Heinrich Kühn. Musée de l'Orangerie

Heinrich KUHN Nature morte : verres et carafe, Musée d'OrsayVoici une exposition aussi inédite que fascinante.
Heinrich Kühn (1866-1944), photographe allemand du courant pictoraliste, proche des groupes Photo-Club de Paris et Linked Ring à Londres, participant de la Sécession viennoise, demeure en effet relativement peu connu, contrairement à ses contemporains d’avant-garde Alfred Stieglitz et Edward Steichen.
La toute nouvelle exposition de l’Orangerie à Paris, visible jusqu’à fin janvier, est d’ailleurs la première grande rétrospective consacrée à l’artiste. Il est heureux de voir ce long oubli enfin réparé tant les travaux de Kühn témoignent d’expérimentations audacieuses aux résultats très emballants.

Les techniques d’impression photographique qu’il utilise ont pour noms gomme bichromatée, platinotypie, gommogravure, photypie ou encore tirage et report à l’huile… Une pause à mi-parcours les explique.
Malgré leur lecture, pour une grande part, et pour les non-initiés aux secrets du pictoralisme, le mystère reste entier.
Dans quelle mesure s’agit-il de tirages photographiques au sens classique du terme, dans quelle mesure ont-ils été peints ? L’œil a du mal à le déterminer et ce doute, et le léger trouble qu’il engendre, accroissent encore l’attention des visiteurs – assez remarquable de bout en bout.

Après avoir présenté un panorama de ses axes d’investigation, l’exposition suit un fil thématique autour de ses différents modèles, des portraits d’atelier, des natures mortes et des paysages, pour finir avec les autochromes, premier procédé photographique en couleur inventé par les frères Lumières.

Le « plein air » est chez Heinrich Kühn particulièrement enthousiasmant. Les nuances de lumière, les ambiances de clair-obscur à la fin du jour, la « matérialité » des végétaux, l’impression de proximité d’un paysage de montagne, alors même qu’un léger flouté peut border les contours confèrent à ses photographies une admirable force poétique.
L’esthétique est encore sublimée par un sens du cadrage très assuré – le rapprochement avec la peinture de Manet saute aux yeux. On retrouve cet art de la composition dans les portraits, notamment ceux de Mary Warner, qui fut la gouvernante de ses enfants, sa maîtresse et son modèle. Une robe, un sofa, un miroir : alors que la prise risquait le déjà vu ou le surchargé, le résultat est au contraire magnifique d’équilibre, dans les courbes, dans les volumes comme dans l’éclairage.

Lorsqu’il travaille plus intensément sur les effets de lumière – on est chez les impressionnistes ici encore -, il crée des natures mortes simplissimes autour d’un verre d’eau ou d’une carafe, d’une coupe en étain. La transparence scintille, c’est à la fois précis et ouaté, domestique et surnaturel.

Contrairement au célèbre Edward Steichen, Kühn ne s’est lui jamais tourné vers le spectaculaire et le glamour, que ce soit pour ses paysages ou ses portraits ; il a choisi uniquement des sujets familiers. Le regard qu’il leur a porté, inventif, noble et amoureux rend ses œuvres plus émouvantes encore.

Heinrich Kühn
Musée national de l’Orangerie
Jardin des Tuileries – 75001 Paris
TLJ sf mardi de 9 h à 18 h
Entrée (avec musée) 7,5 € (TR 5 €)
Jusqu’au 24 janvier 2010
Exposition organisée par l’Albertina de Vienne en collaboration avec les musées d’Orsay et de l’Orangerie à Paris et le musée des Beaux Arts de Houston

Image : Heinrich Kühn, Nature morte : verres et carafe © DR – RMN (Musée d’Orsay) – Béatrice Hatala

