L'âge d'or de la presse. Du Petit Parisien au Parisien Libéré

Le Petit ParisienAu fil de quatre billets (des 3 mai, 17 mai, 23 mai et 30 mai), nous avons suivi la conférence sur l’âge d’or de la presse au XIXème siècle tenue à la Bibliothèque nationale de France le 26 avril dernier par Philippe Mezzasalma.

Il est temps désormais de clôturer ce cycle en y ajoutant un appendice inclus dans la conférence : l’aventure exemplaire du Petit Parisien, lequel faisait partie des quatre titres, avec le Matin, le Journal et le Petit Journal qui se partageaient le lectorat sous la IIIème république.

Le Petit Parisien est créé en 1876 sous les couleurs du parti Radical. En 1880, il est racheté par un publicitaire, Paul Piégut qui inaugure une nouvelle ère avec des campagnes d’affichage, des tracts dans la rue, et, dans la veine de ce qui se pratique aux Etats-Unis, le lancement de concours.
A sa mort en 1888, Jean Dupuy poursuit dans cette direction. Il organise par exemple un concours à partir de la photographie d’une bouteille remplie de grains de blés. Les lecteurs étaient invités à deviner le nombre de grains que cette bouteille contenait. 1,5 millions de participants tentèrent leur chance !
Il organise également des référendums, par exemple sur la peine de mort : le journal reçut 1,4 millions de réponses.
Il met en place le patronage d’activités sportives, le vélo notamment.
Il lance également des souscriptions d’aides lorsque surviennent des catastrophes dans les mines.
Il organise des campagnes de vaccination gratuite pour les abonnés dans les locaux du journal …
Il finit par écraser les concurrents, et crée même de nouveaux titres.

L’impact idéologique du Petit Parisien fut très fort sur les mentalités, sur une certaine idée de la république laïque, sur la reconquête de l’Alsace-Lorraine.

Dans l’entre-deux-guerres, le quotidien, qui possédait déjà une quinzaine de titres, rachète des journaux, prend des participations dans d’autres.
Il devient un véritable groupe.
Son ton politique est modéré et prudent. Il est réservé vis-à-vis des socialistes mais de plus en plus opposé aux conservateurs.
Beaucoup d’articles sont « signés » sous pseudonyme collectif, mais en réalité écrits par André Tardieu.

Dans les années 1930, soucieux de la menace nazie, il est obligé d’affirmer son point de vue politique. Il soutient le Front Populaire et le gouvernement Blum jusqu’en 1938.
Mais à la fin de la Guerre d’Espagne, comme La Dépêche du Midi, le journal aura un discours très virulent. Par peu du communisme il sera partisan de la chute du cabinet Blum.

Lors de la déclaration de guerre, il fait le choix de rester à Paris, de se maintenir avec la nouvelle situation. Il se retrouvera alors piégé dans la collaboration.

A la fin de la guerre, il sera totalement épuré, repris en main. Il deviendra Le Parisien libéré.

L’âge d’or de la presse
Cycle Histoire du livre, histoire des livres
Conférence de Philippe Mezzasalma,
Département Droit, Economie, Politique
Conférence du 26 avril 2007
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L'âge d'or de la presse : panorama (4/4)

le petit parisienFin de la série L’âge d’or de la presse avec un petit panorama des tirages et des catégories de journaux à la fin du XIXème siècle.

La presse quotidienne nationale, qui se recoupe avec la presse quotidienne de Paris, est la presse traditionnellement la plus importante.

En 1870, elle compte 33 titres tirant à 470 000 exemplaires. Si on compte la « petite presse » (journaux satiriques et littéraires) on dénombre 600 000 exemplaires.
Vingt après, on est passé à 70 quotidiens pour un tirage total de cinq millions d’exemplaires !
Mais après 1914, les tirages déclineront.

Quant aux quotidiens de province, leurs tirages ont été multipliés par 10 entre le début de la IIIème République et 1914, pour atteindre 4 millions d’exemplaires à cette date !

Par ailleurs, différentes catégories de journaux peuvent être dressées en fonction de leur ligne politique.

