Hokusai "L'affolé de son art" au musée Guimet

Hokusai, l'affolé de son artL’artiste souleva l’engouement des Européens dans le dernier quart du XIXème siècle mais ne suscita de son vivant, malgré une production prolifique, qu’une admiration éphémère dans son pays.
Il est aujourd’hui le peintre japonais le plus connu dans le monde et, par le détour de son succès occidental, sa patrie célèbre désormais son génie.

L’on connaît de lui Sous la vague au large de Kanagawa, dite La grande vague et ses Trente-six vues du Mont Fuji, devenues des classiques. Des splendeurs qui en cachent bien d’autres : jusqu’au 4 août 2008, le musée Guimet sort de son fonds d’art graphique les oeuvres de Katsushika Hokusai (1760-1849), donnant en embrasser le parcours de cet artiste qui n’a cessé d’évoluer, allant jusqu’à déclarer "C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant."

Il n’y a pourtant "rien à jeter" dans la rétrospective présentée par le musée Guimet ; au contraire, de retour chez soi, le catalogue – très réussi – donne le regret d’être passé trop vite devant certains dessins et estampes.
Ceux du début s’inscrivent dans la tradition de l’art de l’Ukiyo-e, scènes de maisons de thé, de spectacles, de geishas. Fourmillant de détails, d’actions, de personnages, ils se lisent comme des pièces de théâtre. Puis, autour des années 1830, Hokusai bascule vers le paysage. Voici donc nos "classiques", enfin vus dans leurs véritables couleurs, leur pleine beauté ; mais aussi d’autres paysages oniriques et puissamment enracinés dans la culture japonaise, dont les titres à eux seuls enchantent.

Viennent ensuite de magnifiques estampes de grandes fleurs associées à un petit animal, oiseau à la posture pour le moins acrobatique, insecte, voire grenouille qui disparaît dans les feuilles. Les cadrages évoquent la photographie moderne et les bouquets n’ont aucune apparence de composition. Economie de moyens, audace, épure, douceur des teintes… dans la suite des paysages, cette série souligne la sensibilité à la fois esthétique, enjouée, spirituelle et poétique du maître japonais.

Le clou de l’exposition figure dans la dernière salle, juste à côté d’un paravent grandiose : le diptyque des Tigre sous la pluie et Dragon, composés par Hokusai à la toute fin de se vie et dont le lien n’a été établi que récemment (la première de ces deux oeuvres appartenant au musée Ota de Tokyo et l’autre faisant partie d’une donation récente au musée Guimet). Avec le beau jeu de diagonales, les regards croisés des animaux, l’opposition lumineuse et chromatique, la symétrie et la complémentarité des deux pièces sont fascinantes. On dit qu’il s’agit du testament d’Hokusai. Et l’on ne peut s’empêcher de songer avec émotion à cet homme mort dans la misère dans sa quatre-vingt-dixième année alors qu’il pensait qu’il avait encore beaucoup à apprendre…

Hokusai "L’affolé de son art"
Jusqu’au 4 août 2008
Musée national des Arts asiatiques Guimet
6, place d’Iéna – Paris 16ème
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10 h à 18 h
Catalogue Hokusai 1760-1849, « l’affolé de son art », sous la direction d’Hélène Bayou
Coédition musée Guimet / RMN, 2008, (245 p., 39 €)

Image : Trente-six vues du Mont Fuji, Vent frais par matin clair (1830-32), legs Charles Jacquin, 1938, AA 380 © musée Guimet / Thierry Ollivier

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La lettre, une aventure de haut vol

Une aventure de haut vol, les débuts de l'aéropostaleCe 23 septembre 1870, un immense ballon s’élève au dessus des toits de Paris. A son bord : Jules Duruof ; sa mission : escorter de pleines poignées de dépêches et de lettres. Le ballon s’appelle Neptune et n’a rien d’une invention de fantaisie. Il s’agit de rétablir les liaisons de la capitale assiégée par les Prussiens : voici quatre jours que les voitures postales ne peuvent plus sortir. Trois heures après son envol, immortalisé par le photographe et aéronaute Nadar, le Neptune se pose près d’Evreux.
C’est un succès. Le gouvernement décide alors de réaliser des ballons en série : jusqu’au 28 janvier 1871, pendant les quatre mois de siège, soixante-sept ballons quitteront Paris pour communiquer avec les armées et, pour les Parisiens, avec les proches de province.

