Chefs-d'oeuvre islamiques de l'Aga Khan Museum. Musée du Louvre

Chefs-d'oeuvre de l'Aga Khan Museum, exposition musée du LouvreLe musée du Louvre met en lumière l’art islamique autour de deux expositions, l’une est consacrée à l’art de l’Iran safavide, l’autre aux chefs-d’oeuvre de l’Aga Khan Museum.
Exposition resserrée, Chefs-d’oeuvre islamiques de l’Aga Khan Museum offre un parcours de choix très réussi.
Dans une passionnante entrée en matière, l’on y découvre la marque des influences européennes et extrême-orientales sur l’art de l’Islam mais aussi les apports de celui-ci à l’Europe et à la Chine. Ainsi, le De materia medica de Dioscoride, ouvrage médical du 1er siècle, a été traduit du grec et du syriaque en langue arabe (une page illustrée en est montrée) avant d’être retransmis à l’Occident médiéval. Par le biais de l’Espagne, le monde islamique a en effet restitué à l’Europe une partie des connaissances issues de la civilisation grecque, tout en lui faisant bénéficier dans le même temps de ses propres découvertes mathématiques et astronomiques.
L’influence de la Chine est aussi très visible. Si les poteries fournissent de bons exemples d’entremêlement des styles sur un même support, les inspirations plus ou moins lointaines s’observent ici encore dans les productions scientifiques. Par l’emploi du lavis et la stylisation des représentations animales, la page du Livre de l’utilité des animaux daté de 1300 env. révèle clairement la veine extrême-orientale de cet objet en provenance d’Irak ou de l’Ouest de l’Iran.
L’exposition met ensuite l’accent sur l’aventure de la figuration, puis celle de la narration dans le monde islamique.
Interdite dans la sphère religieuse, la représentation des êtres animés abonde dans les ouvrages littéraires et poétiques.
Les pages illustrées du Livre des rois (1) sont à tomber par terre : densité des scènes narratives, richesse et mariage de couleurs vives et pâles associées à l’or, finesse des motifs, délicatesse des décors végétaux… de merveilleuses gouaches à détailler sans fatigue.
Mais c’est avec la religion que l’on entre dans l’art de l’écriture. Fondateur du dernier monothéisme et du monde islamique, le Coran, texte révélé en langue arabe a conféré à l’écrit une aura considérable. Celui qui copie le texte coranique accomplit un acte pieux et jouit à ce titre d’un immense prestige. C’est ainsi que se développe la calligraphie, dont on admire ici de beaux exemples avec des manuscrits variés, notamment de très anciens sur support en parchemin.
Par la suite, à partir du IXème siècle, la calligraphie est appliquée aux objets profanes, l’écriture devenant alors un véritable répertoire décoratif. Que ce soit sur des objets mobiliers, sur des éléments d’architecture, la souplesse de l’écriture arabe est largement utilisée par les artistes. Tantôt rond, tantôt anguleux, plus ou moins aéré, l’observation de la diversité des styles calligraphiques permet d’appréhender toute la créativité qui peut s’exprimer grâce à ce formidable "matériau".

Chefs-d’oeuvre islamiques de l’Aga Khan Museum
Musée du Louvre
Jusqu’au 7 janvier 2008
TLJ sauf le mardi de 9h à 18h, jusqu’à 22h mercredi et vendredi
Entrée avec le billet "collections permanentes"

Image : Shâh Abû al-Ma‘alî, signé par Maître Dûst musavvir, Inde, vers 1556, gouache sur papier

