Elle s'en va. Emmanuelle Bercot

Elle s'en va, Emmanuelle Bercot, avec Catherine DeneuveC’est un road-movie un peu particulier qui démarre sur une peine de cœur et finit sur un coup de foudre.
Son point de départ est une sympathique auberge de Bretagne, sont point d’arrivée un village de pierres du sud de la France.
Entre les deux, des boîtes de nuit de province, des stations-services et des hôtels sans étoile, des champs de maïs et des zones pavillonnaires.
Un peu la France de Depardon, un peu le pays de Mammouth, mémorable road-movie à moto dont Gérard Depardieu tenait magnifiquement le guidon.

Clin d’œil de l’histoire du cinéma, cette fois c’est Catherine Deneuve, sur qui les ans aussi sont bien passés, qui tient le volant, interprétant une Bettie au cœur chaviré.
Une sorte de fugue, signe des restes d’une jeunesse pas tout à fait consommée. Des regrets, des rêves brisés, des responsabilités mal assumées, des deuils non faits. Et voilà les retours en arrière qui l’attrapent au coin des larmes, comme cette envie de fumer, prétexte pour (re)prendre sa route quelque part où elle s’était arrêtée.
Étoiles de jeunes jeune fille, passions brisées, fille oubliée, petit-fils inconnu… tout est là, au bord de la route. Elle s’y arrête, rencontre des gens, bouts de vie ou destins entiers. Ce sont eux qui vont la faire avancer.
Qui d’autre que Catherine Deneuve aurait pu incarner Bettie, sa perte, sa dérive, son acceptation enfin ? On a du mal à l’imaginer, tant son naturel et sa liberté font merveille, et trouvent toute leur grâce au milieu de "non acteurs", le petit Nemo Schiffman, le propre fils de la réalisatrice, le peintre Gérard Garouste et la chanteuse Camille, qui font tous trois une entrée sur grands écrans plus que convaincante.

Elle s’en va
Un film d’Emmanuelle Bercot
Avec Catherine Deneuve, Nemo Schiffman, Gérard Garouste, Camille, Claude Gensac, Paul Hamy, Mylène Demongeot, Hafsia Herzi
Durée 1 h 53
Sorti en salles le 18 septembre 2013

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Photoquai 2013, n'attendez pas !

Photoquai 2013, PérouVoici ouverte la 4ème édition de la passionnante biennale consacrée à la photographie extra-occidentale par le Musée du Quai Branly.

Dans le jardin du Musée et sur le quai du même nom, ce ne sont pas moins de quarante photographes d’Océanie, d’Asie, de Russie, d’Afrique et d’Amérique Latine qui sont sélectionnés.

En tout, 400 photos, pour la plupart en très grand format sont exposées en plein air et en accès libre jusqu’au 17 novembre prochain.

Dans la douceur du soleil automnal, bercée par les reflets de la Seine, c’est une balade qu’il ne faut pas trop différer car elle est vraiment délicieuse en cette arrière-saison.
D’autant que le résultat est vraiment à la hauteur : plus on avance, plus la curiosité s’éveille et plus on est captivé par tant de découvertes.

Le fil conducteur de l’édition 2013, « Regarde-moi » tend à mettre l’accent sur l’humain. Pour autant, les lieux ne se réduisent pas à de simples décors. Bien au contraire, les personnages font unité avec leur cadre de vie. Et si quelques productions sont un peu plus convenues que les autres, l’immense majorité des œuvres présentées sont de très haute tenue et parfois extrêmement personnelles.

Tel est le cas des photographes russes Evgenia Arbugaeva, dont l’attachante série « Tiksi » suit les traces de ses souvenirs d’enfance dans le nord de la Sibérie et Daria Tuminas, qui avec « Ivan and the Moon » montre la vie intrigante de deux adolescents dans un village isolé du nord de la Russie à 990 kilomètres de Moscou en osmose totale avec la nature, ou, dans un registre très différent de « Quest for Self » série onirique et très léchée de Mohammad Anisul Hoque (Bangladesh).

