L'Hôtel du Libre-Echange. Théâtre de la Colline

L'hôtel du Libre-Echange au théâtre de La CollineFeydeau à La Colline avec Clovis Cornillac en M. Plinglet, l’affiche n’est pas banale.
Elle attire les foules et mieux vaut réserver sans tarder car il est de plus en plus difficile d’obtenir des places.
Et même le précieux sésame en poche, il est conseillé d’arriver de bonne heure, sous peine de voir son emplacement central relégué sur les côtés au motif d’un recentrage précoce de la salle… Ce qui serait dommage car le décor ne permet pas une vision idéale de la scène depuis les extérieurs.

L’Hôtel du Libre-Echange est cet hôtel minable où se retrouvent, par une nuit un peu folle, ensemble ou séparément, comme le dit le prospectus, deux couples qui se fuient, un ami de province encombrant accompagné de ses quatre filles, un neveu épris de philosophie dévergondé par la bonne… toutes gens qui ne devraient pas s’y croiser, y compris quelques fantômes…
Et c’est sans compter une descente de la police, mais aussi la présence du tenancier de l’établissement, assisté d’un prude garçon … Ah vraiment "quelle nuit ! »…
Le tout réglé au cordeau par Feydeau, efficacement mis en scène par Alain Françon, et dans l’ensemble très bien joué.

Il y a dans l’énergique imbroglio de ce vaudeville un risque de dérapage, celui d’une mise en scène qui se laisserait simplement porter par le texte, celui de comédiens qui se contenteraient de s’en repaître.
Or Alain Françon évite en permanence ce risque-là, laissant au spectateur tout le plaisir du mouvement de la mécanique de Feydeau, sans le fatiguer d’hystérie ni de déjà-trop-vu.
Clovis Cornillac, qui semble un peu jeune et pâle au début, s’installe progressivement dans le rôle et fait en définitive un M. Pinglet très convaincant.
Sa Mme Pinglet est joué par Anne Benoit, qui offre un moment absolument désopilant dans la dernière scène.
Mais le coup de coeur de la soirée est certainement pour Jean-Yves Chatelais, un M. Bastien plus que parfait, à la fois dégoûté et profiteur des pratiques auxquelles ces couples de bourgeois infidèles et hypocrites se livrent sous son toit.

L’Hôtel du Libre-Echange. Georges Feydeau
Mise en scène Alain Françon
Avec Anne Benoit, Eric Berger, Pierre Berriau, Jean-Yves Chatelais, Clovis Cornillac, Irina Dalle, Pierre-Félix Gravière, Gilles Privat, Maud Le Grevellec…
Théâtre National de la Colline, 1 rue Malte-Brun – Paris 20ème
Jusqu’au 24 février 2008
Mer. au sam. à 20 h 30, dim. à 15 h 30, mar. à 19 h 30
Durée 2 h
De 19 € à 27 €

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Cinéma espagnol à Paris : Espagnolas en Passy

Espagnolas en PassyEspanolas en Passy, c’est, chaque dernier lundi du mois au Majestic Passy, la découverte du cinéma espagnol d’aujourd’hui.

Le cycle a été initié le 28 janvier dernier avec L’Orphelinat, de Juan Antonio Bayona, film d’épouvante avec Géraldine Chaplin. Sélectionné pour les Oscars, le film sortira en France le 5 mars.
La soirée s’est déroulée en présence du réalisateur Juan Antonio Bayona, de l’actrice Belén Rueda et du producteur Guillermo del Toro.
La projection, présentée par Jean-Christophe Berjon, délégué général de la Semaine Internationale de la Critique, s’est conclue autour d’un buffet de spécialités espagnoles…
Un peu plus tôt dans l’après-midi, l’Instituto Cervantes accueillait Juan Antonio Bayona, Belén Rueda et Guillermo del Toro pour une heure de débat autour des « ressorts de la peur ».