(1) Le Shâhnâmeh ou Livre des Rois est une vaste épopée retraçant l’histoire légendaire et historique de l’Iran depuis les origines jusqu’à la conquête arabe. Il fut achevé par le poète Ferdowsî à l’orée du XIe siècle en Iran oriental.
Le récit s’organise selon plusieurs cycles : les premiers rois civilisateurs, puis la longue épopée des rois Kâyânides, à la cour desquels vivent les grands héros dont le fameux Rostam. Cette période est marquée par la lutte de l’Iran contre le Tûrân (Asie centrale). L’épopée aborde ensuite les temps historiques, marqués par le cycle d’Iskandar (Alexandre le Grand), et s’attarde sur la dynastie sassanide, faisant alterner récits de bataille, aventures romanesques et considérations morales.
Le Shâhnâmeh a été une source inépuisable d’inspiration pour les artistes iraniens. De nombreuses copies illustrées ont été réalisées depuis le XIVe siècle au moins. L’une des plus fameuses est sans doute le manuscrit réalisé à Tabriz entre 1522 et 1535 pour le souverain safavide Shâh Tahmâsp. Ce manuscrit, aujourd’hui dispersé dans diverses collections, comprenait 258 peintures, de la main des plus grands artistes de l’époque. (Voir le mini-site du Musée du Louvre consacré à l’exposition)

Facebooktwitter

Les Diablogues. Morel et Gamblin au théatre du Rond-Point

Les Diablogues, au théâtre du Rond-PointDeux bonshommes en costumes gris sur fond de cosmos, deux fauteuils et la lumière pour décor.
Epure et jeux de mots : c’est parti pour 1h30 de saynètes enchaînées, ping-pong verbal dont les joueurs sont François Morel et Jacques Gamblin.

A l’origine du texte, des sketchs radiophoniques que Jean Tardieu commande en 1953 à Rolland Dubillard. Elles sont données quotidiennement sous le nom de Grégoire et Amédée. En 1975, l’auteur les adapte en pièce : voici Les Diablogues.

Ces dialogues mi-cocasses mi-absurdes nous plongent dans des situations qui n’existent que par le verbe, dans un monde qui se révèle par l’exploration du langage.

La densité de certaines scènes confère par moments au spectacle une profondeur prenante, telle celle où les compères essaient de comprendre pourquoi l’un dit "Je ne supporte pas de me promener sous la pluie". Ils déroulent alors les questions comme autant de pelotes, dans une tentative d’avancée un peu désespérée. Le duo, qui a le langage pour seul bagage, prend ainsi quelque reflet touchant.
La conviction et l’engagement des deux comédiens dans cette aventure sont forcément communicatifs, si bien que l’on finit par prendre du plaisir à suivre les joutes verbales, pourtant très datées et assez inégales.
Et l’on rit même parfois, sous l’effet de l’irrésistible talent comique de François Morel à qui cette absurdité sied plutôt bien. Jacques Gamblin, lui, en tout point son opposé – y compris physiquement, petit format sec et nerveux – joue sur le "tragique" des situations. Mais rien de sérieux dans tout cela. La soirée est à conseiller pour découvrir l’auteur si on ne le connaît pas et pour la performance des comédiens. Mais peut-être ne faut-il pas en attendre davantage.

Les Diablogues. Rolland Dubillard
Avec François Morel et Jacques Gamblin
Mise en scène Anne Bourgeois
Théâtre du Rond-Point
A 18 h 30, durée 1 h 30
Jusqu’au 31 décembre 2007