En fait, on voudrait les citer presque tous… On s’en tiendra à deux noms encore, d’Amérique Latine cette fois : pour leur genre totalement pictural, les photos de famille de la Colombienne Adriana Duque, Sagrada Familia, de cuento en cuento directement inspirées de la peinture hollandaise du XVIIème et, tant pour son propos que pour la beauté de ses œuvres, Musuk Nolte qui s’intéresse plus particulièrement aux minorités ethniques.
En 2011, ce jeune Péruvien est allé à la rencontre des Shawi, au nord du Pérou : « C’est un mystère de la nature, explique-t-il. Ils vivent au fin fond de la jungle, à deux jours de navigation de la ville la plus proche. Eloignés de tout, ils disposent cependant de ressources naturelles qui, au fil des siècles, ont excité la convoitise de l’Etat : le caoutchouc au XIXe, le bois au XXe, le pétrole – dont leur sous-sol regorge – aujourd’hui. Parce qu’ils n’ont cessé de lutter pour leur survie, les Shawi ont, plus que d’autres ethnies, réussi à préserver leur territoire. Ils sont au nombre de 13 000, mais comptent parmi les tribus les moins étudiées de la forêt amazonienne. Tout ce que l’on sait d’eux, c’est qu’ils pratiquent le chamanisme. Restés à l’écart de la civilisation, ils sont, avec le temps, devenus un symbole de résistance ». Prises dans un noir et blanc entre chien et loup, ces photos sont aussi belles que mystérieuses.

Minorités menacées sur fond d’uniformisation croissante, dégâts de la pollution comme prix à payer de ce que l’on appelle le développement, pays en guerre, la réalité du monde contemporain est montrée sans angélisme à travers cette ambitieuse exposition. Mais l’on est loin, en même temps, d’une vision misérabiliste. Partout, c’est davantage la diversité des modes de vie et des chemins, dans toute leur dignité, qui sont valorisées, dans des démarches documentaires dont l’approche esthétique demeure toujours séduisante.

Photoquai 2013, Hoque, Bangladesh

Photoquai 2013
Sur le quai Branly, l’exposition est accessible gratuitement, 24h/24, tous les jours
Le jardin du musée du quai Branly est ouvert à partir de 9 h 15, l’entrée est libre
Comment y aller
Jusqu’au 17 novembre 2013

Images :
Musuk Nolte © musée du quai Branly, Photoquai 2013
et Mohammad Anisul Hoque © musée du quai Branly, Photoquai 2013

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Anna au théâtre du Rond-Point

Anna, Théâtre du Rond-PointChère Cécile de France ! Heureusement que nous l’avons pour jouer Anna, ainsi que Florence Pelly et Crystal Shepherd-Cross qui interprètent les deux complices Marie-Anne et Anne-Marie. Ce sont vraiment elles trois qui donnent sa saveur au spectacle.
Anna, c’est l’adaptation scénique du téléfilm de 1967 réalisé par Pierre Koralnik, avec Anna Karina et Jean-Claude Brialy, sur des musiques de Serge Gainsbourg. Tout le monde ne l’ayant pas forcément vu, les Parisiens pourront se rattraper au cinéma Le Balzac où il sera diffusé lundi 23 septembre à 20h30.

S’agissant pour l’heure du spectacle d’Emmanuel Daumas, sans y périr d’ennui, on est loin d’en redemander tant il est perfectible. Un des principaux regrets tient à l’occupation de l’espace : au lieu de profiter du grand plateau de la salle Renaud-Barrault pour y déployer le jeu des acteurs-chanteurs, le metteur en scène l’a encombré de cloisons mobiles et autres inutilités, si bien que la place échue aux comédiens est bien exiguë et le regard du spectateur frustré, et même gêné par un tel bazar.

