Les expos à Paris au mois d'août

1900_expositionQue voir à Paris au mois d’août ? La ville, bien sûr, un magnifique spectacle en soi ! Mais si on a envie de découvrir des expositions, les propositions ne manquent pas. Voici une petite sélection… pas eu le temps de les voir toutes, loin de là :

Paris 1900 au Petit Palais jusqu’au 17 août (vue, non chroniquée, mais tout à fait conseillée !)

Unedited History (Iran 1960-2014) au Musée d’art moderne de la Ville de Paris jusqu’au 24 août

L’Orient-express à l’Institut du Monde arabe jusqu’au 31 août

Le mythe Cléopâtre à la Pinacothèque de Paris jusqu’au 7 septembre

L’Envol du dragon – Art royal du Vietnam au Musée Guimet jusqu’au 15 septembre

Mapplethorpe-Rodin au Musée Rodin jusqu’au 21 septembre

Masques, mascarades et mascarons au Musée du Louvre jusqu’au 22 septembre

Martial Raysse au Centre Pompidou jusqu’au 22 septembre

Libération de Paris : août 1944, Le combat pour la liberté, à l’Hôtel de Ville jusqu’au 27 septembre

Les plages à Paris selon Daumier – Parisiens en Seine d’hier à aujourd’hui à la Maison de Balzac jusqu’au 28 septembre

Jean-Baptiste Carpeaux au Musée d’Orsay jusqu’au 30 septembre

Les années 1950 au Palais Galliera jusqu’au 2 novembre

Paris libéré, Paris photographié, Paris exposé au Musée Carnavalet jusqu’au 8 février 2015

Liste non exhaustive bien sûr…

Très bel été à tous, à Paris ou ailleurs !

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Masculin/Masculin au Musée d'Orsay

Masculin Masculin au Musée d'Orsay

Pour sa grande exposition de rentrée, le Musée d’Orsay a réuni pas moins de 200 peintures, dessins, sculptures et photographies ayant pour sujet le nu masculin. Si les œuvres présentées les plus anciennes remontent au XVIIème siècle, avec Pierre Mignard et Georges de La Tour, la majorité d’entre elles couvre une période allant du XIXème à nos jours.

Le thème est inédit en France et, en commençant la visite, on a tendance à se dire – trop vite – que l’on comprend pourquoi : comme cela semble ennuyeux !
En fait, plus on progresse dans l’exposition, plus elle s’avère au contraire intéressante. Il faut dire que le parcours – thématique, qui se plaît à mélanger au maximum les époques et les genres dans une même salle – débute avec le nu académique, que l’on faisait apprendre à tout artiste élève aux Beaux-Arts. Or, rien ne ressemble davantage à un nu canonique qu’un autre nu canonique, quels que soient les prétextes (parfois les plus artificiels) dont ils sont entourés. Y compris ceux de Pierre et Gilles, avec leurs gadgets et leur esthétique publicitaire contemporaine. Point commun de tout ce fatras : zéro expression, zéro émotion, zéro intérêt.

Si cet idéal classique a effectivement perduré jusqu’à nos jours, d’autres artistes ont heureusement, aux XIXème et au XXème siècles cherché d’autres approches, notamment réalistes comme par exemple Rodin (voir son Balzac), ou sur une période plus récente le peintre Lucian Freud. Voir aussi certaines représentations des corps morts, au-delà des représentations christiques : à côté de l‘Egalité devant la mort de Bouguereau (1848), voici l’hyper-réaliste et terrifiant Père mort de Ron Mueck (1996-97).

Tableaux et mise en espace s’éclaircissent considérablement dès la salle suivante, avec le thème de l’homme nu dans la nature, développé autour de celui des baigneurs, par exemple chez Cézanne, Munch, Hodler ou encore Bazille.

Si l’exposition se conclut sur l’érotisation du corps masculin – du moins de façon plus explicite cette fois – la partie la plus passionnante du parcours est sans nul doute celle consacrée au corps souffrant, avec notamment des peintures de Francis Bacon et d’Egon Schiele et la magnifique sculpture de Louise Bourgeois Arch of Hysteria (1993) venue de New-York. Un ensemble d’œuvres poignantes qui montre que le corps peut parfois être aussi expressif et bouleversant qu’un visage.