Prochain rendez-vous des Espagnolas en Passy le lundi 25 février avec La soledad de Jaime Rosales (film de la Sélection Officielle dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes 2007 ; Prix Goya meilleurs film, mise en scène, acteur révélation 2008).
La projection aura lieu en présence de Jaime Rosales et de son interprète Sonia Almarcha. Le débat sera animé par N. T. Binh, réalisateur, critique de cinéma à Positif, et … suivi d’une dégustation.
Entrée pour la soirée : 9 €
Un peu plus tôt, ce même lundi 25 février, rendez-vous à 18 h à l’Instituto Cervantes pour Une heure de cinéma : Jaime Rosales rencontre Nicolas Klotz (La Question humaine). Entretien animé par Julio Feo, journaliste à RFI.
Entrée libre

Autres rendez-vous :
Lundi 31 mars : Lucio de Aitor Arregi et José María Goenaga (Nominé au Prix Goya 2008 du Meilleur documentaire)
Lundi 28 avril : Ficció de Cesc Gay (Premier Prix au Festival International de Mar del Plata 2007)

Pour goûter l’ambiance de la soirée du 28 janvier : voir la vidéo

Cinéma Majestic Passy
18 rue de Passy – Paris XVIème
M° Passy, Muette
L’Instituto Cervantes
7 rue Quentin Bauchart – ParisVIIIème

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Drôle de Monde 2. Le Cirque du Grand Céleste

Drôle de Monde 2, Le Cirque du Grand CélesteVous entrerez d’abord sous un premier chapiteau, vaste juste ce qu’il faut, chaleureusement éclairé, on ne peut plus "rond". Dans cette douce température, vous pouvez prendre votre billet, un verre, pourquoi pas votre dîner ou tout simplement vous attabler pour attendre l’heure dite.

Puis l’on vous invitera à pénétrer dans un second chapiteau où l’on vous installera dans une ambiance tout aussi conviviale.
Le premier cercle se trouve dans les canapés, tout au bord de la piste ; les autres sur les gradins mais sans inquiétude, car des coussins de velours ne tardent pas à leur être envoyés.

C’est ainsi que la magie peut commencer (peut-être ne fait-elle que continuer).
Voici des artistes. Un chanteur au piano, à même la piste ; au fond, un orchestre.
La musique accompagnera toute la soirée, jouant au plus près des numéros, imprimant le rythme ou se faisant plus discrète. Part entière du spectacle, elle participe tant des moments endiablés que de l’épure des numéros.
Et c’est avec un extraordinaire talent que ceux-ci sont donnés.

Le jeu de Dom, la jeune acrobate-clown, pin-up blonde à la petite robe de plage, semble la simplicité-même. Il fonctionne en réalité à merveille, car il est d’une grande subtilité. La voici qui s’élève maladroitement le long du voile ; on la suit elle car elle fait rire à plaisir, jusqu’à ce que la performance vienne nous éblouir par surprise.
Jeunesse, haut comme trois pommes, est un diaboliste en habit de magicien, haut-de-forme compris. Il faut voir comme il fait valser ses diabolos, le virtuose. Traçant autour de lui des courbes magnifiques, ce sont des papillons blancs qui dansent dans la nuit.
Car avec Le Cirque du Grand Céleste, l’on est bien davantage dans l’évocation que dans la démonstration.
Regardez le jongleur, si calme, mais si déjanté, en complet décalage avec le jongleur classique. Il jongle avec une jambe en plus ; il jongle "sans tête" : avec son jeu tout en finesse, il est un poème à lui seul.
Et puis il y a Farid, l’acrobate avec un grand A, son large torse et son pantalon blanc. Bras et jambes sculpturaux, il bondit et tournoie sur la piste, avant de venir reprendre force contre le piano, sans se départir de son énigmatique sourire…

Dans ce spectacle, l’économie de moyens est sobriété voulue, la retenue laisse la place à la poésie, le sérieux et l’humour imposent une présence très forte, l’absence de forfanterie créé la communion avec le spectateur.
Il est fort à parier que la magie du Drôle de monde imaginé par le Cirque du Grand Céleste se prolongera tard dans votre nuit.

