Ce sont des routes désertées, au milieu de paysages magnifiques mais qui ne sont pas là pour ça. Au bout du bout, ce sont des hameaux de pierre qui semblent avoir été toujours là.
Le jour tombe, Marcel rentre ses brebis, appelle sa chienne en patois ; comme hier, comme avant-hier, comme chaque soir depuis combien de temps ?
Il est l’aîné des deux frères Privat, quatre-vingt ans bien sonnés chacun, restés à la ferme du Villaret dans les Cévennes après leurs parents, et restés célibataires aussi.
Leur neveu Alain vient de se marier avec Cécile, venue du Pas-de-Calais. Active et souriante, elle dit bien s’adapter ; sa fille Camille, quinze ans, taiseuse, se tient bien sur la roue du tracteur et pourrait devenir agricultrice plus tard. La relève assurée, enfin ? Les choses ne vont pas de soi. "Conflit de génération ?" demande Depardon. "Non !", s’exclame Raymond, le cadet des deux oncles, à la fois passionné et réfléchi. "Le métier a évolué. je me souviens de ma mère qui se levait à 6 heures du matin pour faire le feu et préparer le café. Il n’y avait pas d’électricité. On n’était pas bien moins que les autres. C’était comme ça chez tout le monde. Alors elle se levait à 6 heures et elle allumait le feu. Nos parents, c’était autre chose."
Ainsi Raymond Privat répond à Raymond Depardon sur la question du conflit des générations : pas à côté, mais "de côté". A l’image de la façon dont Depardon le filme, magnifique : en léger contre-champ, de trois-quart, assis à la table de la cuisine. Son frère Marcel est en face de lui, un peu de biais aussi. Plus "rouscagneur" que bavard, il est plus direct aussi, plus à vif : "Je n’aime pas qu’on me marche sur les pieds et les gens qui n’aiment pas qu’on leur marche sur les pieds. Voilà." Toujours au sujet de la belle-nièce toute neuve. Ce sera à peu près tout pour Marcel.
Depardon questionne encore : "Et la succession ?" "C’est là que le bât blesse" résume Raymond. "C’est là que le bât blesse" répète-t-il.
C’est dire le climat de confiance qui s’est installé entre le documentariste et ces paysans de moyenne montagne, dans les Cévennes ou en Haute-Loire, là ou les terrains accidentés ne permettent que l’élevage. Depardon les a parcourus pendant dix ans pour aller à la rencontre de ces hommes et de ces femmes qui vivent "loin de tout", mais si présents à leur terre, à leur bétail, à leurs pierres.
Raymond Depardon vient de ce monde-là, l’a quitté à l’âge de seize ans, est devenu reporter et a parcouru le monde. Plus de quarante ans après, alors que ses parents ne sont plus, il revient vers leur/son milieu. Et s’il filme ce qui évolue dans ce monde à part, il filme aussi ce qui n’a pas changé. Au Villaret par exemple, où il revient à différentes saisons, il montre à plusieurs reprises le perron de la maison : trois-quatre marches de pierres, une porte ouverte. De longs plans fixes, sans personne ou avec l’un des frères ou encore la chienne qui passe. Cela suffit pour se dire que depuis quatre-vingt et quelques années, chaque jour, plusieurs fois par jour, Raymond et Marcel ont marché sur ces pierres, ont franchi ce seuil. Tous les jours, depuis si longtemps.
"Apaisé" confie Raymond Depardon en conclusion de son documentaire. Il a tant bougé ; comme tant de gens au cours de ce XXème siècle. L’exode rural a bien continué. Mais il s’en est trouvé qui sont restés, et il en restera encore peut-être demain. Même si Marcel, à la fin du film, ne peut plus sortir ses brebis : il a quatre-vingt-huit ans, il est malade ; il ne peut plus. "C’est comme ça, dit-il, c’est pour tout le monde pareil, quand on ne peut pas, on ne peut pas." Toujours laconique, sans gras.