La presse conservatrice : les journaux légitimistes et bonapartistes subissent le contre-coup du développement de la presse.
On ne voit pas apparaître de journal populaire conservateur. Ces journaux tiennent à un niveau littéraire très élevé, refusent de traiter les faits divers et de publier tout roman sentimental. Par ailleurs, sur un plan politique, l’église refuse dans un premier temps de s’investir dans la presse quotidienne. Enfin, les états-majors conservateurs ont un grand mépris pour le métier de journaliste …
L’Union, France nouvelle périclitent en même temps que le mouvement royaliste.
Survivent Le Gaulois et Le Constitutionnel.

Le Figaro, créé en 1826, est un journal satirique au départ. Il devient quotidien en 1866 et bénéficie alors d’un succès incontestable, pour la qualité de ses rubriques culturelles, ses reportages, sa façon de traiter les faits divers sur un plan sociologique, son humour féroce.

La presse républicaine : la volonté de gagner l’électorat populaire par ce moyen-là entraîne la floraison de journaux peu chers à forts tirages.

Le Temps a un parti pris de neutralité mais il est considéré à l’étranger comme la voix officielle du quai d’Orsay. Les commentaires politiques, très doctes, dus notamment à la participation de rédacteurs juristes lui valent un succès certain. Il va monter en puissance et devenir le journal de la petite bourgeoisie.

Enfin, quatre grands journaux populaires se partagent le lectorat : Le Matin, Le Petit Journal, Le Petit Parisien et Le Journal.

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Image : Le Petit Parisien, carte postale ancienne, série Journaux et lecteurs.

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L'âge d'or de la presse : vers de nouveaux publics (3/4)

petit journalLa presse connaît une telle révolution à la fin du XIXème siècle qu’on parle « d’âge d’or de la presse ».

Il faut souligner que d’autres progrès que ceux liés directement aux innovations techniques (voir billet De nouvelles entreprises de presse) favorisent de tels succès.

Ainsi, le développement du chemin de fer et de l’automobile, mais aussi l’extension des points de vente des quotidiens parisiens permettent un réseau de diffusion extraordinairement plus étendu et efficace.
Le Petit Parisien comptait par exemple 20 000 points de vente en 1910.

Les nouvelles conditions de fabrication permettent d’amortir les coûts assez rapidement, ce qui autorise des prix de vente plus attractifs. Les journaux républicains en particulier font le choix de prix à bon marché afin d’assurer une meilleure diffusion de leurs idées.
En 1863, est lancé le Petit journal à un sou.
Ainsi, alors que jusqu’alors les journaux étaient réservés à une clientèle d’abonnés riche et cultivée, les prix très bas permettent à cette nouvelle presse de pénétrer dans les milieux populaires.

La presse d’information générale bénéficie en outre de l’évolution de l’instruction publique dans les années 1880. Les ouvriers alphabétisés se précipitent sur ces journaux peu chers vendus dans la rue ; il n’est plus besoin de se rendre dans une bibliothèque ou une librairie pour y accéder.

Mais on peut aussi ajouter à cet engouement une raison « de fond », liée à l’actualité : le besoin d’informations au moments des conflits majeurs de la fin du siècle (affaire Dreyfus en 1894, conflits religieux).
Seul bémol à cette époque : les campagnes, où la lecture des quotidiens est moins répandue. Ce ne sera qu’après la guerre que la pratique massive des journaux s’y développera.

L’apparition de nouveaux publics plus populaires engendre la prise en compte de leurs goûts supposés : le style est simplifié, les maquettes aérées. Des jeux voient le jour, le traitement des faits divers se développe.

On assiste à de grands changements également au niveau des journalistes. Auparavant, ceux-ci se targuaient de ne pas êtres des techniciens de l’information mais des hommes littéraires. Cela étant, peu à peu les journalistes se professionnalisent. La technique du reportage apparaît, au départ simplement autour des faits divers. Va également se développer la fonction de correspondant sur place, pour « la vie en région » et, plus rarement, pour l’international (Le Temps est un des rares journaux à envoyer des correspondants à l’étranger). Enfin, signe de professionnalisation, les premiers regroupements et les premiers syndicats apparaissent à la fin du siècle.