Drôle de monde 2. Le Cirque du Grand Céleste.
Prolongé jusqu’au 24 février 2008
Jeudi, vendredi et samedi à 20h30, dimanche à 16h
Durée 1 h 30
Accueil dès 19 h
Cirque du Grand Céleste, 22 rue Paul Meurice – PARIS 20ème
Tél : 01 53 19 99 13
Places de 14 € à 27 €
M° Porte des Lilas

Avec Ben Boyce, Farid Ben Yachrak, Jonatan Thomas, Richard Portier, Luc Guérin, Melina Stylianos, Dominique d’Angelo, Laurent Bachelier, Olivier Burlaud
Mise en scène : : Ben Boyce, Philippe Carles en collaboration avec les artistes
Musique : Ben Boyce

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La vie devant soi. Emile Ajar

La vie devant soi, Emile AjarPrix Goncourt 1975, La vie devant soi a été publié sous le nom d’Emile Ajar, valant ainsi à Romain Gary un deuxième Prix Goncourt, après celui qui lui avait été attribué pour Les Racines du ciel en 1956.

Roman Kacew n’en était pas à son coup d’essai en matière de changement d’identité puisque dès les années 1940, alors qu’il sert les Forces Françaises Aériennes Libres, il adopte le pseudonyme de Gary, qui signifie brûle ! en russe, sa nationalité d’origine.

La vie devant soi est le deuxième des quatre romans publiés sous le nom d’Emile Ajar (cette fois braise en russe), après Gros-Câlin, drôle de récit décalé et attachant, plein d’humour et de mélancolie.

La véritable identité de l’auteur de ces romans ne sera en définitive mise au jour qu’en 1981, un an après la disparition de Romain Gary.
Cette entreprise de mystification extraordinairement réussie ne saurait pour autant éclipser le talent de l’écrivain.

La vie devant soi, c’est d’abord une langue, celle, enfantine et approximative de Momo, jeune garçon arabe élevé par une vieille femme juive. Momo raconte leur quotidien, celui de leur voisinage dans le Belleville des populations immigrées. Il y est question de pauvreté, de prostitution, d’identité, mais aussi de bonne humeur, de religion et de poésie, thèmes évoqués avec le regard à la fois naïf et lucide du petit Momo.
Mais le livre est avant tout une histoire d’amour, car Momo qui ne connaît ni père ni mère n’a que Mme Rosa à aimer et elle n’a que Momo au monde.
L’enfant accompagnera Mme Rosa jusqu’à son dernier souffle, dans un final des plus poignants.

Si les plus belles pages du livre sont certainement celles dans lesquelles Momo livre ses réflexions sur la vieillesse, sa valeur tient aussi au ton léger avec lequel le narrateur exprime sa souffrance.
Le passage dont est issu le titre est magnifique de cette gravité légère. Momo vient d’apprendre du docteur Katz que Mme Rosa est très malade. Assis avec lui dans l’escalier, il se met à pleurer comme un veau :

– Il ne faut pas pleurer, mon petit, c’est naturel que les vieux meurent. Tu as toute la vie devant toi.
Il cherchait à me faire peur, ce salaud-là, ou quoi ? J’ai toujours remarqué que les vieux disent : " tu es jeune, tu as toute la vie devant toi ", avec un bon sourire, comme si cela leur faisait plaisir.
Je me suis levé. Bon je savais que j’ai toute ma vie devant moi mais je n’allais pas me rendre malade pour ça.

La vie devant soi. Emile Ajar
Edition de poche Folio/Gallimard, en ce moment dans un joli étui couleur or, 274 p., 7,40 €

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Buffo au théâtre du Rond-Point

Buffo au théâtre du Rond-PointBuffo est un clown dont la présence – on pourrait presque parler d‘existence (ce qui ne déplairait pas à son auteur) – est si forte qu’elle tient la curiosité du spectateur en permanence en éveil.

Entre attente, perplexité, rire ou sourire, il suit les aventures de Buffo comme celles d’un bonhomme maladroit et enjoué en se demandant toujours "Et qu’est-ce qu’il va en faire ?".
Le voici qu’il se met au piano mais rencontre quelques difficultés : c’est que le piano est malade. Ni une ni deux, il se met à l’ausculter, écoute sa respiration, prend même sa température, et évidemment on y croit.
Il rencontre une dame-violoncelle. Que fait-il ? Il la drague, essayant au passage toute la palette des techniques d’usage, finalement avec succès puisqu’il lui fait un bébé : voici un adorable petit violon animé de son petit coeur. Il y a aussi le moment où Buffo apprend l’anglais, en une scène de My taylor is rich pour le moins cocasse, la leçon étant assénée par un disque… ingéré par Buffo.