Masculin/Masculin
L’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion-d’Honneur, Paris 7e
Du mar. au dim. de 9 h 30 à 18 h, le jeu. jusqu’à 21 h 45
Entrée 12 euros (TR 9,50 euros)
Jusqu’au 2 janvier 2014

L’exposition est organisée par le musée d’Orsay en collaboration avec le Leopold Museum de Vienne

Image : Gustave Moreau (1826-1898), Jason, 1865, Huile sur toile, 204 x 115,5 cm, Paris, musée d’Orsay © RMN (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

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Une passion française au Musée d'Orsay

Pierre Bonnard, ParaventRetour – hélas temporaire ! – sur le sol natal pour ce magnifique ensemble de dessins, peintures, sculptures et objets d’art décoratif du XIXème et du début du XXème siècles.

Les époux Hays l’ont patiemment constitué depuis le début des années 1970 ; pour quelques mois ils ont accepté de s’en dessaisir afin de partager leur plaisir avec les visiteurs du Musée d’Orsay.

L’exposition qui les réunit est magnifique. La présentation est simple, d’abord intimiste, ce qui sied fort bien à l’esprit "collectionneur" et aux portraits et dessins exposés ; puis grandiose avec une belle galerie mettant merveilleusement en valeur les grands tableaux décoratifs, le mobilier et les sculptures.

Les œuvres choisies par les époux Hays portent en majorité sur la période post-impressionniste. Elles ont été sélectionnées pour décorer, l’axe est évident : voici le Paris de la Belle Epoque, voici les couleurs chatoyantes des Nabis, voici des pastels de Degas… Tout est agréable, beau, presque rassurant. Et les murs du Musée semblent ici un écrin aussi accueillant et cosy que doivent l’être l’appartement new-yorkais ou les hôtels particuliers des collectionneurs. Les Fillettes se promenant, panneau issu de la série des neuf formant les Jardins publics de Vuillard (dont le Musée possède cinq autres), le Café dans le bois de Bonnard, son Paravent à trois feuilles rouge, ou encore les splendides décorations Automne et Printemps de Denis auraient décidément tout leur sens dans les nouvelles salles du Musée d’Orsay dédiées aux arts décoratifs.

Une passion française – La collection Spencer et Marlene Hays
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion-d’Honneur 75007 Paris
Tlj sf lun., de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jsq 21 h 45
Accès avec le billet du musée (9 €, TR 6,50 €)
Jusqu’au 18 août 2013

Image : Paravent à trois feuilles avec grue, faisans et oiseaux, canards et papillons, 1889 – Pierre Bonnard© ADAGP, Paris – 2013

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L'impressionnisme et la mode

La mode et l'impressionnisme à OrsayGuy Cogeval, le président du musée d’Orsay, aime faire vibrer les arts entre eux ; pour preuve, la partie dédiée aux arts décoratifs inaugurée l’an dernier (voir Le nouvel Orsay), pour preuve encore cette exposition présentée depuis fin septembre à Orsay, avant d’aller faire étapes au Metropolitan Museum of Art de New York puis au Art Institute de Chicago, deux institutions co-organisatrices de l’événement avec le musée d’Orsay, auquel participe également Galliera, le Musée de la Mode de la ville de Paris.

Ici, aux chefs d’œuvres de l’impressionnisme et autres admirables tableaux du XIXème français, il associe ce que nous aimons appeler « l’étoffe » au sens large, à savoir robes, costumes, mais aussi souliers, chapeaux, gants et ombrelles… Et, dans la même aventure, tout ce qui à l’époque en faisait la promotion, intéressée ou simplement passionnée : catalogues de modes édités par les grands magasins qui ouvrent au même moment ; revues ; gravures ; photos, mais aussi écrits des artistes qui rendaient compte de leurs temps, Mallarmé, Baudelaire et bien sûr Zola dans le Bonheur des dames. L’on découvre ainsi que c’est dans ce second XIX° siècle que la « mode » a été inventée. Le processus d’élaboration d’une robe, passionnant, nous est expliqué : du dessin général jusqu’à la réalisation sur mesure, en passant par l’adaptation du modèle et le choix du tissu, si les grandes tendances étaient diffusées et suivies (comme le passage de la crinoline à la tournure), chaque robe était alors individualisée, unique.
Des merveilles de finitions, ruchés, galons et broderies, sur de fines toiles de coton pour le jour et la belle saison, sur des soieries unies ou façonnées pour le soir ; des corsages fermés jusqu’aux décolletés réservés au bal et à l’opéra ; des accessoires qui faisaient tout autant le geste et l’allure que la fonction… tout nous est montré, raconté, au fil d’un éblouissant parcours en neuf « tableaux » mis scène par Robert Carsen, le célèbre metteur en scène d’opéra (voir Les contes d’Hoffmann notamment).