En filmant les frères Privat et bien d’autres tout aussi passionnants à écouter, Depardon a trouvé la distance et les mots justes pour les faire parler avec naturel, en demeurant toujours à mille lieux du folklore ou du pittoresque.
Il était à la recherche de quelque chose qu’il connaissait, qu’il avait peut-être peur d’avoir oublié mais qu’il a su retrouver, avec obstination et délicatesse, et surtout un respect infini.
Alors, après le déchirement de voir Marcel ne plus pouvoir sortir ses bêtes et sa vie peut-être bientôt se conclure, Depardon, dans la scène finale, très belle, montre la silhouette de Raymond, au loin sur le col, qui, lui, est encore là-haut ; on pense aussi aux enfants, prêts à reprendre plus tard.
La caméra de Depardon s’éloigne, c’est un au-revoir. On aime et on croit en cet "apaisé" ; on aime par dessus tout chez lui ce qu’il semble avoir inventé, qui pourtant ne s’invente pas, et qui a pour nom la finesse. Et il en fallait pour réaliser ces deux Profils paysans puis cette Vie moderne, des oeuvres rares, précieuses qui avec beaucoup de silences en disent bien long.
La vie moderne
Un documentaire de Raymond Depardon
Durée 1 h 30
Les deux premiers volets de cette trilogie sur le monde paysan sont Profils paysans – L’approche (2001) et Profils paysans – La vie quotidienne (2005)
Le film est inspiré de cette histoire réelle, qui s’est déroulée à la fin des années vingt à Los Angeles : Walter Collins, neuf ans, fils unique de Christine Collins, une femme célibataire et active, disparaît. Au bout de quelques mois, le Los Angeles Police Department (LAPD), après avoir soigneusement convoqué la presse pour faire montre de son efficacité remet un petit garçon à Christine en affirmant qu’il s’agit de son fils. Mais Christine ne reconnaît pas son Walter. Elle poursuit alors un combat obstiné afin que la police poursuive ses recherches.
Après Mon petit doigt m’a dit, puis
Elles sont américaines, jeunes, belles, et contentes de venir passer leur été à Barcelone. Cela ne fait pas deux minutes qu’elles ont débarqué qu’on est déjà tout content aussi de faire partie du voyage.
Dès le début, on pense au Petit Prince, si seul qu’il veut apprivoiser un renard, ou à un petit chien abandonné par son maître, qui court derrière un inconnu pour plutôt se faire apprivoiser lui-même. Ainsi débute Cowboy angels, avec Pablo, un gosse de onze ans délaissé par sa mère, sans géniteur dans les parages et qui demande à Louis, un joueur de poker en déroute, de l’emmener en Espagne retrouver son père. Démarre alors un road-movie entre un homme méfiant et endurci et un enfant plein de bagout, de vivacité et de ressources, mais en manque de protection et d’attention, presque en manque de tout. Ceux qui l’ont aidé à se construire sont les différents amants de sa mère. On les découvrira successivement au cours de ce voyage Paris-Barcelone-Paris via Bayonne, avec, au bord de l’eau, une superbe rencontre… celle-là féminine.
C’est un film qui laisse un peu perplexe.
Ce vendredi 3 octobre, Cinespaña redémarre pour une treizième édition de promotion du cinéma espagnol en France.
A quoi sert La Princesse de Clèves, sauf à encombrer l’esprit de fonctionnaires inconséquemment recrutés ?
Pire que la violence que l’on voit à l’écran est la violence que l’on ressent, à travers des corps tremblants, des bouches qui crient, d’autres qui se figent avant d’en avoir le temps, des regards effrayés : cette peur qui irradie le film de Matteo Garrone et dans laquelle vivent des milliers de foyers dans le quartier napolitain des Vele.
Ressorti en copie neuve le 23 juillet 2008, Mariage à l’italienne, film de 1964 nous offre une virée napolitaine haute en tempérament qui se déroule sur plus de vingt ans, entre cris, rires et amour.