Voix off. Denis Podadydès

Denis Podalydès, Voix off au Mercure de FranceTant de voix font un homme ; et peut-être plus de voix encore forment un comédien.
Les convoquant toutes, Denis Podalydès trace, au filet de ses voix, une manière d’autobiographie, toute en ondulations.

Au commencement, il y a la voix familiale, celle de sa grand-mère maternelle, de sa mère et de ses frères, qui est aussi la sienne lorsqu’il se trouve embarrassé, intimidé, emprunté. Une voix qui monte haut, se réfugie dans les aigus jusque dans le nez.
De la voix de sa grand-mère aussi respectée que crainte lui reviennent ces déjeuners hebdomadaires dans l’immeuble familial versaillais et son positionnement, dès l’enfance, dans la fratrie : il est déjà l’amateur de belles lettres, l’esprit nourri et délicat des quatre garçons.

De la bibliothèque (où il "règne une nostalgie féconde et radieuse, une douceur d’arrière saison, avec cette lame de soleil qui traverse à l’horizontale le salon, à cinq heures du soir au début de l’automne, une douceur de buffet garni, de vieux livres de la NRF…") à la librairie de son aïeule, le jeune Denis ne quitte guère le monde des livres, mais c’est au lycée, auprès d’un camarade de classe lui faisant découvrir Proust dans un passage d‘Albertine disparue ("Que le jour est lent à mourir par ces soirs démesurés de l’été"), qu’il découvre le plaisir incommensurable de poser sa voix dans la littérature et la littérature dans sa voix. S’installe alors en lui, pour ne plus le quitter, le besoin de dire, pour mieux les savourer, les textes aimés.

Si les voix des auteurs classiques ont alimenté et modelé sa voix intérieure, c’est avec celles des grands comédiens qu’il a exercé et trouvé sa voix de scène. Ses écoutes, empreintes d’autant d’attention que d’admiration, ses propres répétitions et imitations ont été et demeurent inlassables. Les évoquer à l’écrit serait vain si elles n’étaient pas perçues et restituées avec la sensibilité de Denis Podalydès, dont on connaît, depuis Scènes de la vie d’acteur, son premier ouvrage, la plume finement travaillée. Les descriptions de voix qu’il nous livre ici sont délicieuses de précisions métaphoriques et soulignent à merveille l’insaisissable matérialité, la puissance d’évocation et les réserves de séduction contenues dans une voix :

Voix de Jean-Louis Trintignant.
Avance à plat jusqu’à la finale, d’un mouvement décisif, régulier, faisant converger la phrase et la mélodie vers le même noeud de sens, qui lui donne sa charge et sa sensualité. Le petit repli délicat, au bout de la dernière syllabe, dit la pointe d’accent du Midi, et délivre en même temps la nuance ironique, amusée, tendre, qui gît dans la voix de Jean-Louis Trintignant. Son mordant est vivace, sa cruauté, infiniment précise, lorsque le rôle réclame qu’il libère les chiens féroces, trop longtemps contenus, de son timbre puissant. (…). Voix tapie prête à bondir, articulée dans une concentration qui parvient à résonner sans sécheresse, voluptueuse.

Voix off
Denis Podalydès
Mercure de France
Collection Traits et portraits
Livre + CD, 250 p., 25 €

Facebooktwitter

Florence, la célébration du Printemps

Botticelli, Le Printemps, OfficesAller à Florence hors saison, c’est entrer à la Galerie des Offices comme en son palais, arpenter les salles de la Galerie Palatine dans un silence d’église, n’avoir qu’à choisir sa table pour s’installer à la terrasse d’un café.

Car en février, le froid hiver toscan réserve de belles journées ensoleillées qui donnent tout à coup l’idée du printemps.

Le poète disait, paraît-il, dans la voix de Paul Valéry : "On doit toujours s’excuser de parler de peinture". On s’en s’abstient pourtant le plus souvent, tant la peinture touche qui a envie de voir, tant elle fait surgir des sentiments d’ordinaire enfouis sous la précipitation des "activités" : chacun prend la liberté de parler de peinture parce que la contemplation d’un tableau, rencontre d’un individu avec une œuvre, est toujours singulière.