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La Galerie Blumann

Frederique Callu, Nikon ni soumiseC’est dans l’ambiance feutrée de la place des Vosges à Paris que Chantal Blumann a ouvert en juillet 2009 sa galerie dédiée à l’art contemporain. Elle y expose aussi bien de la peinture, de la photographie, de la sculpture que des comics, avec la volonté "de rendre l’art accessible au plus grand nombre, de faire émerger de nouveaux talents et de proposer des photos numérotées à prix juste". On sent chez cette marchande d’art, en parlant avec elle et en parcourant sa galerie une envie de démocratisation et de désacralisation de l’art qui mettent tout de suite à l’aise.
Parmi les artistes permanents, Yvon Cochery et ses Aztek en résine, Ottmar Hörl et ses Carlin qui présentent l’avantage de ne pas salir ni aboyer, mais aussi plusieurs photographes femmes telles que Frédérique Callu, Vanessa Vercel, Diane Von Schoen et Hélène Desmazières.
On aime particulièrement les photos de voyage de Frédérique Callu, prises sur pellicule blanc et noir argentique puis sobrement colorisées de quelques touches de pigment jaune, ou sa série classieuse et urbaine sur la séduction et la féminité.
Dans une tout autre veine, mais aussi maîtrisée, les photos de Diane Von Schoen nous plongent ans l’univers équestre, en délicat noir et blanc ou en couleur éclatante. Sa série montrant un cavalier vêtu de noir sur un magnifique cheval blanc, vus de profil ou de dos sont grandioses d’intimité, de respect et de solitude.

Galerie Blumann
4, Place des Vosges 75004 Paris
Tel: 01 42 76 04 09

Image : Frédérique Callu – Nikon, ni soumise, 80 x 80 cm

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Willy Ronis, une poétique de l'engagement

Willy Ronis, Usine de textile du Haut-Rhin, 1947Que dire face aux photographies de Willy Ronis, tant l’émotion nous serre la gorge devant la simplicité des sujets, mis en valeur par une esthétique si juste ?
Le regard, "on l’a ou on ne l’a pas", disait-il. Des 150 tirages présentés à la Monnaie de Paris, aux thèmes aussi divers soient-ils, aucun qui ne soit dépourvu de ce fameux regard, venant imprimer en nous le cliché tel une œuvre d’art.
Willy Ronis, décédé le 11 septembre dernier après avoir participé à une rétrospective de son œuvre aux Rencontres d’Arles 2009 aurait eu cent ans cette année. L’exposition de la Monnaie de Paris propose une première exploration du très riche fonds dont il a fait donation à l’Etat français. Au fil de cinq thématiques – la rue, le travail, les voyages, le corps et sa propre biographie – l’on retrouve des photographies célèbres, tout en découvrant des facettes moins connues de son travail, notamment celui effectué lors de ses voyages en Europe ou ailleurs.

Comme les autres grands humanistes, Willy Ronis a d’abord photographié les rues de Paris, celles du Paris populaire, ses cafés, ses badauds, ses passants, Belleville, Ménilmontant, Montmartre, la fête foraine – qui lui donnait le cafard -, et la banlieue aussi, comme les bidonvilles à Nanterre.
Willy Ronis, Lorraine en hiver, 1954Engagé auprès des Communistes, il a photographié les usines textiles et automobiles, a montré les piquets de grève chez Citroën, femme haragant les autres travailleurs, ouvrier brandissant sa fiche de paye, un autre surveillant l’outil de production dans les usines désertées.
En 1967, en pleine guerre froide, il a passé cinq semaines en RDA, avec des excursions à Prague et à Moscou. Il est allé à Londres, à New-York, aux Pays-Bas, en Belgique, à Venise, à Naples… Plus tard, il est allé sur l’Ile de la Réunion. Sans misérabilisme, il a saisi les vivants de ces rues, gens simples, enfants, femmes, vieillards (magnifique vieux lançant sa boule de pétanque à Aubagne !), en faisant de chacune de ses prises un tableau. Les jeux de lignes sont parfaits. Les oppositions créent la surprise et l’équilibre. La mise ne valeur d’un détail renvoie à un autre. Les oppositions de lumière en clair-obscur sont proprement picturales (Noël, boulevard Haussmann, 1952) ; certains nus évoquent la peinture de Dominique Ingres.

