Récits de juin. Pippo Delbono

Pippo Delbono, Récits de juin, Actes SudAvec son dernier spectacle sur le thème de la mort Questo buio feroce (Cette obscurité féroce), donné au théâtre du Rond-Point en début d’année et actuellement en tournée, Pippo Delbono bouscule et émerveille.

Le dramaturge italien prolonge ce souffle intime dans un très beau livre autobiographique Récits de juin.
Il y raconte son enfance dans un milieu ultra-catholique – il reçut le diplôme de l’enfant de choeur le plus assidû, avec pas moins de 680 messes en un an ! -, son premier amour, son homosexualité, la maladie, le deuil dans la solitude absolue, la découverte du théâtre enfin. Très jeune, et déjà une façon de trouver la liberté : "Je crois que c’est grâce à ces années de contrainte que j’ai commencé à rechercher un chemin de liberté" dit-il. Evoquant son spectacle sur le pouvoir, Urlo, il cite Henri IV de Pirandello, on ne peut plus explicite : "Et ce prêtre me dit un jour : nous avons besoin de prêtres méchants, de parents méchants, pour pouvoir ainsi nous révolter et devenir libre."
Mais prendre le théâtre à bras-le-corps fut aussi pour Pippo Delbono une façon de "redevenir vivant", dans les moments où il s’est senti perdre pied. Faire entrer dans sa troupe les drôles de comédiens que l’on voit sur scène fut pour lui un besoin : Gianlucca, le trisomique, Nelson, le clochard. Et à propos de Bobo, le sourd-muet microcéphale : "Je redécouvrais le monde avec lui".

Pippo Delbono se livre sans détour mais avec beaucoup de pudeur. Au fil des pages, les extraits de ses pièces et les nombreuses photos font écho au récit. L’ensemble vibre de ce formidable tangage qui fait le sort et le ressort de l’artiste : ce balancement permanent entre vie et théâtre ; comment les doutes, les peurs, les désespoirs ont nourri son oeuvre, et comment ses créations l’ont aidé à avancer, à se découvrir, à se retrouver.
Ciselés avec sobriété et délicatesse, ces Récits de juin ont ce souffle poétique et sensuel propre à Pippo Delbono :

A ta mort, tu danseras sur une colline à la fin du jour. Et pendant ton ultime danse, tu raconteras les batailles que tu as gagnées et celles que tu as perdues. Le vent sera doux et calme, et la colline tremblera. Et aussi longtemps que tu danseras et danseras et danseras, la mort ici assise t’attendra.

Récits de juin. Pippo Delbono
Traduction de Myriam Bloedé et Claudia Palazzolo
Actes Sud (2008), 144 p., 25 €

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La double vie de Vermeer. Luigi Guarnieri

Luigi GuarnieriVoici certainement l’histoire de faussaire la plus gonflée et la plus réussie du siècle dernier.

Dans la première partie du XXème siècle, Han van Meegeren (VM), peintre hollandais admirateur des grands maîtres du passé, pourfendeur des modernes de son temps, produit une peinture traditionnelle qui plaît au public mais n’éblouit pas la critique.
Petit à petit gagné par l’amertume à l’égard des milieux "autorisés" qui ont le tort selon lui de s’intéresser un peu trop à ces Magritte, Picasso et autre Dali, VM se répand en articles féroces contre les critiques et historiens d’art. C’est ainsi que d’un même mouvement, il signe son exclusion des milieux artistiques et commence à nourrir un incommensurable désir de vengeance.
Il décide alors de faire un faux, un faux idéal, qui trompera tout ce beau monde et fera de lui un artiste de génie.

Sa "victime", idéale elle aussi : la peinture de Vermeer, alors découverte depuis peu et déjà vouée aux gémonies. Par bonheur, l’on ignore pratiquement tout de la biographie de Vermeer et ses oeuvres authentifiées se comptent sur quelques poignées de main.
VM s’engouffre dans la brèche ouverte par un historien d’art, selon qui le peintre hollandais aurait eu une "période religieuse".
Utilisant les techniques, les matériaux et les pigments du XVIIème siècle, y compris le plus coûteux d’entre eux, le bleu lapis-lazuli, VM réalise un chef d’oeuvre Les Disciples d’Emmaus qui bluffe et les experts et l’Etat néerlandais.
Il faut préciser qu’il bénéficie du contexte de son époque – celle-là même qui le conduira plus tard à sa perte : pendant l’occupation des Pays-Bas par l’Allemagne, l’Etat se précipite pour acquérir ce miraculeux Vermeer, de crainte qu’il ne tombe entre les mains de l’occupant.
Tout aurait pu s’arrêter là. (Et l’on ne peut s’empêcher d’imaginer que dans d’autres circonstances, étant donné l’absence de soupçon sur cette oeuvre, ce faux n’aurait peut-être jamais été identifié comme tel et que l’on admirerait encore aujourd’hui ce Disciples d’Emmaus comme l’un des plus beaux Vermeer…)