Pour la suite de l’histoire, il faut bien sûr attendre l’invention de l’aviation grâce au toulousain Clément Ader. Près de trente ans après, en 1918, quelques mois avant la fin de la guerre, est mise en place la première ligne aéropostale ; elle est alors militaire. Dès cette époque, un jeune industriel, Latécoère, se lance dans le projet d’une folle ambition : créer une ligne aéropostale entre Paris et l’Amérique du Sud. L’avancée se fait par étapes : France-Maroc tout d’abord, puis Casablanca-Dakar en 1925. Les lieux traversés ne sont pas sans danger ; les pertes matérielles et humaines nombreuses. Aussi, pour porter secours aux avions égarés et négocier avec les populations locales, Antoine de Saint-Exupéry est nommé chef d’aérobase à Cap-Juby, un fortin en plein Sahara. Il y écrira Courrier sud.
Après bien des péripéties et de nouveaux exploits comme celui de survoler la Cordillère des Andes dû à Jean Mermoz notamment, le 7 janvier 1933, Buenos Aires est relié à Paris pour la première fois avec un seul et même avion, en seulement 14 heures de vol.

Telle est la belle aventure que le Musée des Lettres et Manuscrits fait revivre à travers une passionnante exposition consacrée aux débuts de l’aéropostale. Photos, cartes, lettres, manuscrits autographes, dessins (de Saint-Ex en particulier), affiches, carnets de vol et même menus dédicacés… entourent les beaux portraits de ces pionniers et héros que furent Montgolfier, Nadar, Ader, Blériot, Latécoère, Mermoz, Guillaumet… Aéronautes fous et obstinés qui en réalisant le vieux rêve de l’homme ont aussi fait voler les lignes, délivrant au plus vite aux êtres éloignés les mots qui ne pouvaient être entendus mais que la magie des lettres et de l’écriture permettait qu’ils soient dits et reçus.

La lettre, une aventure de haut vol
Les débuts de l’aéropostale
Musée des Lettres et Manuscrits
8, rue Nesle – Paris 6 (M° Odéon)
Jusqu’au 2 novembre 2008
TLJ sf le lun., de 10 h à 20 h (jsq 18 h sam. et dim.)

A lire : le dossier consacré aux débuts de l’aéropostale dans le magazine Plume
(n° 45 – juin/juillet/août 2008, 8 €)

Image : affiche Aéropostale, © Coll. Musée Air France

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Traces du sacré. Centre Georges Pompidou

exposition traces du sacré au Centre PompidouQue faire lorsqu’après avoir passé 2 heures dans une exposition présentée comme réunissant des oeuvres exceptionnelles autour d’un thème inédit, vous en ressortez au bord de la nausée, avec le sentiment de n’avoir rien vu de beau et une idée de son propos aussi vague qu’avant d’y entrer ?

Y penser un peu ; laisser reposer une semaine ; voir alors ce qu’il en reste.
D’abord, l’éblouissement de la première salle Trace des dieux enfuis. A la fin du XVIIIème et au cours du XIXème siècles, des artistes proclament que Dieu est mort et enterré : Nietzsche, Germaine de Staël, Munch et surtout Goya avec sa magnifique gravure issue de la série Les désastres de la guerre, intitulée Rien, c’est ce qu’il dira. Après son passage "de l’autre côté", un cadavre nous délivre ce message laconique : Nada. Il n’y a pas d’autre monde. Il n’y a rien. (1)

Mais il était bien sûr impossible d’en rester là, de contempler tranquillement cette béance.
C’est ainsi que de Nostalgie de l’infini à L’ombre de Dieu, l’exposition parcourt les différentes réponses que les artistes ont essayé de proposer tout au long du XXème siècle à leurs questionnements spirituels une fois débarrassés des dogmes religieux.
Et il s’agit dès lors pour le visiteur de tenter de s’accrocher vaille que vaille à cet interminable magma utopico-cosmico-ésotérique (ou quelque chose comme ça).

Naturellement, la grandiloquence est souvent au rendez-vous ; la laideur hélas presque autant ; quant aux voix psalmodiant d’entêtantes prières, elles ne laissent à aucun moment les oreilles en repos.
Les créations psychédéliques peuvent éventuellement divertir. Le reste, pas du tout.
Avec les abominations du XXème siècle, l’on passe de la question du rapport au divin à celle de la définition de l’humanité, ce que soulignent les effrayantes oeuvres de l’entre-deux-guerres, puis celles qui évoquent les horreurs de la Seconde.