Facebooktwitter

Faut que ça danse. Noémie Lvovsky

Faut que ça danse, Noémie LvovskyCe film est un pied de nez. Pied de nez au temps qui passe, à l’héritage douloureux, à la maladie et à la mort. Et comme tous les pieds de nez à ce qui fait mal, il est terriblement réjouissant.
Salomon, quatre-vingt ans, interprété par Jean-Pierre Marielle vit séparé de sa femme, laquelle (délicieuse Bulle Ogier plus que lunaire) vogue sur une douce folie.
Il se repasse Fred Astaire en boucle, prend des cours de claquettes, danse tout seul à la maison. Cherche une compagne par petite annonce, ne doute de rien et séduit. Son âge, il l’oublie, ou plutôt a l’air de ne s’être jamais vu l’atteindre. Sa fille lève les yeux au ciel mais l’adore tendrement. Tiens, la voici enceinte, d’ailleurs. Pour une déclarée stérile de 41 ans (jouée par Valeria Bruni Tedeschi, très convaincante aussi), c’est une belle surprise ; elle en engueule le labo qui n’a pu que se tromper…
Tout part comme ça, et ne s’arrête pas. Ainsi déboule la piquante Sabine Azema, alias Violette, la petite amie que Salomon a dégotée grâce au journal. Et le garde-malade de la mère foldingue qui l’embarque en Suisse pour trouver quelque argent. Et enfin le bébé qui décide de naître dans la bibliothèque de l’hôpital psychiatrique. Cela peut paraître décousu et simplement loufoque.
Evidemment, et alors ? Car cette comédie déjantée est tout sauf vaine. Bien au contraire, sous cette légèreté qui a l’air de partir dans tous les sens, il y a une véritable cohérence, et un propos d’autant plus savoureux qu’il n’est jamais dit.
L’obstination de la mémoire qui fait mal, la maladie, la vieillesse, la mort qui vient, le tragique donc, oui. Mais voici que sur ces drames pousse un brin de folie, surgissent une rencontre, une étreinte, une danse, une ballade, une engueulade pleine d’amour… tout ce qui bouge, et même tout ce qui paraît improbable et que seul explique cet élan de vie débridé, enviable et souverain.

Faut que ça danse. Noémie Lvovsky
Avec Jean-Pierre Marielle, Valeria Bruni Tedeschi, Sabine Azéma, Bulle Ogier, Arié Elmaleh…
Durée : 1h 40 mn

Facebooktwitter

Ni d'Eve ni d'Adam. Amélie Nothomb

Amélie Nothomb, Ni d'Eve ni d'AdamLire toute la production d’Amélie Nothomb exposerait à deux risques, celui de la lassitude et, pire, celui de tomber de temps en temps sur de piètres écrits.
Mieux vaut donc choisir ; et savourer le bon grain.
Le dernier est de ceux-là.
Peut-être Amélie Nothomb n’est-elle d’ailleurs jamais aussi convaincante que lorsqu’elle embarque son lecteur au Japon. L’on pense à Stupeurs et tremblements et à Métaphysique des tubes mais avec un petit quelque chose en mieux.
Donc notre Amélie, à 21 ans, retourne seule au Japon après de longues années de manque. Bien décidée à devenir une vraie Japonaise, elle se dit que pour apprendre la langue, le plus efficace est certainement de donner des cours de français à un Japonais. Aussitôt dit, aussitôt fait.
L’éducation de son élève est exemplaire, sa famille riche, son profil parfaitement dessiné. Et voici qu’il tombe amoureux de son jeune professeur. Et elle ? Elle, elle se contente de le trouver à son goût. Ce qui, pour Amélie, est déjà beaucoup, car, dit-elle "Si j’avais déjà flambé à maintes reprises, jamais encore je n’avais eu de goût pour quiconque".
Donc Ni d’Eve ni d’Adam, c’est Amélie et son fiancé certes, mais Amélie au Japon avant tout. Folle de joie seule dans la montagne enneigée, elle entre en transe devant le Mont Fuji qu’elle appelle son ami. Elle loue la beauté des arbres et cite Brassens à l’occasion, tout en passant de l’exaltation la plus délirante à l’angoisse la plus irrationnelle, de la surexcitation physique et mentale à l’évanouissement. Et si elle adore les bains bouillants et la neige glacée, elle aime davantage encore les deux à la fois. Terrible et délicieuse Amélie, toujours en mouvement, toujours si vivante. Elle ne s’oublie jamais Amélie ; ce n’est pas un fiancé, fût-il tokyoïte, qui la détournerait d’elle-même.
Elle donne en tout cas l’heureuse impression de sincérité, d’une "personnalité" qui se raconte. On s’attache, on rit, on rit d’elle (et de nous parfois au passage) ; on aime.

