La vie est brève et le désir sans fin. Patrick Lapeyre.

Est-ce l’originalité de l’intrigue qui a décidé le jury Fémina d’attribuer son prix 2010 à ce roman ? Louis Blériot, la quarantaine, est marié, sans enfant, à une femme intelligente et bien occupée. Il a une relation avec Nora, une jeune femme qui semble bien profiter de sa jeunesse et de l’avenir qu’elle a devant elle. Elle a aussi une relation avec Murphy, Américain qui travaille à Londres. Bien sûr Louis travaille à Paris et Nora traverse la Manche  pour rejoindre l’un ou l’autre.

On assiste aux souffrances de Louis à chaque départ de sa belle, mais il connaît les malheurs des hommes à travers l’exemple de son père : « Houspillé, privé de parole, il en est maintenant réduit à fumer dans le garage et à boire du porto en cachette de sa femme ». De Nora, nous avons le portrait qui ne dépasse guère le mystérieux de l’éternel féminin (ou l’éternel féminin mystérieux) : « une fille étrange, assez instable, à la fois délurée et bizarrement taciturne (…) affectée d’un coefficient narcissique très élevé ».

De son côté Murphy souffre aussi, bien entendu, c’est le lot des hommes, même celui de l’ami de Louis, Léonard, qui se fait plaquer par Rachid. A propos, ce qui devait arriver arriva : Louis se fait larguer par son épouse et par Nora. Tout cela nous est présenté de manière distante, avec l’aide d’un écran de cinéma, si bien que nous commençons à penser qu’il aurait mieux valu que nous attendions la sortie en salle de l’adaptation filmée de cette histoire.

« Longtemps plus tard, lorsqu’il fera défiler dans sa mémoire les images de ce printemps, Blériot sera d’ailleurs surpris de n’apercevoir nulle part sa femme, comme si elle avait disparu au montage » ; « Une fois assis tous les deux comme aux beaux jours sur la banquette du salon, avec leur verre de vin à la main, ils font penser à deux acteurs qui répèteraient une scène de la vie conjugale » ; « Murphy, escorté de Max Barney et de Sullivan –c’est le blond, un peu macrocéphale, qui marche à droite- est en train de remonter New Change sous son parapluie » ; « Ils continuent à marcher du même pas, épaule contre épaule, concentrés, silencieux, à la manière de ces couples filmés de dos par Mikio Naruse » ; « Nora apparaissait dans l’encadrement de la porte, avec sa chemise deux fois trop longue ou son fichu sur la tête, à la manière d’une jeune paysanne russe filmée par Eisenstein ».

Les images cinématographiques, parfois, nous privent des images proprement littéraires.

Andreossi

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En France. Marius-Ary Leblond

Ce sont deux cousins Réunionnais qui se cachent derrière ce pseudonyme de Marius-Ary Leblond qui obtint le Goncourt en 1909. Le titre est quelque peu trompeur, tant le récit ne concerne de la France que sa capitale, ville où un jeune créole vient effectuer ses études en ce début du XXème siècle. Paris est le lieu de toutes les découvertes, d’une forme de la civilisation « moderne » à une éducation sentimentale qui ouvre de larges horizons.

La banalité du thème est compensée par une grande finesse d’observations sur cette société qui va disparaître avec la guerre de 14-18, et par un style très agréable à lire. L’intégration du jeune Claude à la vie parisienne passe d’abord par les déambulations dans les rues de la capitale, et il est significatif de comparer ses deux visions d’un monument à quelques mois d’intervalle : « Notre-Dame, c’est cela Notre-Dame ? noir sali de blanc comme par des déjections d’immenses vautours, enfoncé dans l’asphalte et ressemblant ainsi à une grosse tortue, sans marches, silencieuse comme une ruine ». Plus tard : « Notre-Dame à droite, somptueusement soutenue dans un massif velouté de branchages vermeils, portée comme une châsse, s’élevait dans son luxe de dentelles de pierre aux tons d’argent et de diamant bleu, joyau séculaire resplendissant au printemps ».

