
Le Metropolitan Museum of Art, à New-York, le fameux « MET » est un musée où l’on a envie de planter sa tente tellement l’on s’y sent bien. Combien de jours faudrait-il pour en faire le tour, pour profiter de tout tranquillement ?
En cinq heures, on peut se faire une idée des collections de peinture européenne ancienne et moderne. Éblouissement garanti !

Mais outre la richesse du fonds, ce qui est épatant au Metropolitan, c’est la facilité d’accès à l’art. Rappelons que si l’entrée est à un prix suggéré (25 dollars), le visiteur est libre de suivre ou non la proposition. Les œuvres, très bien éclairées, sont présentées par ordre chronologique et thématique (artistes, écoles de peinture), regroupées en des salles fort cohérentes.

Dans chacune d’elle, on rencontre un petit panneau explicatif sur pied, à hauteur de regard de tout le monde, dont le texte imprimé noir sur blanc présente de manière synthétique ce qui y est exposé : le peintre et/ou le mouvement, le plus souvent mis en perspective. Une présentation instructive et à la portée de tous. On aime beaucoup aussi les cartels à côté des tableaux, qui apportent un éclairage tout aussi intéressant et accessible.

Quelques idées de peintures européennes anciennes que vous pourrez y admirer ? Voici un tout petit échantillon, choisi parmi les « Anciens ».
Côté Français, on tombe par exemple sur de beaux paysages du Lorrain, une somptueuse Annonciation de Philippe de Champaigne, l’insondable Madeleine pénitente de Georges de La Tour, une brillante Soupière en argent de Chardin, une Lettre d’amour de Fragonard, une délicieuse Toilette de Venus de Boucher…

Côté Italiens, ils sont tous là. Mantegna (L’Adoration des bergers), Carpaccio, Bellini, Botticelli (émouvante Dernière communion de Saint Jérôme), Filippo Lippi, le Pérugin avec un solennel Saint Jean-Baptiste, Titien bien sûr (Venus avec un joueur de luth), Tintoret (La découverte de Moïse), Véronèse…

Mais l’école du Nord n’est pas en reste, qu’il s’agisse de Rubens, van Dyck ou encore Rembrandt, représenté par des portraits plus touchants les uns que les autres (dont une mélancolique Femme tenant une rose). Quant aux femmes de Vermeer, elles sont toutes plus chavirantes (et intrigantes) les unes que les autres. L’une joue du luth en regardant par la fenêtre, une autre est assoupie, quand une troisième n’est autre qu’une Allégorie de la foi catholique…
On est obligé de s’arrêter là cette fois, mais si on peut, on reviendra ! Car le Met’, c’est vraiment très très chouet’ !
1000 Fifth Avenue
New York, NY 10028




Notre ami Jean-Yves s’est rendu au LaM dans le Nord pour visiter la rétrospective consacrée à Modigliani… Ce qu’il en dit nous fait pâlir d’envie ! Merci Jean-Yves de partager ainsi ce magnifique moment de peinture !
Cette présentation est construite en trois parties, à la fois thématiques et chronologiques. La première s’attache à démontrer la diversité des sources d’inspiration de Modigliani : il est fou d’art égyptien qu’il consulte régulièrement au Louvre, mais sa sensibilité s’imprègne aussi des références khmères, cycladiques et africaines. S’essayant à la sculpture malgré un manque de formation dans cette discipline, il s’entoure des conseils de Brancusi qu’il a rencontré à Montparnasse, mais il doit abandonner cet art pour des raisons de santé et financières (il ne parvient pas à trouver de mécène). De cette époque, on admire une très belle « Tête de femme », la seule sculpture en marbre de l’artiste, mais aussi des dessins et une superbe « Cariatide » sur fond bleu, dessinée au crayon et lavis d’encre.
La deuxième partie met en évidence l’importance du portrait d’artiste dans sa production. Dès 1915-1916, Modigliani cherche à définir son style, immédiatement reconnaissable : figures de forme ovoïde, yeux le plus souvent sans pupilles et de hauteurs distinctes, nez aux arrêtes tranchées, cous en pur cylindre, fonds minimaux et abstraits… Côtoyant les peintres de la future Ecole de Paris (Moïse Kisling, Chaïm Soutine, Pinchus Kremègne), Modigliani dresse leur portrait dans des tableaux et croque aussi (au crayon ou au graphite) Max Jacob, Pablo Picasso (qui le sous-estimait) et Jean Cocteau qui, n’aimant pas la représentation faite de lui par le peintre italien, s’en séparera rapidement. Toutes ces œuvres sont intéressantes, mais on se permettra une préférence pour la « Tête rouge » qui synthétise à la fois l’art africain, le cubisme, le fauvisme et l’art de Cézanne. L’exposition ne manque pas de rappeler que ce dernier est la référence absolue de Modigliani.
La fin de l’exposition est consacrée aux dernières années de l’artiste. Soutenu par le marchand d’art Léopold Zborowski, dont il dressera deux beaux portraits, accrochés aux murs du musée, Modigliani parvient à une peinture plus sereine. Les couleurs s’éclaircissent, la ligne des corps s’arrondit et devient plus voluptueuse, comme en témoigne le « Nu assis à la chemise », dont le dessin raffiné et la touche délicate restituent toute la fragilité de la femme. La présentation de ses nus lors d’une exposition de décembre 1917 fera scandale. Mais la préoccupation première du peintre reste le visage. Modigliani continue à représenter ses amis artistes et ses proches, mais il donne aussi une place plus importante aux anonymes. Il ne peindra des paysages (qui demeureront rares dans sa production) qu’à partir de 1918, lors d’un séjour dans le sud de la France organisé par Zborowski.
L’exposition rend également hommage à Roger Dutilleul que Modigliani rencontre en 1919 et qui deviendra un collectionneur assidu du peintre (il achète et échange 35 peintures et 26 dessins) et ne cessera de défendre son œuvre bien au-delà de la mort de l’artiste en 1920. La donation par son neveu Jean Masurel de quatorze pièces de la collection est à l’origine de la création du LaM, qui a donc toute légitimité pour monter cette rétrospective, la première d’importance depuis celle organisée au Musée du Luxembourg en 2002. Au-delà de la qualité des pièces présentées, l’exposition est passionnante par son côté didactique qui permet de suivre l’évolution du parcours de l’artiste au travers de ses influences, de ses rencontres…