L’on ne quitte donc guère l’absurde, suspendu aux gestes et aux mots du personnage (Buffo a son langage), mais également à ses sons, car le Buffo 2008 est particulièrement "organique".

Peut-être moins poétique que Tout Buffo, présenté au même théâtre du Rond-Point à l’occasion de la parution du livre  »Buffo » en 2005, le double scénique d’Howard Buten n’en est pas moins toujours aussi attachant.

Buffo de et par Howard Buten
Jusqu’au 3 février 2008
Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris-8ème
TLJ à 18 h 30 ; à 16 h le samedi ; relâche le lundi
Durée 1 h 15

Photo Buffo © Grégoire

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La donation Alice Tériade au musée Matisse-Le-Cateau-Cambresis

Salle à manger de la donation TériadeImaginez une villa dans le Midi ; bâtisse simple et élégante, jardin garni et verdoyant. Entre les orangers, les citronniers, les arums et les palmiers, une statue de Giacometti, une sculpture en céramique de Miró, une fontaine de Laurens.
A l’intérieur, la salle à manger minuscule est ornée d’un vitrail multicolore et d’un mur en céramique dessinés par Matisse. Le lustre et les coupes sont de Giacometti ; dans un angle, une statue sculptée par Laurens complète le décor.
Nous sommes à Saint-Jean-Cap Ferrat, chez Tériade et son épouse Alice, dans la Villa Natacha, où, à partir de la fin des années 1940 se réunissaient les plus grands.
Ce cadre raffiné, témoignage de l’amitié qui unissait Tériade à ces artistes, est aujourd’hui restitué au Cateau-Cambresis, grâce à la donation qu’Alice Tériade a consentie au Musée avant sa disparition en 2007.
Le 27 janvier 2008, ont ainsi été révélés au public la salle à manger et les sculptures de la Villa Natacha, mais également des tableaux offerts par Léger, Picasso, Rouault, Chagall.

Rappelons que Tériade (1889-1983), originaire de l’île grecque de Lesbos, se fit connaître à Paris comme critique et fondateur de la revue d’art Verve avant de se lancer dans l’édition de livres d’artistes. Diverstissement de Rouault, Jazz de Matisse, Chant des morts de Picasso, L’enfance d’Ubu de Miró… au total vingt-sept livres de peintres sont nés de ces collaborations.
Avec Chagall, il acheva les entreprises initiées par Vollard et interrompues par la mort brutale du marchand d’art en 1939 : Les Fables de La Fontaine, Les âmes mortes de Gogol, La Bible, mais édita en outre les magnifiques Daphnis et Chloé et Cirque.
En 2002, Alice Tériade a fait donation de ces livres exceptionnels au Musée Matisse du Cateau-Cambresis. Elle fit le même choix pour les oeuvres de Saint-Jean-Cap-Ferrat, non seulement pour éviter leur dispersion mais aussi pour perpétuer l’amitié qui liait Tériade et Matisse.

Picasso, Tête de femme couronnée de fleursC’est donc très naturellement que les oeuvres réalisées par Matisse pour Tériade rejoignent le musée et y retrouvent leurs voisines créées par les autres habitués de la Villa Natacha. La cohésion de l’ensemble est ainsi conservée.
La mise en valeur simple, claire et harmonieuse dans de nouvelles salles est une marque de plus du savoir-faire du Musée Matisse. La salle à manger, dont les volumes sont parfaitement respectés est un véritable bijou. Les tableaux sont également exceptionnels et participent de l’unité de l’ensemble : Tête de femme couronnée de fleurs de Picasso (1969), empreint de mythologie grecque ; l’idyllique Amoureux au bouquet (1949) de Chagall où ciel, mer, fleurs roses, fruits, végétation luxuriante, semblent se faire l’écho du splendide jardin de Tériade. Mais aussi ceux de Léger, de Rouault, et bien sûr le magnifique portrait de Tériade par Giacometti (1960). Des photographies, notamment celles, très belles, d’Henri-Cartier-Bresson montrant Tériade ou Matisse dans le jardin, rappellent la poésie des lieux.