Exposition la mode et l'impressionnisme au musee d'OrsayCeci est une lecture de l’exposition : elle pourrait être la seule, on serait déjà ravi. Mais sa profonde originalité vient de ce qu’à la mode elle fait répondre les Impressionnistes, ces grands fous du XIXème qui se sont mis en tête de peindre l’air du temps, la vibration de la lumière, la sensation fugitive et l’émotion de l’instant… Scènes de la vie urbaine croquée sur le vif, attitudes naturelles et spontanées, ils renouvellent la scène de genre et le portrait. Ce faisant, ils rendent aux étoffes leurs mouvements, leurs reflets, leur transparence, qu’il s’agisse d’une modiste chez Degas, d’un costume masculin chez Caillebotte, d’une riche robe chez Renoir et d’une blanche mousseline chez Monet… tout cela vit, prend la lumière éclatante du soleil ou joue avec la fée électricité sous les lambris du soir et, en définitive, montre toute une société – huppée – dans son époque au quotidien.

Ceux que la mode assomme ne verront dans cette « dramaturgie » que le prétexte à mettre en valeur de magnifiques tableaux, dont beaucoup ont – exceptionnellement – traversé l’Atlantique pour retrouver, pour un temps seulement hélas, leur place toute naturelle, là où sont nés en même temps les deux grands modernismes que furent la peinture impressionniste et… la mode.

L’impressionnisme et la mode
Musée d’Orsay
1 rue de la Légion d’Honneur – Paris 7°
Ouverture de 9h30 à 18h du mar. au dim. et jsq 21h45 le jeu.
Fermeture le lun., les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre
Entrée 12 euros (tarif réduit 9 euros)
Jusqu’au 20 janvier 2013

Images :
Pierre-Auguste Renoir, Danse à la ville, 1883, huile sur toile 180 x 90, Paris, Musée d’Orsay c/ RMN (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Anonyme, Robe de Madame Bartholomé porté dans le tableau d’Albert Bartholomé, 1880, Paris, Musée d’Orsay, don de la galerie Charles et André Bailly, 1991 c/ Musée d’Orsay, dist. RMN / Patrice Schmidt

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Le nouvel Orsay

Nouvel Orsay, Salle Courbet

On l’aimait déjà beaucoup, notre musée d’Orsay. Nous les Français, mais aussi les visiteurs étrangers, pour lesquels il constitue une étape incontournable, notamment ses salles dédiées aux impressionnistes.
Mais la conception d’origine, qui remontait à 1986, avait vieilli. Les espaces de circulation n’étaient plus adaptés à la fréquentation de 3 millions de visiteurs par an. Les éclairages et les fonds rendaient pâlottes certaines couleurs, gommaient certains contrastes. Enfin, l’enchaînement de l’impressionnisme et du post-impressionnisme reléguait certaines œuvres comme celles de Toulouse-Lautrec dans des espaces confinés.

Il fallait revoir tout cela et Guy Cogeval, le directeur du musée, aidé d’architectes talentueux et de designers inspirés a mené à bien l’entreprise. Celle-ci ne s’est pas limitée à de simples aménagements puisque quelques 1200 m2 de surfaces supplémentaires ont été dégagées.

Le résultat, visible depuis le 20 octobre dernier, est très convaincant.
Le volet le plus audacieux du projet est certainement la rénovation du pavillon Amont – l’ancienne salle des machines de la gare – placé au fond à gauche de la nef.
Introduisant le violet et le rouge cardinal à Orsay, il consacre aux grands formats de Courbet (L’atelier, Un enterrement à Ornans, L’hallali du cerf…) la salle du rez-de-chaussée, quand les étages jouent la carte de l’innovation. En effet, pour permettre au public de profiter de sa riche collection d’objets d’art et de mobilier jusqu’à présent en grande partie remisée dans ses réserves, tout en plaçant la peinture dans son époque et son contexte "domestique", Guy Cogeval a installé de toutes nouvelles salles où l’une et l’autre disciplines cohabitent en se complétant naturellement.
L’on trouve ainsi au 2ème étage les décors et peintures modernes français de la fin du XIXème et du début du XXème siècles, incarnés par les Nabis, et aux 3ème et 4ème étages l’Art nouveau et ses développements en Europe et aux Etats-Unis.
Les plafonds sont resserrés, les couleurs chics, les œuvres groupées par artistes ; c’est lisible, harmonieux, très cosy.