Avec toujours, à fleur de pellicule, une pointe de mélancolie, que Willy Ronis ne reniait ni n’affichait : "J’ai creusé mes sillons avec mon instinct, ma petite honnêteté, chanté ma chanson à mi-voix ; je me suis souvent fait plaisir et cela compense le reste que, par bonheur, on oublie facilement".

Willy Ronis, une poétique de l’engagement
Une exposition coproduite par le Jeu de Paume et la Monnaie de la Paris, avec le concours de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine / Ministère de la culture et de la communication
Monnaie de Paris – 11, quai de Conti – Paris 6°
Jusqu’au 22 août 2010
TLJ sf le lundi et le 1er mai, de 11 h à 19 h, le jeudi jusqu’à 21 h 30
Entrée 7 € (TR 5 €)

Images : Willy Ronis, Usine de textile du Haut-Rhin, 1947, tirage argentique, 40 x 30 cm © Ministère de la culture et de la communication & Stéphane Kovalsky / dist. Agence Rapho
et Willy Ronis, Lorraine en hiver, 1954, tirage argentique, 36 x 26 cm © Ministère de la culture et de la communication & Stéphane Kovalsky / dist. Agence Rapho

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Serge Ramelli. Paris comme au cinéma

Serge Ramelli, le Pont Neuf et l'orage, Paris
Il se dégage des photos de Serge Ramelli un je-ne-sais quoi de magique, peut-être la magie du cinéma, l’une des sources d’inspiration de l’artiste comme l’indique le titre de cette exposition présentée à l’Hôtel de Noailles jusqu’au 5 mai prochain : "Paris comme au cinéma".
Beaucoup de grands, voire de très grands formats, mais aussi une poignée de plus petits tirages : la poésie est toujours la même.
Le Paris qu’il retient est celui qui nous fait rêver. Le Pont Neuf, le Sacré-Cœur, les rues escarpées de Montmartre, les monuments éternels de la Capitale sont épurés de la foule, du mobilier urbain, de toute trivialité. Mais ce qui frappe avant tout, c’est une époustouflante lumière, fruit d’une patience infinie dans l’attente du moment m, et d’une technique subtile. Retouchant très peu ses photos, mais en superposant trois prises sur trépied à trois niveaux de lumière différents, Serge Ramelli parvient à restituer les quinze niveaux de lumière que l’œil humain perçoit : d’où cette merveilleuse impression, face à ses pierres et à ses cieux, de retrouver l’émotion du regard authentique.
Capteur de lumière, Serge Ramelli est aussi un cadreur hors pair. Son sens de la composition, les choix de ses angles font de ses vues de Pris de véritables tableaux, quelque part à mi-chemin entre l’art pictural et le cinéma. Magnifique.

Paris comme au cinéma
Serge Ramelli
Hôtel de Noailles
9, rue de la Michodière – 75002 Paris
Jusqu’au 5 mai 2010

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Agustí Centelles, Journal d’une guerre et d’un exil

Ces photographies sont présentées pour la première fois en France.

Elles témoignent pourtant de l’un des conflits majeurs du XXème siècle : la Guerre civile d’Espagne.

Agustí Centelles est un jeune photographe de la presse catalane lorsqu’en 1936 le putsch militaire de Franco contre la République met le pays à feu et à sang.

Engagé auprès des Républicains, à Barcelone et sur le front d’Aragon, très mobile grâce à son Leica, Centelles enregistre les luttes et les drames : l’enthousiasme des miliciens (et des miliciennes, ce qui est une première et ne manque pas de surprendre en découvrant ces photos) partant en colonne défendre le gouvernement du Front populaire, les combats de rue dans Barcelone, la ville détruite par les bombardements, les cadavres d’hommes et de chevaux, la vie quotidienne sur le front, les équipements de fortune, mais aussi les sourires de ceux que l’espoir et la solidarité animent.