C’est la diversité des types sociaux, inconnue sur son île natale, qui le surprend le plus. Par exemple des travailleurs Blancs : « Des ouvriers se pressaient, traînant la savate mais la figure fière, moustaches relevées, le coin d’œil galant ; (…) Claude, attendri, regardait, le cœur fraternel et neuf, ces gens qui étaient des travailleurs et qui étaient en même temps Blancs : habitué à voir réservés aux Noirs les ouvrages manuels, la dignité s’en relevait à ses yeux ».

Les portraits de ses collègues étudiants et des jeunes filles qu’il rencontre sont peints avec intelligence. Du côté des premiers : « A cette heure tous ses camarades continuaient de mener assez vivement leurs études, gais, confiants, même vantards, car en général ils se sentaient tous de la valeur rien que d’être à Paris ».

Du côté des jeunes filles, l’accent est mis sur les inégalités de conditions, entre des hommes aisés et des jeunes femmes cherchant à améliorer leur situation par l’éventail des liens aux hommes qui va de la prostitution au mariage. C’est le temps des mondaines, demi-mondaines, cocottes…, avec le risque de l’abandon pour cause de maternité : « Cependant c’était bien, authentiquement, à Paris la grande ville populaire, un abandon lâche de mère et d’enfant par un jeune homme de la bourgeoisie aimable et intelligent… ».

Un Goncourt oublié, qui fourmille d’observations pertinentes.

Andreossi

En France. Marius-Ary Leblond

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Les eaux mêlées. Roger Ikor

La thématique du Goncourt 1955 fait écho à une question de la France d’aujourd’hui, celle de l’intégration des migrants. « Les eaux mêlées » se lit dans la suite de « La greffe de printemps », roman qui s’attache à suivre le parcours de Yankel Mykhanowitzki , parti de sa Russie natale avant la guerre de 14-18 pour fuir misère et pogrom, et se fixer à Paris comme casquettier. Le romancier nous plonge dans l’intimité d’un personnage qu’il sait rendre particulièrement attachant.

Ce sont finalement quatre générations de cette famille juive dont on suit les manières différentes de se mêler à la société française. Car Yankel est d’abord rejoint par sa femme et sa fille, puis par ses parents. Alors que son ambition était de devenir aussi français que possible, son épouse et son père, très accrochés à leur culture et leur religion, le poussent à revenir dans le quartier juif. La tension n’empêche pas les arrangements, mais ce n’est pas simple pour Yankel : « Parmi les Français, il regrettait la simplicité honnête et sans histoires de ses compatriotes ; parmi ceux-ci, vite agacé, il n’aspirait qu’à revenir vers les Français si largement ouverts sur le monde et la vie ».

Dans « Les eaux mêlées » il est davantage question des générations suivantes, des enfants et petits- enfants de notre héros. Yankel est fier du certificat d’études de son fils : « Voilà, Simon est vraiment français à présent ». Mais lorsque ce dernier choisit une épouse catholique, son père ne peut s’empêcher de penser : « Une juive, n’est-ce pas, c’est déjà une garantie ; les juifs sont des gens honnêtes, propres, simples. Naturellement, parmi les chrétiens aussi il y a d’honnêtes gens ; mais enfin on ne sait jamais. Et puis, même en écartant les mauvaises femmes, restent les innombrables sottes à cervelle d’oiseaux ; en tout goy sommeille le vieil antisémitisme, et il faut déjà un minimum d’intelligence pour ne jamais le laisser manifester ».

Arrive la période noire de l’Occupation. Une partie de la famille parvient à se cacher dans le sud de la France, tandis que d’autres périssent dans les camps nazis. Un petit-fils de Yankel est fusillé par les Allemands. Les réactions à la montée du nazisme ont été aussi différentes. Tandis que le fils Simon ne trouvait pas à s’inquiéter, le père n’était pas dupe : « Il ne savait pas que, comme le pigeon a le sens de l’orientation et la mouette le sens de la tempête, son père avait le sens du pogrom. En Simon, ce sens atavique s’était émoussé, sous l’effet de la France ».