La collection Matisse est par ailleurs enrichie, notamment du tableau Jeune femme à la pelisse, fond rouge (1944) donné par Claude et Barbara Duthuit, petits-enfants de l’artiste. Dans un cadre vermillon, citron et blanc, les parties non peintes du personnage féminin, sa robe et son manteau semblent absorber et refléter les couleurs lumineuses du décor : épuré et superbe.
Enfin, dans la cour, le bas-relief Dos I donné par Matisse doit désormais cohabiter avec Grande Femme III de Giacometti et Lune de Laurens, toutes deux à peine arrivées du Midi. Elles ont plutôt l’air de s’y plaire…

La donation Alice Tériade est installée à demeure au
Musée Matisse Le Catau-Cambrésis
Palais Fénelon – 59360 Le Cateau-Cambresis
tél. : 00 33 (0)3 27 84 64 64
Tlj sauf le mardi, de 10 h à 18 h
Visites guidées le samedi à 15 h et le dimanche à 10 h 30
Entrée 4,50 € (TR 3 €), gratuit les 1ers dimanches du mois

Accès : à 22 km de Cambrai, 35 km de Valenciennes, 90 km de Lille
et 170 km de Paris. Train direct depuis Paris le week-end

Catalogue : La donation Alice Tériade, La collection d’un éditeur d’art, 136 p., 25 €. Texte riche et clair dans une belle mise en page.

Images : Vue de la salle à manger de la Villa Natacha à Saint-Jean-Cap-Ferrat, 2003, Musée départemental Matisse, Le Cateau-Cambrésis (Photo François Fernandez)
et Pablo Picasso, Tête de femme couronnée de fleurs, 22 juillet 1969, Huile et crayon sur papier, Donation Alice Tériade, Musée départemental Matisse,
Le Cateau-Cambrésis © Succession Picasso 2007 (Photo Philip Bernard)

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Les Pyrénées des peintres. Musée Paul-Dupuy à Toulouse

Les Pyrénées des peintres, exposition, musée Paul DupuyEn cheminant, dans l’ordre chronologique, devant les dessins et peintures présentés au musée Paul Dupuy sous le thème « Les Pyrénées des peintres », nous avons incontestablement le sentiment de nous élever peu à peu vers les sommets.

Nous partons du milieu du XVIIIème siècle : c’est la verticale qui domine. Que les gorges sont hautes et étroites, que les cascades tombent de haut, que nous sommes petits (et craintifs) devant les forces naturelles qui dévalent sur nous !
Au cours du XIXème siècle le paysage s’humanise : les reliefs sont moins exagérés, un premier plan est davantage mis en valeur, les montagnes deviennent parfois seulement le cadre qui environne la scène ; bêtes et humains semblent participer à la conquête de la nature sauvage.
Et surtout le spectateur n’est plus en bas, il est à mi-chemin des sommets.

A l’orée du XXème l’homme a conquis : les tableaux de Schrader en témoignent largement, nous voyons désormais les Pyrénées d’en haut, ce sont des panoramas qui s’offrent aux yeux de celui qui a vaincu sa peur de la montagne.

L’amateur de paysage ne se satisfera pas seulement ici de réflexions sur la manière de représenter les Pyrénées et la montagne en général. Dessins et peintures ont chacun leur intérêt. Les Pyrénéistes du cru qui voulaient faire aimer « leur » montagne ont reçu la visite d’artistes illustres séduits par les reliefs et cascades : Eugène Viollet-Le-Duc, Théodore Rousseau, et surtout le héros de l’exposition, Gustave Doré qui prouve qu’il n’était pas seulement un illustrateur, et d’autres.
On retiendra les tableaux de Rosa Bonheur et de Joséphine Sarazin de Belmont, pour le « réalisme » de leur représentation. Loin d’un discours (pictural) emphatique sur la place de l’homme dans la nature, elles réalisent des œuvres « à la mesure » de ce qu’elles perçoivent.

Une bien agréable balade dans les Pyrénées en quelques salles, avant de reprendre, au printemps, les sentiers pierreux, et découvrir les paysages avec le souvenir des œuvres.