Le 5ème niveau débouche sur un vaste pallier dépourvu d’œuvres – si ce n’est le canapé de repos, L’étoile de mer, dessiné par les brésiliens Humberto et Fernando Campana, également auteurs de la réfection du café de l’Horloge, qui évoque des fonds sous-marins où étincellerait le soleil, au bout de la galerie des impressionnistes. Mais avant de la traverser, le visiteur peut se clarifier l’esprit en faisant étape dans cet espace de respiration offrant une vue magnifique sur la Seine et les grands monuments de Paris. Une nouvelle boutique est installée à proximité.

Galerie des impressionnistes, nouvel Orsay

Puis l’on aborde les Impressionnistes, dans une galerie entièrement rénovée. Les tons beiges et l’éclairage naturel parfois blafard ont cédé la place à des teintes sombres au sol (parquet) et aux murs, et la lumière de la verrière complétée de projecteurs soigneusement disposés. Des bancs en verre blanc du designer japonais Tokujin Yoshioka ont été installés. L’accrochage a lui aussi été repensé et fait de la "traversée" un enchantement de chaque instant. La plus-value en termes d’élégance est évidente. Mais surtout, les couleurs des toiles de Van Gogh, Gauguin, Manet, Monet et autres Degas, plus belles que jamais, gagnent considérablement en éclat et en nuances.

Côté rue de Lille, la galerie post impressionniste au niveau médian (désormais galerie Françoise Cachin), de même que la galerie symboliste, répondent aux mêmes objectifs de gagner en fluidité dans l’enchaînement des périodes et dans la circulation, et de plus grande mise en valeur des œuvres avec des cimaises aux couleurs profondes.

Au total, 7000 m2 ont été rénovés et un millier d’œuvres sur les 1850 exposées ont été déplacées ou réaccrochées, pour un coût total de 20 million d’euros.
Plus qu’une remise en beauté, c’est avec un supplément d’art que le musée d’Orsay s’apprête à fêter, le 1er décembre prochain, son vingt-cinquième anniversaire.

Musée d’Orsay
1, rue de la Légion-d’honneur – Paris 7ème
TJL de 9 h 30 à 18 h, sf le lundi et jusqu’à 21 h 45 le jeudi
Entrée 8 € (TR 5,5 €)

A voir également en ce moment au musée d’Orsay : l’exposition Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde jusqu’au 15 janvier 2012

Photos © Musée d’Orsay Sophie Boegly

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Manet, inventeur du Moderne. Musée d'Orsay

Exposition Manet inventeur du Moderne

Avec une exposition de près de 200 œuvres, dont quelques unes de ses contemporains, le Musée d’Orsay se propose de mettre en valeur des aspects peu connus de la peinture d’Édouard Manet (1832-1883).
Mission parfaitement réussie, au fil d’un parcours thématique en 9 étapes.
Pour autant, les amateurs de ses chefs-d’œuvres les plus connus ne seront pas marris : Le Déjeuner, Le Balcon et Olympia sont bien là eux aussi !
Délices et découvertes sont donc au menu de cette visite, dont on ressort avec la conviction que la peinture de Manet ne saurait se résumer à "Impressionnisme" ou "Hispanisme", tant sont nombreuses les voies explorées par l’artiste – souvent dans le but essentiel d’être admis au Salon et de rencontrer le succès.

Après avoir échoué à Navale, Manet apprend la technique de la peinture dans l’atelier de Thomas Couture, peintre en grâces à l’époque, auteur de tableaux d’histoire mais aussi de portraits. C’est dans ces derniers, dont certains sont exposés, que l’on voit que l’élève a passé plus de six ans dans l’atelier de son maître : les manières de l’un et de l’autre ne sont pas tout à fait étrangères, avec des portraits efficaces, peu léchés et d’une grande présence.

Exposition Manet à Orsay, Le fifreMalgré cet enseignement qualifié d’académique, Manet ne tarde pas à prendre son envol, se frottant à d’autres influences tout en développant avec une grande audace son propre style. Tout au long de l’exposition, on constate d’ailleurs que Manet a tout à la fois essayé de s’adapter aux attentes du jury du Salon afin d’y être admis (il l’a été certaines fois, mais les refus furent plus nombreux…), mais sans jamais se renier : il apparaît aujourd’hui comme celui qui aura, coûte que coûte, essayé d’imposer la modernité.
Ce n’est que dans le courant des années 1860 que le vent commence à tourner en sa faveur, mais auparavant il aura surtout compté sur ses amitiés. Son premier défenseur fut Baudelaire, qui appelait de ses vœux l’avènement d’une autre peinture. Une section évoque cette proximité, qui s’illustre avec le chat noir placé tout à droite d‘Olympia. Témoignait déjà de cette amitié La maîtresse de Baudelaire, dont le graphisme n’est pas sans rappeler celui du poète – certaines de ses gravures sont également à découvrir.