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Image : Supplément illustré du Petit Journal du 10 avril 1898, « En mer, essai de pigeons voyageurs ». Le capitaine Reynaud fait une expérience à bord du transatlantique La Bretagne reliant Le Havre à New-York, visant à apprécier les services que les pigeons voyageurs peuvent rendre à la navigation et au transport de dépêches : les essais sont satisfaisants mais le parcours que peuvent fournir les pigeons est assez limité, surtout si les conditions météorologiques sont défavorables.

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L'âge d'or de la presse : de nouvelles entreprises de presse (2/4)

voyages présidentielsSuite de la conférence à la Bibliothèque nationale de France sur l’âge d’or de la presse au XIXème siècle.

La révolution industrielle n’est pas sans influence sur le travail de fabrication des journaux.

Durant les vingt dernières années du XIXème siècle, l’évolution des machines va permettre en effet une production industrialisée. (voir billet du 11 avril 2007 sur l’histoire du livre).

La composition typographique n’est plus réalisée manuellement, ce qui fait gagner un temps considérable, sans compter, pour l’impression, l’utilisation des rotatives. Les rendements augmentent au point d’atteindre 20 000 exemplaires par heure.

Ces progrès techniques sont une révolution pour les quotidiens de Paris tout particulièrement : ils peuvent désormais sortir plusieurs éditions par jour, ainsi que des éditions de province, avec des pages, voire des colonnes différentes selon les régions.

L’accroissement de la pagination est elle aussi rendue possible : on passe du quatre pages au huit pages puis au douze pages. Ce qui veut dire qu’un nombre plus important de rubriques est désormais autorisé. Ainsi, les thèmes se diversifient, avec notamment des pages consacrées à la culture (critiques théâtrales, critiques musicales etc.).

En revanche, l’illustration pose d’autres problèmes car la gravure nécessite un temps de presse plus long. Elle sied donc mal aux quotidiens. Dès lors, les illustrations se concentrent dans les hebdomadaires : L’Illustration, Le Magasin pittoresque notamment ; ou bien dans des suppléments mensuels des journaux. Articles et illustrations ont donc généralement des supports distincts.

L’utilisation de ces nouvelles technologies nécessite des investissements considérables, donc la mise en place de véritables entreprises de presse. Celles-ci vont privilégier les moyens propres à produire un « journal moderne ».
Pour cela, il s’agit avant tout d’être proche des sources de l’information.
C’est ainsi que ces entreprises s’établissent dans des quartiers proches du pouvoir : le Petit journal s’installe rue de Richelieu, rue Lafayette et rue Cadet, Le Petit Parisien rue d’Enghien, Le Journal, rue de Richelieu également … les localisations sont très concentrées.
Ensuite, pour avoir les informations en direct, il faut disposer du télégraphe (le reportage est tout juste en train de naître).
Enfin, les bâtiments des entreprises de presse abritent à la fois l’administration, les archives, les salles de rédaction, mais aussi leurs imprimeries. Certains iront même jusqu’à créer leur papeterie, comme le Petit journal.

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Conférence du 26 avril 2007
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Image : album de la série Voyages présidentiels illustrés par Paul Boyer, photographe officiel de la Présidence (Sadi Carnot) : série de planches photographiques simplement légendées (1889, E. Dentu, libraire et éditeur de la société des gens de lettres à Paris).

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L'âge d'or de la presse : la liberté de la presse (1/4)

liberté de la pressePour continuer l’histoire du livre initiée il y a plusieurs mois, on explore aujourd’hui un phénomène un peu à part avec l’âge d’or de la presse.

A part puisque, si le journal fait partie du champ éditorial, il s’en diffère toutefois par son caractère éphémère – il s’agit de diffuser l’information d’un événement – et une forme matérielle elle aussi forcément éphémère.
Son matériau de qualité médiocre fit d’ailleurs qu’il fut pendant longtemps inconcevable de chercher à le conserver.

