A Serious Man. Joel et Ethan Coen

A serious man, frères Coen

Nous sommes en 1967 dans une famille juive établie dans le Middle West, quelque part dans une résidence pavillonnaire aux pelouses impeccablement coiffées et à l’uniformité exemplaire. Larry est professeur d’université en attente de titularisation. Avec son épouse Judith il élève ses enfants conformément à la tradition. Il prend aussi en charge son frère autiste en l’hébergeant sous son toit.
Bref, Larry est un homme droit, digne, méritant : un homme sérieux.

Mais voici que les ennuis commencent à pleuvoir et, pire, à s’accumuler : son fils préfère fumer du hasch et écouter Jefferson Airplane plutôt que les cours d’hébreu ; sa fille ne pense qu’à ses shampoings ; son épouse a un amant et entend divorcer ; cet amant n’est autre que son meilleur ami et le convainc avec force mielleries de libérer la maison familiale ; un de ses étudiants l’accuse de corruption, pendant que le voisin empiète sur son terrain… N’en jetez plus, on se demande – et Larry le premier – quand cette série noire va s’arrêter. Mais la poisse le poursuit, alors Larry, qui justement fait tout comme il lui semble devoir le faire, veut comprendre pourquoi le mauvais sort s’acharne sur lui : quelle est la volonté de Dieu en somme ?

Pour trouver la clé, il va rendre visite à trois rabbins : les conversations fumeuses auxquelles on assiste sont de véritables scènes d’anthologie, empreintes d’humour juif, cet humour particulier qui fait davantage sourire que rire, dont le film déborde et qui parfois déroute.
On retrouve la maestria des frères Coen à chaque scène, comme dans la synagogue lors de la bar-mitzvah du fils de Larry, où grâce à des plans fabuleux, le spectateur se retrouve dans la tête du gamin – enivré de marijuana – invité à devenir un homme…
A serious man ne délivre aucune réponse aux questions de Larry et aux nôtres, il se contente de rappeler l’enseignement du rabbin médiéval Rachi : "Reçois avec simplicité tout ce qui arrive". Si le film peut déconcerter, il touche aussi beaucoup, tant il relève d’une démarche autobiographique de la part de Joel et Ethan Coen et apparaît comme la signature qui donne à leur filmographie un autre relief.

A Serious Man
Joel et Ethan Coen
Avec Michael Stuhlbarg, Sari Lennick, Richard Kind
Durée 1 h 45 min

Photo © StudioCanal

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No country for old men. Joel et Ethan Coen

No country for old men, frères CoenDe Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme, effroyable roman de Cormac McCarthy revenu pour l’occasion à son titre original No country for old men, les frères Coen ont fait un film magistral.
Tirant de l’histoire sa substantifique moelle, leur film est aussi sec que les déserts du Texas où elle se déroule.

Trafic de drogue qui tourne mal, gros sous qui tombent dans les mains du premier chasseur d’antilopes qui passe par là – lequel, soudain, se verrait bien retraité à trente ans avec sa belle, … le règlement de comptes ne fait que commencer.

Mais les lignes se brouillent avec un grand cinglé, non pas de la gâchette comme le tout venant du narcotrafiquant, mais de la bonbonne à oxygène, qui tue net, en silence et sans bavure.
Sauf que si l’on peut tuer sans balle, perforer un crâne fait toujours couler du sang. Même dans le monde sans âme du glaçant Anton Chigurh. Alors dans ce pays qui n’est vraiment plus pour le vieil homme, l’on voit le sang couler en un flot calme et inéluctable, à l’image de la flaque d’hémoglobine que Chigurh évite en soulevant délicatement ses bottes après avoir réglé son compte à Carson Wells.

L’on assiste à ce carnage que rien ne semble pouvoir arrêter, endossant l’impuissance de Bell, le chérif de l’ancien temps.
Tommy Lee Jones l’interprète à merveille, sobre et émouvant, débarrassé de la couche de "gras existentiel" un peu collante dont l’avait tartiné Cormac McCarthy. L’épure des frères Coen est admirable, qui se contentent de souligner avec subtilité la perplexité et la douleur du vieux chérif face à l’absurdité d’une telle violence.

Quant au personnage d’Anton Chigurh, sous la coiffure, disons, juvénile, dont Javier Bardem se trouve affublé, il est encore plus effrayant que dans le roman. Les gestes lents mais implacables d’une machine à tuer, la conversation et l’esprit d’un humain, qui le rendraient presque raffiné, et, pire encore, un air parfois enfantin, il obéit à une logique qui nous échappe, qui est autre, qui n’est pas de ce vieux monde.
Même le jeu de mot de Sugar pour Chigurh, même l’humour noir des frères Coen ont du mal à nous faire déserrer la mâchoire…

No country for old men. Joel et Ethan Coen
Avec Tommy Lee Jones, Javier Bardem, Josh Brolin, Kelly MacDonald
Durée 2 h 03

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