Mais VM ne put s’arrêter là, bien que sa vengeance eût été accomplie : la facilité avec laquelle il avait aveuglé les experts avait donné raison au mépris dans lequel il les tenait.
En réalité, notre héros courait après la reconnaissance de son talent d’artiste et dès lors il se mit à multiplier les faux et les risques, négligeant de plus en plus de détails (poussé certainement par un désir profond de se dévoiler comme auteur de ces oeuvres) jusqu’à ce que l’un de ses acheteurs ne soit autre que le nazi Hermann Göring.
Cette "plaisanterie" finira donc à la Libération sur une accusation de collaboration avec l’ennemi (ce qui n’était visiblement pas son intention) et, pour y échapper, VM avouera ses forfaits et leurs mobiles.

Malgré son style plat, ce roman qui se lit comme un document est absolument passionnant. D’une part parce que, partagé entre dégoût et admiration, le lecteur ne peut s’empêcher de s’attacher à ce stupéfiant faussaire, après qui la valeur de l’art et ses appréciations se trouvent quelque peu relativisées. D’autre part parce que le sujet sur lequel il s’appuie, l’oeuvre de Vermeer et l’engouement qu’elle a entraîné au début du XXème siècle donnent à Luigi Guarnieri l’occasion d’aller faire un petit tour du côté de chez Swann, au cours d’une délicieuse digression sur le fameux petit pan de mur jaune que Proust via Bergotte admirait tant dans le tableau La vue de Delf, celui-ci, paraît-il, authentique Vermeer…

La double vie de Vermeer. Luigi Guarnieri
Traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli
Actes Sud (2006) 229 p., 19,80 €

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La Semaine du documentaire chilien à Paris

Patricio Guzman, Le cas PinochetLa Semaine du documentaire chilien s’est ouverte mardi 19 février avec Actores secundarios, un flash-back plein de vie et passionnant sur les révoltes lycéennes pendant la dictature (de Pachi Bustos et Jorge Leiva).
Elle se poursuit jusqu’au 26 février, au cinéma Le Latina, rue du Temple dans le 4ème arrondissement à Paris.

La sélection de cette deuxième édition a été confiée au réalisateur Patricio Guzmán, réunissant douze films sous le thème Documentaire, dictature, démocratie.

Ce soir à 19 h, temps fort de la manifestation avec la projection du Cas Pinochet, sur l’arrestation du dictateur chilien, en présence de son réalisateur Patricio Guzmán. Le Cas Pinochet sera également projeté demain vendredi 22 à 14 h.

Né en 1941 à Santiago du Chili, Patricio Guzmán est l’auteur de nombreux documentaires sur l’histoire du Chili, régulièrement récompensés.
Après le coup d’Etat, en 1973, il a quitté son pays pour Cuba puis l’Espagne, avant de s’installer à Paris. La Bataille du Chili (1973), trilogie de cinq heures sur la fin du gouvernement de Salvador Allende a remporté six grands prix en Europe et en Amérique latine. Salvador Allende (2004), a été sélectionné au festival de Cannes 2004 et a reçu le Prix Goya du meilleur documentaire.

La fille de Patricio Guzmán, Camila Guzmán Urzúa, de son côté, a réalisé le très beau Rideau de sucre (El telón de azúcar, 2007), documentaire très personnel sur Cuba, où elle a passé son enfance avec sa mère.

La Semaine du documentaire chilien à Paris se clôturera mardi prochain avec Cofralandes, rapsodia chilena de Raúl Ruiz (2002), puis Perspecplejia (contraction de trois mots signifiant personne, perspective et paraplégie en espagnol), documentaire sur les handicapés, dans lequel son réalisateur David Albala, lui-même paraplégique, découvre une façon d’accepter et de vaincre ses limites, le tout filmé avec, paraît-il sincérité, spontanéité et … une bonne dose d’humour.

