famille Stern pendant douze mois, à travers Paul, quinquagénaire, époux, père, grand-père et fils, tel est l’objet du dernier roman de Jean-Paul Dubois, publié comme ses succès précédents aux Éditions de l’Olivier.

Tout commence au mois de février, lorsque Charles, l’oncle paternel de Paul est incinéré. Dès ce jour, une brique fondamentale de l’édifice familial va se trouver déplacée : Alexandre, le père de Paul, âgé de soixante-dix-huit ans, semble redoubler de vitalité. Héritier de la grande fortune de son frère honni, Alexandre va changer son mode de vie du tout au tout, abandonnant son habituelle austérité pour adopter le « grand-train » : grand appartement, grand bateau, grands voyages, le tout porté par une vie amoureuse flambant neuve.
Qui est Alexandre ? se demande Paul, ne reconnaissant plus son père. Ne nous a-t-il pas menti toute sa vie ?
Ces questions surgissent au moment où Anna, son épouse, s’éloigne de lui en plongeant dans la dépression et où une opportunité professionnelle dans le cinéma lui donne l’occasion de prendre la fuite pour les Etats-Unis pendant plusieurs mois. Là-bas, il tombe raide dingue de Selma, le sosie d’Anna, de trente ans sa cadette…

Le roman, qui se déroule entre la région toulousaine et Hollywood, ne fait pas seulement le récit des difficultés du « vivre ensemble » que pose sans cesse la famille. Il est aussi une réflexion sur les choix que les individus font, ou ne font pas, sur la réussite sociale, le succès, l’opulence matérielle, le monde des apparences, le plaisir, la spiritualité (ou ce qui lui ressemble – au sujet des Etats-Unis : « la pensée désaxée de ce pays, cette espèce de religiosité spongieuse, de verroterie spirituelle… »), et bien sûr la fidélité familiale, les traditions et la stabilité.
Variation sur les valeurs, les illusions, le temps qui passe, les « chocs » de la vie et les réajustements qu’ils nécessitent, il ne fait pas de son narrateur un héros des temps modernes, mais la victime et l’heureux bénéficiaire à la fois de ces arrangements que l’on fait sur l’autel familial : ce que Jean-Paul Dubois nomme « Les accommodements raisonnables ».

Les accommodements raisonnables
Jean-Paul Dubois
Éditions de l’Olivier (août 2008)
261 p., 21 €

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Françoise Sagan. La petite robe noire

La petite robe noire, Françoise SaganIl y a quelques mois, Bonjour New York annonçait discrètement le retour en grâce de Françoise Sagan dans les rayons des libraires.

Bien vite, l’on n’a plus parlé que d’elle – ou du moins de sa vie – avec la publication de sa biographie par Marie-Dominique Lelièvre et l’interprétation de Sylvie Testud dans le film de Diane Kurys.

Une remise à la mode particulièrement réjouissante lorsqu’elle donne l’occasion de lire et relire Françoise Sagan.
On peut ainsi continuer la collection des petits Carnets de L’Herne, recueils d’articles et de chroniques que l’auteur de Bonjour tristesse a écrits au fil des ans pour la presse.

Un texte intitulé Le rire justifie à lui seul l’acquisition de La petite robe noire. Françoise Sagan y raconte comment l’humour et l’ironie, très présents dans sa famille l’ont façonnée dès son enfance et l’ont protégée, une fois le succès venu (si rapide et si grand, alors qu’elle n’avait que dix-neufs ans !) de ces « discrètes mais indéfectibles auto-admirations qui bercent certains auteurs tout au long de leur existence, et empoisonnent leur entourage ». Puis, toute sa vie, elle a côtoyé des gens drôles, trouvant dans le rire, pour peu qu’il ne soit ni forcé ni amer « de l’abandon, de la générosité, bref de l’innocence – ou le regret de l’innocence », ce goût pour l’innocence « qui s’entend très mal avec la si aisément médiocre méchanceté ».

De ce texte très personnel ressort la façon qu’avait le charmant petit monstre de considérer avec le plus grand sérieux la liberté, l’amitié, mais aussi la légèreté et l’humour. Elle y rappelle aussi son amour de la vie qui, associé à son écriture vive et intelligente fait de la lecture de ces petits carnets un véritable régal :

« Faire rire. Rire soi-même. Revenir au plus naturel de cette personne privée, que l’on fréquente si peu et qui est soi-même, et déclencher en elle quelque chose qui est à la fois l’enfance, l’adolescence et la vieillesse, quelque chose qui relie notre appartenance à ce monde et notre recul devant lui : notre goût avoué de la vie et notre refus dédaigneux de la mort, réunis ne serait-ce que trois minutes, mais trois minutes d’un bel et bon orgueil ».