Ce regard humaniste n’est pas sans rappeler celui de Robert Capa qui a lui aussi – mais en tant qu’"extérieur" – témoigné de ce déchirant conflit intérieur.
Les photos et les journaux de l’époque de diverses tendances politiques rappellent les réactions de la communauté internationale : le soutien immédiat de l’Allemagne et de l’Italie à Franco ; la non-implication de la France et de la Grande-Bretagne ; l’appui des volontaires anti-fascistes (pour l’essentiel appartenant aux Brigades internationales), comme les écrivains André Malraux et George Orwell (que l’on peut voir ici, engagé dans les milices en 1937), et, à partir de la défaite des Républicains, la peur de la France de voir des Espagnols venir en masse s’y réfugier.

Agusti Centelles, exposition au jeu de PaumeLa deuxième partie de l’exposition traite précisément de ce sujet, avec les photos que Centelles a prises dans les camps du sud de la France lorsqu’il a dû fuir le régime franquiste avec près d’un demi-million de ses compatriotes en février 1939.
Interné au centre d’Argelès-sur-mer puis à celui de Bram, dans l’Aude, il a gardé trace grâce à ses photos mais aussi à son journal des conditions de vie dans les camps. Dans son cahier d’écolier il écrit : "Chaque jour qui passe dans cette prison (on ne peut pas appeler cela un camp de réfugiés malgré le nom qu’il porte), le désespoir grandit : des hommes normaux à leur arrivée en France, beaucoup, la plupart, peut-être 70 %, ont dégénéré mentalement".

Entourés de hauts barbelés, gardés par des tirailleurs sénégalais, les abris étaient de simples baraquements en bois, dont on se demande comment Agustí Centelles a pu y installer un laboratoire photo.
C’est en tout cas ce qui lui a permis d’être libéré au bout de quelques mois, autorisé à aller exercer son métier à Carcassonne.

Mais en 1944, pour échapper à la Gestapo, il doit fuir une nouvelle fois et revient alors en Espagne, où il va travailler, d’abord clandestinement, puis très discrètement, jusqu’à la mort de Franco. Ce n’est qu’en 1976, soit près de quarante ans après qu’il les a prises, que Centelles ira à Carcassonne récupérer les négatifs de ces photos, laissés dans la famille qui l’avait hébergé à l’époque.
Visiblement, il a fallu attendre encore quelques trente années de plus pour les exposer en France.

Agustí Centelles
Journal d’une guerre et d’un exil, Espagne-France, 1936-1939
Jeu de Paume – site Sully
62, rue Saint-Antoine – Paris IVème
Jusqu’au 13 septembre 2009
Entrée 5 €

Images : Confraternisation de militants anarchistes et d’agents de la Guardia Civil, Barcelone, 19 juillet 1936, Agustí Centelles, Archives Centelles, Barcelone / © ADAGP, Paris, 2009
et Camp de réfugiés de Bram, 1939, Agustí Centelles, Archives Centelles, Barcelone / © ADAGP, Paris, 2009

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La ''Planète Parr'' au Jeu de Paume à Paris

Planète ParrPlanète Parr, à voir au site Concorde du Jeu de Paume et dans le jardin des Tuileries jusqu’au 27 septembre, n’est pas une simple exposition de photographies de Martin Parr.
Celles-ci n’arrivent d’ailleurs qu’en fin de parcours.

En réalité, est ici recréé, par échantillons représentatifs, tout l’univers de l’artiste, sorti pour l’occasion de sa maison de Bristol.
Un univers constitué de différentes galaxies qui, appréhendées dans leur ensemble, tracent une espèce d’autoportrait du célèbre photographe britannique.