Le documentaire chilien à Paris
Du 19 février au 26 février 2008
Le Latina
20 rue du Temple – Paris 4ème
M° Hôtel de Ville, Rambuteau
Entrée 8 €, TR 6,50 €, abonnement pour 5 entrées (valable toute l’année) 28 €

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Antigone. Henry Bauchau

Antigone, BauchauDepuis la mise en place de l’histoire et des personnages par Sophocle, on a connu beaucoup de versions d’Antigone. Elles ont été essentiellement été écrites pour le théâtre. Et voilà qu’un auteur, peu connu jusqu’alors malgré ses romans, ses recueils de poèmes, ses pièces de théâtre (et même sa biographie de Mao Zedong !), publie il y a dix ans un Antigone roman.

Certes, nous avons bien un roman, écrit à la première personne, qui déploie une partie des péripéties de la vie de la fille d’Œdipe, au moment où elle reprend le chemin vers Thèbes. Mais l’écriture, la magie de l’évocation en font un texte où la poésie nous emporte directement dans l’univers des mythes grecs. C’est à dire aux racines de notre culture.

Antigone met toute son ardeur à empêcher la guerre entre ses deux frères tant aimés, Polynice et Etéocle. Elle ne manque pas de moyens, qui constituent les références au merveilleux que l’on peut attendre du royaume des mythes : elle sait bander un arc comme nul autre ; elle sculpte admirablement le portrait de Jocaste, leur mère, pour tenter de dissuader ses frères de se battre. Mais surtout elle a le don d’émettre un cri qui bouleverse tellement ceux qui l’entendent qu’elle peut en obtenir beaucoup.

Henry Bauchau a principalement orienté sa thématique sur la question des genres masculin et féminin, et les portraits de femmes (car Ismène, la sœur, tient une grande place) sont superbes d’intelligence et de sentiment. Antigone est une révoltée, qui veut dépasser les attributs de la condition de la femme grecque pour amadouer la virilité exacerbée de ses frères :

« Quand il annonce que le corps de Polynice doit pourrir sans sépulture, je ne puis plus contenir mon cri. L’indignation, la colère s’échappent de mon corps et vont frapper de front le mufle de la ville avec l’énorme fardeau de douleur, de bêtise et d’iniquité qu’elle fait peser sur moi et sur toutes les femmes. Oui, moi Antigone, la mendiante du roi aveugle, je me découvre rebelle à ma patrie, définitivement rebelle à Thèbes, à sa loi virile, à ses guerres imbéciles et à son culte orgueilleux de la mort » (p. 289).

Un beau plaisir de lecture.

Antigone. Henry Bauchau
Actes Sud, 21 €, 368 p.
Egalement en poche, Babel, 8,50 €, 354 p.

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Capitaine Achab. Philippe Ramos

Capitaine Achab, Philippe RamosCe très beau film tient à la fois du roman et de l’exposition de tableaux.
D’une oeuvre romanesque, il a la puissance d’imagination, de la peinture il restitue le travail de composition, le jeu des lumières et la finesse des couleurs.
C’est l’enfance du héros de Moby Dick que le cinéaste a choisi d’inventer. Le roman de Melville ne sert que de point d’ancrage, autour duquel Philippe Ramos vient situer sa propre histoire.

Au rythme de cinq chapitres, d’une façon littéraire et délicate, cinq voix aux tonalités différentes évoquent Achab. Trois – son père, sa tante Rose puis le prêtre Mulligan – tracent le parcours et le portrait du petit Achab : caractère trempé, regard sombre et profond, visage obstiné, intériorité riche et volontaire. Deux autres racontent l’après Moby Dick, lorsque Achab, alors "le plus féroce et le plus sanguinaire" des capitaines de baleiniers, est devenu un mythe après avoir rencontré la grande baleine blanche.

Tout se tient dans cette superbe fresque : la figure du père, dur au coeur blessé, l’indépendance et le goût de la liberté de l’enfant "sauvage", le passion pour l’océan où l’on s’enfonce comme dans la forêt, la fidélité à ses amours et à ses rêves.