Andreossi

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De Goupil à Margot, Louis Pergaud

Les histoires de bêtes de Louis Pergaud (prix Goncourt 1910) ne sont pas des fables. Il nous conte la vie des animaux dans leur cadre naturel, confrontés à leurs semblables ou aux humains, dans un monde où règne la sauvagerie, à peu près la même qui a fait perdre la vie à Pergaud à Verdun, en 1915.

Si les animaux restent des animaux dans les caractères mêmes de leur espèce, ils sont spécifiés par un nom propre, comme les humains, et la description de leurs coutumes, de leur habitat, est précise, dans un style qui séduit le lecteur dès les premières lignes du livre : « C’était un soir de printemps, un soir tiède de mars que rien ne distinguait des autres, un soir de pleine lune et de grand vent qui maintenait dans leur prison de gomme, sous la menace d’une gelée possible, les bourgeons hésitants ».

La violence vient parfois des congénères, ainsi pour le lièvre Roussard, émasculé par les jeunes lapins, ou bien par les autres espèces, comme Rana qui se fait avaler par la couleuvre, mais qui en ressort grâce à la buse géante capturant à son tour le serpent. Etonnant est le récit du viol de la taupe Nyctalette : « En un bond il est sur elle ; il la tient ; il lui serre entre ses petites dents la peau du cou moite de sueur, et tandis qu’elle jette aux sombres échos des souterrains des appels désespérés, un sexe barbelé, comme une épée de feu, lui perfore les flancs pour le viol, le viol éternel et sombre que toutes les Nyctalettes subissent quand les sèves montantes ont enfiévré dans leur veines le sang ardent des mâles féroces aux sexes cruels, par qui se perpétue l’œuvre auguste des maternités douloureuses ».

Mais l’homme n’est pas le moindre des ennemis cruels. Le renard Goupil en fait l’expérience qui se voit affublé d’un grelot comme un chien, et se voit ainsi évité de toute la société animale. Aussi la pie Margot, capturée, mise en cage, dont on coupe les ailes, que l’on s’amuse à faire boire du vin, puis de l’alcool jusqu’à ce qu’elle en meure. L’homme apparaît plus bête que méchant dans un rapport à la nature fait de toute puissance, aveugle à ses méfaits : « Au loin, grandissant par degré, énorme, monstrueux, l’humain approche, vingt fois plus haut que Margot, masse horrible, fantastique, dont les pas ébranlent le sol qui s’écrase en mottelettes, et font sur son passage destructeur un large sillon sombre entre les berges rutilantes des diamants évanescents de rosée, scintillant aux doigts fluets des herbes rases du gazon dégarni ».

Andreossi

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Yves Saint Laurent 1971, la collection du scandale

affiche_exposition_yves_saint_laurent_1971C’est une collection si séduisante – si immédiatement séduisante – que l’on a d’abord du mal à comprendre pourquoi elle scandalisa les clientes et la presse lors de sa présentation  le 29 janvier 1971 dans les salons des ateliers Saint Laurent de la rue Spontini dans le 16ème arrondissement.

Dur à comprendre aujourd’hui effectivement : cette collection printemps-été 71, sur laquelle l’exposition de la Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent est exclusivement concentrée, a connu dans sa déclinaison en prêt-à-porter un grand succès public. Autrement dit, ce que le petit monde de la haute couture (riche clientèle, journalistes français et étrangers) avait conspué, les femmes de la rue se le sont approprié : une mode qui avait de l’audace, du chien et du glamour. Depuis, l’esprit de ces modèles n’a cessé d’être réinterprété… Alors forcément, quand on arrive après « l’histoire », quand l’œil a eu des décennies pour s’habituer à ce qui faisait révolution quelques 40 ans auparavant, on voit davantage l’évidence que le côté scandaleux de l’affaire !