La passion de Manet pour l’Espagne – qui fut également une vogue générale à Paris à l’époque -, essentiellement celle de Velázquez, est ici l’occasion d’admirer Le torero mort venu de Washington, partie d’une toile plus vaste de scène de tauromachie que Manet lui-même avait découpée après le vert accueil réservé au tableau original. Raccourci en diagonale, netteté des lignes, sobriété des couleurs et des effets de dramaturgie, l’impression produite par la représentation n’en est pas moins des plus saisissantes.

Exposition Manet Inventeur du Moderne, le balcon On pense aussi à Velázquez devant Le jeune garçon à l’épée du MoMA ou cette Lola de Valence au jupon bariolé, dont on peut regretter que le peintre ait, après coup, ajouté un décor de théâtre alors que la pure "atmosphère" autour d’elle à la manière du maître espagnol aurait encore renforcé l’incroyable présence.
A travers des œuvres – assez peu connues – relatives à l’histoire contemporaine, Manet, qui était issu d’une famille anti-bonapartiste, a rendu hommage à la Commune (voir la lithographie La Barricade) et a dénoncé la situation au Mexique avec L’exécution de Maximilien, choisissant une composition extrêmement proche de celle du Tres de mayo de Goya.

L’évasion de Rochefort clôt ce riche parcours, tableau brossé à grands coups qui souligne l’impressionnisme de Manet, même s’il n’a jamais voulu, dans les expositions, être mêlé à ses amis et admirateurs impressionnistes.
Une section de l’exposition est d’ailleurs consacrée à cette peinture éclatante de lumière et une autre aux natures de mortes ; l’on découvre également des portraits de femmes et des scènes de vie urbaine au café ou au music-hall, ainsi que d’étonnants tableaux religieux.
Enfin, après avoir admiré une fois de plus les chefs-d’oeuvres que sont Olympia, Le déjeuner et Le Balcon, on quitte le Musée d’Orsay plus que convaincu par toutes les inventions de Manet, qui fut tout à la fois bien ancré dans son temps et le véritable père de la peinture moderne.

Exposition Manet à Orsay, homme mort

Manet, inventeur du Moderne
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion-d’Honneur – Paris 7°
Jusqu’au 3 juillet 2011
TLJ sf lun., de 9 h 30 à 18 h, sam. jsq 20 h et jeudi jsq 21 h 45
Entrée 10 euros (TR 7,5 euros)

Images :
Édouard Manet, Olympia, 1863, Huile sur toile, 1,305 x 1,9 m, Paris, Musée d’Orsay © Musée d’Orsay (dist. RMN) / Patrice Schmidt
Édouard Manet, Le fifre, 1866, Huile sur toile, 1,61 x 0,97 m, Paris, Musée d’Orsay © Musée d’Orsay (dist. RMN) / Patrice Schmidt
Édouard Manet, Le Balcon, 1868-69, Huile sur toile, 170 x 124 cm, Paris, Musée d’Orsay © Musée d’Orsay (dist. RMN) / Patrice Schmidt
Édouard Manet, Le Torero mort, 1864-1865, Huile sur toile, Washington, The National Gallery of Art © Widener Collection, Image courtesy National Gallery of Art, Washington

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James Ensor au Musée d'Orsay

James Ensor, exposition à Orsay, 2009-2010Tout en contrastes, l’oeuvre du peintre belge James Ensor (1860-1949), présenté au Musée d’Orsay à travers une exposition de 90 tableaux, dessins et gravures, ne cesse d’intriguer au fur et à mesure de la visite.

On découvre d’abord des paysages, des natures mortes et des scènes de genre à la veine naturaliste très marquée. Ce sont les premiers tableaux de l’artiste qui, après ses études à l’Académie de Bruxelles, revient à l’âge de vingt ans dans sa ville natale d’Ostende, peu emballé par sa formation traditionnelle et préférant alors travailler, pour reprendre son expression, sur « la forme de la lumière ».

Sur ce point, ses toiles ne sont pas transcendantes, malgré ses péremptoires affirmations et son dédain pour les impressionnistes, par lui qualifiés de « faiseurs de plein air ». Cette première période – qui sera aussi celle de cuisants échecs, dont l’artiste restera marqué à jamais, comme on le verra par la suite – n’est pour autant pas dénuée d’intérêt. Dans ses scènes d’intérieur de cette ville de Flandre, La coloriste, La femme endormie, ou encore l’immense Mangeuse d’huîtres, Ensor peint des pièces sombres et calfeutrées, des ambiances étouffantes, l’ennui incommensurable de ces heures où tout semble figé, où les objets, le mobilier et les tentures tirées semblent pétrifier les êtres. Dans L’après-midi à Ostende, le regard tourné vers le spectateur de la femme en visite chez une autre plus âgée trempant ses lèvres dans une tasse de thé semble par son expression résumer tout ce qu’évoquent les tableaux de la série.