La petite robe noire
Françoise Sagan
Aussi :
« Au cinéma »
« Bonjour New York »
« De très bons livres »
« Le régal des chacals »
« Maisons louées »
« Un certain regard »
« Lettre de Suisse »
Editions de L’Herne (2008) « Carnets », 8,90 € le volume

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Brooklyn Follies. Paul Auster

Paul Auster, Brooklyn FolliesBrooklyn Follies a d’emblée quelque chose d’évident, comme si le narrateur – Nathan, un sexagénaire divorcé et tout juste retraité des assurances – nous était familier, et qui nous donne en même temps une furieuse envie de le connaître tout à fait.

C’est avec cet incipit « Je cherchais un endroit tranquille où mourir » – le paragraphe d’ouverture se terminant par « Une fin silencieuse à ma vie triste et ridicule » – que Paul Auster plante son personnage.

Un peu plus loin, l’on croit avoir à faire à un ours mal léché lorsqu’il dit de sa fille qu’ « en digne fille de sa mère, rare est le jour où elle s’exprime autrement que par des platitudes – ces expressions usées et ces idées de seconde main qui remplissent les décharges de la sagesse contemporaine ».

La suite nous révèlera que Nathan n’a rien d’un misanthrope. Il a d’abord cette idée, pour s’occuper, d’écrire un livre intitulé « Le livre de la Folie humaine », où il consigne tous les ratés, lapsus, faiblesses et embarras de son existence et de celle des autres. Puis, cette lettre d’excuse écrite à sa fille froissée, à laquelle succèdera l’envoi d’un joli collier. Enfin, viendra la rencontre décisive, ou plutôt les retrouvailles, avec son neveu Tom Wood, ancien étudiant en littérature doué et fin mais parti à la dérive par trop de tristesse.

Elle sera suivie de bien d’autres rencontres, plus bienheureuses les unes que les autres, Harry le libraire d’occasion, flamboyant mais rempli de douleur, la fameuse JMS, pour Jeune Mère Sublime, objet des fantasmes de Tom, une fillette de neuf ans-et-demi mystérieusement envoyée par sa mère chez ses oncle et grand-oncle, mais aussi Marine, serveuse charmante du restaurant où, du coup Nathan, a pris ses habitudes, ou encore le propriétaire d’un domaine enchanteur…
Le noyau dur de cette troupe se réunira autour d’une sorte d’idéal, ce rêve où chacun s’est réfugié un jour, « Là où on se retire lorsque le monde réel est devenu impossible » selon Nathan et baptisé par Harry « L’Hôtel Existence ». (La plus belle phrase de ce passage est d’ailleurs la réflexion de Harry : « Je pensais que tout le monde en avait un »).

Brooklyn Follies et peut-être le meilleur roman de Paul Auster, tant ses personnages recèlent richesse, singularité, humanité ; tant les histoires s’enchaînent avec une extraordinaire fluidité.
Il est peut-être aussi le plus « Austérien », l’écrivain y mêlant ses thèmes de prédilection avec un régal que le lecteur ne peut que savourer : l’écriture, la littérature, l’amitié, les relations filiales entre un homme d’âge mûr et son cadet, l’imagination, le hasard, la disparition, mais aussi la route à travers les états américains…
Il est aussi celui qui se déroule essentiellement à Brooklyn, là où réside Auster, et dont le narrateur dit « D’un strict point de vue anthropologique, je découvris que, de toutes les tribus que j’ai rencontrées, les habitants de Brooklyn sont les gens les plus disposés à converser avec des inconnus », et qui en outre « vous sortent des traits d’esprit éblouissants comme si ça allait de soi ». On n’en demande pas plus.

Brooklyn Follies. Paul Auster
Actes Sud (2005), 365 p., 23 €
Egalement en édition de poche : Babel, 368 p., 8,50 €

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La légende d'une servante. Paula Fox

La légende d'une servante, Paula FoxLe roman nous fait suivre cinquante ans de la vie de Luisa, de son enfance sur l’île de San Pedro, dans les Caraïbes, où elle naît en 1926, jusqu’à l’âge de la maturité et des projets réalisés.

Enfant naturelle du fils de Beatriz de la Cueva, la propriétaire des plantations de canne à sucre dont le village de Malagita dépend, Luisa ne sera jamais reconnue par sa grand-mère paternelle. Elle grandira entre l’indifférence de son père, la servilité de sa mère restée domestique aux cuisines de Beatriz de la Cueva et l’adoration de Nana, sa grand-mère maternelle pétrie de curiosité, de lucidité et de désir de liberté.

