Prix Goncourt 1920. Nêne, Ernest Perrochon

Nêne est une jeune femme célibataire qui devient servante chez Corbier, agriculteur veuf, père de deux jeunes enfants. Nêne s’attache beaucoup à ces enfants et pense même, assez vaguement, que si elle se mariait avec le maître… Mais celui-ci est follement amoureux d’une belle couturière du village, Violette, aguicheuse d’homme s, dont le propre frère de Nêne, lequel, victime d’un accident du travail perd tout espoir de conquérir Violette.

Le Goncourt 1920 ainsi résumé présente bien les caractéristiques du mélo que l’on peut attendre d’un tel canevas. Et de ce point de vue, nous restons dans le mélo jusqu’au bout des malheurs de Nêne, dépossédée de l’amour de « ses » petits par Violette qui prend possession de la maisonnée de Cordier. Le lecteur reste sur des bases solides, avec des bons vraiment très bons (et bien sûr spoliés) comme Nêne, et des méchants vraiment méchants comme Boiseriot le parrain de la belle couturière.

Au-delà d’un récit destiné à faire pleurer dans les chaumières, le roman a l’originalité de décrire une région de Vendée, où trois groupes religieux cohabitent avec plus ou moins de bonheur : catholiques, protestants mais aussi « dissidents », appelés ailleurs « réfractaires », les descendants de ceux qui n’ont pas accepté le Concordat entre Napoléon et le Pape en 1801. Les familles, les alliances, se distinguent selon ce critère essentiel.

Le vocabulaire de Perrochon donne un certain charme au livre, avec ses mots vieillots mais évocateurs, ainsi lorsqu’il nous décrit les dissidents : « Maintenant qu’on ne les poignait plus, ils se gringaçaient entre eux. Portés vers l’instruction, ils discutaient les idées nouvelles et aussi leurs croyances. Suivant, puis dépassant les pasteurs libéraux, beaucoup coulaient doucement vers l’irréligion ».

La société rurale faite de désirs individuels et de vie très collective apparaît très vivante, en particulier en ces moments de travail et de fête étroitement mêlés que sont les moissons : vie sociale disparue seulement dans les années dix-neuf cent soixante et que les pages de Perrochon rappellent aux lecteurs les plus anciens, toujours à l’aide d’un vocabulaire très imagé : « Ayant mis sur la table un quartaut de vin, ils le vidaient bellement, sans souci de la dépense, hauts en crête et l’œil rond, chauds du bec comme des coqs en jabotés ».

Andreossi

Nêne, Ernest Perrochon

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