Vol de nuit. Antoine de Saint-Exupéry.

Lorsqu’il publie ce court roman en 1931, Saint-Exupéry est surtout un pilote d’avion, parmi ceux qui s’efforcent de bâtir les réseaux de transport de courrier par la voie des airs. Il a écrit auparavant Courrier sud, mais avec le succès de Vol de nuit et le prix Fémina qu’il obtient, il entre véritablement dans la carrière d’écrivain.

Rivière est le directeur des opérations postales en Amérique du Sud. C’est par son témoignage que Saint-Exupéry nous fait connaître les aventures à hauts risques de ces hommes (pilotes, radios, mécaniciens) qui assurent les liaisons entre continents par des vols de nuit qui permettent de gagner du temps sur les transports terrestres. Rivière, pour mener à bien sa tâche de responsable, se montre impitoyable vis-à-vis des éventuelles faiblesses de ses hommes : « Le règlement, pensait Rivière, est semblable aux rites d’une religion qui semblent absurdes mais façonnent les hommes. Il était indifférent à Rivière de paraître juste ou injuste».

La dramatisation du récit intervient lorsque le pilote Fabien est en grande difficulté du fait des intempéries au-dessus de la Patagonie. Il s’égare, les communications ne passent plus et sa réserve de carburant s’épuise. Perdu pour perdu, il monte, au- delà de l’orage, vers les étoiles : « Pareils à ces voleurs des villes fabuleuses, murés dans la chambre aux trésors dont ils ne sauront plus sortir. Parmi des pierreries glacées, ils errent, infiniment riches, mais condamnés ».

Au sol, Rivière ne sait pas trouver les mots devant l’épouse de Fabien dévastée par l’angoisse, sans nouvelles de son mari. Afin d’accomplir sa tâche de chef, il se place en quelque sorte en dehors de l’humanité : « Je ne sais pas si ce que j’ai fait est bon. Je ne sais pas l’exacte valeur de la vie humaine, ni de la justice, ni du chagrin. Je ne sais pas exactement ce que vaut la joie d’un homme. Ni une main qui tremble. Ni la pitié, ni la douceur… ».

Le préfacier de l’époque, André Gide, s’extasie devant les qualités viriles du chef. Heureusement, la littérature permet, lorsqu’elle est bonne, une lecture plurielle : nous lisons ici bien plus les interrogations de Rivière sur les fondements de son humanité que les louanges sans nuances du dévouement, du courage et de la volonté à diriger.

Andreossi

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