Robes courtes, coupes osées, couleurs criardes, motifs provocants, cette collection avait bien des raisons de heurter le bon goût bourgeois. Pour l’essentiel, la première est qu’elle semblait s’inspirer davantage des femmes de petite vertu que des femmes du monde. La deuxième tient dans ce qu’elle rappelait furieusement l’allure des femmes sous l’Occupation (ourlet au genou, coupes ajustées, talons compensés, maquillage voyant), souvenir sombre encore trop vivace à l’époque. Et naturellement ces deux raisons se réunissaient aux yeux de certains, qui voyaient dans la femme « Saint Laurent » de l’été 1971 l’image de celle qui par ses charmes collabora avec l’occupant allemand.

Yves Saint Laurent entouré de ses mannequins dans son jardin rue de Babylone, Paris 6ème. 1971.
Yves Saint Laurent entouré de ses mannequins dans son jardin rue de Babylone, Paris 6ème. 1971.

Ici exactement se révèle la révolution du couturier : celle d’avoir inventé le vintage. Tandis que Courrèges et Cardin jouaient les futuristes, Saint Laurent revisitait le passé. Sa collection 1971 (il n’en nommait lui-même aucune) fut d’ailleurs baptisée « Collection 40 ». Depuis lors, comme on sait, la plupart des créateurs n’ont plus fait que cela : rejouer sans fin les gammes des décennies précédentes…

Resserrée, l’exposition à voir à la Fondation jusqu’au 19 juillet prochain n’en est pas moins riche : 28 modèles sur les 84 que comptait la collection y sont présentés, accompagnés de l’ensemble des 84 planches de collection reproduites à grande échelle sur les murs (outre le croquis, y figurent toutes sortes d’indications, notamment les échantillons de tissus dans lesquels la pièce sera réalisée), de croquis originaux, de photos de presse et de défilé, ainsi que d’extraits de films bien sûr.

Cette approche multiple est passionnante. On peut ainsi commencer par découvrir le croquis d’un modèle, puis la photo du vêtement fini porté par un mannequin, puis la pièce elle-même en vrai (avec sa planche de collection en grand sur le mur juste derrière), et enfin le voir en mouvement dans un film de défilé ou de présentation. C’est là qu’on réalise qu’un vêtement a beau être splendide en tant que tel, rien ne vaut le voir porté, « vivre » avec une femme pour l’apprécier pleinement.

Si l’on a du mal à s’imaginer avec le large manteau de renard vert (qu’il est court en plus !) sur les épaules, ni avec certaines robes trop audacieuses, bien des modèles sont éminemment désirables, tels d’impeccables tailleurs-pantalons larges aux coupes à tomber (et oui, c’est Saint Laurent, quand même !), ou de charmantes robes longueur genoux toutes fluides, faites pour bouger et pour vivre, chaussures à talon compensé joliment attachées à la cheville pour arpenter le pavé d’un pas assuré, plein d’allant et décomplexé. Merci Saint Laurent, qui avec sa collection re-baptisée aussi « Occupation » aura finalement, à sa manière, œuvré pour la libération de la femme…

Yves Saint Laurent 1971, la collection du scandale

Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent

3, rue Léonce-Reynaud – Paris 16ème

TLJ sauf le lundi, de 11 h à 18 h

Jusqu’au 19 juillet 2015

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L'art de l'amour au temps des Geishas à la Pinacothèque de Paris

l-art-de-l-amour-au-temps-des-geishas-les-chefs-d-oeuvre-interdits-de-l-art-japonais_xlOh, oh, oh, la Pinacothèque réchauffe les corps en ce début d’automne… Second volet de sa saison consacrée à l’Art et l’Erotisme en Orient, présentée en complément de la superbe exposition Kâma-Sûtra, spiritualité et érotisme dans l’art indien, L’art de l’amour au temps des Geishas réunit quelques 250 œuvres, essentiellement des gravures sur bois, mais aussi quelques objets du quotidien, pour évoquer la représentation érotique japonaise au temps de l’ère Edo (1603-1867).

