La maison des Atlantes, Angelo Rinaldi

Pas très sympathique le narrateur de ce roman prix Fémina 1971. Le témoignage de ce bourgeois plein de ressentiment sur l’enfance pauvre qu’il a vécue, plein de mépris pour cette île qui l’a vu naître, qui s’étend sur ses malheurs de mari délaissé par sa femme pour d’autres hommes plus excitants, n’est pas non plus d’une crédibilité souveraine.

Le parti-pris formel est boiteux : cet avocat de la cinquantaine se sent malade et écrit à un fils bien peu consistant dont le prénom n’apparaît que parfois, pour rappeler à qui s’adresse le récit de ses déboires intimes. Il n’est pas écrivain mais tente de l’être à l’aide de phrases souvent pesantes. Ses jugements moraux paraissent très surannés.

La maison des Atlantes est cet hôtel particulier d’une ville de Corse où travaillait sa mère Saveria comme domestique : il se souvient de « la Saveria qui interroge avidement un instituteur crasseux sur mes succès scolaires, et que je fuis parce qu’elle me fait honte ». Honte d’autant plus exacerbée qu’il vivent tous deux au sein même de cette bourgeoisie qui devient le symbole des vices humains, particulièrement sur le plan sexuel.

C’est ainsi qu’il découvre, enfant, la relation secrète entre le maître de maison et le cordonnier bossu. Cela lui vaut tout de même la protection dudit maître qui achète son silence en lui payant ses études. (Ce n’est peut-être pas pour rien aussi que le curé ami de la maison a pour surnom Paulette). Marié avec une digne représentante de la bourgeoisie, il s’aperçoit que son comportement avec d’autres hommes relève de la nymphomanie.

Avec son île natale, le narrateur n’est pas plus tendre : on y parle un patois, il y règne le bakchich et les arrangements avec les hommes politiques, alors que lui-même est d’une « race, grande et bien charpentée, par exception, au pays des bassets noirauds ». Les femmes, quant à elles, « étaient d’une inculture rare et (…) d’une bêtise pépiante à l’italienne ».

Pour lui qui avouait « j’étudiais pour effacer l’odeur de pauvreté », la scène de la distribution des prix de fin d’année du lycée est révélatrice de sa sortie de la condition miséreuse. Il réussit à éviter la présence de sa mère à cette cérémonie et peut apprécier les délices du transfuge de classe : « Celle-ci se déroula avec sa lenteur habituelle, tandis qu’augmentait mon impatience, contrebalancée par l’impression exaltante de n’être que le fils de mes œuvres, sans passé, sans famille, tellement plus libre, à tout prendre, que mes condisciples flanqués de parents, d’oncles et de cousines en grand tralala qui piaillaient ».

Un roman, lu après des années d’exploration de cette thématique devenue classique, qui semble venir d’une époque très lointaine.

Andreossi

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