Ni d’Eve ni d’Adam. Amélie Nothomb
Albin Michel (2007), 252 pages, 17,90 €
Prix de Flore 2007

Facebooktwitter

Dans le café de la jeunesse perdue. Patrick Modiano

Dans le café de la jeunesse perdue, Patrick ModianoVoici le monde délicat des âmes errantes, des habitants de la ville qui ne s’ancrent véritablement que dans les rues et les cafés, dans ces lieux de passage qui, chez Modiano, deviennent des lieux à part entière, et même au-delà, des lieux de mémoire.
Car il n’est pas uniquement question de noms de rues, de stations de métro et de bars, mais aussi de cheminement dans le temps : dans le café de la jeunesse perdue, la topographie se fait évocatrice de souvenirs, la géographie se fait histoire.
Le moment "historique" – mêlant faits et personnages réels à la fiction – que le roman retrace est celui de la jeunesse de Louki, morte défenestrée à 22 ans, suicide qui n’a en rien dévoilé le mystère qui l’entourait.
Alors, tour à tour, plusieurs personnages parlent de la belle Louki. Au milieu, elle aussi se raconte.
Et c’est avec une parfaite maîtrise de l’art de l’esquisse que Modiano, empruntant plusieurs voix, mais toutes bien siennes, tente de dire qui était Louki.
Cette approche détournée de la jeune femme, avec toute l’ombre qu’elle réserve, est particulièrement convaincante en ceci qu’elle renvoie aux questions Que connaît-on d’une personne au fond ? Qui est-elle véritablement ? Elle-même sait-elle pourquoi elle a agi de la sorte ?. Pourquoi Louki s’est-elle mise à fuguer un soir ? Pourquoi a-t-elle recommencé le lendemain ? Et pourquoi s’est-elle enfuie après son confortable mariage à Neuilly ? Pourquoi s’est-elle mariée d’ailleurs ?
Avec beaucoup de subtilité, Modiano soulève plus d’interrogations qu’il ne donne de réponses, traçant autour de son personnage de simples pointillés, auxquels chacun de ses narrateurs ajoute quelques touches.
Une chose est sûre : le point de départ. L’enfance a légué à Louki la solitude pour principe et les liens avec les autres pour exception. Et le vagabondage dans la ville pour quotidien, la ville devenue point fixe, devenue pays avec ses frontières et ses barrières douanières. En lisant ce roman, l’on ne peut s’empêcher d’entendre résonner l’écho de l’autobiographique et très beau Pedigree, le précédent livre de Patrick Modiano.
Et l’on ne peut s’empêcher de citer ce passage sur "les liens" :

Sans doute la phrase qu’il avait prononcée tout à l’heure m’avait donné cette idée : "On essaie de créer des liens…" Rencontres dans une rue, dans une station de métro à l’heure de pointe. On devrait s’attacher l’un à l’autre par des menottes à ce moment-là. Quel lien résisterait à ce flot qui vous emporte et vous fait dériver ? Un bureau anonyme où l’on dicte une lettre à une dactylo intérimaire, un rez-de-chaussée de Neuilly dont les murs blancs et vides évoquent ce qu’on appelle "un appartement témoin" et où l’on ne laissera aucune trace de son passage… Deux photomatons, l’un de face, l’autre de profil… Et c’est avec ça qu’il faudrait créer des liens ?

Dans le café de la jeunesse perdue. Patrick Modiano
Gallimard, 2007, 148 p.