Les estampes japonaises ont été découvertes en France après 1868, quand le Japon s’est ouvert à l’Occident. Pierre Loti et les Goncourt les ont évoquées dans leurs écrits, Samuel Bing et une foule d’artistes tels Monet les ont collectionnées et certains peintres y ont été sensibles dans l’élaboration de leurs propres œuvres. On pense à Manet, à Toulouse-Lautrec, mais aussi à Van Gogh (cf. l’exposition Van Gogh, Rêves de Japon présentée il y a deux ans à la même Pinacothèque).

Ces dernières années, l’art japonais a été abondamment montré à Paris, avec par exemple l’exposition Hiroshige, L’art du voyage, à la Pinacothèque toujours, Hokusai au Musée Guimet en 2008 ou encore la collection de Claude Monet au Musée Marmottan Monet encore avant. Pour autant, c’est la première fois que le genre est traité à travers le thème de l’érotisme. Autant dire que ces œuvres à ne pas mettre sous n’importe quels yeux…

L’exposition replace ces œuvres dans le contexte historique, culturel et social dans lequel elles ont été créées. A la période Edo, une nouvelle classe sociale émerge. Loin de la classe dirigeante guerrière des Samouraï pétrie de la rigueur morale du néo-confucianisme, cette nouvelle bourgeoisie (chônin), aisée et citadine, constituée de commerçants, médecins, enseignants et artistes, embrasse une vision hédoniste de la vie. Ces chône sont à l’origine du mouvement culturel ukiyo-e, littéralement « images du monde flottant », que le poète Asai Riyoi décrit ainsi en 1661 : « Vivre uniquement dans l’instant présent, se livrer tout entier à la contemplation de la lune, de la neige, de la fleur de cerisier et de la feuille d’érable, chanter, boire du saké, ressentir du plaisir rien qu’à ondoyer, ne pas se laisser abattre par la pauvreté et ne pas la laisser transparaître sur son visage, mais dériver comme une calebasse sur la rivière, c’est ce qui s’appelle ukiyo ».

Les artistes abordent cette conception à la fois esthétique et morale de la vie à travers la représentation d’un idéal de beauté féminin (les bijinga, « peintures de belles femmes ») et les estampes érotiques (les shunga, « images de printemps »).

L’exposition montre ces deux thèmes en réunissant un grand nombre d’artistes, parmi lesquels naturellement les plus célèbres que sont Utamaro, Hokusai et Hiroshige, mais aussi d’autres moins connus mais tout aussi séduisants, tels Utagawa Kunisada ou Katsukawa Shuncho.

Ainsi à l’étage, par où commence la visite, sont montrées des estampes de femmes se préparant à l’art de la séduction : on ne sait lesquelles on préfère tant elles sont raffinées et gracieuses, tant les compositions sont réussies et souvent carrément modernes, les détails soignés, le trait efficace et délicat, et les couleurs, tantôt sourdes, tantôt vives, enchanteresses. Habillées, ces geishas s’affairent avec une fausse ingénuité qui fait sourire; et l’on rêve aussi parfois devant dans des paysages empreints de poésie.

La suite de l’exposition est carrément crue et peut sembler répétitive (ce qui est inhérent à son sujet). Bien vue, la présentation d’objets du quotidien, témoignant d’un mode de vie luxueux et recherché, tels des kimonos et des éventails, de petites boîtes, notamment une très jolie en bois, peau de serpent, laque et poudre d’or (fin XVIII°-début XIX°), ou encore un nécessaire à pique-nique laqué avec compartiments à nourriture, coupelle… et bien sûr deux flacons pour le saké !