L’on découvre ainsi d’impressionnantes collections de cartes postales (certaines très anciennes, d’autres très amusantes), d’objets kitsch au possible (du papier toilette Ben Laden au slip kangourou Obama en passant par les assiettes figurant la grève des mineurs en 1984 et les mugs Margaret Thatcher), mais aussi de livres de photographies – une autre passion chez lui, qu’il a fait partager dans son ouvrage Le Livre de photographies : une histoire (1) – et enfin de photographies.

Dans ces deux dernières collections se révèlent les sources d’inspiration de Martin Parr : la photographie documentaire britannique (l’une des parties les plus intéressantes de l’exposition), représentée notamment par Tony Ray-Jones, Chris Killip et Graham Smith, mais pas seulement : apparaissent aussi dans son petit panthéon personnel Robert Frank, William Eggleston, ou encore Henri Cartier-Bresson, dont la découverte, en 1969, fut un moment très fort pour celui qui allait devenir en 1994 membre de l’agence Magnum.

Mais Martin Parr est indubitablement un homme de son temps ; il éprouve pour son époque une insatiable curiosité, comme en témoigne sa manie des collections, prétexte aussi à une exploration sans relâche de ce qui se fait ici ou ailleurs. Ainsi, parmi des acquisitions récentes, figurent des œuvres de photographes japonnais tels que Osamu Kanemura.

Les collections de cartes postales et d’objets du quotidien « fétichistes » ou commémoratifs participent elles aussi de cet autoportrait, où l’on retrouve l’intérêt de Parr pour la société de consommation, la publicité, l’image « cliché »… Une société qu’il a lui-même abondamment chroniquée, sans ménagement aucun mais avec beaucoup d’humour et un immense talent, au fil de ses reportages depuis plus de trente ans.

Exposition Martin Parr, Planète ParrAprès avoir montré les milieux ouvriers et les classes moyennes, il a consacré ses derniers travaux aux privilégiés de la planète.
Dans cette série Luxury, le regard de Martin Parr est ici encore sans concession : sur de très grands formats aux couleurs criardes s’étale le monde des très-argentés, où l’ostentation semble poussée au stade de la compétition. De Dubaï à Miami, en passant par Moscou et Chantilly, les codes sont finalement peu dissemblables. Chapeaux, lunettes, sacs, vêtements, et bien sûr montres, il faut que ce soit gros et que ça brille, si possible toutes griffes dehors. La vulgarité de comportement, comme la voracité devant un buffet, n’échappe jamais à l’œil impitoyable de l’Anglais, qui s’amuse à souligner sans en avoir l’air la grosse tache sur la robe de soie ou des ongles bien trop vaguement vernis…

A voir aussi : sa série sur dix villes du Royaume-Uni, effectuée pour The Guardian et, dans le jardin des Tuileries, Small Wordl, reportage sur le tourisme de masse.

Planète Parr, La collection de Martin Parr
Jusqu’au 27 septembre 2009
Jeu de Paume – site Concorde
1, place de la Concorde – Paris VIIIème
TLJ sf le lundi, jusqu’à 19 h, le mardi jusqu’à 21 h
Entrée 6 € (TR : 4 €)

(1) Publié en deux tomes aux éditions Phaidon en 2005

Images : Russia. Moscow. Fashion Week, 2004, série "Luxury", Martin Parr, © Martin Parr, Magnum Photos / Kamel Mennour
et USA. Hollywood. Attendees at a charity function, 2000, série "Luxury", Martin Parr, © Martin Parr, Magnum Photos / Kamel Mennour

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Gerhard Richter : photographies peintes

Photographies peintes de G Richter, MadridDans le cadre de PHotoEspaña 2009, la Fundación Telefónica accueille quatre cents photos peintes de l’artiste allemand Gerhard Richter, essentiellement de petits formats, avec quelques grandes œuvres abstraites en noir et blanc.

Cette immense exposition permet d’embrasser l’ensemble des techniques utilisées par Richter pour réaliser ses créations hybrides : peinture fraîche sur laquelle il appose un papier pour donner un relief instantané, projections, coulures, gouttes, raclures, larges aplats étirés, fond de pinceau épuisé de peinture.

