Non ma fille tu n'iras pas danser. Christophe Honoré

Non ma fille tu n'iras pas danser, Christophe HonoréC’est une œuvre sombre, dans laquelle Christophe Honoré, après trois films « parisiens » très séduisants, fait un détour par la Bretagne pour aborder avec une force inouïe les difficultés d’existence d’une jeune femme d’aujourd’hui.

Léna, interprétée par une Chiara Mastroianni enfin placée au centre de la pellicule, mère de deux jeunes enfants et séparée de leur père, vient passer quelques jours de vacances dans la maison familiale. L’y attendent mère, père, frère et sœur, bref toute sa tribu qui l’adore, mais qui en même temps lui en demande beaucoup, la juge, lui fait la morale et l’étouffe. Cerise sur le gâteau, sa chère mère, pensant savoir mieux que sa fille ce qui est bon pour elle et ses enfants, n’a pas trouvé meilleure idée que d’inviter en même temps l’ex-compagnon de Léna.

Léna se heurte à l’incompréhension de tous, à leurs excellentes intentions, mais qui sont, au fond, non dénuées d’une certaine perversité. Au départ elle résiste, renvoie chacun dans ses cordes, avant de vaciller peu à peu.
Surgit alors un conte breton du XIXème siècle, scène de noces dont l’héroïne épuise ses cavaliers jusqu’à trépas, les uns après les autres. A la fin de cette séquence littéraire audacieuse, très noire malgré costumes et musiques, l’on quitte définitivement la Bretagne pour basculer dans la seconde partie du film. Elle se déroule entièrement à Paris, dans la grisaille ou la nuit. Léna y est confrontée à d’autres obstacles, le quotidien avec ses enfants, une patronne très dure vis-à-vis de la mère célibataire qu’elle est, un amoureux trop jeune, un ex-compagnon trop « vieux ». La famille continue de graviter autour d’elle ; la sœur si puissante s’effondre ; la reine-mère avoue des renoncements passés…
A travers le personnage de Léna, le regard de Christophe Honoré sans concession sur notre société dite moderne met à cru les difficultés des femmes devant l’impérieuse nécessité d’être – entre autres – de « bonnes mères ». Si Léna donne l’impression d’en être une, proche et à l’écoute de ses enfants, on la voit rongée petit à petit par le doute sous les coups de boutoir extérieurs.
Etre mère, fille, sœur, compagne, et bonne employée : comment être tout cela à la fois, comment répondre à toutes les attentes, et, au milieu de ce maelström, où et comment placer sa liberté ? Cruelle question que Christophe Honoré pose magistralement, via une Chiara Mastroianni surprenante à chaque plan, magnifique, bouleversante.

Non ma fille tu n’iras pas danser
Un film de Christophe Honoré
Avec Chiara Mastroianni, Marina Foïs, Marie-Christine Barrault, Jean-Marc Barr,
Fred Ulysse, Julien Honoré
Durée : 1 h 45 mn

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La belle personne. Christophe Honoré

La belle personne de Christophe HonoréA quoi sert La Princesse de Clèves, sauf à encombrer l’esprit de fonctionnaires inconséquemment recrutés ?
A quoi sert la littérature, cette tortionnaire d’enfants, toujours prête à d’inutiles finasseries, alors que les réponses aux questions du monde d’aujourd’hui sont paraît-il si simples ?

Christophe Honoré, concluant sa belle trilogie parisienne, fournit avec cette libre adaptation de La Princesse de Clèves un début de réponse.
Avec lui, la Princesse s’appelle Junie, a seize ans et fréquente en ce début du XXIème siècle un lycée de l’ouest parisien. Et grâce à cette Belle personne, les sentiments semblent traverser les siècles sans l’ombre d’une poussière.
C’est que depuis Dans Paris, puis Les chansons d’amour et enfin avec celui-ci, Christophe Honoré pose et maîtrise à chaque fois davantage son film, pour accéder à une épure dans la mise en scène et dans l’expression des sentiments qu’il n’avait jamais atteinte.
Ici, tout se joue dans une poignée de plans parfois très courts, dans un regard à la dérobée, un visage bouleversé, des yeux perdus sous la vague du sentiment amoureux, l’espoir ou l’esquisse d’une étreinte.
Si le coeur et l’armature du film sont tenus par Junie, figure éternelle de l’amoureuse éprise d’absolu depuis Mme de Lafayette, le personnage central, au sens physique du terme, est certainement Nemours, le jeune professeur d’italien. Incarné par un Louis Garrel proprement magnétique, au contraire de Junie que le mystère et l’extrême exigence éloignent, Nemours est évidemment le personnage le plus proche, le plus humain. Face à une Princesse presque désincarnée (ce qui est d’autant plus talentueux de la part du metteur en scène et de Léa Seydoux que celle-ci a un physique précisément très charnel), Nemours concentre en ses traits l’irrésistible attirance, presque électrique, le désir et le trouble. Deux amoureux mus par une même intensité de sentiments mais que Junie rejettera dans l’absolu, l’empêchant de devenir terrestre.

La belle personne. Christophe Honoré
Avec Louis Garrel, Léa Seydoux, Grégoire Leprince-Ringuet
Durée 1 h 30
Le site officiel du film

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