Mais pourquoi un tableau nous touche-t-il davantage qu’un autre ? Sa beauté ? Certes, mais parfois, plus encore, sa richesse. On a souvent envie de s’attarder devant les peintures qui ne se révèlent pas au premier regard. On aime qu’un tableau nous séduise par sa beauté mais aussi, et tout autant, qu’il nous intrigue. Siri Hustvedt a brillamment mis en évidence ce phénomène dans son essai, déjà évoqué, Le mystère du rectangle.

C’est peut-être ce qui explique qu’à Florence, dans la salle des Offices où sont réunis les Botticelli, la contemplation du Printemps s’avère plus passionnante encore que celle de la splendide Naissance de Venus.
Est-ce la multiplicité des personnages et des allégories possibles, est-ce l’incertitude quant à leurs rôles respectifs qui nous attirent dans ce tableau ? Est-ce le décor végétal naturel qui semble comme suspendu dans les airs sur son tapis de fleurs ? Est-ce cette expression rêveuse et un peu équivoque sur le visage et dans les yeux de Flore couverte de fleurs ?
Sur tout cela à la fois, il y va de ce que l’on voit et de ce de que l’on imagine, du désigné et de l’invisible, et de toutes ces intrigues qui se superposent à une composition d’une beauté remarquable, aux couleurs et aux détails si délicats.

Mais ici, on pense aussi à la magie du lien entre le geste d’un artiste, vieux de plus de cinq siècles, et notre regard de visiteur d’un jour ; ce geste qui rejoint et réunit la communauté d’hommes de tous horizons et de toutes époques qui, chacun à sa manière, en peignant, en parlant, en écrivant, ou juste en regardant et en respirant aiment célébrer encore et toujours l’éternel retour du Printemps.

Galleria degli Uffizi

Primavera, Sandro Botticelli, vers 1482, peinture (tempera) sur panneau de bois, 203 × 314 cm, Galerie des Offices

Facebooktwitter

L'Autre

L'Autre, avec Dominique BlancL’Autre est d’abord l’occasion de retrouver à l’écran la magnifique Dominique Blanc, justement récompensée pour ce rôle au festival de Venise.

Elle y incarne Anne-Marie, une assistante sociale divorcée de quarante-sept ans, qui entend enfin "vivre sa vie". Cette raison, précisément, l’amène à rompre – presque joyeusement – avec Alex, son jeune et bel ami du moment qui, lui, souhaite s’engager dans une relation maritale.
Peu de temps après, celui-ci annonce à Anne-Marie qu’il a retrouvé "quelqu’un". Cette fois, le désir de vie commune est partagé.

Peut-être Anne-Marie entre-t-elle dans le cercle infernal de la jalousie au moment où, pressé par ses questions, Alex lui apprend que sa nouvelle compagne a le même âge qu’elle. A cet instant, la si légère et assurée Anne-Marie se trouble ; un voile se déchire et un souffle irrésistible l’attire vers cette Autre dont Alex refuse de dire le nom. Le chemin que prend alors Anne-Marie va la mener à une descente aux enfers, où la connaissance de cette femme devient une obsession. Que fait-elle, où habite-t-elle, comment vit-elle,… qui est-elle ?? Le monde d’Anne-Marie se referme sur cette quête. Dans son appartement hautement sécurisé, la femme moderne, indépendante, qui "contrôle tout", se met à perdre complètement les pédales.
Mais, au bout de sa folie, réalise-t-elle que cette rivale traquée sans relâche n’est peut-être autre qu’elle-même ? Comme si, à travers sa soif de tout savoir de cette congénère il y avait l’attrait – autant que la répugnance – pour soi-même ?