Plus loin, une partie de l’exposition est consacrée à des happenings d’artistes mettant en scène des rituels sacrificiels et autres cérémonies mystiques n’excluant pas la communion. La provocation n’est évidemment jamais loin. Ainsi, en novembre 1969, Michel Journiac, à l’occasion de la Messe pour un corps célébrée dans la galerie Templon proposait à ses (fidèles) spectateurs des hosties constituées de rondelles de boudin frit élaboré avec son propre sang.
Ce n’est qu’un exemple. L’exposition clôturée sur une légèreté de ce ce genre, l’on en a presque oublié les Kandinsky, Chagall, Matisse, Beuys, Picasso vus au fil du parcours. De très belles oeuvres assurément. Ailleurs, on les aurait adorées.
Ici, elles ont semblé plombées, parfois d’une violence excessive (typiquement, la série mythologique de Picasso autour du minotaure, qui peut être lue de façon plus ambigüe que ne le fait le commentaire de l’exposition).

Une semaine après, il reste une autre image de cette visite ; celle qui saisit en sortant de la salle : la splendeur des toits de Paris à perte de vue sous le soleil rougeoyant. Puis la redescente vers la ville, son bitume et ses pavés grouillants. Qu’elle est belle cette descente-là, qu’il est bon de retrouver la chaussée, son air pollué, ses bruits ordinaires et ses impures odeurs.

Traces du sacré
Centre Pompidou
Jusqu’au 11 août 2008
TLJ sauf le mardi de 11 h à 21 h
Entrée 12 € (TR 9 €)

(1) Encore quelques jours pour aller voir l’exposition  »Goya graveur » au Petit-Palais, autrement plus nourrissante que celle-ci

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Pas la couleur, rien que la nuance !

Exposition pas la couleur aux Musées des Augustins à ToulouseLa peinture, c’est le jeu des couleurs, des contrastes, des éclats lumineux ? Pas toujours. Le monochrome, le camaïeu, la grisaille, ont leur propre beauté. La preuve est donnée dans cette exposition à la thématique rarement rassemblée.

Oh, les artistes n’ont pas tout de suite trouvé une légitimité esthétique à se passer de couleurs.
Jusqu’au début du XVIIe siècle, les œuvres grises qui nous sont parvenues sont essentiellement des travaux préparatoires à des réalisations plus définitives : par exemple pour la gravure (l’inquiétant Les Morts sortent de leurs tombeaux de Barendsz), ou des maquettes pour de grandes compositions (La Résurrection de Rubens), ou encore des modèles pour la tapisserie (une bataille de Quellinus).

Puis une mode se répand : l’imitation de la sculpture par le pinceau. L’utilisation des gris est alors évidente, avec une extraordinaire variété de nuances. Le Massacre des Innocents de Jacques Stella est très représentatif de ces performances. Certains vont nettement jusqu’au trompe l’œil : imitation de bas relief de pierre, mais aussi de bronze patiné, avec de belles gradations de jaunes et de verts chez Piat-Joseph Sauvage, ou encore de vieil or chez Alexandre François Desportes.
Bien des fois l’artiste a réussi une œuvre originale alors qu’elle ne se voulait que le moyen d’en préparer une autre. Ainsi Gabriel François Doyen dans sa préparation au fameux Miracle des Ardents de l’église Saint Roch à Paris : après des esquisses en couleur, il réalise une grisaille où les nuances disent l’essentiel.

pas_la_couleur_carpeaux.jpgMais c’est au XIXe siècle que l’on assume totalement l’intérêt de la grisaille ou de la monochromie comme méthode à effet esthétique à part entière. Et l’on découvre ici de belles œuvres de Puvis de Chavannes, des deux Gustave, Doré et Moreau, de Benjamin Constant. Un des tableaux les plus étonnant est celui de Jean-Baptiste Carpeaux : cette Scène d’accouchement toute en suggestion de violence, souffrance et délivrance est très impressionnante.

Même si quelques unes de cette soixantaine d’œuvre ont traversé les frontières pour venir à Toulouse, on remarque que les musées des villes en région constituent l’essentiel de l’exposition, et l’on se dit : que de tours de France à projeter à la découverte de ces trésors, de Dieppe à Albi, de Castres à Douai, de Reims à La Rochelle !