Conséquence – quoique le problème ne tienne hélas pas seulement à cela -, les comédiens ont des jeux assez limités. Seules les inséparables Marie-Anne et Anne-Marie nous gratifient d’une scène amusante et inspirée. Pour le reste, la direction d’acteurs est bien à la peine et il faut avoir la fraîcheur, le naturel et l’intelligence du personnage comme les a Cécile de France pour faire palpiter le cœur des spectateurs… Grégoire Monsaingeon joue un Serge hystérique et monolithique, comme une caricature permanente de lui-même, qui au mieux ne suscite qu’indifférence.
Quant à la musique, essentielle ici évidemment, il eût été trop simple (et trop chouette) de respecter les compositions originales de Gainsbourg. Il a fallu réaménager tout ça à une autre sauce, quelques notes ici, quelques arrangements là. Parfois ça fait un peu "soupe", on a tendance à perdre l’esprit pop anglaise des sixties. Parfois ça reste très sympa, comme quand Cécile de France interprète "Sous le soleil exactement"

Bref, le tout flotte un peu, on ressort de cette comédie musicale – ici appelée "théâtre musical pop", ce qui change tout – certes sans avoir passé un mauvais moment, mais avec une assez désagréable impression d’approximation, notamment d’époque : 2013, sixties, seventies mais aussi années 90, il y a un peu de tout dans ce spectacle qui aurait mérité un ancrage temporel clair et assumé, ne serait-ce que pour lui donner, sinon un peu plus de chair, au moins davantage de cohérence.

Anna
Adaptation et mise en scène Emmanuel Daumas
Composition musicale et arrangements Guillaume Siron et Bruno Ralle
Avec Cécile de France, Gaël Leveugle, Grégoire Monsaingeon, Florence Pelly, Crystal Shepherd-Cross
Théâtre du Rond-Point
2 bis, av. Franklin D. Roosvelt – Paris 8°
A 21 h, dimanche à 18 h 30, relâche le lundi
Durée 1 h 30
Jusqu’au 6 octobre 2013

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Costa-Gavras à la Maison européenne de la photographie

Exposition Costa-Gavras à la MEPQuatre expositions sont organisées cet été à la MEP à Paris. Toutes les quatre se terminent dimanche 15 septembre.

A côté de l’exposition sombre et étonnante Casa madre associant des œuvres du peintre et sculpteur Mimmo Paladino à des photographies d’Antonio Biasiucci et de celle, lumineuse mais plutôt convenue de Ferrante Ferranti Itinerances, il ne faut surtout pas louper l’exposition de clichés de Philippe Halsman issus de la collection de Serge Aboukrat (dont on voit également des clichés-verres, curiosités du XIXème entre dessin et photographie) : grand photographe d’origine autrichienne chassé tôt de son pays, Hasman a démarré sa carrière à Paris avant de se rendre aux Etats-Unis pendant l’Occupation. Membre de l’agence Magma, il est un grand portraitiste rendu célèbre par sa façon de photographier les personnalités en les faisant sauter sur place. Les quelques dizaines de clichés exposés rappellent que son talent ne se limitait pas à cette originalité. Ses portraits sont tous très beaux et traduisent souvent une recherche esthétique très novatrice.

Le quatrième étage de la MEP réserve quant à lui une belle surprise, avec quelques soixante-dix tirages de Costa-Gavras. Il ne s’agit pas de photos de tournage (pour cela, on verra celles de Chris Marker que le réalisateur a choisies) mais de la vie de Costa-Gavras : photos de voyages, amis, artistes et personnalités politiques mais aussi photos de manifestations. De mai 1968 au 1er mai 2002 contre Jean-Marie Le Pen, en passant par le combat contre le Sida ou les défilés lycéens, on suit certains des engagements du cinéaste. Les portraits sont davantage des prises sur le vif que des portraits à proprement parler et c’est ce naturel qui en fait tout le charme, comme cette irrésistible photo de Romy Schneider et Yves Montant dans Paris en 1978.
Côté événements, les sujets sont on ne peut plus variés, des obsèques officielles de Salvador Allende au Chili en 1990 à une étape du tour de France au Mont Ventoux en 2000.
Pourquoi ces photos séduisent-elles autant ? Par leurs sujets bien sûr, personnages, moments ou lieux qui parlent à tout le monde. Mais pas seulement : c’est aussi que ces photos sont tout simplement très bien prises. Les cadrages et les compositions sont superbes et les personnages d’une intense présence. L’impression d’authenticité qui s’en dégage est d’autant plus remarquable qu’il s’agit par ailleurs de personnages très médiatisés ; là est sans doute la marque de la grande confiance voire de l’amitié que leur inspire le réalisateur de Z.