Un dessin de Giorgio de Chirico montrant Picasso avec trois autres convives dînant sous un tableau du Douanier Rousseau ouvre l’exposition. Ce choix n’a rien de fortuit : Picasso et d’autres modernes tels que Delaunay, Kandinsky, Léger ou encore Morandi ont trouvé dans la création d’Henri Julien Félix Rousseau (1844-1910) une approche plastique nouvelle qui a séduit ceux-là mêmes qui allaient développer une œuvre d’avant-garde.
Aujourd’hui, le Douanier Rousseau (c’est son ami Alfred Jarry qui l’avait baptisé ainsi) est essentiellement connu pour ses « jungles », grandes compositions mettant en scène des animaux sauvages dans une végétation luxuriante. Celles-ci viennent achever merveilleusement cette belle exposition. Elles donnent d’ailleurs envie de s’y arrêter car elles sont significatives de la perplexité dans laquelle peut plonger l’œuvre du peintre. Car si le choix des sujets peut trouver à s’expliquer (la fascination pour l’exotisme d’un homme qui n’a jamais voyagé et fut marqué par les pavillons de l’Exposition universelle de 1889 et les espèces qu’on pouvait admirer au Jardin des plantes), les expressions recèlent un mystère plus grand.
Les rapprochements effectués par le Musée d’Orsay et la Fondazione Museil Civici de Venise (où l’exposition fit une première étape l’an dernier) avec des œuvres fort variées au fil des salles thématiques sont souvent parlants bien que parfois surprenants : Picasso, Gauguin, Ernst, Morandi, Bourguereau, Ucello, Carpaccio… Ces rapprochements qui permettent d’éclairer avec davantage de relief l’œuvre du Douanier Rousseau, sont aussi la preuve de son inscription dans une tradition picturale – celle du rejet de l’académisme – et de l’intérêt qu’il y a aujourd’hui à (re)découvrir ses tableaux, y compris en dehors de ses fascinantes « jungles ».





![Die Orden der Nacht [Les Ordres de la nuit] (1996), acrylique, émulsion et Shellac sur toile, 356 x 463 cm, Seattle Art Museum, Photo : © Atelier Anselm Kiefer](http://www.maglm.fr/wp-content/uploads/2016/02/anselm_kiefer_die_orden_der_nacht-300x234.jpg)
Situé à deux pas de l’adorable place Fürstenberg, caché au milieu de boutiques proposant de somptueuses étoffes, le petit Musée Eugène Delacroix est lui-même l’écrin d’un adorable jardin, aussi minuscule que charmant. C’est l’artiste qui l’a conçu lorsqu’il s’est installé à cette adresse en 1957, alors qu’il venait (enfin !) d’être élu à l’Académie des Beaux-Arts (sur ce musée,
Cette façade a sans doute constitué le point de départ de cette exposition, au sujet inédit : la mise en lumière des rapports de Delacroix, artiste romantique, avec l’Antiquité. Installé dans l’appartement et l’atelier de l’artiste, le parcours montre d’une part comment Eugène Delacroix a « connu » l’Antiquité et, d’autre part, les créations que celle-ci lui a inspiré.
Dans ses œuvres, cette admiration pour l’Antique se manifeste dans le choix de ses thèmes (les fresques pour le Salon du Roi au palais Bourbon : Anacréon, Bacchus et Leda) comme dans sa manière (la représentation de nus sculpturaux). Un autre type de création mérite ici d’être découvert : ses dessins et lithographies de médailles grecques et romaines, qu’il assemble dans un travail de composition très convaincant. Tout aussi réussie est la représentation des médailles elles-mêmes, tant dans l’expression des figures que dans le modelé des corps et la vivacité des mouvements. « Imiter sans être imitateur » était, paraît-il, l’un de ses leitmotiv. L’instructive et plaisante visite de cette exposition montre qu’il a su parfaitement y être fidèle.