On parle de l’âge d’or pour la période allant de 1880 à la première Guerre Mondiale, années durant lesquelles la presse connut des bouleversements sans précédent.

La révolution industrielle y est pour beaucoup avec l’arrivée des rotatives qui permettent la mécanisation de métiers qui étaient jusqu’alors artisanaux.

Mais c’est aussi au niveau des contenus que la révolution s’opère.

Son premier déclencheur est la levée d’un obstacle juridique de taille : le contrôle très serré qui s’exerçait sur la presse sous le Second Empire.

Le 29 juillet 1881 est votée la loi sur la liberté de la presse. Il s’agit de la première des grandes lois de la III° République sur les libertés publiques.

Sont ainsi supprimées toute une série de textes liberticides, les autorisations diverses, au premier chef desquelles l’autorisation de publication.
Les mesures administratives sont également simplifiées : seule la déclaration a posteriori du titre et de ses principales caractéristiques est désormais exigée.

Sont également instituées les libertés de l’affichage et celle de la vente sur la voie publique. Cette dernière nouveauté n’est pas sans importance car elle permettra une diffusion des journaux non plus seulement sur abonnement mais également par colportage et ensuite dans les kiosques.

C’est donc un carcan incroyable qui est levé grâce à cette loi. Il n’y a d’ailleurs qu’à consulter les journaux de l’époque, que ce soit La Croix, Le Figaro ou autres, pour être frappé par la violence des propos …

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Image : L’Aurore du 13 janvier 1896

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L'histoire du livre au XIX° siècle. L'essor de la production (3/4)

manuel Roret du ParfumeurAu cours du XIX° siècle, période de la "deuxième révolution" du livre, la production connait un essor considérable et dans le même temps se renouvelle.

Jusqu’au début du XIX°, le tirage moyen d’un livre se situe entre 1000 et 1500 exemplaires, sauf pour certains livres religieux comme les livres de messe par exemple.

Au milieu du siècle, grâce aux collections à bon marché, les ouvrages d’Eugène Sue Les mystères de Paris et Le juif errant seront tirés à 60 000 exemplaires.

Ces tirages s’accompagnent de l’émergence d’une forme nouvelle : la publication en feuilletons…

Mais toutes les œuvres qui font aujourd’hui l’image du XIX° s. n’ont pas connu de tels succès : Le Rouge et le Noir, par exemple, n’est tiré qu’à 750 exemplaires !

Par ailleurs, les contenus sont profondément renouvelés.

Certains domaines sont restés traditionnels, comme l’édition religieuse, dont la production a augmenté comme les autres secteurs, mais a diminué en importance relative. Mais leurs éditeurs ont complété leur production par de la littérature scolaire ainsi que de la littérature pour enfants, bien pensante.
Le domaine de l’histoire a dû résister en tournant ses productions vers les mémoires. Michelet n’a connu de grands tirages que grâce à la publication dans des collections à bon marché.

Dans la littérature, on assiste également à un reclassement des contenus : la poésie perd du terrain ; le théâtre se maintient jusqu’à la fin du XIX° siècle. Mais la production majeure concerne désormais le roman.

Cette période va assister à la floraison d’un nouveau genre : la littérature pratique. Les manuels Roret seront très répandus, tels le Nouveau manuel du limonadier, du glacier, du chocolatier et du confiseur ou encore le Manuel complet de la cuisinière bourgeoise

Suite et fin la semaine prochaine avec les nouvelles stratégies de diffusion du livre …

Nouveau livres, nouveaux publics au XIX° siècle.
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Cycle Histoire du livre, histoire des livres
Conférence d’Eve Netchine,
Service de l’inventaire rétrospectif
Conférence du 5 avril 2007

Image : Manuel du Parfumeur, Marie Armande Jeanne Gacon-Dufour, Manuels Roret, Libr. Encyclopédique Roret, 1825

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L'histoire du livre au XIX° siècle. De nouvelles stratégies de diffusion (4/4 )

affiche librairieProduction industrialisée, essor des tirages, évolution des contenus, apparition des "éditeurs", la révolution que connaît le livre au XIX° siècle se manifeste également dans de nouveaux modes de diffusions, de nouvelles techniques de vente.

