Après de longues années passées loin de Paris dans une maison de santé, c’est en se rendant à une matinée chez le prince de Guermantes que le narrateur découvre, en retrouvant le temps perdu, le livre qu’il a à écrire.
Lorsqu’il entre dans le salon de l’hôtel des Guermantes où sont réunis les invités, il croit se trouver dans un bal masqué où les convives auraient porté des masques de vieillards.
Puis il réalise que le temps a passé et que ses anciens amis et connaissances ont simplement vieilli.
Et c’est dans le miroir que lui tendent ces êtres transformés par les ans qu’il se rend compte que le temps a passé pour lui aussi :
Et je pus me voir, comme dans la première glace véridique que j’eusse rencontrée, dans les yeux des vieillards, restés jeunes à leur avis, comme je le croyais moi-même de moi, et qui, quand je me citais à eux, pour entendre un démenti, comme exemple de vieux, n’avaient pas dans leurs yeux qui me voyaient tel qu’ils ne se voyaient pas eux-mêmes et tel que je les voyais, une seule protestation.
Et il regrette de prendre conscience du temps passé au moment précis où il découvre l’oeuvre qu’il peut écrire – sur ce qui échappe au temps :
Mais une raison plus grave expliquait mon angoisse ; je découvrais cette action destructrice du Temps au moment même où je voulais entreprendre de rendre claires, d’intellectualiser dans une oeuvre d’art, des réalités extra-temporelles.
Or, à présent son livre ne lui semble pas seulement réalisable, mais encore nécessaire. Il se met alors à redouter que sa vie ne soit écourtée et ne lui laisse pas le temps d’accomplir son oeuvre :
Certes, ce que j’avais éprouvé dans la bibliothèque et que je cherchais à protéger, c’était plaisir encore, mais non plus égoïste, ou du moins d’un égoïsme (car tous les altruismes féconds de la nature se développent selon un mode égoïste, l’altruisme humain qui n’est pas égoïste est stérile, c’est celui de l’écrivain qui s’interrompt de travailler pour recevoir un ami malheureux, pour accepter une fonction publique, pour écrire des articles de propagande) d’un égoïsme utilisable pour autrui. (…) Maintenant, me sentir porteur d’une oeuvre rendait pour moi un accident où j’aurais trouvé la mort, plus redoutable.
Très bon week-end et très bonne lecture à tous.