Gouffres, chaos, torrents et cimes : les Pyrénées des peintres
Musée Paul-Dupuy
3, rue de la Pleau à Toulouse (M° Esquirol)
Jusqu’au lundi 3 mars 2008
TLJ sauf le mardi de 10 h à 17 h
Entrée 5 € (TR : 2.5 €)
Catalogue aux Editions Privat, Collections Beaux-Arts, 127 p., 25 €

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No country for old men (Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme). Cormac McCarthy

No country for old men, Non ce pays n'est pas pour le vieil homme, Cormac McCarthyNo country for old men (Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme), l’avant-dernier livre de Cormac McCarthy (1) vient d’être réédité en poche, juste avant la sortie du film des frères Coen, en salles aujourd’hui.
Dialogues épurés, narration dense, intrigue haletante, ce thriller, qu’on ne lâche pas, sauf pour respirer entre deux carnages, semble être écrit comme un scénario.

En plein désert, à la frontière du Texas et du Mexique, Moss, un jeune chasseur d’antilopes trouve trois véhicules criblés de balles. A l’avant, trois cadavres. A l’arrière, une solide cargaison d’héroïne. Moss n’y touche pas et continue sa route. Plus loin, un quatrième macchabée. A ses pieds, une serviette en cuir contenant 2,4 millions de dollars. Il la prend.
Les embêtements vont pouvoir commencer.
Le chasseur devient à son tour une proie, la proie d’une chasse à l’homme sans répit. A ses trousses, entre autres, Chigurh, un tueur fou très appliqué et doté d’une arme spéciale, sans balle, effroyablement efficace.
Entre les deux, le shérif Bell, plutôt belle âme, dévoué à la protection de ses administrés (dont on apprendra plus tard qu’il a quelques soucis avec sa conscience) essaie d’arrêter cette machine infernale. Mais face au prédateur psychopathe, les repères de ce shérif à l’ancienne se brouillent : Chigurh est-il un fantôme, ou bien l’incarnation du Diable ?
Sa perplexité et son angoisse, vaguement mâtinés de métaphysique ne résistent pas au rouleur compresseur : Chigurh est bel et bien un homme, un homme du monde moderne, du milieu des narcotrafiquants, bien loin des voleurs de bétail de l’ancien temps.
Incarné par Javier Bardem dans le film des frères Coen, il n’a pas fini de nous faire frissonner.

No country for old men (Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme).
Cormac McCarthy
Points, 300 p., 7 €

(1) Le même Cormac McCarthy rencontre actuellement un grand succès en France avec son dernier roman, La route, qui a été plébiscité aux Etats-Unis (Plus de deux millions d’exemplaires vendus ; prix Pulitzer 2007).

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Into the wild. Sean Penn

Into the wild, Sean PennChristopher, fils de bonne famille prêt à entrer à Havard est promis à un brillant avenir.
Mais au matérialisme de son milieu, il préfère le dénuement d’un chemin solitaire.
A l’hypocrisie de ses parents, au mensonge originel sur lequel son identité s’est fondée, il oppose la fuite.
Son idée fixe : aller chercher la vérité dans le Grand Nord.

Après avoir traversé les paysages magnifiques de l’Arizona, de la Californie ou du Colorado, Chris atteint en Alaska son objectif : non pas simplement contempler la nature, mais vivre dans la nature et plus encore, vivre de la nature. Sa réserve de riz épuisée, et avant de recourir à de fatales cueillettes, il ne se nourrit plus que de chasse, mais en considérant comme un désastre tout gibier gâché, non consommé.

Sur sa route, les gens qu’il rencontre l’aident à préparer cette expérience matériellement improvisée : ici on lui fait cadeau d’un bonnet de laine, là de bottes, plus loin d’un couteau.
Pourtant Chris ne leur demande rien. Il leur offre simplement sa jeunesse, son irrésistible sourire, son élan vital hors du commun. Tous l’aiment et s’attachent à lui. Chris rependra toujours sa route, obstiné mais enrichi, car il trouve dans ces moments passés auprès de ces êtres simples mais exceptionnels une part de vérité qu’il ne réalisera que plus tard, au dernier chapitre du film intitulé La sagesse.
C’est ainsi qu’une fois en Alaska, après des mois passés dans la joie de se suffire, il écrit dans un des livres qu’il a emportés avec lui (Tolstoï, London et le philosophe américain Thoreau) : "Le bonheur n’est pas réel sans partage".