Philippe Ramos déroule lentement mais sûrement son oeuvre singulière et soignée, que l’on sent très assumée dans ses choix. Ses comédiens, essentiellement venus du théâtre (mais pas seulement, car l’on voit au passage un Philippe Katerine tout aussi parfait que ses partenaires), sont tous d’une présence et d’une justesse incroyables.
Les voix off confèrent à l’inspiration romanesque la force du conte et soulignent chez le cinéaste un art de l’ellipse parfaitement maîtrisé ; le décor, parfois très bucolique, enchante et rafraîchit…
L’on n’ira pas voir Capitaine Achab pour l’action, pour un face-à-face avec Moby Dick ; mais pour se laisser porter par son souffle, admirer ses scènes picturales, et s’émerveiller de la poésie qui l’habite de bout en bout.

Capitaine Achab de Philippe Ramos
Avec Denis Lavant, Jacques Bonnaffé, Bernard Blancan, Jean-François Stévenin, Virgil Leclaire, Philippe Katerine, Dominique Blanc, Carlo Brandt…
Durée 1 h 40
Distribution Sophie Dulac Distribution

Prix de la mise en scène et Prix Fipresci (presse internationale) au Festival de Locarno 2007

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Les mystères du rectangle. Siri Hustvedt

Les mystères du rectangle, Siri HustvedtLes mystères du rectangle, c’est d’abord le mystère de La Tempête, ce tableau peint par Giorgione en 1505 dont Siri Hustvedt est tombée amoureuse à l’âge de 19 ans lorsqu’une reproduction lui en a été montrée sur les bancs de l’université.
Ce fut son premier "moment de réelle transcendance" face à une oeuvre.
Ainsi a débuté sa quête pour tenter d’éclaircir les motifs de son émotion.
Dénué des références aisément identifiables de la peinture de l’époque, ce tableau a donné lieu à des analyses fort différentes qui ne l’ont guère aidée.
Siri Hustvedt est allée voir La Tempête plusieurs fois à l’Accademia de Venise, longuement, intensément. L’attention entièrement tournée vers la peinture, à l’écoute de ses sensations. Elle s’est aperçue (à l’occasion d’un tour que lui a joué sa mémoire, laquelle avait commencé par l’éliminer) que c’était par le personnage masculin qu’elle "entrait" dans le tableau, se mettant à la place de cet homme qui regarde la femme dénudée en train d’allaiter. (1)
La Tempête lui apparaît alors comme une « illustration du voyeurisme », attirant le spectateur « au-dedans d’une scène qui s’annonce comme un rêve ou une vision intérieure ».
Et demeurent, tenaces, non seulement le sentiment que ce tableau échappe à sa compréhension, mais aussi celui que, précisément, cette part d’ombre y est pour beaucoup dans son amour pour la toile de Giorgione.

Chemin faisant, Siri Hustvedt (Madame Paul Auster à la ville) se livre à une approche éminemment personnelle des oeuvres picturales. Elle n’est pas une professionnelle, mais simplement une passionnée de peinture. Elle se documente, lit les historiens et les critiques d’art, mais ce qui l’intéresse avant tout est le tableau, son mystère, qu’elle entend contempler, éventuellement comprendre, débarrassée de toute référence culturelle. Regarder par elle-même, d’un oeil neuf : « Je crois que les notions de "génie", de "chef d’oeuvre", de "plus grand", de "meilleur" s’interposent entre nous et ce que nous regardons. » Et enfin, être à l’écoute de ce qu’elle ressent, tenant comme Henry James que « En art, la sensation est sens ».

Cette approche la conduit à découvrir dans La dame collier de perles de Vermeer un détail en forme d’oeuf, lequel l’amène à penser que l’oeuvre évoque l’Annonciation ; à déceler des autoportraits non seulement dans Les Caprices de Goya mais également dans Le trois mai.
En partant de Jean-Baptiste-Siméon Chardin, elle projette sur les natures mortes de très beaux éclairages, mais également sur la peinture de Giorgio Morandi, de Joan Mitchell et de Gerhard Richter.

Giorgione, La TempêteServies par une prose claire et un langage simple, bien construites, joliment ramassées à chaque fin de chapitre, ces réflexions constituent une séduisante invitation à appréhender les oeuvres évoquées en adoptant le regard original de Siri Hustvedt.
Mais plus encore, l’audace, la subjectivité revendiquées par l’auteur ne peuvent qu’encourager à aborder la peinture et les oeuvres d’art en général de façon personnelle, en étant dénué ou pas de connaissances et de références, mais en écoutant toujours sa sensibilité, et assumant pleinement que « Nul ne se laisse à l’écart en regardant un tableau ».