Il mêle les couleurs (toutes y sont, des teintes automnales aux mauves, jaunes citron, vert profond…), fait surgir des marbrures, des veinés, des flammées, des nervures et des empâtements. Il recréé les mélanges naturels de la palette du peintre, étale, joue.
Les scènes sont familières, issues du quotidien : promenades en forêt, amis, famille, déambulation florentine, paysages de montages enneigées, moments aux sports d’hiver ou au jardin.

Le plus souvent, les ajouts de peinture ne sont pas illustratifs. Il s’agit plutôt d’un "rideau" que Richter pose sur ses photos. Ce faisant, il délimite un espace clos à la scène photographiée. L’espace plat du cliché devient tridimensionnel : c’est ainsi que l’artiste nous présente ses paysages et ses sujets, pris entre le "fond" de la photo et ce rideau de peinture, plus ou moins couvrant, plus ou moins opaque. A nous spectateurs de deviner ce qui se passe vraiment dans chaque scène. L’artiste joue avec ce caché/masqué : certaines séries sont ainsi constituées de la même vue mais couverte de taches de différents formats et positionnements, comme pour nous intimer de regarder telle partie de la photo. C’est ainsi que Richter introduit une infinie subjectivité dans ses photos du quotidien, qui pourraient n’être qu’"objectives" : voilà la scène donnée, tout le monde pourrait la photographier sous cet angle – l’incommensurable banalité du "cliché" – mais moi, sujet singulier, artiste, j’ai décidé de la présenter comme cela, d’en faire cela. A ce (lieu) commun, j’ai apporté mon regard : ma patte, ma pâte de peinture.

Mais il arrive que Gerhard Richter prolonge la photo, l’illustre. Il ajoute des massifs d’iris (mettons) dans une forêt, des flocons de neige – gouttes colorées dans un paysage de montagne. Coup de pinceau magique qui ouvre soudain le grand livre de la poésie. Onirisme fou de ces grandes bulles de savon orangé qui envahissent le ciel et les cimes. Ailleurs, flocons bleu clair : non sans jubilation, Richter se plaît à recréer le monde. Ostentation de ce que l’artiste peut ? Oui, mais aussi mise en garde contre les apparences, contre ce que l’esprit et l’œil trop imprimés de réflexes ne savent plus remettre en question. Regardez ces grandes photos de bougies (un cierge tout simple avec sa flamme) : voici la lumière, la purification, l’éveil… Une vieille panoplie que Richter nous invite à remballer bien vite, en posant sur ces sages images des taches d’encre de Chine. Pas de feu sans fumée, pas de lumière sans ombre, semble-t-il nous dire. Comme une invite à reconsidérer les choses, le regard que nous y portons.
Revigorant, bien évidemment.

Fotografías pintadas
Gerhard Richter
Jusqu’au 30 août 2009
Fundación Telefónica
Gran Vía, 28 – Madrid
TLJ sf lun. de 11 h à 21 h, le dim. jusqu’à 14 h
Entrée libre

Une exposition organisée dans le cadre du festival PHotoEspaña 2009,  »Lo Cotidiano »

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PHotoEspaña. Zhao Liang. Escenas urbanas

Zhao Liang, escena urbana, photoespana 2009A Madrid, l’historique et magnifique centre culturel Círculo de Bellas Artes (expositions, théâtre, concerts, cinéma, conférences, récitals de poésie… sans compter librairie et très agréable café) accueille dans le cadre de PHotoEspaña 2009, outre le Français Patrick Faigenbaum et le Tchèque Jindrich Styrsky, le chinois Zhao Liang à travers sa vidéo City Scenes (Escenas urbanas).