Facebooktwitter

De l'autre côté. Fatih Akin

De l'autre côté, Fatih AkinLe principe : plusieurs histoires mettant en scène des personnages liés plus ou moins directement les uns aux autres sont vues sous différents angles dans un va-et-vient entre l’Allemagne et la Turquie. L’on passe ainsi sans cesse des deux côtés de la frontière, entre Brême et Hambourg, Istambul et le bord de la mer Noire.
Le détail de ces histoires serait assommant à raconter. Mais les sentiments qu’elles expriment sont jolis et simples. Il y a ce poignant amour manqué entre une jeune activitiste politique et sa mère prostituée au caractère tout aussi trempé, deux coeurs tendres qui se chercheront en vain.Et cet amour d’un fils pour son tonitruant de père qui finit par déborder. L’amour entre deux jeunes femmes qui s’aimantent, entier et peut-être fatal. Et encore une histoire d’amour maternel manqué, celui d’une Allemande dépassée par les élans de sa fille. Précision étant faite qu’un même personnage est le plus souvent acteur de plusieurs de ces trames dont les fils entremêlent en permanence les deux cultures, allemande et turque, qui s’opposent et donc se complètent.
La réalisation est belle, quoique le rythme un peu lent, les histoires touchantes et le jeu de miroirs intéressant.
Mais le film sembler manquer d’un petit quelque chose pour être tout à fait enthousiasmant. Est-ce l’émotion véritable qui au fond fait défaut ? A moins que De l’autre côté ne pêche par l’excès : celui des bons sentiments, qui finit par donner une impression de "tartinage". Ceci explique peut-être cela.

De l’autre côté. Fatih Akin
Titre original Auf der anderen Seite
Avec Baki Davrak, Tuncel Kurtiz, Patrycia Ziolkowska
Durée : 2h 2min

Facebooktwitter

Le Journal d'une fille perdue de G.W. Pabst au Balzac

Le journal d'une fille perdue, Georg Wilhelm PabstLa beauté et le charme infinis de Louise Brooks au service d’un chef-d’oeuvre du muet accompagné du grand pianiste de jazz Giovanni Mirabassi : tel est le programme que Le Balzac réservait aux courageux Parisiens de sortie lundi dernier. Cette soirée exceptionnelle renvoyait tous les efforts et toute la fatigue de marche à pied aux oubliettes.

Le Journal d’une fille perdue est l’histoire d’une jeune fille de la bourgeoisie berlinoise des années 1920 qui tombe enceinte pour s’être évanouie un soir de peine dans les bras d’un cupide et rustre petit apothicaire. Employé du père de la jeune "victime", le sourire carnassier de ce subalterne intéressé est digne des pires films d’horreur.
On devine la suite : à sa naissance, le nourrisson est placé ; et la toute jeune femme mise illico dans une maison de redressement. La suite de la suite est quant à elle savoureuse.
Tiré d’un roman qui scandalisa à l’époque au motif qu’il faisait parler une prostituée à la première personne, le film que Pabst en tira fut interdit à sa sortie en 1929. Ce n’est qu’après de sévères coupes de la censure que Le Journal d’une fille perdue ainsi largement mutilé fut autorisé dans l’Europe du début des années 1930.
La copie projetée au Balzac, assez proche de la version d’origine, permet de réaliser toute l’immoralité dont la société de l’époque a pu l’accuser. La charge contre l’hypocrisie des milieux bourgeois est d’une violence inouïe. L’humour de Pabst est aussi corrosif qu’irrésistible. Et il balance à merveille avec des moments d’émotion déchirants, où Louise Brooks déploie une palette de sensibilité tout en nuance, crevant l’écran du muet par un jeu pourtant retenu.
C’est peu dire que l’accompagnement du Journal ne peut souffrir d’approximation. Toujours présent, toujours dans le rythme du film, toujours dans la tonaltié du moment, Giovanni Mirabassi fut époustouflant.