Maison européenne de la photographie
5-7 Rue de Fourcy – Paris 4ème
Du mer. au dim. de 11 h à 20 h
Entrée 8 euros (TR 4,5 euros)
Jusqu’au 15 septembre 2013

Image :
Yves Montand et Romy Schneider en repérage pour le film Clair de femme, 1978 © Costa-Gavras

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Le musée de la Vie Romantique à Paris

Musée de la Vie Romantique

A la belle saison, touristes et parisiens aiment venir dans cette petite enclave de calme, de fraîcheur et d’émotion au coeur du quartier de la Nouvelle Athènes.
Le musée de la Vie Romantique, c’est avant tout un lieu : un pavillon à l’italienne niché au fond d’une allée, une cour pavée, des arbres centenaires, quelques tables pour profiter du jardin fleuri… et bien sûr ce musée rétro à souhait.

L’hôtel Scheffer-Renan fut construit en 1830 pour le peintre et sculpteur d’origine hollandaise Ary Scheffer (1795-1858) qui y vécut jusqu’à sa mort.
Depuis 1983, il abrite un musée de la Ville de Paris dédié à la vie littéraire et artistique de la première moitié du XIXème siècle. A la "maison Chaptal", le peintre recevait en effet le Tout Paris intellectuel et artistique de la Monarchie de Juillet : Delacroix, George Sand et Chopin, Liszt, Rossini, Tourgueniev, Dickens…

Si le musée est essentiellement consacré à George Sand et à Ary Scheffer, c’est bien sûr toute une époque qui est évoquée, celle de la génération des Romantiques.
Ainsi, au rez-de-chaussée, parmi les objets ayant appartenu à l’écrivain (légués par sa petite-fille Aurore Lauth-Sand à la Ville en 1923), outre bijoux et souvenirs personnels, on trouve des portraits, tels ceux de Maurice et de George Sand par le graveur Luigi Calamatta, celui de ce dernier par Ingres, des peintures et des dessins de Delacroix, des sculptures, dont les moulages en plâtre du bras de la romancière et de la main de Chopin par le sculpteur Auguste Clésinger rappelant les années de passion qui unirent les deux artistes.

A côté, le salon Restauration de George Sand a été recréé par le décorateur Jacques Garcia en grande partie à partir de meubles et objets d’art que la femme de lettres possédait au château de Nohant, tels son portrait par Auguste Charpentier, le pastel du Portrait du Maréchal de Saxe par Maurice Quentin de La Tour ou encore le dessin de son fils Maurice La mare au diable du bois de Chanteloup.

A l’étage, aux portraits un peu figés d’Ary Scheffer, on préfère son très romantique Faust, ou son curieux Lénore, les morts vont vite, inspiré de la ballade germanique du XVIIIème siècle Léonore de Bürger, mise à la mode par Mme de Staël et traduite par de Nerval. Autre tableau hyper romantique : Le Justicier peint par F.-Hippolyte Debon (1807-1872), élève de Gros, un autoportrait pour le moins théâtral exposé au salon de 1835.

S’arrêter aussi devant les très jolis médaillons de Sand, Liszt, Musset, Delacroix et leurs amis par David d’Angers… et devant tout ce qui séduit l’œil ou l’inspiration, au fil de cette balade dans le temps qui semble aujourd’hui nous faire remonter fort loin, ce qui en rend le charme irrésistible.