En trente ans, entre 1870 et la fin du siècle, le réseau traditionnel de colportage, hérité de l’Ancien Régime, va disparaître.

Les librairies, de leur côté, évoluent considérablement : on passe du comptoir auquel on doit s’adresser et qui empêche de circuler entre les rayons, à des librairies d’un type complètement neuf, où les clients peuvent circuler librement, feuilleter les libres exposés sur des tables… Il s’agit d’un nouveau monde du commerce, un monde de sociabilité , où on peut rentrer pour acheter, ou ne pas acheter.
C’est toute l’ambiance que Zola a décrite dans Le Bonheur des Dames.

Les libraires se mettent à afficher des publicités de livres (les lithographies mises au point par Jules Chéret notamment). Les catalogues se transforment, pour devenir de véritables vitrines de l’offre de livres.

Les éditeurs peaufinent également leur stratégie pour vendre directement au client. Ils promettent par exemple des cadeaux de fidélité à ceux qui achèteront une série complète (flacon de parfum, montre …).
Bien entendu, ces procédés déclencheront l’ire des libraires …

A côté des "nouvelles" librairies, subsistent les cabinets de lecture, institués au XVIIème siècle. Ce sont des boutiques de livres, qui permettent soit d’acheter, soit d’emprunter, soit de lire sur place un livre.
Cabinets privés, ils sont en général tenus par des libraires. Leur clientèle est constituée de la petite bourgeoisie, artisans, commerçants, rentiers modestes. Leur offre fait une belle part au roman, leurs horaires sont très étendus ; ils ont joué un grand rôle dans le développement de la lecture à une époque où les bibliothèques ne pouvaient proposer une offre suffisante.

Mais ces lieux, tout comme le colportage, étaient considérés comme dangereux par les autorités, car on y trouvait "le meilleur comme le pire".
Les pouvoirs publics se sont alors servi des écoles, des instituteurs et des enfants, pour mettre en place les bibliothèques d’école et y diffuser des livres spécialement édités pour cet usage …

Nouveau livres, nouveaux publics au XIX° siècle.
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Conférence d’Eve Netchine,
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Conférence du 5 avril 2007
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Image : Librairie Sagot, lithographie de Jules Chéret (1891)

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L'histoire du livre au XIX° siècle. L'industrialisation de la production (1/4)

rotatives MarinoniAu XIXème siècle a lieu ce qu’on a l’habitude d’appeler la "deuxième révolution du livre", après celle de Gutemberg.

Mais il s’agit d’une révolution progressive, qui s’est étendue de 1840 à 1870.

De nouvelles technologies sont avant tout mises en œuvre.
Elles concernent d’abord le papier, qui pesait alors très lourd dans le prix du livre.
En 1799, Nicolas Robert a déposé le brevet du papier en rouleau, remplaçant le "feuille à feuille" : il permet d’importantes économies, en particulier de main d’œuvre.
Par ailleurs, le chiffon est remplacé par d’autres matières premières, notamment la paille.
Surtout, à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1867, la profession entérine l’usage du bois, qui plus tard sera rentabilisé par l’utilisation de nouvelles machines.
Le domaine de l’imprimerie n’avait en effet pas connu d’innovation majeure depuis Gutemberg : au début du XIX° siècle, on se servait toujours de presses à bras…
Vont être mises en œuvre au cours du siècle la stéréotypie (1), la presse hand scope, en métal, qui, avec son large plateau permet de tirer de grands formats et donc d’augmenter de façon importante la production (une centaine de feuilles à l’heure).
Mais l’innovation la plus marquante est la mise au point de la rotative, en 1872. Cette technique, qui permet de rendre mille feuilles à l’heure, a d’abord été utilisée pour la production de journaux, le Times notamment. C’est d’ailleurs pour cette raison que le terme de presse a fini par désigner aussi les journaux !