Le Journal d’une fille perdue. Georg Wilhelm Pabst
Titre original : Das Tagebuch einer Verloren
Avec Louise Brooks, Fritz Rasp, Andrews Engelmann, Valeska Gert, Franziska Kinz, Edith Meinhard, Josef Rovensky
Année de production : 1929

Prochain Ciné-Concert mardi 11 décembre à 21 h pour une soirée Buster Keaton (trois courts-métrages : Cops, One Week et The PlayHouse) avec la formation jazz  »Ciné X’Tet/Bruno Régnier »

Dimanche 16 décembre à 11 h, Ciné-Concert jeune public avec Faut pas s’en faire (Why worry ?) de Frad Newmeyer et Sam Taylor (1923), accompagné au piano par Xavier Busatto

Et chaque deuxième dimanche du mois à 11 h Pochette surprise, destinée aux petits et aux grands, pour découvrir une sélection de films courts, muets pour la plupart, accompagnés par le pianiste Jacques Cambra et ses invités.

Cinéma  »Le Balzac »
1 rue Balzac – 75008 Paris
M° Charles de Gaulle Etoile

Facebooktwitter

La Méditerranée des Phéniciens, de Tyr à Carthage

La Méditerranée des Phéniciens, Institut du monde arabeLes Phéniciens sont connus pour avoir été le peuple de marchands et de navigateurs qui, au cours du 1er millénaire avant J.-C., depuis la côte du Levant (actuel Liban) aux côtes italiennes et espagnoles en passant par le nord de l’Afrique, la Sardaine, les îles égéennes, Malte et Chypre… a essaimé sur tout le pourtour du bassin méditerranéen. Leur civilisation garde pourtant, aujourd’hui encore, une part de mystère.

Peut-être parce qu’elle n’a pas laissé d’architecture de taille, peut-être en raison de l’éclectisme de son art, les explorateurs qui ont redécouvert les civilisations de l’Antiquité au XIXème siècle se sont moins intéressés à la Phénicie qu’à l’Egypte, à la Mésopotamie et à la Grèce.
Il faut ajouter à cela que peu d’écrits ont été retrouvés : quelques inscriptions sur des objets mobiliers et des stèles, mais point de littérature.
Ce qui ferait presque oublier que les Phéniciens ont inventé l’alphabet qui est à l’origine, notamment, de l’alphabet araméen (dont sont issus l’hébreu et l’arabe) et de l’alphabet grec, lequel, par l’intermédiaire des Etrusques a donné naissance à notre alphabet latin.
Ce que l’on sait d’eux provient donc surtout des témoignages que nous ont laissés leurs voisins, rapportés dans la Bible et les récits d’Homère, mais aussi des objets d’art et d’artisanat qui ont été retrouvés.
L’exposition de l’Institut du Monde Arabe, en éclairant certains éléments de leur production, de leur rites et de leurs croyances permet d’appréhender l’aspect à la fois métissé et original de leur culture.
Ainsi par exemple, les Phéniciens ont emprunté aux Egyptiens la pratique d’enterrer les morts dans des sarcophages anthropoïdes. Si les premiers de ces étonnants sarcophages, souvent faits de marbre importé de Paros étaient de style égyptien, ils prirent ensuite une allure grecque très marquée.
Pour décorer les objets mobiliers, ils adaptent à leur manière les motifs égyptiens et proche-orientaux anciens, tels le griffon (corps de lion, tête et serres de rapace), mais aussi le scarabée, le sphinx, le lotus, le papyrus, la palmette…
De petits médaillons sont l’occasion d’admirer cette iconographie composite et singulière. Mais surtout, les très belles coupes en argent, argent doré ou bronze, finement ciselées, le plus souvent à usage de présents diplomatiques, révèlent le savoir-faire des Phéniciens en matière d’orfèvrerie.
Grâce à leur commerce à grande échelle, ce sont eux qui ont répandu l’usage de l’encens dans tout le bassin méditerranéen : les thymiatères, ou brûle-parfums, qui étaient réservés aux cérémonies religieuses, font en effet partie de leurs créations originales.
Plus anecdotiques mais charmants, les tridacnes, grands coquillages originaires des mers chaudes étaient décorés et gravés pour servir de palette à fards : l‘umbo (charnière fixant les deux valves du coquillage) était fréquemment travaillé en ronde-bosse en forme de tête féminine évoquant une sirène.