Pas la couleur, rien que la nuance !
Trompe-l’oeil et grisailles de Rubens à Toulouse-Lautrec
Jusqu’au 15 juin 2008
Musée des Augustins – Musée des Beaux-Arts de Toulouse
21, rue de Metz – Toulouse
TLJ de 10 h à 18 h, nocturne le mercredi jusqu’à 21 h
Entrée : 6 € (TR : 4 € et gratuit pour les moins de 18 ans)

Images : Ce que font les gens pour de l’argent, Adriaen Van de Venne (1589-1662), H. s. bois (Lons-le-Saunier, musée des Beaux-Arts Photo © Lons-le-Saunier, musée)
et Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875), H. s. t. (Paris, musée du Petit Palais © Paris, musée du Petit Palais, photo : Roger-Viollet)

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Le 10ème Printemps des Poètes : Eloge de l'autre

Dixième Printemps des PoètesInauguré ce soir au Théâtre Mogador à Paris, le Printemps des Poètes va réunir les amoureux de poésie jusqu’au 16 mars autour du thème Eloge de l’autre – Carrefours, croisements, métissages.

Lectures, ateliers d’écriture, rencontres, animations et spectacles, pour sa dixième édition, cette manifestation propose un programme encore plus large que les années précédentes. En Ile-de-France et en province, mais aussi à l’étranger, ce ne sont pas uniquement les librairies et les bibliothèques qui sont concernées, mais aussi les gares SNCF, le métro parisien (à la station St-Germain-des-Prés bien sûr), les hôpitaux (grâce aux clowns du Rire Médecin), la radio (sur France-Culture et RFI)…

Point d’orgue de la manifestation : vendredi 7 mars, grande journée nationale du poème à l’autre, où tout un chacun est invité à faire écho à la proposition suivante : "Chez vous, au travail, à l’école, dans la rue…, offrez un poème, échangez vos poèmes, postez un poème, glissez un poème sous la porte, ceci ou cela, mais donnez un poème à l’autre !"

Pour vous mettre en verve, vous pouvez aller visiter le site printempsdespoetes.com, vraiment très bien fait (y compris côté pratique). Il donne aussi l’occasion de musarder : l’on y trouve une foule de références de poètes et de livres… et l’on a envie d’y piocher au petit bonheur la chance car on peut y lire des extraits.

Autre proposition : entrer dans une bonne librairie, feuilleter, repartir avec un recueil, par exemple d’un poète que l’on ne connaît pas, et savourer le simple bonheur de lire de la poésie.

Et tout de suite, on peut toujours lire ceci :

Éloge de l’autre

Celui qui marche d’un pas lent dans la rue de l’exil
C’est toi
C’est moi
Regarde-le bien, ce n’est qu’un homme
Qu’importe le temps, la ressemblance, le sourire au bout des larmes
l’étranger a toujours un ciel froissé au fond des yeux
Aucun arbre arraché
Ne donne l’ombre qu’il faut
Ni le fruit qu’on attend
La solitude n’est pas un métier
Ni un déjeuner sur l’herbe
Une coquetterie de bohémiens
Demander l’asile est une offense
Une blessure avalée avec l’espoir qu’un jour
On s’étonnera d’être heureux ici ou là-bas.

Tahar Ben Jelloun
Tanger, 7 octobre 2007

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Drôle de Monde 2. Le Cirque du Grand Céleste

Drôle de Monde 2, Le Cirque du Grand CélesteVous entrerez d’abord sous un premier chapiteau, vaste juste ce qu’il faut, chaleureusement éclairé, on ne peut plus "rond". Dans cette douce température, vous pouvez prendre votre billet, un verre, pourquoi pas votre dîner ou tout simplement vous attabler pour attendre l’heure dite.

Puis l’on vous invitera à pénétrer dans un second chapiteau où l’on vous installera dans une ambiance tout aussi conviviale.
Le premier cercle se trouve dans les canapés, tout au bord de la piste ; les autres sur les gradins mais sans inquiétude, car des coussins de velours ne tardent pas à leur être envoyés.

C’est ainsi que la magie peut commencer (peut-être ne fait-elle que continuer).
Voici des artistes. Un chanteur au piano, à même la piste ; au fond, un orchestre.
La musique accompagnera toute la soirée, jouant au plus près des numéros, imprimant le rythme ou se faisant plus discrète. Part entière du spectacle, elle participe tant des moments endiablés que de l’épure des numéros.
Et c’est avec un extraordinaire talent que ceux-ci sont donnés.