Dominique Blanc, dont le talent excède la mesure du prêt-à-jouer, endosse ce rôle de haute-couture avec une maestria époustouflante. Elle révèle petit à petit la jalousie et l’angoisse qui peuvent surgir sans crier gare derrière la tranquillité d’un individu apparemment tout à fait à l’aise dans ses baskets.
La mise en scène porte cette traversée de façon magistrale, filmant la banlieue parisienne d’une façon nouvelle, loin de tout cliché, s’attardant sur les architectures modernes, bureaux et appartements hauts perchés, centre commercial devenu refuge des moments d’intimité, y compris pour écouter un morceau de piano, RER, arrêts de bus, voies périphériques empruntées sans cesse. Les cinéastes en font un monde à part entière, l’univers – comme un autre, mais qui en constitue un de bien précis – dans lequel leurs personnages travaillent, vivent, aiment. Aucun jugement, mais des glissements de caméra dans la nuit et les lumières qui, sur une très belle photo, invitent tour à tour à la poésie ou à l’inquiétude. Quant à la dimension fantastique, souvent frôlée pour mieux évoquer le trouble d’Anne-Marie, elle contribue à conférer une ambiance singulière à ce film ambitieux, brillant et tenu de bout en bout.

L’Autre
Un film de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic
Avec Dominique Blanc, Cyril Gueï
Durée 1 h 37

Facebooktwitter

Fugitives. Alice Munro

Fugitives, Alice Munro, Editions de l'OlivierIl existe mille manières de partir. Mais toujours, au départ, il y a cet appel vers l’inconnu ; ou la rencontre de l’inconnu, qui donne envie de tout planter là, et transforme le chemin en fugue.

Tel est le fil qui relie ces huit nouvelles, dans lesquelles Alice Munro fait de chacune de ses héroïnes des fugitives.
L’inconnue de Carla, éleveuse de chevaux n’est autre que sa voisine, Sylvia. Celle-ci deviendra vite l’amie qui l’aidera à fuir un mari inattentif. Mais la véritable inconnue de Carla est peut-être Carla elle-même : elle ne saura ce qu’elle veut vraiment qu’une fois l’autobus parti.

L’inconnu de Juliet, jeune professeur de grec ancien est un homme rencontré dans un train, le premier à s’intéresser à elle, même lorsqu’elle se met à parler de mythologie. Mais inconnu il ne restera pas ; et ici aussi la révélation est au bout de la fugue.

Plus tard, ce sera au tour de Pénélope, la fille de Juliet, devenue jeune femme, de prendre la poudre d’escampette. L’inconnu qui l’appelle a pour nom "quête spirituelle". Il paraît que c’est la seule chose qui lui a manqué et qu’elle en était "affamée"

De ces histoires et de toutes les autres, Alice Munro fait des récits captivants. En quelques paragraphes elle intrigue le lecteur pour mieux l’immerger dans ces vies singulières, composées avec une efficacité redoutable, donnant ainsi à chacune de ses nouvelles la force et l’ampleur du roman.
Si ses personnages n’ont rien d’héroïques au départ, en se laissant séduire par l’inconnu elles se laissent entraîner sur la route inconfortable et excitante du mystère et de la découverte, pour trouver plus tard des réponses aux questions enfin révélées. Aucune ne reviendra strictement à son point initial. Car chez Alice Munro, la fuite est aussi l’art de faire changer les perspectives…

Fugitives
Alice Munro
Editions de l’Olivier (2008)
Traduit de l’anglais (Canada) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso
342 p., 22 €

Facebooktwitter

Ô Carmen. Théâtre du Rond-Point

O Carmen, Olivier Martin-Salvat au théâtre du Rond-PointUne belle corpulence, un pantalon de bleu de travail, des pataugas beige, bretelles et tee-shirt assortis : ainsi se présente Olivier Martin-Salvan, seul en scène (avec pour complice le pianiste Aurélien Richard, lui plutôt filiforme mais pareillement accoutré) pour jouer une heure et quart durant toutes les étapes qui vont précéder une représentation de Carmen.