L’art de l’amour au temps des Geishas

Pinacothèque de Paris

28 place de la Madeleine – Paris 8°

Tous les jours de 10h30 à 18h30 sauf le mardi

Nocturnes les mercredis et les vendredis jusqu’à 20h30

25 décembre et 1er janvier de 14h à 18h30

Jusqu’au 15 février 2015Facebooktwitter

Le Thé – Histoires d’une boisson millénaire

Le thé à Guimet, histoires d'une boisson millénairePrésentée au musée Guimet, Le thé, histoires d’une boisson millénaire est la première exposition consacrée en France à l’histoire du thé.
Passionnante, elle raconte la naissance et la diffusion de cette boisson dont la consommation est entrée dans les mœurs chinoises au début de notre ère, avant de se répandre en Asie orientale, au Moyen-Orient, en Europe puis en Amérique.

L’introduction rappelle quelques données fondamentales, notamment botaniques, dont on retient que le théier est de la famille des camélias, arbre qui au printemps se couvre de petites fleurs blanches au cœur jaune : voir la délicate peinture sur soie chinoise du XIII° siècle représentant une branche de théier impérial en fleurs. Cultivé dans des "jardins de thé" en altitude, sous des climats chauds et humides, il est taillé en buissons ne dépassant pas 1 m 20 de haut. Ses bourgeons et feuilles tendres sont récoltés au printemps.

Un album sur papier de riz du XVIII° siècle montre les différentes étapes de la fabrication du thé : flétrissage, roulage, oxydation stoppée par chauffage. La classification chinoise selon la couleur de l’infusion résulte non pas d’espèces de théiers différentes mais du traitement des feuilles : ainsi, le thé blanc n’est que séché, alors que le thé vert est torréfié et peu oxydé et le thé noir totalement oxydé et fumé. Quant au "thé" rouge d’Afrique du sud, il n’est pas, lui, issu du théier.

Enfin, toujours en tête de parcours, La tonne de thé, œuvre monumentale (ce poids de thé compressé) de l’artiste chinois Ai Weiwei, né en 1957, introducteur de l’art contemporain en Chine où il est revenu – et désormais interdit de sortie du territoire – après avoir passé dix ans à New-York, exprme l’importance du thé, boisson après l’eau la plus consommée dans le monde.

Après un petit film sur Tseng Yu Hui, unique maître de thé femme, l’histoire du thé nous est contée à travers ses trois grands modes de préparation successifs, correspondant à trois grandes périodes : le thé bouilli, le thé battu et le thé infusé.

A chacun de ces chapitres sont montrées la naissance puis la diffusion du précieux breuvage, à travers de magnifiques objets provenant du fonds Guimet (des premiers grès jusqu’au porcelaines du XVIII° européen, en passant par les fameux céladons et bleus-blancs chinois), des peintures calligraphiées et des textes de lettrés – dont une édition du fameux Classique du thé écrit au VIII° siècle par Lu Yu.

D’abord utilisé par les moines pour ses vertus thérapeutiques (maintenir en éveil), il est ensuite adoubé par les lettrés (concurrençant alors le vin comme moyen de stimuler l’inspiration) et par eux paré d’une dimension spirituelle fondamentale, l’érigeant au rang de liturgie, que les Japonnais adopteront et adapteront plus tard. Au XVI° siècle, le Japonais Sen no Rikyu, le plus célèbre des maîtres de thé, est ainsi le créateur des cérémonies de thé. Il voit dans la cérémonie, qui doit être gouvernée selon les quatre principes de sérénité, de simplicité, de respect et d’harmonie, un acte spirituel entre le maître de thé et ses invités.

En Occident, le thé a été introduit au XVII° siècle dans les milieux aristocratiques avant de se répandre progressivement dans les autres classes sociales. Ici comme ailleurs, il est considéré comme la boisson qui a le plus influencé les mœurs sociales.
Mais c’est surtout le raffinement qui entoure sa consommation en Chine et au Japon, par les objets comme par la dimension poétique du geste, que l’on retiendra de cette très belle et savante exposition.