Les mystères du rectangle. Siri Hustvedt
Essais sur la peinture traduits de l’américain par Christine Le Boeuf
Actes Sud (2006), 245 p.,

(1) A ce sujet, Siri Hustvedt souligne : « Dans de nombreux tableaux à thème érotique, il est généralement admis, de l’intérieur même du tableau, que le spectateur est un homme. Ce que l’on a moins évoqué, c’est la facilité avec laquelle une femme se glisse dans la peau d’un homme lorsqu’elle regarde un tel tableau. »

Image : La Tempête, Giorgione, 1505, Venise, Galleria dell’Accademia

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No country for old men. Joel et Ethan Coen

No country for old men, frères CoenDe Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme, effroyable roman de Cormac McCarthy revenu pour l’occasion à son titre original No country for old men, les frères Coen ont fait un film magistral.
Tirant de l’histoire sa substantifique moelle, leur film est aussi sec que les déserts du Texas où elle se déroule.

Trafic de drogue qui tourne mal, gros sous qui tombent dans les mains du premier chasseur d’antilopes qui passe par là – lequel, soudain, se verrait bien retraité à trente ans avec sa belle, … le règlement de comptes ne fait que commencer.

Mais les lignes se brouillent avec un grand cinglé, non pas de la gâchette comme le tout venant du narcotrafiquant, mais de la bonbonne à oxygène, qui tue net, en silence et sans bavure.
Sauf que si l’on peut tuer sans balle, perforer un crâne fait toujours couler du sang. Même dans le monde sans âme du glaçant Anton Chigurh. Alors dans ce pays qui n’est vraiment plus pour le vieil homme, l’on voit le sang couler en un flot calme et inéluctable, à l’image de la flaque d’hémoglobine que Chigurh évite en soulevant délicatement ses bottes après avoir réglé son compte à Carson Wells.

L’on assiste à ce carnage que rien ne semble pouvoir arrêter, endossant l’impuissance de Bell, le chérif de l’ancien temps.
Tommy Lee Jones l’interprète à merveille, sobre et émouvant, débarrassé de la couche de "gras existentiel" un peu collante dont l’avait tartiné Cormac McCarthy. L’épure des frères Coen est admirable, qui se contentent de souligner avec subtilité la perplexité et la douleur du vieux chérif face à l’absurdité d’une telle violence.

Quant au personnage d’Anton Chigurh, sous la coiffure, disons, juvénile, dont Javier Bardem se trouve affublé, il est encore plus effrayant que dans le roman. Les gestes lents mais implacables d’une machine à tuer, la conversation et l’esprit d’un humain, qui le rendraient presque raffiné, et, pire encore, un air parfois enfantin, il obéit à une logique qui nous échappe, qui est autre, qui n’est pas de ce vieux monde.
Même le jeu de mot de Sugar pour Chigurh, même l’humour noir des frères Coen ont du mal à nous faire déserrer la mâchoire…

No country for old men. Joel et Ethan Coen
Avec Tommy Lee Jones, Javier Bardem, Josh Brolin, Kelly MacDonald
Durée 2 h 03

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19ème festival de cinéma Travelling à Rennes : viva Buenos Aires

19ème festival de cinéma de Rennes Métropole, Travelling, Buenos AiresDu 9 au 19 février, pour sa 19ème édition, Travelling, le festival de cinéma de Rennes Métropole met Buenos Aires à l’honneur.
La programmation permettra de découvrir ou de redécouvrir près d’un siècle de cinéma argentin depuis les films du muet jusqu’au renouveau de ces quinze dernières années.
Outre un hommage à David José Kohon, figure majeure de la « Génération des années 1960 », la sélection de quelques soixante-dix films mettra l’accent sur le cinéma politique argentin : la période de la dictature (1976 à 1983), à travers des oeuvres majoritairement de fiction, mais aussi le cinéma documentaire militant et engagé.
Les festivaliers pourront rencontrer les réalisateurs d’aujourd’hui autour des projections de leurs films : Daniel Burman, réalisateur notamment du Fils d’Elias, Martin Rejtman, Diego Lerman, Carmen Guarini entre autres.
Naturellement, cette plongée cinématographique au coeur de la capitale argentine sera l’occasion d’évoquer (voire pire) le tango, danse mélancolique entre toutes.
Ainsi, mercredi 13, l’auteur-compositeur-interprète Juan Carlos Caceres improvisera sur l’un des premiers films muets argentins Nobleza gaucha de Eduardo Martinez de la Pera et Ernesto Gunche, tourné en 1915. On pourra aussi voir ou revoir le très beau Assassination Tango de et avec Robert Duvall. Mais, vendredi 15, on quittera les bons vieux fauteuils de cinéma pour aller danser toute la soirée, après avoir pris, si nécessaire, quelques cours de tango avec Adrian et Amanda…

