La Grande Magie à la Comédie-Française

La Grande Magie à la Comédie-Française, De Filippo
La salle Richelieu de la Comédie-Française se remplit jusqu’aux poulaillers d’un large public, traditionnels retraités, jeunes couples, familles avec enfants. La soirée ne décevra pas : la vénérable institution donne ici un spectacle agréable et d’honnête facture.

Ecrite en 1948 par le dramaturge italien Eduardo De Filippo – très connu dans son pays, moins en France – la pièce tient sur le papier en peu de phrases. Dans une station balnéaire, un homme très jaloux, Di Spelta, voit son épouse disparaître dans un sarcophage au cours d’un numéro de prestidigitation. La belle s’est dans les faits enfuie avec son amant ; Marvuglia, le magicien, persuade le mari qu’elle se trouve dans une petite boîte : cette boîte lui rendra son épouse dès qu’il l’ouvrira, si et seulement si, en le faisant, il a suffisamment confiance en elle…

Si la prestidigitation repose sur l’apparence, si ses tours se jouent de ce que nos yeux peuvent voir et ne voir point, la pièce montre que la magie, pour survivre aux lois sensorielles, est avant tout affaire de mots (c’est avec de belles phrases que Marvuglia et ses complices emberlificotent le pauvre mari trompé) et tout autant affaire de croyance. Si Di Spelta, pour retrouver sa femme, préfère se vautrer dans l’illusion, c’est que cet être sans foi ni rêve au départ trouve son compte dans les fables dont on le berce et auxquelles il finit par tenir plus qu’à la réalité…

Charmant décor d’opérette, chic des costumes des années 1940, jeux de lumière, de musique et de rideau créent le spectacle dans le spectacle, tandis que deux très grands comédiens déploient tout leur talent : Hervé Pierre interprète le magicien qui en jette, tonitruant, attachant mais roublard ; Denis Podalydès joue Di Spelta, anxieux, orgueilleux humilié, torturé et tortionnaire, très mélancolique dans le fond. Deux rôles que chacun d’eux incarne à la perfection. En revanche certains personnages secondaires – les femmes en particulier – sont soit un peu pâles, soit au contraire dans un excès superflu.

Le théâtre populaire est peut-être celui qui exige le plus talent dans la mise en scène comme chez les comédiens. Cette proposition-ci, signée de l’anglais Dan Jemmett appelle bien peu de réserves.

La Grande Magie
d’Eduardo De Filippo
Comédie Française
Salle Richelieu – place Colette, Paris Ier
Tél. : 0 825 10 16 80
Places : de 5 à 37 €
Horaires : lun., sam. et dim. à 14 heures et 20 h 30 et du mar. au vend. à 20 h 30
Durée : 1 h 50
Jusqu’au 19 juillet, puis reprise à la rentrée partir du 7 octobre 2009
Mise en scène : Dan Jemmett
Texte français : Huguette Hatem
Avec Claude Mathieu, Michel Favory, Isabelle Gardien, Cécile Brune, Alain Lenglet, Coraly Zahonero, Denis Podalydès, Jérôme Pouly, Loïc Corbery, Hervé Pierre
et Judith Chemla

Photo © Pacome Poirier / Wikispectacle

Facebooktwitter