Le jeu de Dom, la jeune acrobate-clown, pin-up blonde à la petite robe de plage, semble la simplicité-même. Il fonctionne en réalité à merveille, car il est d’une grande subtilité. La voici qui s’élève maladroitement le long du voile ; on la suit elle car elle fait rire à plaisir, jusqu’à ce que la performance vienne nous éblouir par surprise.
Jeunesse, haut comme trois pommes, est un diaboliste en habit de magicien, haut-de-forme compris. Il faut voir comme il fait valser ses diabolos, le virtuose. Traçant autour de lui des courbes magnifiques, ce sont des papillons blancs qui dansent dans la nuit.
Car avec Le Cirque du Grand Céleste, l’on est bien davantage dans l’évocation que dans la démonstration.
Regardez le jongleur, si calme, mais si déjanté, en complet décalage avec le jongleur classique. Il jongle avec une jambe en plus ; il jongle "sans tête" : avec son jeu tout en finesse, il est un poème à lui seul.
Et puis il y a Farid, l’acrobate avec un grand A, son large torse et son pantalon blanc. Bras et jambes sculpturaux, il bondit et tournoie sur la piste, avant de venir reprendre force contre le piano, sans se départir de son énigmatique sourire…

Dans ce spectacle, l’économie de moyens est sobriété voulue, la retenue laisse la place à la poésie, le sérieux et l’humour imposent une présence très forte, l’absence de forfanterie créé la communion avec le spectateur.
Il est fort à parier que la magie du Drôle de monde imaginé par le Cirque du Grand Céleste se prolongera tard dans votre nuit.

Drôle de monde 2. Le Cirque du Grand Céleste.
Prolongé jusqu’au 24 février 2008
Jeudi, vendredi et samedi à 20h30, dimanche à 16h
Durée 1 h 30
Accueil dès 19 h
Cirque du Grand Céleste, 22 rue Paul Meurice – PARIS 20ème
Tél : 01 53 19 99 13
Places de 14 € à 27 €
M° Porte des Lilas

Avec Ben Boyce, Farid Ben Yachrak, Jonatan Thomas, Richard Portier, Luc Guérin, Melina Stylianos, Dominique d’Angelo, Laurent Bachelier, Olivier Burlaud
Mise en scène : : Ben Boyce, Philippe Carles en collaboration avec les artistes
Musique : Ben Boyce

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Entrée libre au Musée National du Moyen-Age

La Dame à la Licorne, A mon seul désirLe Musée National du Moyen-Age fait partie des quatorze musées et monuments nationaux français pour lesquels la gratuité est expérimentée depuis le début de l’année et jusqu’au 30 juin prochain. (1)

Dès le premier week-end de janvier, Parisiens et touristes s’y sont pressés. Favorable a priori à l’accès le plus libre possible à la culture, l’on en sort en s’interrogeant sur le bien-fondé de la décision politique pour le musée du Moyen-Age en particulier.

La dimension modeste des salles, qui tient à l’architecture du bâtiment, la faiblesse de l’éclairage, l’entassement des oeuvres et le manque de lisibilité du parcours d’ensemble sont autant de facteurs d’embouteillage qui ne plaident pas en faveur de l’ouverture au plus grand nombre au même moment. Ajoutons à cela que les cartels sont tout petits (et vieillots), et que bien des fois l’on ne sait où se poser pour lire les fiches de salles, pourtant d’une grande qualité en matière d’explications.

Surtout, le manque d’espace sied particulièrement mal aux oeuvres médiévales, qui exigent souvent du recul, comme les statues ou les retables. Et que dire de la minuscule salle des vitraux, qui présente notamment des vitraux de la Sainte-Chapelle ? Le nez collé dessus, on balance entre rage et pitié.
Quant aux chapiteaux, ils mériteraient d’être isolés les uns des autres et de pouvoir être vus aisément sous leur quatre côtés.
Les frustrations qui en découlent, liées au lieu lui-même, deviennent plus aiguës lorsque le musée se remplit.
Mais le problème est le même pour les oeuvres plus petites dans les vitrines, telles ces petites châsses-reliquaires et autres objets liturgiques en ivoire sculpté au rez-de-chaussée. La finesse des décors mériterait tranquille observation…