Ce documentaire de 33 minutes montre de courtes scènes du quotidien qui nous plongent dans un univers effrayant, où l’homme se trouve décalé, devenu étranger dans une ville qui s’est développée sans lui, au point de constituer pour ses habitants une menace.
On voit ainsi des employés de bureaux déjeuner à même le sol, sous l’énorme pile d’un pont de béton, au milieu d’artères de circulation gigantesques.
Dans un terrain vague, entre des lignes électriques et des immeubles immenses, un homme seul, jeune, attrape un parpaing, fait quelques pas en titubant, avant de le jeter devant lui. Il le reprend, marche, recommence. Perdu mais une avec sorte d’impuissante révolte, bouleversante.
Madrid, circulo de bellas artes, terrasse café
Citadins bien habillés ici, pauvres là, parlant dans le vide, errant, assis sur le trottoir, dans un wagon de métro… Solitude extrême dans un univers de buildings, de grues et de pelles mécaniques à perte de vue dans un brouillard de pollution omniprésent. Scènes de violence aussi, la nuit, histoires sans parole dont le résultat s’étale sous nos yeux, implacable : un homme étendu, abandonné, comme laissé mort.
On est pris de malaise devant cet essor économique, cette urbanisation exponentielle dont l’humanité, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes, semble la première exclue.

Zhao Liang. Escenas urbanas
PHotoEspaña 2009
Círculo de Bellas Artes
Alcalá 42 – 28014 Madrid
Jusqu’au 26 juillet 2009
Du mardi au samedi de 11 h à 14 h et de 17 h à 21 h
Le dimanche de 11 h à 14 h

Images : Zhao Liang. City Scenes
et terrasse du café du Círculo de Bellas Artes

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PHotoEspaña. Dorothea Lange. Los años decisivos

Dorotea Lange, los anos decisivos, photoespana 2009Comment clôturer cette série de billets dédiés à au festival PHotoEspaña 2009 à Madrid sans évoquer la magnifique rétrospective consacrée à Dorothea Lange au Museo de colecciones ICO ?

Les 140 tirages relatent son travail des années décisives, 1930 et 1940 dans les Etats-Unis en crise.

Les plus connus sont ceux montrant les conséquences de la grande dépression de 1929, où l’on voit des files d’attentes pour trouver un emploi, la misère dans laquelle se retrouvent un grand nombre d’Américains, les déplacements de travailleurs du monde agricole.

L’empathie et le regard humaniste de Dorothea Lange semblent tout entier concentrés dans les portraits ultra-célèbres de cette Mère migrante entourée de ses enfants, dans la pauvreté et la détresse la plus absolue, dont le visage est déjà marqué par de profonds sillons alors qu’elle est âgée d’à peine trente ans.

Beaucoup moins connue en revanche est la série consacrée au déplacement forcé des personnes d’origine japonaise après l’attaque de Pearl Harbor en 1941. Le gouvernement décide en effet de regrouper et d’interner dans des camps tous ces hommes, femmes et enfants, même ceux de citoyenneté américaine. Dans un contexte de racisme anti-japonais affiché, des familles entières sont forcées des plier bagage, de quitter leurs biens pour aller s’entasser dans des centres précaires.
De format beaucoup plus réduit, ces photos sont tout aussi poignantes tant elles montrent elles aussi la résignation et la souffrance. Si ces images sont restées longtemps cachées, c’est parce qu’elles étaient bien peu glorieuses pour l’image de marque du gouvernement. C’est d’ailleurs la première fois, ici à Madrid, plus d’un demi-siècle après qu’elles aient été prises, que ces 28 photographies sont exposées.

Dorothea Lange. Los años decisivos
PHotoEspaña 2009
Jusqu’au 26 juillet 2009
Museo de colecciones ICO – Zorrilla, 3 – 28014 Madrid
Du mar. au sam. de 11 h à 20 h et le dim. de 10 h à 14 h

Image : Dorothea Lange, Migrant mother, © Dorothea Lange

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PHotoEspaña. Años 70. Fotografía y vida cotidiana

William Eggleston, anos 70, photoespana 2009, Madrid
Dans l’immense Centro de Arte de la Fundación Banco Santander à Madrid (Teatro Fernán Gómez), PHotoEspaña 2009 présente une passionnante exposition réunissant une vingtaine d’artistes qui dans les années 1970 se sont consacrés au thème du quotidien. Dans cette prolifique veine de la photographie du "commun", la singularité des artistes fait mouche. Et la diversité de l’ensemble transforme la visite de ce "banal" en un enchaînement de surprises et de reliefs.