Musée de la Vie romantique
Hôtel Scheffer-Renan
16 rue Chaptal – 75009 Paris
Tél. : 01 55 31 95 67
Ouvert tous les jours de 10h à 18h sauf les lundis et jours fériés
Entrée libre pour les collections permanentes
La prochaine exposition à partir du 17 septembre 2013 sera consacrée aux esquisses de l’époque romantique

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Fedora. Billy Wilder

Fedora, Billy Wilder

Les reprises de pas moins de cinq films de Billy Wilder sont programmées depuis début août : après Spéciale Première puis Un, deux,trois et avant le Stalag 17 le 11 septembre prochain, c’étaient Irma la douce et Fedora qui ressortaient en salles mercredi 21 août.

Sorti initialement en 1978, Fedora est l’avant-dernier film du grand cinéaste américain mort en 2002. Avec ce film crépusculaire malgré le soleil de Corfou, ce film testamentaire d’un cinéaste alors en fin de parcours, Billy Wider porte un regard terriblement cruel sur Hollywood.

Dutch Detweiller, producteur indépendant dont la période faste fait partie du passé, décide de refaire tourner Fedora, immense star du cinéma américain, retirée du milieu depuis des années. Quand il débarque à Corfou pour lui proposer le scénario – inspiré d‘Ana Karénine -, il découvre une Fedora inabordable, sur-protégée par une vieille comtesse dite son amie, son inflexible gouvernante anglaise ainsi qu’un docteur pas exactement net. Detweiller comprend vite que la star, qui n’a rien perdu de sa beauté passée, est littéralement cloîtrée de force et n’est pas loin d’en être devenue folle.

Telle une intrigue policière qui peu à peu s’éclaircit, l’histoire de la sortie de Fedora du monde du cinéma mais finalement pas du star system, nous est contée par le menu.
C’est aussi effrayant que fascinant. Billy Wilder s’en prend tant au mythe de la jeunesse éternelle incarné par les étoiles du grand écran qu’à la profession qui ne reconnaît plus le talent des aînés. Le célèbre réalisateur a été contraint d’aller chercher le financement de son film en Europe et c’est lui qu’on entend, à travers le personnage de Detweiller, pester contre les les gamins barbus qui contrôlent désormais le business (Coppola, Scorsese, Spielberg…).

Fedora, outre sa construction narrative efficace, tire sa force de ce caractère mi-critique, mi-nostalgique : tous les grands artistes d’une époque son évoqués, qu’ils soient acteurs ou cinéastes, écrivains ou peintres, américains ou européens. La beauté et l’audace de la jeunesse de sa génération, Wider les montre avec autant de brio. Quant à ce que tout cela est devenu et comment cela s’éteint – aussi pompeusement qu’hypocritement – il le souligne magistralement.
Son personnage Dutch se défend de l’amertume, rappelant qu’elle est "sœur de l’aigreur". D’aigreur, il ne saurait être question ici, mais d’amertume, en revanche… Sauf qu’avec Billy Wilder l’amer est élégamment escorté : de brillantes répliques en traits ironiques, de jeux d’acteurs très convaincants en cadrages époustouflants… le talent du réalisateur de La garçonnière est encore bien là.

Fedora
De Billy Wilder
Durée 1h 56min
Avec Marthe Keller, William Holden, Hildegard Knef
Sorti en 1978 / Reprise en version restaurée août 2013

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Le musée de la Boutique des colporteurs

Marmotte de colporteur Musée SoueixLe 1er juillet dernier, la commune de Soueix-Rogalle a créé l’événement dans le Haut-Couserans (Ariège) : après sept ans de recherches et deux ans de travaux, le musée de la Boutique des colporteurs a ouvert ses portes au coeur du village.