Quelques années après, l’oeuvre de James Ensor prend toute sa singularité et sa saveur. A la fin des années 1880, souffrant du mauvais accueil qu’il reçoit, époque aussi à laquelle il perd son père et sa grand-mère, il change à la fois de manière et de sujets : «Pour arriver à rendre les tons riches et variés, j’avais mélangé toujours les couleurs… J’ai modifié alors ma manière et appliqué les couleurs pures. J’ai cherché logiquement les effets violents, surtout les masques où les tons vifs dominent. Ces masques me plaisent aussi parce qu’ils froissaient le public qui m’avait si mal accueilli ».

Les tons sont beaucoup plus clairs, voire acides. Des êtres masqués et des squelettes peuplent ses tableaux, renvoyant à l’univers dans lequel le jeune James a grandi, dans la boutique de souvenirs et de curiosités de ses parents, et dont le grand Ensor a continué à peupler son atelier plus tard. On peut en voir certains exemplaires dans l’exposition, comme une étrange sirène, faite d’une queue de poisson, d’un corps en squelette et d’une tête de singe.
James Ensor, exposition à Orsay, 2009-2010, L'IntrigueCes squelettes et ces masquent amusent par le grotesque des scènes, oscillant entre pure fantaisie et satire sociale – on pense aux caricatures de Daumier, au Carnaval, à Guignol – non sans un soupçon d’effroi évidemment comme devant le défilé de tristes mondains de L’intrigue. L’artiste ne craint pas l’ambiguïté, au contraire, associant à ses figurations macabres un registre chromatique gai avec des couleurs pures et pétillantes renvoyant à la fête. D’ailleurs, sous les dehors de la farce, sourd une certaine violence : par exemple dans Les poissardes, en dessous du message «Mort ! Elles ont mangé trop de poisson », les deux vieilles poissardes en question rappellent sous une toute autre forme mais avec une force inouïe l’ennui et l’absence de vie des tableaux naturalistes de jeunesse.

Les innombrables autoportraits de l’artiste manifestent, outre le souci de se voir reconnu, tous les vents contraires qui semblent l’avoir animé : parfois il se représente selon la tradition du genre, devant son chevalet ; plus loin découvrant son visage au milieu d’une foule de masques de tous poils ; à l’occasion, il se dessine au fusain sous les traits d’un beau jeune homme. Mais il y a aussi les poignants L’homme de douleur ou Squelette peintre. Comme si la provocation, le rire suscité par ces Squelettes se disputant un hareng saur n’étaient là que pour habiller élégamment son désespoir.

James Ensor
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris VII°
Jusqu’au 4 février 2010
Tlj sauf le lundi, de 9h30 à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 21h45
Entrée 9,50 €, tarif réduit 7 €

Images : Squelettes se disputant un hareng saur, 1891, Bruxelles, Musées royaux des Beaux Arts de Belgique, © MRBAB, Bruxelles © ADAGP, Paris 2009
L’Intrigue, 1890, Koninklijk Museeum voor Schone Kunsten, Anvers, Belgique © Courtesy Lukas-Art in Flanders © ADAGP, Paris 2009

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Paris probable et improbable au musée d'Orsay

Paris probable et improbale, dessins d'architectureFinesse des traits, perfection de la ligne, proportions étudiées, voile de couleur, un brin de fantaisie parfois : c’est tout cela que vous admirerez à l’accrochage présenté en ce moment au musée d’Orsay.
Son objet ? Des dessins d’architecte de la fin du XIXème siècle. Son propos : donner un aperçu du visage qu’aurait eu Paris si des choix autres que ce dont nous connaissons le résultat avaient été arrêtés.
Au XIXème en effet, la ville a été largement remodelée, dans une frénésie de construction et de rénovation qui semblait sans limite. A la fin du siècle, il s’agissait de remplacer ce qui avait été détruit par la Commune, mais aussi de construire des édifices destinés à promouvoir la vie culturelle et le rayonnement de la capitale de la France.
Mêlez à ces préoccupations des problématiques politiques – liées à la succession des régimes -, vous aurez une idée de l’effervescence qui agitait les crayons et les équerres à l’époque.
D’autant que la procédure du concours a été alors très largement utilisée, permettant à de jeunes inconnus, et plus généralement à ceux qui n’appartenaient pas aux services de la Ville de prétendre à la commande publique également.