Mais à travers la recherche de l’autonomie physique, c’est celle de l’autonomie au sens large, qu’il a entreprise. Et dans cette quête de soi, il commence par se dépouiller de son patronyme, pour adopter celui de Supertramp, qu’il grave au fil de ses étapes, laissant partout des traces et tenant son journal de bord au plus près.
Son dernier mot est "trouver le nom juste". C’est là qu’il échoue, c’est ce qui l’a perdu. Mais auparavant, souriant à une nature superbe, il aura trouvé la paix et la liberté.

Into the wild, un film écrit et réalisé par Sean Penn
Avec Emile Hirsch, Marcia Gay Harden, William Hurt
Durée 2 h 27

Sean Penn a réalisé ce film magnifique à partir de l’histoire réelle de Christopher McCandless, relatée par le journaliste américain Jon Krakauer dans le livre Into the wild (publié en 1996) à l’aide de témoignages de personnes qui l’ont connu et des notes de son journal.
Ce document est édité en France par les Presses de la Cité dans une traduction de Christian Molinié (Into the wild, Voyage au bout de la solitude, 311 p., 19 €, réédition 2008).

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Howard Buten. Buffo

Howard Buten, BuffoBuffo est ce clown singulier inventé par Howard Buten bien avant qu’il ne devienne l’auteur de Quand j’avais cinq ans je m’ai tué et le psychologue clinicien pour enfants que l’on sait.

Ainsi qu’il l’explique dans ce livre simplement intitulé Buffo, c’est en France qu’il a révélé sa triple identité, établissant aux yeux du public les liens entre ses trois carrières, la scène, la littérature et la psychiatrie, jusqu’alors soigneusement séparées.

Sur les planches, par la seule force du mime ponctué de quelques notes de musique, Buffo créé des histoires absurdes qui, avec la grâce de l’ellipse, embarquent le spectateur dans un monde poétique.

Dans ce récit, Howard Buten livre sur un ton direct, "à l’américaine", souvent mâtiné d’humour, comment, au début des années 1970, il a donné naissance à Buffo avant de le faire évoluer et grandir.

Howard était un enfant têtu et dégourdi, qui ne voulait pas "faire Zorro" mais "être Zorro", puis un adolescent qui se refusait le plaisir d’aller au concert des Beatles au motif que, à défaut d‘être lui-même les Beatles, il n’aurait pu y aller qu’en étant l’ami des Beatles. Il y eut ensuite l’école de cirque, à l’issue de laquelle un grand directeur le juge "trop subtil" pour se produire dans sa compagnie ; enfin, l’inspiration, très tôt aussi, du côté de Grock, clown suisse de music-hall des années 1920-1930 qui ne ressemblait à aucun autre. Et encore, ce qui pourrait étonner : sa profonde détestation des clowns ! En réalité, et on le comprend quand on connaît un peu le personnage de Buffo, ce sont les lieux communs attachés à l’image classique du clown que Buten tient en horreur.

Tel un album souvenirs, le livre est abondamment émaillé de photos, rendant encore plus vivantes les incroyables anecdotes et péripéties de Buffo à ses débuts.
Surtout, elles illustrent ce qui fait la force du récit d’Howard Buten : la manière dont Buffo est né, puis s’est affiné jusqu’à trouver l’aspect qu’on lui connait. Car ce qu’a cherché Buten très vite c’est "le chemin de l’âme de Buffo", "sa personnalité singulière", expliquant qu’il a mis des années à "débarrasser Buffo de toute trace de (lui)-même".
L’histoire de Buffo et des difficultés qu’il a eues à plaire est aussi attachante que le clown Buffo lui-même.
Mais celle de l’invention, puis du compagnonnage, qui dure depuis plus de trente-cinq ans, d’Howard Buten avec son personnage est elle très émouvante.

Howard Buten. Buffo
Traduit de l’américain par Jean-Pierre Carasso
Editions Actes Sud, 2005
256 p., 29 €

On peut voir en ce moment Buffo au Théâtre du Rond-Point à Paris (jusqu’au 3 février 2008).

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