Invités, programmation, calendrier et tous autres renseignements sur le site www.clairobscur.info

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Pierre Paulin. Le design au pouvoir

Pierre Paulin, le design au pouvoirLa Galerie des Gobelins rend hommage à l’un des plus grands designers français, Pierre Paulin, dont les réalisations sont certainement plus célèbres que son nom lui-même.
Au fil de 40 ans de collaboration avec le Mobilier national, il a mis son talent au service du pouvoir, mais également au service de tous avec des éditions largement connues du grand public.

Dès les années 1950, séduit par le mobilier scandinave, Paulin créé des sièges, des tables et des bureaux en bois blond, aux lignes simples et légères. L’empreinte de ces créations dans nos décors d’aujourd’hui saute aux yeux : ce style n’en finit pas de séduire les citadins en recherche de meubles clairs et peu encombrants.

Impression de les avoir vus mille fois aussi, et pour cause : les sièges créés pour les locaux des administrations, aux formes non seulement fonctionnelles mais aussi d’une rondeur très accueillante. En regard de ceux-ci, Pierre Paulin a choisi de montrer le mobilier de campagne de Napoléon 1er. "Pourquoi en France n’a-t-on jamais été capable de faire du moderne autrement que pour la guerre ?" s’interroge-t-il. Pliables, modulables, d’une élégance sobre, le tout emballé dans de la toile de jute… Il est vrai que ces pièces sont d’une surprenante modernité.

Designer du pouvoir, Paulin a également oeuvré à deux reprises pour la Présidence de la République. La première fois, ce fut pour Pompidou, en demande d’un décor moderne. Paulin aménagea plusieurs pièces à l’Elysée, dont un salon et une salle à manger. Afin de respecter l’enveloppe architecturale, il "re-chemisa" les espaces de grège clair et y installa un mobilier magnifique de sobriété. Teintes lumineuses beige et marron glacé, textiles chaleureux, lignes en rond ou en demi-lune… de façon un peu étonnante, ce mobilier n’évoque que douceur !
François Mitterrand passa également commande, pour un style radicalement différent, très années 1980 ; cette fois pour un mobilier de bureau : lignes franches et anguleuses, le bleu s’étale largement, coupé de fines lignes rouges…

Cette très belle exposition est ponctuée de choix de Paulin parmi les collections du Mobilier national. L’on voit ainsi par exemple un tableau de Pierre Soulages, ou encore, afin de souligner l’inspiration orientale du designer pour ses créations de sièges collectifs comme ceux de la Grande galerie du Louvre, des tapis persans du XVIème siècle, fortement évocateurs de cette idée de "s’assoir ensemble"…

Pierre Paulin, le design au pouvoir
Mobilier national – Galerie des Gobelins
42, av. des Gobelins – Paris XIIIème
Jusqu’au 20 juillet 2008
Tlj sauf le lundi de 12 h 30 à 18 h 30
Entrée : 6 € (TR 4 €)
Visite avec conférencier les mer., ven. et sam. à 15 h 30 et 17 h
Tarif 10 € (TR 7,50 €)

Image : Fumoir du Palais de l’Elysée © Collection Mobilier national, photo Olivier Amsellem

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Pierre Paulin, le design au pouvoir

Pierre Paulin, le design au pouvoirLa Galerie des Gobelins célèbre cette année quarante ans de collaboration avec le designer Pierre Paulin à travers une passionnante rétrospective : lire ou relire le billet du 5 février 2008.

Dans ce cadre, demain mercredi 28 mai de 14h à 16 h 30, l’artiste accueillera le public à la Galerie. Il dédicacera à cette occasion les deux livres Pierre Paulin, le design au pouvoir (éditions RMN) et Pierre Paulin designer (éditions Archibooks).

Pierre Paulin, le design au pouvoir
Mobilier national – Galerie des Gobelins
42, av. des Gobelins – Paris XIIIème
Jusqu’au 20 juillet 2008
Tlj sauf le lundi de 12 h 30 à 18 h 30
Entrée : 6 € (TR 4 €)
Visite avec conférencier les mer., ven. et sam. à 15 h 30 et 17 h
Tarif 10 € (TR 7,50 €)

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