Les dessins d’architecte issus de la collection du musée d’Orsay réunis ici ont été sélectionnés selon trois axes : les projets pour les édifices ; ceux pour des aménagements de la ville ; enfin un florilège de dessins plus saugrenus.

Ainsi l’on découvre le Paris "probable", avec les variations autour du théâtre de la Ville, du Sacré-Coeur, de l’opéra qui deviendra finalement Garnier, de l’opéra Comique ou encore de l’hôtel de Ville dont la reconstruction après l’incendie de mai 1871 était une priorité. Pour celui-ci, le cahier des charges était très strict car il avait été décidé de le rebâtir à l’identique. Malgré tout, par geste politique, l’on voulu tout de même passer par la procédure du concours, le but étant d’affirmer l’esprit républicain…
Le théâtre des Champs-Elysées donna lieu à un véritable feuilleton, opposant l’architecte belge van de Velde aux entrepreneurs Perret qui s’approprièrent son projet et en définitive s’en attribuèrent la paternité au motif qu’ils l’adaptaient à un nouveau matériau, le béton armé : l’innovation technique prenait alors tout son poids…

Dessins d'architecture, accrochage au Musée d'OrsayCôté aménagement de la ville, une autre histoire à épisodes est celle des Tuileries : le palais avait lui aussi été mis à feu pendant la Commune, mais, au contraire de l’hôtel de ville, les tergiversations durèrent tant que ce n’est qu’en 1889, et après bien des hypothèses que les jardins furent en définitive mis en place.

Les Paris "improbables" sont quant à eux les plus amusants. Ainsi, à la place du néo-classique Grand Palais, on peut imaginer, à partir du dessin d’Ernest Sébille un palais fourmillant d’ornementations et exhibant des références phocéennes : proues de navire flanquant la porte d’entrée, cartouches contenant les noms d’artistes marseillais… un tout autre esprit en somme !
Pour finir, un projet de monument à la gloire de la Révolution Française, vieille lune du XIXème siècle, mais qui ne manqua pas d’étonner, Ernest Lheureux ayant conçu cette pyramide évoquant les temples aztèques ! Mais il était un peu trop tôt – juste un petit siècle d’avance sur les pyramides de M. Peï, qui elles, purent voir le jour…

Paris probable et improbable. Dessins d’architecture du musée d’Orsay
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Images : Henri Schmit (1851-1904), Projet de reconstruction de l’Opéra Comique : façade sur la Place Boïeldieu et vue perspective de cette façade 1893, plume et encre noire, aquarelle et rehauts d’or H: 0,998 m ; L: 0,647 m, Musée d’Orsay, Paris © photo musée d’Orsay / rmn
et Ernest Lheureux (1827-1898), Monument à la gloire de la Révolution française, projet (vue perspective), 1886, crayon, plume et encre, lavis, aquarelle et rehauts d’or, H: 0,48 m ; L: 0,865 m, Musée d’Orsay, Paris © photo musée d’Orsay / rmn

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Masques, de Carpeaux à Picasso. Musée d'Orsay

Masques, de Carpeaux à Picasso, exposition à OrsayObjet magique, il dissimule le visage de celui qui le porte, tout en exhibant des expressions choisies.
Ambigüité, illusion, jeu, le masque évoque aussi les rites et la sorcellerie. Des masques du théâtre antique aux masques dits "primitifs" qui fascinèrent les cubistes, en passant par le loup, associé à la galanterie, les masques du Carnaval ou encore ceux du théâtre japonais, le registre est large et familier, souvent festif.

Il fallait cette exposition au Musée d’Orsay, tout à fait inédite, pour découvrir que l’Europe, et la France en particulier, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème se prit d’une nouvelle passion pour les masques.

Les artistes ne se contentèrent pas de reprendre les masques traditionnels mais développèrent un genre bien à part. Ce renouveau se manifesta par le culte laïque des masques mortuaires d’abord (ceux de Napoléon, Géricault ou Beethoven connurent un grand succès), puis par le travail sculptural très élaboré dans les ateliers, comme dans celui de Jean Carriès, dont on observe ici l’étendue : visages grimaçants (parfois inspirés de ses propres traits), outrés, voire carrément déformés, la violence n’est parfois pas loin dans cette belle suite de masques en gré émaillé.