L’histoire commence dès les auditions, à l’issue desquelles le jeune Louis se voit embauché pour être la doublure de Don José. Elle se poursuit avec le metteur en scène, le chef costumier, la maquilleuse, le chef d’orchestre, et même la caissière de cet opéra de province… Jusqu’aux grands rôles du célèbre opéra de Georges Bizet, personne ne manque, Olivier Martin-Salvan les interprète tous. Il passe d’un personnage à un autre avec une aisance prodigieuse, mime, bondit, chante et parodie, perd des litres d’eau et ne baisse jamais le rythme.

Ses talents d’imitateur mêlés à son inventivité, son bonheur de jouer et sa présence créent un climat de complicité avec le public, qui savoure son humour, rit souvent et sourit de bout en bout. Au passage, les grands airs de Carmen lui seront donnés par le comédien lui-même, qui en quelques instants semble réinventer la magie de l’opéra, du spectacle bien fait, et de ses illusions.

Ô Carmen
Théâtre du Rond Point
2 bis, av. Franklin D. Roosevelt – Paris 8ème
Jusqu’au 28 février 2009
A 18 h 30, durée 1 h 15
De Olivier Martin-Salvan, Anne Reulet-Simon, Nicolas Vial
Avec Olivier Martin-Salvan
Pianiste et chef de chant Aurélien Richard
Mise en scène Nicolas Vial
Dramaturgie Anne Reulet-Simon
Composition originale Aurélien Richard
Places de 10 € à 28 €

Photo Olivier Martin-Salvan © Brigitte Enguerand

Facebooktwitter

Fauves hongrois, 1904-1914 – La leçon de Matisse

Fauves hongrois à DijonAprès le musée d’art moderne de Céret, puis le musée Matisse du Cateau-Cambresis, c’est au tour du musée des beaux-arts de Dijon d’accueillir la très belle exposition Fauves hongrois.

Pour cette ultime étape, la sélection de près d’une centaine de tableaux d’artistes hongrois est complétée de plus de cinquante œuvres des maîtres français du Fauvisme : Matisse en premier lieu, bien sûr, mais aussi Derain, Vlaminck, Marquet, Dufy ou encore Van Dongen.
De quoi prendre des couleurs pleins les yeux, tout en jouant les confrontations entre ces "groupes" de grands Fauves…

Fauves hongrois, 1904-1914 – La leçon de Matisse
Du 14 mars au 15 juin 2009
Musée des beaux-arts de Dijon
Palais des ducs et des états de bourgogne 21033 Dijon
TLJ sauf les mardis, 1er et 8 mai
De 10h à 17h jusqu’au 30 avril puis de 9h30 à 18h à partir du 2 mai
Entrée 7 € (TR 4 €, voire gratuité)

Catalogue, 264 p. 39 € (co-édition Biro, musée d’Art moderne de Céret, musée Matisse le Cateau-Cambrésis et musée des beaux-arts de Dijon).
Pour l’exposition dijonnaise, il est enrichi d’un album présentant le volet de l’exposition consacré au fauvisme français.

Image : Vilmos Perlrott Csaba, Nature morte à l’horloge, vers 1910, Huile sur toile, 77 x 67 cm, Kecskemet (Hongrie), Kecskeméti Képtár

Facebooktwitter

Table ronde – Le primitivisme : racines de l’art moderne et contemporain ?

Pollock et le chamanisme, table ronde sur le primitivismeMercredi 4 févier, dans le cadre de l’exposition « Pollock et le chamanisme« , la Pinacothèque de Paris propose une table ronde sur le thème « Le primitivisme : racines de l’art moderne et contemporain ? ».

Marc Restillini (directeur de la Pinacothèque de Paris), Françoise Michel-Jones (anthropologue, sociologue, maître de conférences à l’Université de Picardie), Eric de Chassey (professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université de Tours), Christine Valluet (directrice de la galerie Schoffel-Valluet à Paris), Philippe Peltier (conservateur en chef, Musée du quai Branly) et Didier Ottinger (conservateur en chef, Musée national d’art moderne) échangeront leurs points de vue autour de Guy Boyer, directeur de la rédaction de Connaissance des Arts.

Qu’est-ce que le primitivisme ?, Comment l’art et la culture des sociétés tribales sont-ils devenus des objets d’intérêt artistique ? ou encore Le primitivisme dans l’art contemporain seront quelques unes des questions abordées au cours de cette soirée.

Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
Mercredi 4 février 2009
A 19 h, durée 1 h – 1 h 30
Inscription sur réservation :
servicedespublics@pinacotheque.com
Tel : 01 42 68 81 07

Facebooktwitter

Un garçon impossible. Théâtre du Rond-Point

Un garçon impossible au théâtre du Rond-PointUn garçon impossible, de Petter S. Rosenlund (né en Norvège en 1967) a été montée pour la première fois en 1997 au Théâtre Trøndelag. Distinguée par le prix Ibsen 1998, la pièce a depuis été présentée deux fois en France, au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis par Stanislas Nordey, puis au Studio Théâtre de la Comédie Française dans une mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia en 2000.

Un garçon impossible est cette saison donnée au Théâtre du Rond-Point dans la grande salle Renaud-Barrault. Le plateau réunit des comédiens de renom, au premier rang desquels Isabelle Carré, tandis que le chef d’orchestre n’est autre que Jean-Michel Ribes, le maître des lieux.

La pièce se déroule dans un hôpital (décor assez impressionnant en carrelages et plexiglas un peu glauques) où Cécilie, ravissante infirmière, jeune et blonde mais esseulée (Isabelle Carré) harcèle son amant, Henrik, médecin fat en costume trois pièces (joué par Eric Berger, le grand dadais de Tanguy chez Chatiliez). Naturellement, Henrik est tout autant harcelé, via téléphone portable, par son épouse désœuvrée et en mal d’enfant.
Un garçon impossible, avec Isabelle CarréSur cette ligne de départ (un schéma usé jusqu’à la corde), arrivent Sylvia (Hélène Viaux) et son fils Jim, âgé de huit ans (joué par le longiligne Micha Lescot) pour un prétendu problème d’audition : Jim n’entendrait pas la voix de son grand-père, mort, selon les précisions de Sylvia.

On change alors de registre, le bizarre fait son apparition. Impression confirmée : le grand-père (Jean-Yves Chatelais) est tellement trépassé que le voici qui déboule, tonitruant, plein de voix et de vie (et de vices, comme on ne tardera pas à l’apprendre).
Dans la foulée, tandis que Cécilie tente (avec beaucoup d’efficacité) de séduire le petit Jim, Sylvia annonce que le père du gamin n’est autre que Henrik, le médecin tout à fait empêtré. Pour finir, le môme liquidera tout le monde, car visiblement tous commencent à l’emmerder sérieusement.

Quel est le propos de cette pièce ? Le travail de Jean-Michel Ribes n’en donne qu’une vague idée. Mélange de vaudeville, de théâtre de l’absurde et de chronique du monde contemporain (quoique…) avec ses individus névrosés, pervers et violents : le spectateur a du mal à comprendre de quoi la pièce parle exactement, et surtout à en être touché.
La mise en scène, qui manque d’idée et se réfugie avec constance dans l’excès, n’est peut-être pas pour rien dans l’indifférence et l’ennui qui s’emparent progressivement du public.
L’humour est censé être grinçant. Est-il seulement ? Le fait est que personne ne rit. Quant à la noirceur de la pièce, elle semble étouffée sous les cris d’hystérie qui seuls, de bout en bout, semblent inspirer la direction d’acteurs.
Malgré l’envie de saluer les efforts des comédiens, dont on souffre de voir le talent ainsi quelque peu gâché, les applaudissements restent tièdes, avant, que, très vite, la salle pleine à craquer ne se désemplisse dans le silence et la désolation.