Le Thé – Histoires d’une boisson millénaire
Musée Guimet
6, place d’Iéna- 75116 Paris – Tél.: 01 56 52 53 00
TLJ sauf le mardi, de 10h à 18h
Fermé les 25 décembre et 1er janvier, et fermeture des salles à 16h45 les 24 décembre et 31 décembre
Entrée de l’exposition 8€ (TR: 6€)
Nombreuses activités autour de l’exposition : programme à consulter sur le site
L’exposition est prolongée Jusqu’au 28 janvier 2013

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Les 21e Rencontres Cinémas d'Amérique latine à Toulouse

Rencontres des cinemas d'Amerique latine de Toulouse 2009Les Rencontres des Cinémas d’Amérique latine ont démarré ce vendredi jour du printemps et se déroulent jusqu’au dimanche 29 mars à Toulouse.

Conformément à une tradition désormais bien établie, elles seront l’occasion de distinguer les films les plus marquants de la production cinématographique contemporaine venue d’Amérique latine, avec :

– le Grand Prix Coup de cœur et le Prix du Public Intramuros (sept longs métrages inédits en France),
– le Prix Découverte de la Critique Française de Cinéma et ceux des Cheminots Cinéphiles (six premiers films inédits en France),
– le Prix de la FIPRESCI (premiers films),
– le Prix Signis, qui récompensera l’un des sept documentaires en compétition,
– les prix Courtoujours du CROUS et Signis des meilleurs courts-métrages.

Egalement au programme de ces 21e Rencontres :
Otra mirada / Autre regard : un zoom sur des longs-métrages repérés pour leur traitement formel original
– Un panorama de la production récente, présentée pour la première fois à Toulouse
– Une rétrospective sur le documentaire chilien post-dictature
– Un hommage aux cinquante ans de cinéma cubain, lancé grâce à la naissance de l’Institut Cubain de l’Art et de l’Industrie en mars 1959
– Un retour sur le Jeune cinéma argentin, vague novatrice apparue il y a une dizaine d’années
– Des sélections spéciales pour le jeune public
– Les rendez-vous des professionnels : Cinémas en Construction pour aider des films en post-production, Cinéma en Développement, plateforme de projets et Cinéma sans Frontière, nouvelle initiative pour promouvoir la diffusion des œuvres, soutenue par l’Union Européenne et qui permettra à une trentaine de professionnels d’Europe et d’Amérique latine de se réunir et d’échanger.

Et bien sûr, cette très sympathique manifestation fait la part belle aux rencontres – à la librairie Ombres Blanches notamment -, aux débats, aux concerts, sans oublier le tango avec projection de films, démonstration et… initiation.

Toutes les infos sur
le site de l’Association Rencontres Cinémas d’Amérique Latine de Toulouse
Et aussi :
Peliculas, le journal sur Mediapart
Le blog sur arte.tv

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Florence, la célébration du Printemps

Botticelli, Le Printemps, OfficesAller à Florence hors saison, c’est entrer à la Galerie des Offices comme en son palais, arpenter les salles de la Galerie Palatine dans un silence d’église, n’avoir qu’à choisir sa table pour s’installer à la terrasse d’un café.

Car en février, le froid hiver toscan réserve de belles journées ensoleillées qui donnent tout à coup l’idée du printemps.

Le poète disait, paraît-il, dans la voix de Paul Valéry : "On doit toujours s’excuser de parler de peinture". On s’en s’abstient pourtant le plus souvent, tant la peinture touche qui a envie de voir, tant elle fait surgir des sentiments d’ordinaire enfouis sous la précipitation des "activités" : chacun prend la liberté de parler de peinture parce que la contemplation d’un tableau, rencontre d’un individu avec une œuvre, est toujours singulière.

Mais pourquoi un tableau nous touche-t-il davantage qu’un autre ? Sa beauté ? Certes, mais parfois, plus encore, sa richesse. On a souvent envie de s’attarder devant les peintures qui ne se révèlent pas au premier regard. On aime qu’un tableau nous séduise par sa beauté mais aussi, et tout autant, qu’il nous intrigue. Siri Hustvedt a brillamment mis en évidence ce phénomène dans son essai, déjà évoqué, Le mystère du rectangle.