L’objectif ? Faire revivre un moment fort de l’histoire des vallées pyrénéennes : celui de "l’âge d’or" des colporteurs.
Les colporteurs étaient des vendeurs ambulants qui, dès le Moyen-Age, transportaient leus marchandises dans de petites caisses de bois accrochées autour du cou – d’où le nom de "col-porteurs" – ou sur le dos.
Ici, cet "âge d’or" est en réalité le reflet d’une certaine pauvreté : en raison de la surpopulation pyrénéenne au milieu du XIXème siècle, l’économie agricole ne permettait pas à tous de vivre correctement, poussant les moins fortunés à diversifier leurs moyens de subsistance. Ainsi, à la morte saison, nombreux étaient ceux qui partaient sur les chemins du sud-ouest, voire par-delà les montagnes et les mers jusqu’en Espagne, en Algérie et même au Canada et en Amérique Latine, apportant nouvelles, nouveautés et petits objets dans les coins les plus reculés.
Ils s’approvisionnaient à crédit et remboursaient leurs fournisseurs une fois de retour au pays, en fonction des ventes réalisées, ou même après les récoltes.

Boutique Souquet à SoueixA Soueix, le magasin Souquet était l’un des fournisseurs essentiels des colporteurs de la vallée : en pleine activité de 1824 à 1960, on y trouvait en effet de tout.
Grâce à la donation à la commune du bâtiment qui l’hébergeait par ses héritiers en 2005, puis au travail de reconstitution par une équipe de passionnés, ce pan de l’activité de la population pyrénéenne du XIXème siècle (les colporteurs ont disparu avant la Première Guerre Mondiale) reprend forme et vie dans le Musée.

Dans les pièces adjacentes à la Boutique proprement dite, est racontée la vie des colporteurs : près du cantou (le grand âtre), des voix de souviennent de ce métier qui, durant des mois, était aussi un mode de vie à l’économie. Par exemple, on ne dormait pas à l’auberge, mais chez l’habitant/client en échange de quoi on laissait parfois quelques babioles. En 1852, afin de contrôler cette profession dont les autorités se méfiaient depuis le siècle précédent, a été instauré le permis de colportage. Un exemplaire en est exposé, ainsi que des caïchos ou marmottes (les caisses des colporteurs), remplies de bijoux, d’articles de mercerie, d’objets de dévotion…

La caisse de la Boutique Souquet à SoueixEnfin, on pénètre dans la magnifique Boutique Souquet, une seule pièce couverte du sol au plafond de tiroirs et d’étagères de bois abrités derrière le grand comptoir en U. La caisse trône toujours au centre et, dans la petite pièce à côté, le coffre-fort et les pièces comptables : de grands registres où sont soigneusement consignées, d’une plume déliée et régulière, les commandes, la liste des débiteurs, etc.
On laissera le visiteur s’émerveiller du contenu des rayonnages (ainsi que des surprises sonores en ouvrant les tiroirs) et des cloches de verre posées sur le comptoir : épices, flacons de droguerie, pièces de quincaillerie et de vaisselle, draps, boutons, chapelets et bien d’autres trésors, tous en vente ici-même entre le milieu du XIXème et le milieu du XXème siècle.

Musée des colporteurs
Rue Principale
09140 SOUEIX-ROGALLE
En juillet-août, tous les après-midi de 14h30 à 19h
A côté : « Aux saveurs du terroir » (épicerie fine, petite restauration et salon de thé)
Entrée adulte : 2 €, enfant : 1 €
Pass’patrimoine : 5 €, entrée comprise pour la Boutique des Colporteurs, le Château de Seix et l’Exposition des Montreurs d’ours d’Ercé

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Tsutsugaki au Musée Guimet

Tsutsugaki au Musée GuimetLe Musée Guimet met le Japon à l’honneur cet été avec l’exposition consacrée aux arts de la table autour de l’artiste Rosanjin Kitaoji (1883-1959), poète, céramiste, calligraphe et cuisinier (jusqu’au 9 septembre).

En complément, le Musée présente une exposition dédiée à une autre forme de l’art japonais traditionnel, beaucoup moins connue mais très belle : le tsutsugaki, à fois technique de peinture et œuvres textiles qui en procèdent.

Le tsutsugaki, kézako ?