Dans ces conditions, faut-il y aller ?
La réponse est oui, bien sûr, car le Moyen-Age est une période aussi longue (dix siècles !) que passionnante sur le plan artistique, qu’il s’agisse de l’architecture ou de de tout ce qui a trait à l’iconographie.
Donc, on y reviendra, ne serait-ce que pour admirer La Dame à la Licorne, chef d’oeuvre du XVème siècle, qui, elle, bénéficie d’une belle présentation, dans une salle semi-circulaire faite pour elle.
Mais l’on se rappellera aussi que la meilleure façon d’apprécier l’art médiéval est certainement d’aller le voir là où il est, à savoir dans les églises, les abbatiales et les cathédrales. La France (et pas seulement !) en déborde dans tous ses coins. On y admire in situ chapiteaux, vitraux, tympans, statues et trésors, dans l’ambiance pour laquelle ils ont été faits : celle de la déambulation pieuse ou rêveuse, du retrait et du recueillement.
Ce qui n’est pas forcément le programme réservé au Musée du Moyen-Age pour les six mois à venir.

Musée National du Moyen-Age
Thermes et hôtel de Cluny
6, place Paul Painlevé – Paris 5ème
M° Cluny-La Sorbonne / Saint-Michel / Odéon
Bus n° 21 – 27 – 38 – 63 – 85 – 86 – 87
RER C Saint-Michel / l B Cluny – La Sorbonne
TLJ sf le mardi, de 9 h 15 à 17 h 45
Entrée libre jusqu’au 30 juin 2008

(1) Participent à l’expérimentation :
A Paris et en région parisienne : le musée Guimet, le musée du Moyen-Age, le musée des Arts et Métiers, le musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), le musée national de la Renaissance d’Ecouen (Val-d’Oise) et le musée de l’Air et de l’Espace du Bourget (Seine-Saint-Denis).

En province : le musée de la Marine de Toulon, le musée national Adrien Dubouché à Limoges, le musée Magnin à Dijon, le palais du Tau à Reims, le palais Jacques Coeur à Bourges, le château d’Oiron, le musée national du château de Pau et le château de Pierrefonds.

Pour les 18-26 ans, accès gratuit dans quatre musées nationaux parisiens un soir par semaine entre 18h et 21h : le mercredi pour le musée d’art moderne du centre Pompidou, le jeudi pour le musée d’Orsay, le vendredi pour le Louvre et le samedi pour le quai Branly.

Image : Musée National du Moyen-Age, "La Dame à la Licorne, A mon seul désir", XVème siècle

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Parlez-moi d'Amour ! au Musée des lettres et manuscrits

Parlez-moi d'amour ! Exposition au musée des lettres et manuscritsMots doux ou enflammés, mais mots toujours lyriques, à la fois si près du ridicule et si beaux. Que ne donnerait-on pas pour être dans l’état qui fait jaillir ce mouvement fou, ces mots maladroits, magnifiques, poétiques ?

Cette exposition de lettres et poèmes d’amour où, de Hugo à Piaf en passant par Apollinaire ou Picabia, les plus grands côtoient les plus célèbres voire les plus costauds, est à visiter tranquillement, au calme. Une ambiance que le Musée des lettres et manuscrits, dans un hôtel particulier retiré au fond d’un passage entre l’Odéon et la Seine, réserve à ses visiteurs heureux initiés.

Sous les vitrines, l’encre, les mots manuscrits, le papier vieilli et les sentiments si forts de tous ces disparus : l’émotion venue du passé ne tarde pas à renaître et très vite nous gagner. Magie de l’écriture.
Et des belles histoires, venues d’"anonymes" aussi, comme celle d’Alfred Roselau qui, durant le Siège de Paris en 1870-71, écrit à son épouse installée dans leur château d’Aubusson deux lettres par jour. N’ayant pas confiance dans le nouveau système postal du ballon monté, il affranchit ses lettres, inscrit au recto "A remettre à la Poste de France" et les attache à un ballon de baudruche qu’il laisse s’envoler de son balcon du 23 rue des Gravilliers dans le 3ème arrondissement de Paris. Il paraît que certaines sont arrivées à son heureuse destinataire…

Mais le clou de l’exposition est assurément la révélation au public d’un manuscrit exceptionnel. Il s’agit des lettres qu’Antoine de Saint-Exupéry a adressées, jusque dans les derniers mois avant sa disparition, en 1944, à une inconnue qu’il avait rencontrée dans le train et dont il était tombé immédiatement amoureux. La belle, mariée et enceinte, l’avait éconduit. Cet ensemble de douze feuillets, dont la moitié est ornée de dessins à l’aquarelle de l’artiste, est poignant au possible. Sur l’un des premiers, à côté du Petit Prince, on peut lire "Il était triste et donc injuste. J’ai cassé tout ce qu’il disait mais j’ai gardé le dessin parce qu’il est tellement ressemblant… Il n’est pas si méchant que ça mais il est tellement mélancolique".

