Hippolyte et Aricie. Opéra Garnier

Hippolyte et Aricie, Diane et l'Amour

A-t-on jamais vu spectacle lyrique aussi ravissant ? Décors, lumières, costumes, danses, tout concourt à nous plonger dans le merveilleux baroque XVIIIème dont cet Hippolyte et Aricie, premier opéra de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) est issu.
Le compositeur l’a créé en 1733 ; il avait déjà 50 ans. Ce coup d’essai précéda bien d’autres œuvres du genre, parmi lesquelles les fameux Platée, Les Indes galantes, Castor et Pollux, Dardanus ou encore Zoroastre.

La production présentée pour la première fois cette saison à Paris a été créée au théâtre du Capitole de Toulouse en 2009, alors que Nicolas Joël – aujourd’hui à la tête de l’Opéra national de Paris – en était le directeur. Trois ans après, les ors du palais Garnier accueillent ce très beau spectacle, mis en scène par Ivan Alexandre et dirigé par Emmanuelle Haïm venue avec sa formation Le concert d’Astrée.

Le livret puise à la source de la tragédie racinienne, avec la passion de Phèdre pour son beau-fils menaçant les amours d’Hippolyte et d’Aricie, tandis que dieux et déesses négocient et arbitrent, ici Diane contrainte de faire la place à l’Amour, là Pluton condamnant aux enfers, plus loin Neptune imposant sa loi par les flots.
Dans ce monde implacable où les divinités président aux destinées humaines, l’intervention de divertissements dansés au coeur de chacun des cinq actes vient insuffler une légèreté qui fait de la pièce une merveille d’équilibre entre tension et détente.

Le phrasé précis, le timbre cristallin et nuancé de la soprano belge Anne-Catherine Gillet nous fait ressentir toute la tendresse d’Aricie. Jaël Azzaretti interprétant l’Amour nous emporte au sommet de la joie amoureuse, tandis que la mezzo-soprano Sarah Connolly en Phèdre et le baryton Stéphane Degout en Thésée imposent de leur haute maîtrise vocale l’autorité puis la faiblesse de leurs personnages. Seul Hippolyte déçoit, les mots en français semblant sortir comme étouffés de la bouche du finlandais Topi Lehtipuu.

Les chorégraphies de Nathalie van Parys recréent la légèreté des ballets de cour, quand la musique tout en finesse de Rameau dirigée avec énergie et tranquillité par Emmanuelle HaÏm porte le tout avec délices.
Les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz sont fastueux. Vert amande, rose chair, vieil or, les couleurs sont poudrées, comme délicatement fanées au soleil, les jupes sont à paniers et les bustes hautement corsetés, quand franges, galons et broderies animent taffetas et brocards de soie.

Dessinés par Antoine Fontaine, éclairés d’une lumière couleur de miel évoquant tour à tour la douceur d’une fin d’après d’après-midi d’été et la chaleur de la chandelle, les décors participent de la mise en scène absolument baroque qui joue sur une double magie : celle de recréer un opéra comme à la Cour de Versailles et celle de mettre en scène la tragédie elle-même. Ainsi il en descend des cintres (non seulement des décors, mais aussi des dieux et des déesses), il en monte de dessous la scène, il en pousse des deux côtés… Tout en trompe-l’oeil et grandioses, comme pour prévenir tout risque de préciosité par ailleurs : un savant équilibre en somme, pour un régal de la vue comme de l’ouïe pendant près de trois heures.

Hippolyte et Aricie
Tragédie lyrique en cinq actes et un prologue
Musique de Jean-Philippe Rameau
Livret de l’abbé Simon-Joseph Pellegrin
Opéra national de Paris – Palais Garnier

Dernière représentation lundi 9 juillet 2012 à 19 h 30

Emmanuelle Haïm Direction musicale
Ivan Alexandre Mise en scène
Antoine Fontaine Décors
Jean-Daniel Vuillermoz Costumes
Hervé Gary Lumières
Natalie Van Parys Chorégraphie

Sarah Connolly Phèdre
Anne-Catherine Gillet Aricie
Andrea Hill Diane
Jaël Azzaretti L’Amour / Une Prêtresse / Une Matelote
Salomé Haller Oenone
Marc Mauillon Tisiphone
Aurélia Legay La Grande Prêtresse de Diane / Une Chasseresse / Une Prêtresse
Topi Lehtipuu Hippolyte
Stéphane Degout Thésée
François Lis Pluton / Jupiter
Aimery Lefèvre Arcas / Deuxième Parque
Manuel Nuñez Camelino Un Suivant / Mercure
Jérôme Varnier Neptune / Troisième Parque

Orchestre et choeur du Concert d’Astrée

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