Un garçon impossible
De Petter S. Rosenlund
Traduit du norvégien par Terje Sinding
Mise en scène Jean-Michel Ribes
Avec Éric Berger, Isabelle Carré, Jean-Yves Chatelais, Micha Lescot, Hélène Viaux
Décors Patrick Dutertre
Théâtre du Rond-Point
2bis, av. Franklin D. Roosevelt – Paris 8ème
M°Franklin D. Roosevelt ou Champs-Élysées Clemenceau, bus 28, 42, 73, 80, 83, 93 Jusqu’au 28 février 2009
A 21 h, le dimanche à 15 h
Durée 1 h 20 sans entracte
Places de 10 € à 33 €

Photos © Brigitte Enguerand

Facebooktwitter

Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard. Alain Fleischer

Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard, Alain FleischerLorsqu’on annonce Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard, on voit les yeux de ses interlocuteurs s’arrondir comme sous l’effet d’une trouble frayeur. Si le cinéaste a sa renommée, l’homme a aussi la sienne, et elle moins flatteuse que la première. Alain Fleischer n’en a eu cure, qui est allé "s’y coller", recueillir auprès du grand maître, à sa demande, ses réflexions sur le cinéma et l’image.

Le premier mérite d’Alain Fleischer, cinéaste, photographe, écrivain et directeur de l’école d’art audiovisuel du Fresnoy à Tourcoing, qui n’ose pas appeler "film" son documentaire, est de n’avoir pas voulu retirer son pied, une fois glissé dans la porte de M. Godard. Le tournage a duré un an et demi, dans des conditions pas toujours faciles, avec un refus de la part de l’artiste de tout dispositif cinématographique autour de lui. L’image est donc brute, presque artisanale.

Mais le plus grand mérite de l’opiniâtre Fleischer est d’avoir réussi, malgré l’aspect parfois décousu de son film, et malgré les difficultés inhérentes au discours même de Godard, souvent plein de détours, à réaliser un documentaire passionnant même pour les non-initiés. Cette réussite tient sans doute à la distance, intellectuelle comme affective, que le réalisateur a su garder vis-à-vis de son personnage, évitant l’exercice d’admiration comme la facilité d’un portrait à charge.

Jean-Luc Godard est successivement dans sa maison et dans son studio en Suisse, puis au Fresnoy, visitant une exposition d’installations vidéos des étudiants de l’école, et enfin dans sa propre exposition (avortée) au Centre Pompidou en 2006.
Evidemment, il délivre sa vérité, fait la leçon à des étudiants tour à tour captivés et perplexes, martelant entre deux tétées de cigare que le cinéma est ce qui doit montrer ce que seule la caméra peut montrer ; que le cinéma doit révéler de l’Homme un aspect jusqu’alors inconnu à lui-même ; que la caméra n’est pas une certitude mais un doute, etc. Cahin-caha, il y a toujours à prendre et à apprendre chez cet immense théoricien.

Au cours de conversations avec le producteur Dominique Païni, les critiques Jean Narboni et Christophe Kantcheff, les cinéastes Jean-Marie Straub, Danièle Huillet et André S. Labarthe, l’on aime écouter le brillant orateur et penseur, l’on s’amuse aussi à relever ses contradictions ou son chic pour "botter en touche" sans en avoir l’air lorsqu’il se sent pris dans le filet de son interlocuteur.
Car en définitive, c’est un Godard très humain, voire émouvant qu’Alain Fleischer nous donne à voir et à entendre, doutant plus qu’il n’y paraît (malgré ses jugements tranchants), y compris de son propre travail ; ne cessant de réfléchir et de créer ; homme âgé constatant le passage à une époque qui ne lui appartient plus ; rendant hommage aux pionniers du cinéma et à l’Histoire ; et, à la toute fin du film, regrettant, dans les larmes, de n’avoir pas été suffisamment compris et "reconnu"

Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard
Filmés par Alain Fleischer
Durée 2 h 05
Photos et extraits sur www.editionsmontparnasse.fr

Au Reflet-Medicis – 3, rue Champollion – Paris 5°
Séance tous les soir jusqu’au 3 février
puis hebdomadaire du 4 février au 12 mars
Séance du jeudi suivie d’un débat pendant les 2 mois de programmation :
29 janvier : Arnaud des Pallières, cinéaste
5 février : André S. Labarthe, cinéaste
12 février : Catherine Millet et Jacques Henric, écrivains
19 février : Sarkis, artiste
26 février : Nicole Brenez, essayiste, réalisatrice et professeur de cinéma
5 mars : Alain Bergala, essayiste, réalisateur et professeur de cinéma
En mars : Jean Nouvel, architecte