Et puisqu’il est naturellement impossible de tous les citer, finissons sur ces mots écrits par Romain Gary à son amie Christel Kryland : "Et rien jamais, ni le mariage, ni l’amour ni les enfants ne te rapprocheront de moi plus que ça : l’effort d’être un homme".
Et voilà.

Parlez-moi d’Amour !
Exposition prolongée jusqu’au 18 mai 2008
Musée des lettes et manuscrits
8, rue de Nesle – Paris 6ème (M° Odéon, St-Michel, Pont-Neuf)
Du mar. au ven. de 10 h à 20 h, les sam. et dim. de 10 h à 18 h
Entrée 6 € (TR 4,50 €)
Programme des manifestations autour de l’exposition sur le site

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La Méditerranée des Phéniciens, de Tyr à Carthage

La Méditerranée des Phéniciens, Institut du monde arabeLes Phéniciens sont connus pour avoir été le peuple de marchands et de navigateurs qui, au cours du 1er millénaire avant J.-C., depuis la côte du Levant (actuel Liban) aux côtes italiennes et espagnoles en passant par le nord de l’Afrique, la Sardaine, les îles égéennes, Malte et Chypre… a essaimé sur tout le pourtour du bassin méditerranéen. Leur civilisation garde pourtant, aujourd’hui encore, une part de mystère.

Peut-être parce qu’elle n’a pas laissé d’architecture de taille, peut-être en raison de l’éclectisme de son art, les explorateurs qui ont redécouvert les civilisations de l’Antiquité au XIXème siècle se sont moins intéressés à la Phénicie qu’à l’Egypte, à la Mésopotamie et à la Grèce.
Il faut ajouter à cela que peu d’écrits ont été retrouvés : quelques inscriptions sur des objets mobiliers et des stèles, mais point de littérature.
Ce qui ferait presque oublier que les Phéniciens ont inventé l’alphabet qui est à l’origine, notamment, de l’alphabet araméen (dont sont issus l’hébreu et l’arabe) et de l’alphabet grec, lequel, par l’intermédiaire des Etrusques a donné naissance à notre alphabet latin.
Ce que l’on sait d’eux provient donc surtout des témoignages que nous ont laissés leurs voisins, rapportés dans la Bible et les récits d’Homère, mais aussi des objets d’art et d’artisanat qui ont été retrouvés.
L’exposition de l’Institut du Monde Arabe, en éclairant certains éléments de leur production, de leur rites et de leurs croyances permet d’appréhender l’aspect à la fois métissé et original de leur culture.
Ainsi par exemple, les Phéniciens ont emprunté aux Egyptiens la pratique d’enterrer les morts dans des sarcophages anthropoïdes. Si les premiers de ces étonnants sarcophages, souvent faits de marbre importé de Paros étaient de style égyptien, ils prirent ensuite une allure grecque très marquée.
Pour décorer les objets mobiliers, ils adaptent à leur manière les motifs égyptiens et proche-orientaux anciens, tels le griffon (corps de lion, tête et serres de rapace), mais aussi le scarabée, le sphinx, le lotus, le papyrus, la palmette…
De petits médaillons sont l’occasion d’admirer cette iconographie composite et singulière. Mais surtout, les très belles coupes en argent, argent doré ou bronze, finement ciselées, le plus souvent à usage de présents diplomatiques, révèlent le savoir-faire des Phéniciens en matière d’orfèvrerie.
Grâce à leur commerce à grande échelle, ce sont eux qui ont répandu l’usage de l’encens dans tout le bassin méditerranéen : les thymiatères, ou brûle-parfums, qui étaient réservés aux cérémonies religieuses, font en effet partie de leurs créations originales.
Plus anecdotiques mais charmants, les tridacnes, grands coquillages originaires des mers chaudes étaient décorés et gravés pour servir de palette à fards : l‘umbo (charnière fixant les deux valves du coquillage) était fréquemment travaillé en ronde-bosse en forme de tête féminine évoquant une sirène.