C’est peut-être ce qui explique qu’à Florence, dans la salle des Offices où sont réunis les Botticelli, la contemplation du Printemps s’avère plus passionnante encore que celle de la splendide Naissance de Venus.
Est-ce la multiplicité des personnages et des allégories possibles, est-ce l’incertitude quant à leurs rôles respectifs qui nous attirent dans ce tableau ? Est-ce le décor végétal naturel qui semble comme suspendu dans les airs sur son tapis de fleurs ? Est-ce cette expression rêveuse et un peu équivoque sur le visage et dans les yeux de Flore couverte de fleurs ?
Sur tout cela à la fois, il y va de ce que l’on voit et de ce de que l’on imagine, du désigné et de l’invisible, et de toutes ces intrigues qui se superposent à une composition d’une beauté remarquable, aux couleurs et aux détails si délicats.

Mais ici, on pense aussi à la magie du lien entre le geste d’un artiste, vieux de plus de cinq siècles, et notre regard de visiteur d’un jour ; ce geste qui rejoint et réunit la communauté d’hommes de tous horizons et de toutes époques qui, chacun à sa manière, en peignant, en parlant, en écrivant, ou juste en regardant et en respirant aiment célébrer encore et toujours l’éternel retour du Printemps.

Galleria degli Uffizi

Primavera, Sandro Botticelli, vers 1482, peinture (tempera) sur panneau de bois, 203 × 314 cm, Galerie des Offices

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Le 10ème Printemps des Poètes : Eloge de l'autre

Dixième Printemps des PoètesInauguré ce soir au Théâtre Mogador à Paris, le Printemps des Poètes va réunir les amoureux de poésie jusqu’au 16 mars autour du thème Eloge de l’autre – Carrefours, croisements, métissages.

Lectures, ateliers d’écriture, rencontres, animations et spectacles, pour sa dixième édition, cette manifestation propose un programme encore plus large que les années précédentes. En Ile-de-France et en province, mais aussi à l’étranger, ce ne sont pas uniquement les librairies et les bibliothèques qui sont concernées, mais aussi les gares SNCF, le métro parisien (à la station St-Germain-des-Prés bien sûr), les hôpitaux (grâce aux clowns du Rire Médecin), la radio (sur France-Culture et RFI)…

Point d’orgue de la manifestation : vendredi 7 mars, grande journée nationale du poème à l’autre, où tout un chacun est invité à faire écho à la proposition suivante : "Chez vous, au travail, à l’école, dans la rue…, offrez un poème, échangez vos poèmes, postez un poème, glissez un poème sous la porte, ceci ou cela, mais donnez un poème à l’autre !"

Pour vous mettre en verve, vous pouvez aller visiter le site printempsdespoetes.com, vraiment très bien fait (y compris côté pratique). Il donne aussi l’occasion de musarder : l’on y trouve une foule de références de poètes et de livres… et l’on a envie d’y piocher au petit bonheur la chance car on peut y lire des extraits.

Autre proposition : entrer dans une bonne librairie, feuilleter, repartir avec un recueil, par exemple d’un poète que l’on ne connaît pas, et savourer le simple bonheur de lire de la poésie.

Et tout de suite, on peut toujours lire ceci :

Éloge de l’autre

Celui qui marche d’un pas lent dans la rue de l’exil
C’est toi
C’est moi
Regarde-le bien, ce n’est qu’un homme
Qu’importe le temps, la ressemblance, le sourire au bout des larmes
l’étranger a toujours un ciel froissé au fond des yeux
Aucun arbre arraché
Ne donne l’ombre qu’il faut
Ni le fruit qu’on attend
La solitude n’est pas un métier
Ni un déjeuner sur l’herbe
Une coquetterie de bohémiens
Demander l’asile est une offense
Une blessure avalée avec l’espoir qu’un jour
On s’étonnera d’être heureux ici ou là-bas.

Tahar Ben Jelloun
Tanger, 7 octobre 2007

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