Par le tsutsugaki (de tsutsu, tube et de gaki, dessin), on apposait sur un tissu de coton ou de lin, à l’aide d’un cône dur, une colle réalisée à base de pâte de riz qui permettait de constituer une réserve avant le bain de teinture d’indigo. Puis on garnissait les motifs ainsi réservés, généralement de couleurs chaudes.
Les pièces de tissu étaient ensuite délicatement assemblées pour réaliser des futons, des kimonos, des paravents, des bannières, parfois de très grande taille, aux coutures invisibles.
Tsutsugaki désigne dès lors aussi ces objets textiles qui apparurent dès le XVIème siècle, connurent leur apogée à la fin de l’ère Edo au XIXème et disparurent progressivement au début du XXème.

A quoi servait le tsutsukaki ?

Art populaire, résultat de savoir-faire associant dessinateurs, artisans et teinturiers, le tsutsugaki avait pour principal objet de porter bonheur à ceux qui le recevaient en cadeau. On en offrait à l’occasion des mariages et des baptêmes, on en ornait les temples lors des fêtes religieuses. Puisqu’on entendait s’assurer de la bonne fortune des bénéficiaires (virilité, descendance, longue vie…), les motifs étaient soigneusement choisis en fonction de leur force symbolique.
Sur de magnifiques fonds indigo, se détachent ainsi en de somptueux jaunes et rouges, des singes, des lions japonais, des dragons, des fleurs de pivoine et de chrysanthème, des branches de prunus…

Une exposition rare

Les pièces présentées, quoiqu’en nombre relativement resserré, sont exceptionnelles : elles proviennent pour partie d’une collection privée japonaise (pour la première fois présentées hors du Japon), pour partie du fonds Krishnā Riboud conservé par le Musée, et complétées d’une oeuvre tsutsugaki que le peintre Léonard Foujita conserva toute sa vie.

Tsutsugaki, textiles indigo du Japon
Une exposition organisée par le musée national des arts asiatiques Guimet et Ueki et Associés
Musée Guimet
6, place d’Iéna- 75116 Paris
Tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h
Entrée avec le billet des collections permanentes : 7,50 € (TR 5,50€)
Jusqu’au 7 octobre 2013
Visites commentées de l’exposition les sam. et dim. à 14h (durée 1h) sf le 25 août
Plein tarif : 4,20 €, tarif réduit : 3,20 € (hors droit d’entrée), sans réservation dans la limite des places disponibles

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Un Allemand à la cour de Louis XIV. Musée du Louvre

Durer, vue du val DEverhard Jabach (1618-1695) est un nom qui compte dans l’histoire des collections du Louvre.
Riche banquier d’origine colonaise, il vécut à Paris où il réunit l’une des plus grandes collection d’art de son temps.
En 1662 puis en 1771, en besoin de fonds, il vendit à Louis XIV une grande partie de sa collection, grâce à laquelle (grossie des œuvres acquises à sa mort, car il avait entre temps retrouvé fortune et poursuivi ses achats) s’est fondée la collection royale, dont est issue celle du musée du Louvre.

Tourné naturellement vers l’art italien conformément au goût de l’époque, Everhard Jabach ne négligea pas pour autant les peintres de l’Ecole du Nord, celle des maîtres anciens comme celle, "moderne", des artistes du XVIIème siècle.
C’est cette partie-là que le musée met à l’honneur à travers un accrochage de dessins et de peintures lui appartenant, à l’exception du portrait de Jabach par Antoon Van Dyck, prêté par un collectionneur privé. Ce choix reflète la spécificité de la collection de ce négociant éclairé qu’était Jabach : son ascendance germanique et ses liens d’affaires avec l’Angleterre, les Pays-Bas et l’Allemagne le conduisirent à s’intéresser plus que tout autre à l’art des pays du Nord.