Les procédés évoluent également du point de vue de l’image, avec la mise en place de la lithographie : elle permet à l’artiste de graver directement, d’où une plus grande expression personnelle.
Agrandissant les formats, Jules Chéret adapte la technique de la lithographie à l’affiche : il met ainsi la lithographie à la disposition des publicités, en particulier pour les livres, qui seront installées dans les librairies.
Son style aurait inspiré Vuillard, Bonnard, Henri de Toulouse-Lautrec.

Avec cet ensemble d’innovations, le monde du livre a changé d’échelle au XIX° siècle : on est passé de petits ateliers à de véritables usines.
La profession va considérablement évoluer elle aussi, avec l’apparition de nouveaux personnages : ce sera "Le temps des éditeurs."
A suivre …

Nouveau livres, nouveaux publics au XIX° siècle.
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(1) La stéréotypie consiste à mouler, dans de l’argile par exemple, les caractères. A partir de ces moules, on réalisait des plaques en plomb, qui pouvaient être conservées et réutilisées. Mais la stéréotypie sera "tuée" par la rotative.

Image : rotative Marinoni.

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L'histoire du livre au XIX° siècle. Le temps des éditeurs (2/4)

CharpentierDans un contexte d’industrialisation de la production du livre, de nouvelles personnalités font leur apparition : les éditeurs, autour desquels la production se réorganise.

Jusqu’au XVIII° siècle, on ne distinguait pas, dans les professions, entre éditeurs et libraires.
La situation change radicalement au XIX° siècle : le rôle de l’éditeur se transforme, il devient le lien entre auteurs, imprimeurs, libraires et lecteurs.
Il a recours à des moyens financiers importants, notamment par l’emprunt. Il construit désormais une véritable politique éditoriale.

Ainsi, au cours du siècle, apparaissent de grands noms encore très connus aujourd’hui : Calmann-Lévy, Louis Hachette, Casterman …

Mais le père de l’édition moderne est Gervais Charpentier. Il fut l’un des premiers à décider de produire des livres à bon marché. Il réduit les formats, fait imprimer sur deux colonnes, et parvient ainsi à diviser le prix du livre par quatre.

Michel Lévy – et à sa mort, Calmann-Lévy -, continue les coups de génie de Charpentier. Au départ éditeur de théâtre, il se lance dans la littérature avec des contrats très longs lui permettant de s’attacher les auteurs (George Sand, Zola notamment), finissant par acheter l’exclusivité des droits d’Alexandre Dumas. En outre, pour un même titre, il multipliait les collections en échelonnant les prix.

D’un autre genre, Louis Hachette, après avoir acquis un petit fonds dans le quartier latin, a misé sur des domaines en extension : la littérature pour enfants avec les Bibliothèques Rose et Verte, les livres scolaires (grâce à des contrats avec le ministère de l’instruction) ; il a également suivi le développement du réseau des chemins de fer en mettant à la disposition des voyageurs toutes sortes de livres, y compris des guides des voyage.

C’est ainsi qu’en concentrant bien des rôles entre ses mains, ce qui est nouveau, l’éditeur devient le maillon central de la chaîne du livre.
Rôle qui aura d’autant plus de portée que le XIX° siècle connaîtra un essor considérable de la production de livres.
A suivre …

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Image : Scènes de la vie de province, Honoré de Balzac. Paris, Charpentier, 1839

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Le livre au Grand Siècle. Sous l'emprise de la Monarchie absolue (4/4)

Suite et fin de la conférence sur l’histoire du livre au XVII° siècle

vierges sagesL’épisode d’insubordination de La Fronde précipite la reprise en main par le pouvoir central des Parlements de province, et donc des libraires.