C’est en fillette livrée à elle-même que Luisa pousse, goûtant la brise, les arbres, les odeurs, les couleurs et les bruits de son île, cohabitant avec les animaux, observant tout, écoutant ce qui ne la concerne pas, voyant parfois ce qu’elle ne devrait pas voir et, aidée par les sages paroles de son aïeule, réalisant bien davantage de choses que celles qu’elle peut vraiment comprendre.

Dans ce pauvre village de Malagita se forge sa vision de la vie, à partir de tous les sentiments qui la submergent, bonheur du moment présent dans les chemins buissonniers, humiliation de voir sa mère accepter l’esclavage et subir le rejet – même de ses pairs domestiques, venus eux d’Espagne – mais aussi ce sentiment très fort, venu très tôt, d’une profonde différence. Il y a encore, et peut-être surtout, ce manque, celui de son ascendance paternelle, riche et dominante, qui la nie et dont elle attend la reconnaissance.

Elle n’est âgée que d’une dizaine d’années lorsque son père décide de quitter San Pedro et d’emmener femme et fille à New-York. Là, Luisa décidera, pour gagner son indépendance, d’être à son tour servante. Elle se mariera, aura un fils, divorcera. Continuera à occuper le rôle qu’elle s’est assigné.
Un jour enfin, à l’âge de cinquante ans, elle se souvient du rêve qu’elle a eu le jour où elle a gagné son premier dollar : celui de revenir à San Pedro.

Roman poignant, La légende d’une servante est plein de douleurs et de mélancolie. Mais il déborde aussi de courage, d’amitié et d’amour. A travers ses personnages subtilement dessinés, Paula Fox compose une oeuvre bouleversante sur l’abandon, la différence, les liens du sang, la langue et le nom, et bien sûr sur les rapports sociaux, au premier rang desquels la domination et l’esclavage. Mais, en racontant la légende d’une servante, Paula Fox dégage le portrait d’une femme qui trouve la liberté, forte de ses rêves anciens, de l’indépendance acquise, des projets accomplis et de l’enfance qui fut sienne :

« A un moment donné, je leur ai dit que ma mère avait été domestique, et que oui, Malagita était exotique – les laissant interpréter cet adjectif comme ils voulaient. Je gardais pour moi le souvenir de la pièce au sol de terre battue qu’envahissaient le clair de lune et le parfum du jasmin, cette pièce à laquelle aucune des leurs ne ressemblait, que ne défendait de l’extérieur aucun verrou, aucune fenêtre fermée, où je me levais pour me trouver en quelques pas sur une route sans fin, face à la montagne qui se dessinait au loin contre le ciel immense. Je chuchotais des mots en espagnol, jazmin, luz de la luna, campo, avec autant de ferveur que Mama récitait son chapelet. »

La légende d’une servante
Paula Fox
Editions Joelle Losfeld (2005) 430 p., 22,50 €
Egalement en édition de poche (Folio, 7,90 €)

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Le Festival d’Automne à Paris

Festival d'Automne à Paris 2008Pour sa 37ème édition, le Festival d’Automne à Paris proposera cette année encore une multitude de manifestations, spectacles de théâtre et de danse, concerts, mais aussi arts plastiques et cinéma. Au total, une cinquantaine de propositions placées sous le signe de la découverte animeront la rentrée parisienne dès le 13 septembre et jusqu’au premier jour de l’hiver.

Le Japon fera l’objet d’un éclairage particulier avec par exemple la rencontre de la comédienne Jeanne Balibar et du chorégraphe Boris Charmatz, fidèle du Festival d’Automne, pour un hommage à Tatsumi Hijikata dans La Danseuse malade (Théâtre de la Ville, du 12 au 15 novembre).
Toujours côté danse, le Centre Pompidou accueillera du 26 au 30 novembre la française Régine Chopinot pour une nouvelle création radicale Cornucopiae qui réunira dix interprètes dont Régine Chopinot soi-même.

En art dramatique, sera donné le fameux Triptyque du pouvoir de Guy Cassiers présenté à Avignon cet été (Théâtre de la Ville, du 19 septembre au 10 octobre). Le poétique François Tanguy sera lui accueilli à l’Odéon – Théâtre de l’Europe/Ateliers Berthier avec Ricercar à partir du 23 septembre.

August Strindberg, Spiro Scimone, William Shakespeare, Lewis Carroll, Marivaux seront également au programme dans des lieux aussi variés que les théâtres de la Bastille, du Rond-Point, de Nanterres-Les Amandiers…

Liste non exhaustive, loin de là : aller sur le site du Festival d’Automne à Paris pour une présentation complète, car il y en a vraiment pour tous les goûts et toutes les disciplines. De quoi vous souhaiter de belles découvertes et une belle rentrée à tous !

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