L’exposition montre majoritairement des dessins ; la facture des peintures présentées fait regretter qu’elles ne soient pas plus nombreuses. La monumentale et somptueuse nature morte Le dessert de Davidsz de Heem (1640) nous saisit d’emblée par sa richesse. Comment ne pas tomber "en appétit" devant ces fruits, ce bout de gâteau, cette coupe d’eau citronnée ? La vaisselle et les étoffes brillent de mille feux, le tout dans l’atmosphère sombre propre au genre. D’autres joyaux jalonnent le parcours, tel le portrait de profil d‘Érasme écrivant (1523) par Hans Holbein, le portrait du collectionneur à l’âge de dix-huit ans portant le deuil de son père (1636, voir plus-haut), ou encore la Vue du val d’Arco (1495), petite et délicieuse aquarelle de Dürer.

Côté dessins, on admire notamment des paysages de Bril, dont Jabach était fort friand ou encore des dessins "italiens" que Rubens réalisait à partir de copies de dessins de Michel-Ange, par lui-même ou achetés, et qu’il retouchait et complétait. Comme s’il était bien difficile d’oublier complètement l’Italie…

Un Allemand à la cour de Louis XIV
De Dürer à Van Dyck, la collection nordique d’Everhard Jabach
Musée du Louvre
Paris 1er
Tous les jours de 9h à 18h, sauf le mardi
Nocturne le mercredi et le vendredi jusqu’à 21h45
Accès avec le billet d’entrée au musée : 11 €
Jusqu’au 16 Septembre 2013

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Giotto e compagni. Musée du Louvre

Giotto e compagni au LouvreOrganiser une exposition autour de Giotto di Bondone (vers 1267-1337) ne doit pas être une entreprise aisée.
Les œuvres qu’il a laissées sont en majeure partie des fresques – église de l’Arena à Padoue ainsi que celles illustrant la Vie de saint François à Assise et à Florence – donc fixées à demeure. Seulement trois peintures sont signées de sa main, dont le Saint François d’Assise recevant les stigmates du Louvre, et il faut tenir compte des querelles d’attribution dont nombre d’œuvres sont encore l’objet.

De fait, Giotto ayant imprimé un nouveau style – souvent qualifié de révolutionnaire – et ayant rencontré un grand succès, il a ouvert un atelier dans lequel beaucoup de disciples travaillaient en même temps que le maître et/ou sous ses directives. Dans ces conditions, comme le souligne le Musée, la distinction entre les œuvres de la seule main de l’artiste et celles issues de son atelier est assez peu pertinente.
Cela étant, à force de recherches et de rapprochements, désormais davantage fondés sur les études stylistiques que techniques, la création giottesque, caractérisée par un grand soin accordé aux détails des visages et des corps, à "l’humanité" des expressions, à la clarté de la lumière, à quelques tentatives de rendu, sinon de la perspective au moins de la profondeur est aujourd’hui beaucoup mieux cernée.

Le Musée du Louvre, riche de plusieurs œuvres, a bénéficié de prêts de pièces majeures venues des Etats-Unis, de Londres et de Florence. Il a ajouté à celles-ci des tableaux issus de son atelier ainsi que des exemples de l’art encore très hiératique du style byzantin que Giotto a totalement bouleversé. Enfin, le panorama est complété par des oeuvres d’artistes contemporains mais au coup de pinceau sensiblement différent.

Le tout est didactique, clair, cohérent, et très enrichissant. On laissera le visiteur se rendre compte par lui-même : à côté de l’école traditionnelle du Trecento, la manière de Giotto semble soudain faire apparaître non plus des figures mais des personnes. Délicatesse et expressivité des traits, précision des attitudes, inventivité dans la façon de représenter les scènes traditionnelles de la peinture religieuse – telle la Vierge à gauche du Christ dans la grande Croix du Louvre, qui tourne son visage de l’autre côté : nul doute qu’il y a bien eu un avant et un après Giotto.

Giotto e compagni
Musée du Louvre
Salle de la Chapelle
Tous les jours de 9h à 18h, sauf le mardi
Nocturnes mercredi et vendredi jusqu’à 21h45
Accès avec le billet d’entrée au musée : 11 €
Jusqu’au 15 juillet 2013

Image : Element de predelle, St François prêchant aux oiseaux, Bois © RMN – Grand Palais -Michel Urtado

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