De superbes têtes de Rodin, mais aussi de Carpeaux et de Bourdelle rappellent l’importance du masque comme "étape" (ou comme oeuvre en tant que telle, la finalité de l’objet n’étant pas toujours établie avec certitude) dans l’élaboration de l’expression du personnage sculpté, à l’exemple des multiples tentatives de Rodin de traduire le regard de la comédienne japonaise Hanako ("Il n’était jamais satisfait !" dira-t-elle à ce sujet dans ses mémoires).

Dès 1886, au jardin du Luxembourg à Paris, la fortune du masque était acquise, avec le Marchand de masques en bronze de Zacharie Astruc, qui réunit, dominé par celui de Victor Hugo, les visages des célébrités littéraires de l’époque.
Le parcours fait aussi la part belle aux vertus décoratives du masque, l’éclectisme du XIXème siècle revisitant la tradition architecturale et ornementale du mascaron ; ou encore aux variations des Symbolistes, qui ont trouvé dans le masque le support privilégié de l’expression de toutes les étrangetés, angoisses, malaises et visions de la mort.
Une exposition fascinante, à l’image de cette réinterprétation de la Gorgone Méduse issue des mythes grecs, aussi pétrifiée dans son malheureux sort que pétrifiante, avec sa chevelure de serpents et son regard fatal à quiconque le croise.

Masques. De Carpeaux à Picasso
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Catalogue Masques, de Carpeaux à Picasso, collectif sous la direction de Edouard Papet, 256 p., 300 illustrations couleurs, Musée d’Orsay / Hazan, 49 €

Image : Arnold Böcklin (1827-1901), "Bouclier avec le visage de Méduse", après 1887, papier mâché peint et doré, Musée d’Orsay, Paris © Photo RMN, Hervé Lewandowski

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Picasso / Manet : Le déjeuner sur l'herbe, Musée d'Orsay

Picasso, Manet, le déjeuner sur l'herbeCette exposition, l’un des volets du triptyque "Picasso et les maîtres" présenté en même temps au Louvre, au Grand Palais et au Musée d’Orsay, constitue une formidable démonstration de la créativité de Picasso, de sa faculté, non pas de copier ou d’imiter, mais de repenser une œuvre, en cherchant, en s’amusant, avec liberté et obstinément.

Combien de versions du Déjeuner sur l’herbe a-t-il réalisées ? Pas moins de vingt-six, entre février 1960 et août 1961, dont la moitié est ici visible. De l’œuvre d’Edouard Manet, il a tiré l’essentiel, comme le côté un peu artificiel, ou du moins "prétexte" du cadre de plein air : en la démantelant, puis en l’effaçant de plus en plus, Picasso fait apparaître cette clairière comme un simple écrin qui permet de concentrer toute l’attention sur les personnages.
Avec ceux-ci, Picasso va aborder de multiples possibilités, tout en conservant sa prééminence au personnage central, le nu féminin, qui, à l’époque, placé à côté des deux hommes vêtus, fit scandale.

Picasso, Manet, le déjeuner sur l'herbe, exposition au Musée d'Orsay Objet de son obsession chez le peintre qui n’a cessé toute sa vie de figurer des femmes, il s’en empare pour mieux enfler, parfois jusqu’à la démesure, réduire ou déplacer ses rondeurs féminines. Ce qui ne l’empêche pas de faire subir à ses voisins toutes sortes de variations quant à leur emplacement, leurs accessoires ou leurs vêtements (dans les cas où il conserve ces derniers)…

Déformés, déstructurés, on pourrait se dire que ces Déjeuners n’ont plus rien à voir avec l’œuvre de 1863. Pourtant, la rupture n’est pas tout à fait consommée. La vision d’ensemble que permet la scénographie de l’exposition, fraîche, aérée et bien pensée, avec le tableau de Manet au centre, donne une frappante impression de continuité. Peut-être tient-elle aux couleurs qui, malgré les différences de tonalités, plus ou moins foncées voire très claires, se retrouvent toujours (vert sombre, blanc, noir, gris, une touche de bleu) ; peut-être tient-elle surtout à la charge érotique du tableau, que Picasso, à travers ces jeux de recompositions, a longuement, passionnément réinterprétée.

Picasso / Manet : Le déjeuner sur l’herbe
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur, Paris 7ème
TLJ sf le lundi de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Images : Picasso Pablo (dit), Ruiz Blasco Pablo (1881-1973), Le Déjeuner sur l’herbe d’après Manet, 27 février 1960, Huile sur toile, 114 x 146 cm, Collection Nahmad © Succession Picasso 2008 et Edouard Manet, Le déjeuner sur l’herbe, 1863, Huile sur toile, 2,080 x 2,645 m, Paris, musée d’Orsay © Patrice Schmidt, Paris, musée d’Orsay

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