Louis XIV et ses ministres remettent de l’ordre dans les métiers du livre parisiens (l’instauration d’un numerus clausus fait disparaître les petits ateliers), y placent des « personnages de confiance ».
Sébastien Cramoisy, un des plus grands imprimeurs-libraires du XVII° siècle sera imprimeur du roi, de la Compagnie de Jésus, des Hôpitaux, et le premier directeur de l’Imprimerie royale à sa création en 1640 ; Antoine Vitré est également imprimeur-libraire du roi et du clergé.
Cette nouvelle élite de libraires parisiens exerce auprès du roi un véritable lobby pour écarter au maximum la concurrence de la province.
Pour favoriser ses protégés, la grande Chancellerie royale utilise alors l’arme des privilèges de librairie : concédés par le roi, ils assurent à leurs bénéficiaires un monopole temporaire.
Mais les Parlements de province en avaient octroyé également : Louis XIV, avec l’aide de ses intendants tente d’y mettre bon ordre et renouvelle les privilèges royaux pour des durées de plus en plus longues.
A la fin du XVII° et au XVIII° siècle, la continuation des privilèges sera la norme : transmissibles, ils assureront aux éditeurs parisiens une véritable « rente éditoriale ».

Un autre aspect de la politique culturelle centralisatrice de Louis XIV est l’institution d’une série d’établissements stables destinés à encadrer la vie de l’esprit, à Paris en particulier : l’Académie française, créée par Richelieu en 1635, l’Académie royale, le réseau des Académies royales, l’Observatoire de Paris, la Comédie française.
Ils s’ajoutent à des institutions plus anciennes comme le Collège royal, le Jardin du Roy, où travaillent des savants chargés de l’histoire naturelle.
Louis XIV instaure également les pensions, qu’il octroie à des gens de lettres, des savants ; la censure préalable (l’Académie française est une pépinière de censeurs mis à la disposition de la Chancellerie pour examiner les livres) ; la confiscation des périodiques (les journalistes et rédacteurs sont choisis par le roi, notamment au sein de la même Académie …).

Progressivement, le roi devient donc le mécène unique de la vie culturelle nationale.

De leur côté, les auteurs – Boileau, les frères Corneille, Molière, les frères Perrault …– ont approuvé cette dépendance, qui était le moyen pour eux d’obtenir le plus grand rayonnement possible et la garantie d’une reconnaissance sociale.

Si les auteurs classiques ont joué le jeu, l’absolutisme royal va conduire les plus audacieux à se réfugier dans les marges. Deux possibilités s’offrent alors aux non-conformistes : la clandestinité provinciale (ce sera le cas de Pierre Le Pesant de Boisguilbert, lieutenant général de police de Rouen, écrivain fondateur de l’économie politique, mais aussi du Maréchal Vauban) ou la clandestinité étrangère.
Se font ainsi publier à l’étranger : Antoire Arnauld, dit « le Grand Arnauld », théologien, chef de file du parti janséniste ; Richard Simon, fondateur de la critique biblique ; Antoine Furetière, abbé, écrivain et lexicographe : son dictionnaire, concurrent du dictionnaire royal, est mal vu en France. Il confie donc le manuscrit aux Pays-Bas.
C’est pourquoi son Dictionnaire universel, pionnier de la lexicologie française est d’abord édité à l’étranger !

A Rouen, avec l’aide des pouvoirs locaux, les imprimeurs-libraires essaient de battre en brèche les privilèges parisiens : sont ainsi mis sur le marché, en toute illégalité, des ouvrages peu chers, copies des éditions parisiennes, mais aussi des éditions prohibées.
Cette opposition, à la fin de la monarchie de Louis XIV, entre les imprimeurs locaux et l’Imprimerie royale entraîne des perquisitions, saisies, procès, embastillements …

Jusqu’à ce qu’en 1709 l’abbé Bignon, directeur de la Librairie près le chancelier de France, considérant que cette situation va finir par perturber le royaume, décide d’instaurer des tolérances, qui sont des permissions tacites, des autorisations d’imprimer délivrées par la direction de la Librairie, sans pour autant que la mention de celle-ci y figure.
Cette situation, un peu hypocrite, durera tout au long du Siècle des Lumières, notamment sous la direction de Malesherbes.

Le livre au Grand Siècle.
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Conférence de Jean-Dominique Mellot,
Service de l’inventaire rétrospectif
Conférence du 8 mars 2007
Le découpage et le titre sont le choix de Mag

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