Les Phéniciens, rois du commerce, transportaient dans les soutes de leurs navires tant de marchandises et de toutes sortes que l’on ne peut se contenter du trait quelque peu méprisant d’Homère décrivant des "marins rapaces dont les noirs vaisseaux emportent mille camelotes". D’une part, parce qu’ils ont fait preuve d’un art parfois très raffiné. Et surtout parce que, de l’alphabet à l’encens en passant par épices et productions artisanales, ces "colporteurs" ont à travers ces mille objets contribué à l’enrichissement et à l’échange entre les civilisations du bassin méditerranéen.

La Méditerranée des Phéniciens, de Tyr à Carthage
Institut du Monde Arabe
1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed-V, Paris 5ème
Jusqu’au 20 avril 2008
Du mardi au vendredi de 10h à 18h
Les week-ends et jours fériés de 10h à 19h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Entrée 10 € (TR 8 € et 6 €)
Visite conférence 13 € (TR 11 € et 9 €) Tous les jours sauf le lundi à 14h30 et 16h.
IMA PASS (Musée & Exposition) : 12 € (TR 10 € et 8 €)
Catalogue de l’exposition (IMA / Somogy), 408 p., 59 €

Facebooktwitter

Gustave Courbet au Grand Palais

Courbet, Les baigneusesIl était temps de passer à autre chose. Foin de la froideur académique, foin du romantisme exalté – quoique Le désespéré en manifeste les derniers soubresauts – Gustave Courbet (1819-1877) voulait peindre autrement.
Il le fit, heurtant la suffisance bourgeoise en bousculant les clichés de son temps.
Des grands formats, réservés à la peinture religieuse ou historique, il fait des scènes profanes, qui, tels Un Enterrement à Ornans et L’Atelier du peintre scandalisent.
Des nus, il rejette la représentation irréelle des chairs transparentes et la morphologie idéale empruntée à la Grèce classique.
Des paysages, il supprime l’espace, l’air, le recul.
Voici donc Le Réalisme de G. Courbet, du nom qu’il donna lui-même à l’exposition de ses oeuvres qu’il organisa dans un pavillon en marge de l’Exposition Universelle de 1855.
La nature, la nature, rien que la nature.
Elle est brute, dense, presque agressive.
Il n’y a qu’à voir ses paysages. Qu’il choisisse les falaises d’Etretat, les grottes de la Loue, ou encore un arbre – Le chêne de Flagey -, Courbet peint toujours du massif, du solide, et en très gros plan. Même dans ses marines, l’on ne sent que la puissance des vagues, la lourdeur des nuages gris, l’abondance de l’écume d’une eau épaisse et foncée.
Car Courbet, par une représentation matérielle très présente semble souvent se situer dans l’affirmation d’une force .
Une manière qui sert "la vérité" ; et là est bien son idée. Cela est manifeste dans les scènes campagnardes comme Les Paysans de Flagey revenant de la foire, où l’on sent toute l’empathie et la proximité du peintre pour sa région d’origine – la Franche-Comté – et ses habitants : serrant dans sa grande toile moult personnages qu’accompagnent chevaux, vaches et cochon, travaillant le paysage de façon très secondaire, Courbet sert véritablement son sujet en lui ôtant tout caractère pittoresque. L’éclairage du tableau, évoquant la fin du jour, cette heure "entre deux lumières", n’est pas non plus pour rien dans ce saisissant réalisme.
Mais c’est dans ses portraits et ses nus que Courbet est certainement le plus remarquable.
Paradoxalement pourrait-on dire, ses portraits évoquent souvent la douceur. Les personnages semblent montrés dans leur humanité, à la fois simple et complexe. Il a peint l’abandon de L’Homme blessé, allongé contre un arbre ; la mise en situation est convaincante. Il a peint Un chasseur sans le caricaturer ni l’idéaliser (il était lui-même un grand chasseur) : son expression et son profil doux, la sensualité de sa barbe sont pour le moins inattendus.
Il a croqué les femmes avec des nuances infinies, telle l’une de ses quatre soeurs cadettes, Juliette, avec une petit air mystérieux, mi-boudeuse, mi-fiérote, enfantine et pensive.
Et que dire de la salle réservée aux nus féminins, clou de l’exposition qui, bien au-delà du côté devenu anecdotique de L’Origine du monde montre le talent de Courbet : des chairs vivantes et dodues, des poses audacieuses… il ne s’agit pas visiblement pour l’artiste de montrer seulement une sensualité alanguie, mais aussi toute la part de jeu que la pose et l’expression de ces femmes dénudées révèlent.