Les Phéniciens, rois du commerce, transportaient dans les soutes de leurs navires tant de marchandises et de toutes sortes que l’on ne peut se contenter du trait quelque peu méprisant d’Homère décrivant des "marins rapaces dont les noirs vaisseaux emportent mille camelotes". D’une part, parce qu’ils ont fait preuve d’un art parfois très raffiné. Et surtout parce que, de l’alphabet à l’encens en passant par épices et productions artisanales, ces "colporteurs" ont à travers ces mille objets contribué à l’enrichissement et à l’échange entre les civilisations du bassin méditerranéen.

La Méditerranée des Phéniciens, de Tyr à Carthage
Institut du Monde Arabe
1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed-V, Paris 5ème
Jusqu’au 20 avril 2008
Du mardi au vendredi de 10h à 18h
Les week-ends et jours fériés de 10h à 19h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Entrée 10 € (TR 8 € et 6 €)
Visite conférence 13 € (TR 11 € et 9 €) Tous les jours sauf le lundi à 14h30 et 16h.
IMA PASS (Musée & Exposition) : 12 € (TR 10 € et 8 €)
Catalogue de l’exposition (IMA / Somogy), 408 p., 59 €

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Fragonard, Les plaisirs d'un siècle. Musée Jacquemart-André

Fragonard, La poursuite, expo, Jacquemart-AndréIl aurait pu devenir un peintre de l’Académie Royale et s’en tenir à la peinture de genre en vigueur à l’époque. Au lieu de quoi, il se consacre à une clientèle privée, qui lui permet, semble-t-il, de laisser libre cours à son bon plaisir.
Les tableaux les plus connus de Fragonard (1732-1806) montrent des sujets frivoles, emprunts de légèreté et de grâce. Ce sont d’adorables jeunes filles, femmes-enfants aux joues roses et rebondies, un peu coquines, tenant un chiot près du sein ; ce sont des couples s’embrassant tendrement ; des scènes se déroulant dans des cadres idylliques.
Et il y souffle souvent un air de liberté, comme dans La poursuite et La surprise, deux tableaux peints en 1771 dans la même veine, où les petites touches du peintre frôlent l’esquisse : les personnages sont venus se perdre dans des jardins où la maîtrise de l’homme est dépassée. Sur presque toute la hauteur des toiles, la végétation laissée à l’abandon s’épanouit et déborde ; la cascade et la sculpture se trouvent prises dans un écrin de feuillages à la superbe harmonie de verts et de roux.
Fragonard, peintre de la volupté amoureuse, a aussi peint beaucoup de scènes familiales, telles La visite à la nourrice, où il place le nouveau-né au centre d’une chaleureuse lumière.
Ainsi que le propos de l’exposition le souligne, l’artiste était également un passionné de littérature. Il s’est plu à lui rendre hommage en peignant les écrivains (voir le sombre et magnifique Songe de Plutarque par exemple), en illustrant les fables et contes de La Fontaine, mais encore en accomplissant une oeuvre graphique remarquable.
Les planches illustrant les seize premiers chants du poème de l’Arioste (1474-1533) l‘Orlando Furioso, marquées par un trait à la fois enlevé, lyrique et foisonnant, révèlent une inspiration bouillonnante.
Il se consacrera avec davantage de sobriété mais non moins d’efficacité au Don Quichotte de Cervantés : le coup de crayon est plus bref, plus stylisé, et souligne à merveille l’ironie du texte.
Preuve que Fragonard n’était pas seulement un virtuose du pinceau dont la manière libre et enlevée annonçait le XIXème siècle, mais également un graphiste exceptionnel, qui n’a cessé en toutes occasions de manifester une malice et une audace des plus réjouissantes.

Fragonard, Les plaisirs d’un siècle
Musée Jacquemart-André
158, boulevard Haussmann – Paris 8ème
M° St-Augustin, Miromesnil ou St-Philippe du Roule, RER Charles de Gaulle-Étoile
Jusqu’au 13 janvier 2008
TLJ de 10 h à 18 h, nocturne le lundi jusqu’à 21 h
Entrée 9,50 € (TR 7 €)
Catalogue de l’exposition préfacé par Pierre Rosenberg, de l’Académie française, président-directeur honoraire du musée du Louvre, 39 € (éditions Snoeck)

Image : Fragonard, La Poursuite, Musées d’Angers © Musées d’Angers, photo Pierre David

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