L’espagnole Fina Miralles montre ainsi des moments insignifiants, de ceux où l’on n’accomplit aucune action importante, sans même faire rien de particulier, mais qui sont certainement les plus fréquents et parfois même les plus agréables de la vie : toucher le bois de la rampe d’escalier, regarder le soleil par la fenêtre, se laver, boire, respirer…

Christian Boltanski, lui, a constitué L’album photographique de la famille D.. Dans cet ensemble de photos de la famille de l’artiste Marcel Durand, les plus ordinaires qui soient (tous les membres alignés en rang d’oignon pour les besoins de la cause ; famille dans le jardin, à la plage ; repas…), on a l’impression de voir les clichés éculés de sa propre famille. Sous nos yeux, le particulier devient quelconque, mais immensément partagé, tellement inscrit dans un temps et une société donnés…

Karen Knorr, photoespana 2009, anos 70Quotidien vu très différemment avec Karen Knorr et sa série Belgravia : ici est montrée la bourgeoisie anglaise cantonnée dans une zone résidentielle du centre de Londres. Chaque photo est accompagnée d’un texte court qui n’en est pas la description, mais résulte de l’entrevue au cours de laquelle le cliché a été soigneusement préparé. La tranquillité, l’assurance, pour ne pas dire l’arrogance d’une situation et d’un mode de vie privilégiés sont mis en scène avec revendication. Un homme assis dans une chambre tirée à quatre épingles (couvre-lit, tête de lit, murs et plafonds tendus du même tissu) affirme : "Chaque matin, je me lève et je fais 50 pompes. Je mange du müesli et du germe de blé au petit déjeuner. Tu es ce que tu manges."

Il est impossible de citer tous les grands artistes présents dans cette captivante exposition-fleuve : y sont ainsi notamment réunis des clichés très seventies de l’Américain William Eggleston mais aussi de belles et mystérieuses photos de rue du Tchèque Viktor Kolar.

La série Les dormeurs de Sophie Calle mérite elle aussi une jolie petite pause.
Du 1er au 9 avril 1979, elle a invité chez elle 28 hommes et femmes à dormir à tour de rôle pendant 8 heures dans son propre lit (elle exclue, bien entendu…). Sophie Calle observe, photographie, note les mots, les occupations et le sommeil de chacune de ces personnes qui ne font que se croiser à chaque "relève". Faisant la narration écrite et photographique de cette réalité-fiction, elle montre comment ses "invités", certains connus d’elle, d’autres pas, non seulement se comportent pendant l’expérience, mais aussi ce qu’ils en disent avant et après. On voit un tout jeune Fabrice Luchini succéder à une jeune belle personne. Petite conversation à l’occasion de cette "passation de lit" ; commentaire de Sophie Calle : "L’entretien commence de bonne humeur et finit dans la tension ; Béryl semble agacée". Le dernier dormeur est Roland Topor, venu accompagné. Il s’est ainsi décrit : "Roland Topor, pseudonyme de Jean-Pierre Clément. Célibataire à la force du poignet. L’âge… 40… 2 ans"

Años 70. Fotografía y vida cotidiana
Jusqu’au 26 juillet 2009
PHotoEspaña 2009
Teatro Fernán Gómez – Centro de Arte de la Fundación Banco Santander
Plaza de Colón 4 – 28001 Madrid
Du mar. au sam. de 10 h à 21 h et le dim. de 10 h à 19 h

Images : William Eggleston. Los setenta Volumen dos 1970
et Karen Knorr, Belgravia

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