Gustave Courbet
Galeries nationales du Grand Palais
Paris 8ème, M° Champs-Elysée-Clémenceau
Jusqu’au 28 janvier 2008
Tlj sf le mardi de 10 h à 22 h (jeudi jusqu’à 20 h)
Entrée 10 € (TR 8 €)
Catalogue de l’exposition édité par la Réunion des musées nationaux, 479 p. 49 €

Image : Les Baigneuses, 1853, Huile sur toile 227 x 193, Musée Fabre, Montpellier Agglomération © Photo Frédéric Jaulmes

Facebooktwitter

Neige. Orhan Pamuk

Neige, Orhan PamukNeige, publié en 2005 a connu un grand succès critique et public. Parmi ses précédents romans, Le livre noir et Mon nom est rouge ont valu à l’écrivain turc Orhan Pamuk une grande renommée et de nombreuses distinctions. Son dernier roman, Istanbul, Souvenirs d’une ville a été publié en 2007.
Le magnifique Neige est réédité en poche cette année.

Ka, poète turc réfugié politique en Allemagne depuis 15 ans revient dans la ville de Kars pour y réaliser un reportage sur le phénomène du suicide des filles voilées, mais aussi dans le secret espoir d’y retrouver et conquérir Ipek, ancienne et belle camarade d’université.
Une neige épaisse et continue tombe sur Kars. Dans cette ville pauvre et reculée d’Anatolie qui, à la veille des élections municipales va se retrouvée coupée du monde par la neige, vont se dérouler d’étranges journées au cours desquelles Ka sera sans cesse pris à parti.

Après l’assassinat d’un directeur d’école laïque par un extrémiste islamique, une représentation théâtrale kémaliste cousue du fil blanc par les autorités pousse les jeunes étudiants de l’école de prédicateurs à l’affrontement, aussitôt réprimé par l’armée qui réalise à cette occasion et dans un bain de sang un putsch militaire.
Au fil de ses promenades dans la ville, où chacun des camps et la grande diversité des positions des habitants l’interpellent pour lui livrer son point de vue et lui demander son avis, le poète Ka se retrouve tout à tour confronté à des conversations dans lesquelles il finit par donner raison à tout le monde.
Mais dans le fond, il est uniquement préoccupé par Ipek, qu’il souhaite très fort pouvoir emmener avec lui à Francfort, et par les poésies qui jaillissent à nouveau en lui lors de fulgurantes inspirations.

Emu par la beauté de la neige, troublé par son amour, bouleversé par la poésie, Ka réalise que ses convictions politiques marquées à gauche, forgées par les idées démocratiques et laïques ont perdu la force de ses jeunes années.

Au fil d’une écriture et d’un récit empreints de poésie – magnifiée par l’omniprésence de la neige – Pamuk livre sur les questions religieuses et politiques en Turquie un regard nuancé, qui éclaire mille facettes, ne simplifie jamais et questionne sans cesse. A lire absolument.

Neige. Orhan Pamuk
Gallimard, Du monde entier, 2005, 485 p., 22,50 €
et en Folio, 640 p., 8,20 €

Facebooktwitter