Superbe. Tel est le mot qui vient aux lèvres en sortant, émerveillé et ravi, de la rétrospective à voir absolument au Grand Palais d’ici le 6 janvier prochain.
Première grande exposition depuis 40 ans de l’œuvre du peintre (mais aussi graveur et sculpteur) disparu il y a 50 ans, l’exposition, en près de 240 pièces, essentiellement des peintures, est une découverte pour une grande partie du public.
Non que la peinture moderne soit absente des grandes manifestations parisiennes – loin de là – mais ces dernières décennies ont bien davantage mis en valeur des artistes comme Picasso ou Matisse que Georges Braque, dont la production, déroulée sur plus de 50 ans, de 1907 à sa mort en 1963 a été extraordinairement riche.
Héritier d’abord des Fauves, puis surtout de Cézanne, Braque a été avec Picasso l’inventeur du Cubisme, le pionnier dans le collage sur toile, initié dès les années 1910, puis n’a cessé de poursuivre ses recherches formelles sans jamais se couper de la figuration.
Ce qu’il y a de passionnant dans son œuvre, c’est qu’elle échappe à toute simplification, au résumé. Elle reste ambiguë, mystérieuse, à explorer encore et encore.
Alors même qu’il est un chercheur habité de thématiques obsessionnelles, il n’y a rien de systématique, de prévisible dans l’œuvre de Braque.
Il semble rejeter la couleur au profit de la forme et du modelé ? Il laisse pourtant la place à de superbes camaïeux de bruns et de verts, avant de laisser revenir sur sa toile des contrastes de couleurs, non pas vives comme à ses débuts empreints de l’influence de Matisse, mais néanmoins très présentes, comme le jaune citron ou le rouge amarante.
Il bouscule la figuration pour rechercher à travers le Cubisme la représentation multi-dimensionnelle ? C’est pour mieux, quelques années plus tard, plaquer sur la toile des papiers peints puis des lettres, motifs à plat s’il en est.
Il semble, dès sorti de sa période fauve, abandonner définitivement le paysage ? Que nenni, il y reviendra – et avec quel talent, quelle épure – dans ses dernières années.
Il rejette le classicisme avec force ? C’est pour mieux rendre hommage, toile après toile, après Chardin puis Cézanne, à la nature morte, avec moult compotiers, pichets et autres poissons morts.
Quant à l’esthétisme de la peinture, que tout moderne qu’il est il jette aux orties, il le ménage malgré tout en plaçant parfois sur ses toiles de belles plages décoratives.
Et, à côté de cela, il a ses récurrences, comme l’omniprésence de la musique – guitares, mandolines et pianos à foison – mais aussi de la poésie ou encore de la peinture elle-même, avec palettes et tableaux, très présents dans sa série des Ateliers évidemment.
Quand il peint des personnages, ce sont soit des nus féminins (magnifiques, auxquels ont peut ajouter les étonnants Canéphores), soit des hommes mélancoliques (poignantes toiles peintes pendant l’Occupation), soit des héros grecs (quelle puissance !).
Son amitié avec Picasso, compagnon de route du Cubisme, avec Paulhan (qui l’a baptisé "le Patron") et avec Satie, Normand comme lui, sa collaboration, à travers des recueils illustrés, avec les poètes Pierre Reverdy et René Char sont rappelées. Son installation à Varengeville (où il est enterré, dans le cimetière marin) est également évoquée.
Le thème de l’oiseau (qu’il a introduit au Louvre en 1953) et son absolu lyrisme concluent joliment cette rétrospective en tous points réussie, au parcours chronologique et à la scénographie claire et sobre qui laissent toute leur place, sinon à la compréhension, du moins à l’admiration des œuvres de cet immense peintre.
Georges Braque
Galeries nationales du Grand Palais
Av. Winston-Churchill – Paris 8ème
Jusqu’au 6 janvier 2014
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Image : Grand Nu, hiver 1907- juin 1908. Huile sur toile ; 140 x 100 cm. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, dation Alex Maguy-Glass, 2002. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist.RmnGrand Palais / Philippe Migeat, © Adagp, Paris 2013