Au Fresnoy à Tourcoing, semaine du 4 février

Au Cratère à Toulouse, semaine du 4 mars
rencontre prévue le 7 mars avec Dominique Païni et Alain Fleischer

A l’Institut de l’Image à Aix-en-Provence, séance spéciale le 9 mars
présentée par Marc Cerisuelo, professeur d’histoire et d’esthétique du cinéma à l’Université de Provence

A venir :
Au Concorde à Nantes Au Café des Images à Hérouville Saint-Clair
Au CNP Odéon à Lyon…

Facebooktwitter

Alexandre Trauner et Júlia Vajda à l'Institut Hongrois

Alexandre Trauner, Hôtel du Nord, Institut Hongrois de ParisLa première des deux expositions présentées jusqu’au 28 février à l’Institut Hongrois de Paris (situé à deux pas du jardin du Luxembourg) concerne un artiste dont l’univers nous est bien familier.

Il s’agit du décorateur de cinéma Alexandre Trauner, natif de Budapest (1906), émigré à Paris en 1930, où il a travaillé avec les plus grands réalisateurs, au premier rang desquels Marcel Carné, avant de partir pour les Etats-Unis dans les années 1950 collaborer avec Orson Welles, Howard Hawks, Billy Wilder (Oscar du meilleur décor pour La garçonnière en 1960)… De retour en Europe, il crée notamment les décors de Don Giovanni et Monsieur Klein de Joseph Losey, ou encore de Subway de Luc Besson, qui lui valut un César.

Pour la préparation de ses décors de films, outre les dessins et peintures, exposés dans les années 1980, Alexandre Trauner réalisait également de nombreuses photographies, sans se considérer le moins du monde comme un photographe, lui qui a été l’ami de Brassaï, David Seymour, Doisneau, Willis et Boubat entre autres.
Les photos visibles à l’Institut Hongrois, découvertes après sa mort en 1993 nous plongent avec émotion dans le cadre du célèbre film de Marcel Carné Hôtel du Nord. Ce ne sont pas des vues du tournage, mais de simples photos qu’il a prises en repérage, autour d’un canal Saint-Martin bien différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. En 1937, il y avait davantage de péniches sur l’eau que de piétons, bicyclettes et autos sur ses berges. Les constructions étaient basses et retirées, l’espace libre offrait de belles perspectives qu’Alexandre Trauner a mis en valeur avec art. La ballade poétique dans le Paris en noir et blanc des années 1930 se poursuit avec des photos d’entrées de métro et de portes Art Nouveau, ou encore des vitrines de cafés ou de petits commerces avec leurs enseignes amusantes telles ce "Fritures et primeurs" ou ce salon de coiffure promettant un "service antiseptique"

Julia Vajda à l'Institut Hongrois de ParisA l’étage, l’autre exposition est consacrée à une artiste hongroise peu connue, Júlia Vajda (1913-1982), épouse du peintre Lajos Vajda. En recherche tout au long de sa vie entièrement dédiée à la peinture, Júlia Vajda a exploré différents styles, y compris durant les longues et souterraines années du Rideau de fer. Aujourd’hui, son pays souhaite faire connaître au public hongrois et étranger cette artiste dont l’oeuvre abondante et singulière s’inscrit, malgré l’isolement, dans les courants picturaux européens de son temps.
L’exposition parisienne montre des collages ainsi que des dessins à l’encre de chine, des aquarelles, tempera et huiles sur carton ou sur papier, où lignes entremêlées, crochets et cascades tracent des univers étranges, parfois tourmentés et souvent oniriques.

Hôtel du Nord.Alexandre Trauner
Paysages intérieurs. Júlia Vajda
Jusqu’au 28 février 2008
Institut Hongrois de Paris
92, rue Bonaparte – Paris 6ème
TLJ sauf dim., du lun. au jeu. de 9 h à 21 h, ven. de 9 h à 19 h, sam. de 14 h à 19 h

Facebooktwitter